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Décisions

CA Bourges, ch. civ., 17 juin 2002, n° 01-01298

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Manitou BF (SA)

Défendeur :

Centre Matériel Général (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Puechmaille

Conseillers :

MM. Gauthier, Lachal

Avoués :

Me Tracol, Guillaumin

Avocats :

Mes Plichon, SCP Threard, Léger, Bourgeon, Meresse

T. com. Nevers, du 23 mai 2001

23 mai 2001

Sur quoi, LA COUR,

Attendu qu'il est constant que les relations contractuelles ayant existé entre les deux parties à l'instance se sont inscrites dans un premier temps dans le cadre d'un contrat écrit d'exclusivité de commercialisation des produits Manitou sur le territoire de la Nèvre signé le 8 juin 1990;

Que postérieurement à la dénonciation de ce contrat en 1993 elles se sont inscrites dans le cadre d'un contrat verbal de concession à durée indéterminée;

Que dès lors les clauses du contrat écrit ne sauraient trouver application en l'espèce, en particulier l'article 8.b stipulant l'absence de cessibilité du contrat dont se prévaut la société Manitou; qu'il ne peut s'agir que dune impossibilité de céder sans l'accord préalable du concédant, dont le droit d'agrément trouve par ailleurs ses limites dans l'abus qui peut en être fait ;

Or, attendu que M. Jouot, fondateur et PDG de la société CMG , ayant souhaité en 1996 prendre sa retraite et vendre son entreprise, la société Manitou lui a refusé sans aucun motif légitime toute possibilité de cession globale de celle-cien l'incitant à s'en séparer après l'avoir scindée en deux entités distinctes (Manutention et Travaux Publics);

Que cela résulte tant de la lettre de M. Hervieu, directeur commercial de la société Manitou, du 24 septembre 1996, que de l'attestation de M. Reyne, expert-comptable de la société CMG, présent à la réunion du 26 juin 1996 où fut abordée ici question;

Que M. Guerin, PDG de la société W.41, atteste également avoir été contacté en mai 1996 par M. Hervieu et que lors de la réunion du 26 juin qui a suivi, celui-ci lui ci expressément proposé de reprendre le département Travaux Publics, l'activité Manutention étant réservée à la société ABM, concessionnaire Manitou sur le, département du Cher;

Que l'appelante ne peut prétendre de bonne foi que M. Jouot n'aurait pris aucune initiative pour mener à son terme la cession souhaitée, alors que celui-ci, assisté de sort expert-comptable, a chiffré à la demande de Manitou, le département Manutention de la société CMG, et a fait part de sa proposition, la société ABM qui n'y a jamais donné suite ni formulé la moindre contre-proposition ;

Que pour la première fois en cause d'appel, la société Manitou soutient que la société CMG serait à l'origine de la situation qu'elle dénonce, en raison de le surévaluation de son département Manutention ;

Or attendu que le document daté du 06 mars 2002 émanant de l'expert-comptable sollicité sur ce point par la société Manitou, est contredit par la réponse de l'expert-comptable de la société CMG, M. Reyne, qui fait justement remarquer que la société CMG, grâce à son activité Manutention et les marges qu'elle dégageait, s'est redressée de manière spectaculaire entre 1994 et 1997 ;

Que dans ces conditions, le refus opposé par la société Manitou aux projets de cession de la société CMG à deux sociétés limitrophes de la Nièvre, la société W.41 et la société Cichy, cette dernière située dans l'Yonne étant par ailleurs déjà distributrice des produits Manitou dans ce département, apparaît comme tout à fait injustifié;

Attendu que la société Manitou n'a pas permis d'autre part à la société CMG d'effectuer le préavis d'un an ouvert par sa lettre du 7 juillet 1997, les éléments ci-après démontrant en effet qu'elle ci remis en cause l'exclusivité territoriale de distribution de ses produits par la société CMG;

Qu'ainsi, dès le 15 mai 1997 la société ABM a adressé à l'ensemble de sa clientèle une lettre circulaire mentionnant en gros caractères: "Vente-location chariots élévateurs Manitou" avec l'indication de son établissement secondaire à Marzy près de Nevers, et en tous petits caractères seulement, après la marque Manitou : "sauf 58";

Que la société CMG n'a jamais pu obtenir de la société Manitou communication de l'original de la circulaire prétendument contraire ou rectificative de la société ABM en date du 30 mai 1997:

Que la société CMG ci fait constater par ailleurs à plusieurs reprises les 15 mai, 27 juin, 7 juillet et 20 septembre 1997 par huissier, l'exposition à la vente par la société ABM de matériels neufs et de pièces détachées Manitou;

Que la société Manitou ne saurait se prévaloir ni de l'article 10 des conditions particulières qui prévoient que les atteintes à l'exclusivité doivent être réglées à l'amiable entre les parties, ni du contrat de concession signé le 8 juin 1990 prévoyant que le concédant ne pourra être tenu responsable des ventes qui seraient conclues par d'autres concessionnaires sur son territoire pour l'activité concédée ;

Qu'il incombe en effet à celui qui met en place un réseau exclusif de distribution de faire le nécessaire pour garantir l'exclusivité territoriale concédée au distributeur;

Qu'en tout état de cause la société Manitou, ainsi qu'elle l'indique elle-même, est intervenue dès le mois de mai 1998 auprès de la société ABM pour que cette dernière cesse ses agissements fautifs, reconnaissant par là même son obligation de faire respecter l'exclusivité de ses distributeurs;

Que la société Manitou se prévaut également à tort d'un courrier que lui aurait adressé la société ABM le 30 octobre 1998, s'agissant, d'un document rédigé postérieurement à l'assignation par une société actuellement membre du réseau; que de même c'est en vain qu'elle invoque les termes d'une lettre qu'elle aurait adressée à la société ABM le 4 juillet 1997, s'agissant d'une lettre simple dont on ignore par conséquent si elle a été envoyée et qui n'a de surcroît aucune valeur coercitive ;

Qu'il apparaît en définitive, ainsi que l'a exactement jugé le tribunal, que la société Manitou, liée par contrat verbal de concession à la société CMG, ci délibérément enfreint les règles de droit résultant dudit contrat, d'une part en mettant fin abusivement aux relations commerciales qu'elle entretenait depuis plus de 7 ans avec la société CMG dont elle ci refusé d'agréer sans motif légitime les acquéreurs potentiels, d'autre part en ne respectant pas le préavis d'un an qu'elle avait pourtant elle-même fixé;

Qu'à la suite de cette rupture abusive du contrat de concession, la société CMG a été dans l'impossibilité de retrouver la distribution d'une marque équivalente ;

Que pour chiffrer à 2 025 000 F la perte résultant de l'impossibilité de céder son département Manutention, le tribunal a très justement retenu que la société CMG avait évolué celui-ci courant octobre 1996 à 1 500 000 F et qu'en 1997 ce même département avait progressé de 35 % en moyenne ;

Que la société Manitou ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'a pu examiner les documents comptables de la société CMG, celle-ci ayant l'obligation en sa qualité de concessionnaire de les lui communiquer et de les publier au greffe du Tribunal de commerce de Nevers chaque année ;

Que l'analyse qu'elle a sollicitée de son propre comptable, seulement en mars 2002 pour un litige introduit en 1998, et d'où il ressortirait une absence totale de valorisation du département Manutention de la société CMG, est inopérante dans la mesure où elle confond chiffres d'affaires, résultats et marges, sans tenir compte de l'évolution croissante de la marque Manitou ;

Que la société Manitou soutient tout aussi vainement que le préjudice allégué aurait été subi non pas par la société CMG mais par M. Jouot;

Qu'en sa qualité d'actionnaire de la société CMG celui-ci aurait en effet subi un préjudice personnel s'il avait souhaité vendre les actions de la société, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, seule la cession du fonds de commerce, et en dernier lieu de la branche du fonds constituée par le département Manutention, ayant été envisagée ;

Que c'est donc bien la société CMG et elle seule qui a subi le préjudice consécutif à la résiliation de son contrat de concession et au non respect du préavis ;

Qu'il convient en définitive de confirmer le jugement entrepris tant sur le principe du non respect par la société Manitou de ses obligations contractuelles envers la société CMG, que sur l'évaluation du préjudice qui en est résulté ;

Qu'il serait inéquitable de laisser la société CMG supporter la charge de ses frais irrépétibles en cause d'appel qui seront fixés à 3 000 euro ;

Que la société Manitou qui succombe, aura la charge des dépens de l'instance;

Par ces motifs, LA COUR : statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Condamne la société Manitou à payer à la société Central Matériel Général (CMG) la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la même aux dépens d'appel ; Accorde à Maître Guillaumin, Avoué, le droit prévu à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.