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Décisions

Cass. com., 28 janvier 2003, n° 00-21.606

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Société d'Exploitation du Garage Saint-Pierre (SARL), Garage de la Madeleine (SA), Antemi, Lecointe (ès qual.), Garage de l'autodrome (SA), Garage du Centre (SARL), Venant (SA), Tremelot (ès qual.), Le Morva (SARL)

Défendeur :

Rover France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Ghestin, Me Ricard

Cass. com. n° 00-21.606

28 janvier 2003

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2000) qu'un certain nombre de concessionnaires de la société Rover France (société Rover) considérant que la résiliation des contrats de concession, en application de leurs articles 12-3 et 12-5, à laquelle cette société a procédé, le 12 mars 1998 avec effet au 12 mars 1999, était fondée sur des clauses contractuelles contrevenant aux dispositions de l'article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1475-95 de la Commission du 28 juin 1995 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, ont assigné cette société aux fins de voir déclarer irrégulière cette résiliation et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches et le second moyen, pris en ses deux branches, réunis : - Attendu que la société Exploitation du garage Saint-Pierre, la société Garage de la Madeleine, M. Freddy Antemy, M. Leconte, la société Garage du Centre, la société Venant et M. Tremelot en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Le Morvan (les concessionnaires), font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts formées contre la société Rover France, concédant automobile, alors, selon le moyen : 1°) que l'article 5-3 du règlement CE d'exemption 1475-95 du 28 juin 1995 de la Commission n'autorise un droit de résiliation du fournisseur moyennant un préavis réduit à un an, en cas de nécessité de réorganiser le réseau, qu'à la condition que la nécessité d'une telle réorganisation et que ses modalités aient fait l'objet d'un accord préalable entre les parties ou à dire d'expert ou d'arbitre ; qu'en estimant, dès lors que les articles 12-3 et 12-5 des contrats de concession permettant à la société Rover France de résilier les contrats de concession, moyennant un préavis de 12 mois, en cas de nécessité de réorganiser le réseau, sans accord préalable des parties sur la nécessité et les modalités d'une telle réorganisation ni sans recours préalable à un expert ou arbitre, étaient licites et non contraires au règlement d'exemption, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 1134 du Code civil ; 2°) que les accords interdits en vertu de l'article 85 du traité instituant la Communauté européenne sont nuls de plein droit, sous réserve qu'ils soient conformes à un règlement catégoriel d'exemption visé par ledit texte ; qu'en énonçant dès lors que même si les articles 12-3 et 12-5 des contrats de concession n'étaient pas conformes à l'article 5-3 du règlement d'exemption 1475-95 du 28 juin 1995, leur nullité ne serait encourue que s'ils avaient pour objet ou pour effet de restreindre le libre jeu de la concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 3°) que seules les conventions légalement formées ont force obligatoire ; qu'en estimant que, même contraires au règlement 1475-95 du 28 juin 1995 et aux dispositions de l'article 85 du traité, les articles 12-3 et 12-5 des contrats de concession devaient recevoir exécution, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) que la Cour de justice est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté ; qu'à supposer que l'article 5-3 du règlement d'exemption 1475-95 du 28 juin 1995 n'imposerait pas clairement l'obligation pour le concédant de recourir à une procédure d'accord avec le concessionnaire ou un tiers expert ou un arbitre, sur la nécessité et les modalités d'une réorganisation de son réseau, préalablement à toute résiliation des contrats de concession moyennant un préavis abrégé à 12 mois au lieu de 24, il incomberait à la CJCE, seule compétente, d'interpréter ces dispositions entachées d'une difficulté sérieuse d'interprétation, au regard notamment de la "brochure explicative" rédigée par la Commission; qu'en refusant de poser cette question préjudicielle à la CJCE, la cour d'appel a violé l'article 177 du traité instituant la CEE ; 5°) qu'en toute hypothèse en présence d'un acte présentant une difficulté sérieuse d'interprétation, il incombe à la Cour de cassation de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle de l'interprétation dudit acte à la CJCE ; d'où il suit que la Cour de cassation posera la question préjudicielle de savoir si les dispositions de l'article 5-3 du règlement d'exemption 1475-95 du 28 juin 1995 imposent au concédant la recherche d'un accord préalable avec les concessionnaires concernés ou un tiers expert ou un arbitre sur la nécessité et les modalités d'une réorganisation du réseau avant de pouvoir résilier les contrats de concession moyennant un délai de préavis abrégé à 12 mois, sauf à rendre les accords nuls de plein droit en application de l'article 85 du traité ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève justement que le règlement n° 1475-95 de la Commission du 28 juin 1995, en tant que règlement d'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE, n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leurs contrats, mais se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévues par l'article 81, paragraphe 1 et 2 du traité; qu'ayant constaté qu'il n'est ni établi ni même allégué, que les clauses visées par la demande d'annulation ont pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, ce dont elle a déduit que la demande d'annulation devait être rejetée, la cour d'appel a statué à bon droit;

Et attendu, en second lieu, qu'en l'état de ces motifs, selon lesquels, à supposer les clauses litigieuses du contrat de cession Rover non conformes à l'article 5-3 du règlement d'exemption n° 1475-95 de la Commission du 28 juin 1995 dans l'interprétation qu'en proposaient les concessionnaires, les clauses des articles 12-3 et 12-5 des contrats de concession relatives aux conditions d'exercice du droit de résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée et aux modalités de règlement du litige consécutif à sa mise en œuvre ne pouvaient, en l'état des moyens soutenus, être annulées, la réponse à la question d'interprétation visée à la quatrième et à la cinquième branche du moyen, quelle qu'elle soit, serait sans influence sur la résolution du litige; qu'il suit de là que le moyen, non fondé en ses deuxième et troisième branches, et inopérant en ses autres branches, ne peut être accueilli ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.