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Décisions

CA Montpellier, ch. soc., 17 janvier 2001, n° 00-01365

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hilti France (SA)

Défendeur :

Baudounet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gerbet

Avocats :

SCP Fromont Briens & Associés, SCP Larguiler Aimonetti Blanc

Cons. prud'h. Millau, sect. encadr., du …

10 juillet 2000

FAITS ET PROCEDURE

Thierry Baudounet a été engagé le 1er janvier 1998 par la SA Hilti France en qualité de VRP.

Le contrat comportait une clause d'interdiction de concurrence article 17 de la Convention Collective des VRP, prévoyant qu'en cas de rupture du contrat l'employeur pouvait dispenser le salarié de l'exécution de la clause dans les quinze jours de la rupture.

Après déroulement de la procédure légale, Thierry Baudounet a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 27 octobre 1999 ainsi motivée :

" Pour faire suite à l'entretien préalable que vous avez eu le mardi 19 octobre 1999 avec Messieurs Delaugeas, votre Directeur de Division Commerciale, et Boy, votre Chef Régional des Ventes ; nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs sur lesquels nous vous avons demandé des explications lors de cet entretien et qui, pour mémoire, sont rappelés ci-dessous.

1°) PROCEDURE PRISE DE COMMANDE :

Nous avons constaté que vous êtes contrevenu à plusieurs reprises aux dispositions de la procédure interne " prise de commande ". En effet, nous vous avons demandé des explications au sujet des factures suivantes :

- Facture 666942 du 31/07/1999 pour le client Bourrel :

A la suite d'un courrier du client Bourrel du 28/09/1999 et dans lequel il nous faisait part de son mécontentement au sujet de différents points, nous vous avons demandé des explications au sujet de cette facture.

Cette facture d'un montant total de 19 163,34 FF TTC contenait des TE 5 Perforateur au nombre de 10. Or, le client nous a indiqué qu'il n'avait jamais donné son accord sur cette commande et qu'il n'avait d'ailleurs pas signé de bon de commande.

De plus, la facture indiquait une adresse de livraison et une adresse de facturation à votre nom, ce qui est très surprenant.

Vous avez alors expliqué que vous aviez agi de la sorte car vous étiez en retard par rapport à votre objectif de chiffre d'affaires. Par conséquent, vous avez décidé d'anticiper une commande dont le client vous aurait parlé pour une date ultérieure. Le matériel a alors été livré chez le client, matériel que vous avez ensuite récupéré.

On vous a alors demandé pour quelle raison, à la date de l'entretien, vous n'aviez toujours pas effectué la réintégration de ce matériel dans les stocks de l'agence de Rodez à laquelle vous êtes rattaché. En effet, vous n'avez fait cette reprise que le 21 octobre 1999, c'est à dire après l'entretien au cours duquel on vous a sensibilisé sur ce point.

Vous avez alors reconnu avoir agi tardivement et ce d'autant plus que vous vous êtes rendu à une visite médicale sur Rodez le 6 octobre dernier. Vous n'avez pas non plus effectué la reprise de ce matériel à l'agence de Montpellier le jour de votre entretien préalable.

Vous nous avez expliqué qu'il s'agissait d'une anticipation de commande pour générer du chiffre d'affaires et donc le versement d'une Commission sur chiffre d'affaires.

Ainsi, nous avons constaté que cette facture datait de la fin du mois de juillet et fait ensuite l'objet d'une reprise le 21 octobre 1999.

Par conséquent, en agissant de la sorte, des Commissions et des régularisations de primes de performances vous ont indûment été versées étant donné que vous aviez amélioré vos résultats gràce à cette facture (d'un montant de 19 163,34 FF TTC) mais qui ne faisait pas suite à une réelle commande de la part du client.

Nous ne pouvons pas admettre que l'un de nos Représentants se permette de tricher de la sorte pour obtenir une rémunération plus avantageuse. Cette manœuvre vous permet simplement d'agir temporairement sur votre trésorerie étant donné que les bons de reprises, lorsqu'ils sont établis, donnent lieu comme vous le savez, à des déCommissionnements.

- Facture 540720 du 20/05/1999 pour le client Fournie Grospaud :

Ici encore, nous avons constaté que vous avez fait livrer et facturer le matériel à votre nom. Vous nous avez expliqué que vous avez fait livrer le contenu de la facture à votre domicile afin de livrer votre client un samedi, Pour ce qui concerne l'adresse de facturation à votre nom, vous ne nous avez fourni aucune explication.

Or, la conséquence pour la comptabilité de notre entreprise est la suivante : nos services financiers auront des difficultés à expliquer à nos commissaires aux comptes qui est le client " Fournie Grospaud chez Monsieur Baudounet TH ".

Ainsi, vous êtes donc contrevenu à plusieurs reprises aux dispositions de votre contrat de travail, notamment à son article VII-15 précisant que le Représentant devait " assurer une prise de commande de qualité pour éviter les réclamations ultérieures du client " ; ainsi qu'à la Charte Hilti France du crédit client vous décrivant les règles d'une prise de commande de qualité, annexée à votre contrat de travail.

Or, compte tenu de votre ancienneté et des formations auxquelles vous avez participé, vous n'êtes pas sans ignorer le fonctionnement de base des règles internes à notre société et essentielles pour assurer un service de qualité à la clientèle.

2°) NON RESPECT DU PLAN D'ACTION :

Vous avez conjointement établi avec votre Chef Régional des Ventes, le 22 septembre dernier, un plan d'action.

Or, au 19 octobre 1999, nous avons constaté les déviances suivantes :

- Non respect de la planification entendue et telle que décrite dans le plan d'action ;

- Les rapports de visite n'ont été saisis qu'une seule fois par semaine en moyenne alors qu'en vertu des dispositions de votre contrat de travail nous vous rappelons que cette saisie doit s'effectuer quotidiennement ;

- Nous avons enregistré une déviation de votre remise gelée de 6 % et de 11 % de votre remise réelle, pour un objectif de remise de 30,4 %.

Ainsi, Hilti France ne peut en aucun cas admettre votre manque de professionnalisme et votre défaut de transparence vis à vis de notre société.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu les faits reprochés et les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre jugement.

Nous considérons donc que votre refus réitéré d'exécuter votre contrat constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Votre préavis, conventionnellement fixé à deux mois débutera à la date de première présentation de la présente lettre avec avis de réception.

Vos certificat de travail, attestation Assedic et reçu pour solde de tout compte vous seront adressés ultérieurement par le Service Paie.

Enfin, nous vous rappelons que le contrat de travail que vous avez signé avec notre entreprise comportait une clause de non-concurrence. Comme la convention collective nous y autorise, nous entendons expressément vous dispenser de l'application de cette clause. Vous êtes donc, dès votre départ de l'entreprise, délié de toute obligation à notre endroit, tout en demeurant tenu de respecter une obligation de discrétion à l'égard des éléments confidentiels dont vous auriez pu avoir connaissance à l'occasion de votre travail. "

Thierry Baudounet a saisi le conseil des prud'hommes de Millau pour contester son licenciement et solliciter l'indemnisation de la clause de non-concurrence et le conseil des Prud'hommes de Millau par jugement en date du 10 juillet 2000 a :

- Dit que la société Hilti France SA n'a pas valablement libéré Monsieur Baudounet Thierry de son obligation de non-concurrence ;

- En conséquence, condamne la société Hilti France SA à payer à Monsieur Baudounet Thierry 7 410,32 F bruts pendant 24 mois, soit 177 847,68 F au titre de la clause de non-concurrence ;

- Dit que le licenciement de Monsieur Baudounet Thierry repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la société Hilti France SA à payer à Monsieur Baudounet Thierry la somme de 6 430,79 F à titre de salaire indûment retenu ;

- Déboute les parties de toutes les autres demandes, fins et conclusions.

La SA Hilti France a interjeté appel, cantonnant son recours aux dispositions du jugement concernant la clause de non-concurrence et son indemnisation.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les deux parties ont longuement conclu par écrit. En substance leurs positions sont les suivantes :

La SA Hilti France soutient qu'elle a satisfait aux dispositions de l'article 17 de la Convention collective en libérant son salarié de la clause de non-concurrence dans la même lettre que la lettre de licenciement et elle demande la réformation du jugement déféré de ce chef. Sur le licenciement proprement dit elle soutient qu'il est justifié par les divers manquements du salarié.

Elle demande en conséquence que Thierry Baudounet soit débouté de ses demandes.

Thierry Baudounet, pour sa part, prétend que l'employeur devait pour le libérer de la clause de non-concurrence, lui adresser après le licenciement une lettre recommandée avec avis de réception distincte dans les quinze jours suivants le licenciement.

Sur le licenciement il prétend que cette mesure n'est pas fondée et il demande à titre de dommages-intérêts une somme de 89 000 F outre une somme de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DISCUSSION DECISION

Sur la clause de non-concurrence :

Attendu que l'article 17 de la Convention collective applicable dispose que l'employeur peut dispenser le salarié de l'exécution de la clause de non-concurrence, sous condition de le prévenir par lettre recommandée avec avis de réception dans les quinze jours suivants la notification de la rupture du contrat ;

Sur le licenciement :

Attendu que les premiers juges au soutien de leur décision, ont procédé à une minutieuse analyse des éléments donnés à leur appréciation, pour relever que les manquements reprochés au salarié dans la lettre de licenciement étaient établis ; qu'il convient en adoptant les motifs qu'ils ont développés sur ce point de confirmer leur décision ;

Attendu que l'employeur qui a rompu le contrat par lettre recommandée avec avis de réception et qui a dans le même document, après avoir notifié la rupture, dispensé le salarié de l'exécution de la clause de non-concurrence, a satisfait aux exigences de l'article 17 susvisé ; que la demande de Thierry Baudounet doit donc être rejetée.

Par ces motifs : LA COUR, En la forme ; Reçoit la SA Hilti France en son appel et Thierry Baudounet en son appel incident ; Au fond ; Confirme la décision déférée dans ses dispositions concernant le licenciement et le paiement de la somme de 6 430,79 F ; La Réformant pour le surplus ; Déclare Thierry Baudounet mal fondé en sa demande et l'en déboute.