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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 4 juin 1997, n° 96004199

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Richard

Défendeur :

Cabinet Brun (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frizon de Lamotte

Avoués :

SCP Fonrouge-Barennes, Gautier, Me Le Barazer

Avocats :

Mes Rivière, Germain

T. com. Libourne, du 4 juin 1996

4 juin 1996

Par jugement du 4 juin 1996 le Tribunal de commerce de Libourne e condamné la SARL Cabinet Brun, agent immobilier, à payer à M. Michel Richard, agent commercial, la somme de 11 711,012 F TTC au titre de l'arriéré de commissions, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 22 juin 1995, en deniers ou quittances valable, 50 000 F en vertu de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991, outre 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a assorti sa décision de l'exécution provisoire ; le tribunal a dit n'y avoir lieu à indemnité de préavis, et a débouté le Cabinet Brun de ses demandes reconventionnelles, au motif que si le Cabinet Brun a pris l'initiative de résilier le contrat, il y a eu de la part de M. Richard des erreurs faisant apparaître une gestion discutable.

M. Richard a interjeté appel le 17 juin 1996, conclu le 14 août 1996 à la réformation partielle du jugement, sollicitant une évaluation beaucoup plus conforme au montant réel de son préjudice, la rupture étant imputable au mandant, ainsi que l'a jugé le tribunal ;

Il demande le condamnation du Cabinet Brun à lui payer, outre l'arriéré de commissions, 32 298 F au titre de l'indemnité de préavis avec intérêts de droit à compter de l'assignation, 200 000 F pour indemnité de rupture et 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL Agence Cabinet Brun, par conclusions du 19 février 1997, formant appel incident, soutient que la rupture du contrat d'agent commercial est consécutive à une faute grave de M. Richard qui n'a pas respecté les mandats, contrats et barèmes, les règles élémentaires de recherche et de solvabilité en matière de location, et celles d'encaissement des fonds relevant du décret du 20 janvier 1972, profitant de l'éloignement géographique de son mandant pour agir en véritable professionnel indépendant, par le biais du contrat d'agent ;

elle en déduit qu'elle n'est redevable d'aucune indemnité de préavis, ni d'indemnité de rupture ;

elle sollicite 50 000 F de dommages intérêts et 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Richard, par conclusions responsives du 8 avril 1997, demande le débouté de la SARL Cabinet Brun de son appel incident ;

rectifiant ses précédentes écritures, il sollicite 48 447 F au titre de l'indemnité compensatrice de rupture sans préavis, le préavis devant être de trois mois et non de deux mois, avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, le 22 juin 1995 ;

il maintient le surplus de ses demandes.

La SARL Agence Cabinet Brun a conclu à l'irrecevabilité de ces conclusions pour tardiveté.

Attendu que la SARL Agence Cabinet Brun est mal fondée à invoquer la tardiveté des conclusions de M. Richard le 8 avril 1997, alors qu'elle-même a conclu le 19 février 1997 seulement alors que l'appelant avait conclu le 14 août 1996, que l'intimé n'a pas constitué avoué, si ce n'est après avoir été assigné par acte du 28 octobre 1996, les conclusions de l'appelant lui ayant été signifiées par le même acte, qu'il s'est constitué le 19 novembre 1996 et que les parties ont été avisées de l'ordonnance de clôture et de la date des plaidoiries le 21 novembre 1996 ;

Attendu que M. Richard, inscrit au registre spécial des agents commerciaux depuis le 1er octobre 1990, a exercé dans les libournais l'activité d'agent commercial du Cabinet Brun, dont le siège est à Saintes ; qu'il n'existe aucun contrat écrit ; qu'il n'est pas contesté que selon un accord de décembre 1992, en matière de locations M. Richard percevait des commissions égales à 50 % des honoraires de transactions et à 50 % des honoraires d'encaissement de loyers, lesquels étaient de 7 % du montant du loyer ; qu'en matière de transaction, la commission était de 80 % de l'ensemble de la commission perçue par le Cabinet Brun, dans la mesure où M. Richard avait à la fois trouvé l'affaire et l'acquéreur ;

Attendu que le 8 août 1994, le Cabinet Brun a écrit à M. Richard que son comptable et son franchiseur lui avaient démontré qu'il n'était pas raisonnable de commissionner un agent commercial sur ces bases, ajoutant : " en conséquence, à compter des compromis signés en septembre 1994 (mais non pour les deux en cours) le montant de notre rétrocession sera de 60 % du montant de notre commission. Nous restons dans l'attente de votre confirmation " ;

que M. Richard a répondu le 15 novembre 1994, que s'il y avait modification des rétrocessions, 80 % à 60 % par exemple, il serait contraint de cesser toute collaboration avec le Cabinet Brun dans les semaines à venir, au motif qu'il supportait seul les frais de recherche de biens et de négociation ;

que M. Richard, le 9 mars 1995, a réclamé le paiement de ses honoraires de gestion du dernier trimestre 1994, puis le 15 mars 1995 a répondu par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à M. Brun à un courrier du 11 février 1995 qu'il n'avait pas encore reçu de contrat de mandataire, obligatoire, que ses négociations avaient toutes été acceptées et ratifiées par le Cabinet Brun ; que celui-ci ne pouvait modifier le taux de ses commissions, soulignant l'absence de discussion entreprise sur ce sujet ; qu'il réclamait également paiement d'honoraires réglés avec retard et terminait son courrier : " à défaut de m'adresser un contrat écrit conforme et de me régler les commissions dues je devrais prendre acte de la rupture du contrat, qui vous sera imputable " ;

que la SARL François Brun, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mars 1995, a pris note de la rupture de leurs relations commerciales à effet du 31 mars 1995, réitérant les griefs faits à M. Richard quant à son comportement.

Attendu, au vu de ces lettres, que le Cabinet Brun est à l'origine de la rupture en décidant unilatéralement la modification du taux de rémunération de son agent, qui n'a pas accepté la diminution du taux initialement convenu, sans qu'il y ait lieu de rechercher son caractère éventuellement excessif, l'accord non contesté ayant lié les parties leur tenant lieu de loi;

qu'il ne justifie d'aucune discussion entreprise pour aboutir à un nouvel accord ;

Attendu que le Cabinet Brun invoque le comportement fautif de M. Richard, qui, aux termes de ses écritures, s'est aggravé à partir de novembre 1994, et qu'il caractérise par l'encaissement sur son compte personnel de chèques établis au nom du Cabinet Brun en contravention du décret du 20 juillet 1992 ;

qu'il soutient également que M. Richard contrevenait totalement à la loi régissant les rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, en ne respectant plus les règles d'acceptation des dossiers de location, en ne communiquant aucune pièce essentielle telle que les compromis de vente, signant des contrats sans disposer d'aucun pouvoir, ne respectant pas les barèmes définis par l'agence, dispensant le propriétaire ou le locataire, sans raison apparente et sans lui en référer, du paiement des honoraires, encaissant des chèques d'honoraires et de transaction ; que selon sa thèse, au sens de la loi du 25 juin 1991, il était en droit, à tout le moins de prendre acte de la rupture de leurs relations à effet du 31 mars 1995 ;

que toutefois les documents produits par le Cabinet Brun n'établissent aucune des fautes invoquées, notamment l'encaissement par M. Richard des commissions destinées au Cabinet Brun et non versées à celui-ci, antérieurement ou postérieurement au courrier du 15 novembre 1994 de M. Brun ;

que le Cabinet Brun ne justifie d'aucune protestation fondée quant au versement de commissions d'agence perçues par M. Brun et non reversées ; que les pièces versées démontrent au contraire le retard de paiement des commissions dues à M. Richard par l'agence ;

que sur le montant des commissions perçues par le Cabinet Brun, celui-ci ne démontre pas davantage de critiques formulées ; qu'ainsi M. Richard dans un courrier du 25 août 1994, a fait part de l'absence d'honoraires réclamés pour un client sans provoquer de réclamation de son mandant ;

que la preuve de non paiement des loyers imputable à M. Richard n'est pas établie ;

que le grief d'exercice illégal d'agent commercial par M. Richard ne saurait être invoqué par le Cabinet Brun dès lors que celui-ci n'a pas établi de contrat ;

qu'en l'absence de faute démontrée contre M. Richard, préalable à la rupture des relations entre les parties, celle-ci est la conséquence de l'initiative prise par le Cabinet Brun ;

Attendu, sur les conséquences de cette rupture, que l'arriéré de commissions, 11 711,012 F, alloué par le Tribunal, n'est pas discuté ;

que les relations entre les parties, instaurées à la fin de l'année 1992, se sont poursuivies jusqu'au 31 mars 1992, soit pendant plus de deux ans, donnant lieu en conséquence à un préavis de trois mois et non de deux mois, justifiant l'allocation sur la base de 16 149 F par mois, non critiquée, de la somme de 48 447 F ;

que l'indemnité de rupture est due dès lors que le Cabinet Brun a pris l'initiative de mettre fin aux relations des parties en l'absence de toute faute grave de son contractant ;

qu'il ne démontre pas que le préjudice est inférieur à celui qu'il est d'usage de fixer à deux années de commissions de l'agent commercial ; que M. Richard justifie de l'encaissement de commissions du mois de mars 1994 au mois de mars 1995 à hauteur de 179.200 F au titre des ventes et de 15 000 F au moins au titre de la gestion locative, en moyenne sur deux années ; que la somme de 200 000 F sollicitée n'est donc pas excessive ; qu'elle doit être allouée ;

Attendu que la rupture étant imputable à l'Agence Cabinet Brun la demande reConventionnelle de celle-ci n'a pas à être examinée ;

Attendu que la SARL Agence Cabinet François Brun, qui succombe, doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ;

qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Richard les frais irrépétibles de procédure ;

Par ces motifs : Déboute la SARL Cabinet Brun de sa demande d'irrecevabilité des conclusions de l'appelant en date du 8 avril 1997 ; Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Cabinet Brun à payer à M. Richard la somme de 11 711,02 F au titre de l'arriéré de commissions, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en deniers ou quittances valables, et débouté la SARL Cabinet Brun de sa demande reConventionnelle ; Réformant partiellement le jugement et statuant à nouveau ; Condamne la SARL Cabinet Brun à payer à M. Richard 48 447 F au titre de l'indemnité compensatrice de rupture sans préavis, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, et 200 000 F au titre de l'indemnité de rupture, outre 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ; Condamne la SARL Cabinet Brun aux entiers dépens, application étant faite des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.