CA Paris, 21e ch. B, 2 juin 1999, n° 97-32532
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Léo Minor (SARL)
Défendeur :
Gibert, Bottin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grellier
Avocats :
Mes Heizmann, Duhalde
Selon jugement prononcé le 9 janvier 1997 par le Conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, la SARL Léo Minor a été condamnée à verser à Jean Bottin les sommes suivantes :
- 2 363 F de commissions pénalités 3 Suisses et 236,30 F de congés payés y afférents avec intérêt de droit â compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
- 50 000 F d'indemnité de clientèle,
et 25 000 F d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêt de droit à compter du prononcé du jugement, et 1 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Régulièrement appelante, la SARL Léo Minor conclut à l'infirmation du jugement et au rejet des demandes de Monique Gibert Veuve Bottin ayant droit de Jean Bottin décédé le 28 janvier 1999.
Monique Gibert Veuve Bottin persiste à réclamer les sommes sollicitées devant le conseil de prud'hommes, sauf à y ajouter, en cause d'appel une indemnité de 10 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
CECI EXPOSE
Considérant que Jean Bottin a été engagé le 2 janvier 1990 en qualité de VRP multicarte par la SARL Léo Minor, fabricant de vêtements pour femmes et enfants ; que sa rémunération était une commission de 5 % HT.
Considérant que par lettre simple du 6 janvier 1994, non précédée par un entretien préalable, Jean Bottin fut licencié au motif de son insuffisance de résultats.
" Cette décision est la suite de la faiblesse des résultats relevée dès juillet 1992 pour certains clients, et qui est devenue plus générale dès début 1993.
Elle fait ressortir un chiffre d'affaires total de 120 000 F pour 1993, alors que l'objectif avait été fixé â 6 millions de francs. "
Considérant que la société appelante fait valoir que les 5 % de rémunération concernaient uniquement les ordres passés et non pas les ordres indirects ; qu'elle a constaté que des clients portés sur la liste d'origine n'ont pas été activés par Jean Bottin que les commandes de plusieurs clients sont très faibles ou en baisse sensible depuis l'arrivée de Jean Bottin ; qu'il a été proposé à Jean Bottin un chiffre d'affaires de l'ordre de 6 millions de Francs, dont la non réalisation entraînerait la rupture du contrat ; que la société observe qu'aucune indemnité de préavis n'est due à Jean Bottin pour ne faire état d'aucune commande transmise après le 6 janvier 1994 que le marché passé avec le conseil Général, après appel d'offre, n'est générateur d'aucune commission au profit de Jean Bottin ; qu'aucune indemnité de clientèle ne lui est due ; que son licenciement étant justifié, aucune indemnité de licenciement n'est due à Jean Bottin.
Monique Gibert Veuve Bottin fait valoir qu'une indemnité de préavis est bien due, en réparation du préjudice résultant de la perte de rémunération que le représentant a subi du fait du défaut d'exécution du préavis qu'elle est évaluée sur la base de la moyenne de rémunération des 12 derniers mois précédents ; que cette indemnité, dans son quantum, est de 6 570 F outre 657 F de congés payés correspondants.
Considérant que sur le rappel de commissions, la SARL Léo Minor est redevable de la commission consécutive à une vente au conseil Général du Val de Marne, nouveau client de la SARL Léo Minor démarché par Jean Bottin ; que le client Quelle a lui aussi été apporté par Jean Bottin ; que l'intimée observe que Jean Bottin a dressé la liste de ses principaux clients créés par lui, que sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monique Gibert Veuve Bottin est fondée à demander l'application de l'article L. 122-14-4 du code du travail, l'intéressé ayant plus de deux ans d'ancienneté au sein d'une entreprise comptant plus de dix salariés.
SUR QUOI LA COUR
Considérant, sur l'indemnité de préavis, que selon l'article L. 751-5 du Code du travail, Jean Bottin bénéficiait d'un préavis de trois mois ; que la SARL Léo Minor a elle-même fixé les termes du préavis au 8 avril 1994 ; qu'il est de principe que l'indemnité de préavis est destinée à réparer le préjudice résultant de la perte de rémunération que Jean Bottin a subi en raison de l'inexécution du préavis ; que l'évaluation en est faite sur la base de la moyenne de rémunération des 12 mois précédents ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que le montant des commissions de 1993 s'est élevé à 48 977 F, ce qui entraîne une somme de 6 570 F d'indemnité de préavis outre 657 F de congés payés afférents.
Considérant sur le rappel de commissions que contrairement à ce que soutient la SARL Léo Minor, la procédure d'appel d'offre, nécessaire à la passation du marché, n' est pas exclusive du droit à commission, alors qu'il résulte des éléments du dossier, et notamment de l'attestation, non controversée, de Madame Wladyskawa Mentelski, que la commande du Comité Régional du conseil Général du Val de Marne avait été négociée par Jean Bottin; qu'en outre, la SARL Léo Minor n'avait jamais eu antérieurement pour client le conseil Général du Val de Marne; qu'en conséquence Jean Bottin est bien fondé à solliciter et obtenir à ce titre la somme de 374 087 F de rappels de commissions.
Considérant, sur les commissions des clients " Quelle " et " 3 Suisses " que les demandes formées par Jean Bottin sont bien fondées, la SARL Léo Minor n'apportant pas la démonstration qu'elles ne seraient pas justifiées qu'il en va de même en ce qui concerne le rappel de commissions des années 1990 et 1991.
Considérant, sur l'indemnité de clientèle, que la confirmation du jugement déféré s'impose, le conseil de prud'hommes s'étant livré à une juste appréciation des faits de la cause.
Considérant, sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la lettre de licenciement, qu'aucun entretien préalable n'avait précédé, fait grief à Jean Bottin de n'avoir pas atteint les objectifs qui lui furent assignés.
Mais considérant qu'aucun objectif n'avait été contractuellement défini entre les parties ; que l'employeur ne peut valablement tenir pour sérieux l'objectif de 6 millions de francs, assigné à Jean Bottin dans la lettre de son employeur en date du 6 janvier 1994.
Considérant qu'il convient, par application de l'article L. 122-14-4 du code du travail, applicable en l'espèce, la SARL Léo Minor ayant un effectif de plus de dix salariés et Jean Bottin une ancienneté supérieure à deux ans de porter à 50 000 F le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Considérant qu'il sera statué sur la demande formée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile dans la mesure précisée au dispositif.
Par ces motifs : Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Léo Minor à payer à Monique Gibert Veuve Bottin ayant droit de Jean Bottin les sommes de 2.363 F (deux mille trois cent soixante trois francs) à titre de commissions de pénalités " 3 Suisses ", 236,30 F (deux cent trente six francs et trente centimes) à titre de congés payés y afférents, 50 000 F (cinquante mille francs) à titre d' indemnité de clientèle avec intérêt de droit à compter du 9 janvier 1997, jour du prononcé du jugement ; Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau ; Condamne la SARL Léo Minor à payer à Monique Gibert Veuve Bottin les sommes suivantes : 6.570 F (six mille cinq cent soixante dix francs) d'indemnité de préavis, 657 F (six cent cinquante sept francs) de congés payés afférents, 374.087 F (trois cent soixante quatorze mille quatre vingt sept francs) de rappels de commissions sur le client " conseil Général du Val de Marne ", 26 186,09 F (vingt six mille cent quatre vingt six francs et neuf centimes) de congés payés afférents, 6.905 F (six mille neuf cent cinq francs) de rappel de commissions " 3 Suisses ", 483,35 F (quatre cent quatre vingt trois francs et trente cinq centimes) de congés payés afférents, 112.741 F (cent douze mille sept cent quarante et un franc) de rappel de commissions sur 1990/1991, 7 891 F (sept mille huit cent quatre vingt onze francs) de congés payés y afférents, 50 000 F (cinquante mille francs) d' indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Porte à 8 000 F (huit mille francs) la somme que la SARL Léo Minor devra payer à Monique Gibert Veuve Bottin sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne la SARL Léo Minor aux dépens.