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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 14 février 2001, n° 2000-01197

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Audis (SA)

Défendeur :

Fédération Départementale des Associations de Commerçants

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulquie

Conseillers :

MM. Grimaud, Charras

Avoués :

SCP Sorel Dessart Sorel, Me de Lamy

Avocats :

Mes Bouyssou, Turella-Bayol

TGI Mautauban, Ord. réf., du 2 mars 2000

2 mars 2000

La Fédération Départementale des Associations de Commerçants (FDAC) de Tarn-et-Garonne était informée par voie de Presse de la transmission au procureur de la République, d'une procédure établie par le service de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à l'encontre de la SA Audis, exploitant le centre Leclerc-Aussonne à Montauban, pour dépassement des surfaces autorisées.

En réalité, il résultait d'un procès-verbal dressé le 8 décembre 1999 par le service susmentionné, que si les surfaces de 4989 m² pour l'hypermarché et 1354 m² pour la galerie marchande sont légèrement inférieures dans leur globalité aux surfaces autorisées (respectivement 5000 m² et 1378 m²), la SA Audis gérait en fait une surface de vente de 266 m² dans la galerie marchande (manège à bijoux, espace multimédia, vitrine de vêtements).

Par lettre du 8 novembre 1999, le préfet de Tarn-et-Garonne mettait en demeure la SA Audis de régulariser la situation avant le 15 du mois suivant.

Exposant que la poursuite de cette Exploitation cause un trouble manifestement illicite aux commerçants représentés par elle qui en subissent les conséquences dommageables, la FDAC a demandé au juge des référés de mettre fin à une telle Exploitation sous astreinte, réclamant en outre à titre de dommages et intérêts provisionnels, la somme de 100 000 F.

Vu l'ordonnance rendue le 2 mars 2000 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montauban, qui a /

- condamné à titre conservatoire la SA Audis à cesser l'Exploitation commerciale d'une surface de 61 m² située dans la galerie marchande, et ce sous astreinte de 20 000 F par jour de retard prenant effet le 2e jour passé la signification de l'ordonnance ;

- réservé sa compétence quant à la liquidation provisoire de l'astreinte ;

- dit qu'à défaut d'assignation au fond dans le délai de deux mois à compter de ce jour, la décision serait caduque et qu'elle cesserait en toute hypothèse de produire effet le jour où la décision au fond serait exécutoire ;

- condamné la SA Audis à payer à la FDAC, la somme de 50 000 F à titre d'indemnité provisionnelle, outre celle de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

Vu la déclaration d'appel de la SA Audis remise au secrétariat-greffe de la cour le 10 mars 2000 ;

Vu les conclusions récapitulatives, avec bordereau de pièces, signifiées le 24 novembre 2000 par la SA Audis tendant au rejet de la demande et, subsidiairement, à ce qu'il soit sursis à statuer et que soit renvoyée au tribunal administratif la question de savoir si les conditions de l'Exploitation constituent une modification substantielle par rapport à l'autorisation d'urbanisme commercial obtenue en 1998, la Fédération des associations de commerçants de Tarn-et-Garonne étant condamnée à lui payer la somme de 12 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, et ce aux motifs que reste à prouver le caractère substantiel des modifications intervenues, lequel nécessiterait une nouvelle demande d'autorisation à la Commission départementale d'équipement commercial, l'appréciation de cette situation ne relevant pas du juge judiciaire pour décider s'il y a ou non, modification substantielle constituant un trouble manifestement illicite, d'autant que la mise en demeure du préfet de Tarn-et-Garonne aux fins de régularisation ne peut être considérée comme une injonction à la légalité évidente, la SA Audis y ayant du reste répondu, aucune analogie ne pouvant être invoquée avec des cas dans lesquels il y a eu condamnation pénale ou par le juge des référés pour extension de superficie en dépit d'un refus, étant au surplus observé que la question du permis de construire ne peut se poser en l'espèce ;

Vu les conclusions signifiées le 16 octobre 2000 par la Fédération départementale des associations de commerçants de Tarn-et-Garonne (FDAC) tendant par voie de réformation, à ce qu'il soit dit que la SA Audis exploite irrégulièrement 191 m² de surface au sein de l'espace culturel et 255 m² au sein de l'hypermarché, l'indemnité provisionnelle devant être fixée à 200 000 F et la somme à lui allouer sur le fondement de l'article 700 du NCPC à 12 000 F, et ce aux motifs qu'a été mis à jour par les agents de la direction de la concurrence, un dépassement minimum de 191 m² de la surface de vente de l'espace culturel (différence entre la surface autorisée de 496 m² et celle, mesurée, de 687 m²) et de 255 m² à 65 m² (selon que l'on tient compte ou non de la thèse du supermarché), des surfaces de vente exploitées directement par la SA Audis, ce qui fait apparaître une " manipulation " très astucieuse des surfaces de la galerie marchande et de l'hypermarché, le juge des référés ayant à tort, en opérant une compensation des surfaces, retenu 61 m² exploités irrégulièrement alors qu'il s'agit véritablement pour l'espace culturel, de 191 m² et de 255 m² pour l'hypermarché (Exploitation à l'extérieur du manège à bijoux et de l'espace multimédia notamment), le non respect d'une mise en demeure constituant un trouble manifestement illicite, au même titre que l'Exploitation de surfaces nouvelles sans permis de construire, cet état de fait créé en novembre en plein impact commercial des fêtes de Noël ayant généré au détriment des commerçants indépendants, un manque à gagner important ;

Vu l'ordonnance de clôture du 21 décembre 2000 ;

La COUR considère que :

Un magasin à grande surface qui, d'une manière ou d'une autre, étend ses activités au-delà de la superficie qu'il a reçu l'autorisation d'exploiter, est susceptible, ne serait-ce qu'en portant atteinte en fait à la concurrence claire et loyale devant exister dans ses rapports avec les commerçants indépendants et les associations qui défendent leurs intérêts, de créer un trouble manifestement illicite dont ces derniers sont en droit de demander au juge des référés qu'il le fasse cesser.

Il n'importe à cet égard, qu'au sens de l'article 29-VI de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, la modification des surfaces de vente présente ou non un caractère substantiel dont l'appréciation relèverait du seul juge administratif. La demande de sursis à statuer jusqu'à décision de cette juridiction, ne peut qu'être écartée.

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté par la SA Audis, qu'elle exploite au centre commercial d'Aussonne à Montauban, notamment par une extension de fait de ses activités dans la galerie marchande, une superficie de vente supérieure à celle pour laquelle elle a été autorisée en dernier lieu le 15 juin 1998 par la Commission départementale d'équipement commercial, la mesure de ce dépassement qui n'est pas évidente résidant entre le chiffre retenu par les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans leur procès-verbal du 22 novembre 1999, soit 191 m², et celui qu'a cru devoir reprendre le juge des référés, soit 61 m², étant précisé qu'il appartiendra le cas échéant au juge du fond, de procéder à toute vérification sur ce point.

Dès lors qu'il a, à tout le moins, pris acte d'un dépassement qui n'est pas contesté dans son principe, c'est à bon droit que le premier juge, sans avoir à examiner la question de la validité du permis de construire, a arrêté un dispositif de mesures propres à faire cesser le trouble et à préserver sa réparation éventuelle par le juge du fond l'ordonnance sera donc en tous points confirmée, sauf toutefois à ramener à 10 000 F par jour, le montant de l'astreinte.

Il n'y a pas lieu d'allouer des sommes supplémentaires au titre de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, reforme l'ordonnance rendue le 2 mars 2000 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montauban, en ce qu'il a fixé à 20 000 F (vingt mille francs), le montant de l'astreinte, statuant à nouveau fixe à 10 000 F (dix mille francs), le montant de cette astreinte, confirme pour le surplus ; rejette toutes conclusions plus amples ou contraires des parties ; condamne la SA Audis aux entiers dépens du procès.