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Décisions

CA Reims, ch. soc., 30 juin 1986, n° 1179-85

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Allard-Nemery (SA)

Défendeur :

Dias

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grutz

Conseillers :

MM. Jeannoutot, Heintz

Avocats :

Mes Ledoux, Levy

Cons. prud'h. Sedan, sect. encadr., du 2…

25 avril 1985

LA COUR, rend l'arrêt suivant,

Un jugement de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Sedan rendu le 25 avril 1985, après préliminaires de conciliation infructueux, constatait que le licenciement de Christian Dias prononcé le 28 novembre 1983, reposait sur un motif réel, sérieux, ne constituant toutefois pas une faute grave, pour condamner la SA Allard-Nemery à lui payer, les dépens étant partagés :

- 6 495 F à titre d'indemnité compensatrice du préavis (au lieu des 9 000 F réclamés) ;

- 1 000 F à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, au lieu des 2 500 F sollicités ;

- 18 000 F à titre d'indemnité de clientèle forfaitaire (la demande s'élevait à 74 960 F) ;

- 541 F à titre d'indemnité de congés payés (une somme de 3 500 F était prétendument réclamée) ;

- 9 333 F en raison de la clause de non-concurrence insérée dans l'article 12 du contrat de travail (au lieu des 12 660 F réclamés) ;

Le demandeur était en revanche débouté de ses autres réclamations qui tendaient à obtenir ;

- commissions de retour sur échantillonnages 19 000 F ;

- article 700 du nouveau Code de procédure civile 5 000 F.

Par déclaration enregistrée au greffe de la juridiction le 18 Juin 1985, la SA Allard-Nemery relevait régulièrement appel de cette décision, à laquelle en l'état de ses dernières écritures et explications d'audience développées par Maître Ledoux, elle fait grief pour en obtenir l'infirmation et le déboutement de l'intimé, d'avoir inexactement apprécié les circonstances de fait de la rupture de son contrat de travail, justifiée selon elle par l'existence indiscutable d'une faute grave. Elle se porte enfin additionnellement en demande pour bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour un montant de 3 000 F.

Christian Dias intimé à titre principal sollicite la confirmation du jugement prud'hommal en ce qu'il lui allouait :

- 6 495 F à titre d'indemnité de préavis ;

- 541 F à titre d'indemnité de congés payés ;

- 9 333 F en application d'une clause de non-concurrence.

Par l'effet d'un appel incident, il en critique les autres dispositions, priant la Cour de :

- porter à 2 165 F l'indemnité due à la suite du non respect de la procédure de licenciement ;

- fixer à 60 000 F l'indemnité de clientèle qui lui était due par l'appelante ;

- lui accorder 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- évaluer à 7 000 F la somme devant lui être payée pour les retours sur échantillonnages ;

- le faire bénéficier de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour une somme d'un montant de 7 000 F ;

- de condamner l'appelante aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Engagé depuis mai 1957 au service de la SA Allard-Nemery, fonderie de bronze à Angecourt (08), selon engagement verbal, Christian Dias VRP multicartes voyait son contrat de travail à durée indéterminée faire l'objet le 10 avril 1968 d'un acte écrit, qui confirmait les conditions de travail initiales, et notamment le montant de ses commissions. L'article 7 de ce contrat formalisait l'accord donné par l'employeur à l'exercice de l'activité de ce représentant pour d'autres entreprises non concurrentes qu'il énumérait, précisant toutefois " Monsieur Dias s'engage à ne pas accepter d'autres représentations sans l'accord des Etablissements Allard ".

Un avenant à ce contrat signé le 1er décembre 1977, y apportait certaines modifications sur la définition du secteur géographique d'activité et sur les conditions de rémunérations L'autorisation formelle préalable de l'employeur était maintenue au cas d'adjonction de nouvelles activités de représentation, tout manque à cette obligation étant contractuellement érigé en faute grave justifiant la rupture immédiate dudit contrat (article 4 nouveau) ;

Une clause de non-concurrence d'une durée d'une année était instaurée dans le cas de résiliation, par l'article 12.

Courant 1982, Christian Dias refusait diverses modifications à son contrat de travail que la SA Allard Nemery lui proposaient, et échangeait avec l'employeur divers courriers qui attestaient de la dégradation des rapports professionnels, sans que toutefois selon les termes mêmes d'une lettre du 29 juin 1982, la SA Allard-Nemery " n'ait aucunement l'intention de se séparer de ses services " ;

Pourtant une lettre de l'employeur du 24 mars 1983, appelait certains reproches d'ordre professionnel à ce représentant, notamment quant à ses pratiques professionnelles, à laquelle il répondait en se justifiant et en invoquant les difficultés de son marché dues à une conjoncture économique défavorable (lettre du 5 avril 1983) ;

Le 28 novembre 1983, l'employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception licenciait Christian Dias, sans entretien préalable, avec effet immédiat, le 30, et invoquait à l'appui de cette rupture :

- insuffisance d'activité professionnelle entraînant la non-réalisation des objectifs durant les années 1980 et 1981 ;

- depuis à plusieurs reprises, mécontentement quant au travail ;

- violation des dispositions de l'article 4 du contrat de travail, instituant l'obligation d'une autorisation préalable pour prendre une nouvelle représentation.

Sur ce LA COUR

Attendu qu'il n'a jamais été contesté que la SA Allard-Nemery qui employait à l'époque d'une manière continuelle plus de dix salariés était soumise au respect des prescriptions des articles L. 122-14 à L. 122-14-2 du Code du travail;

Attendu que pour justifier leur décision les Prud'hommes relevaient que les griefs invoqués étaient avérés par l'analyse des diverses pièces produites par les parties et notamment des correspondances échangées ; qu'ils estimaient encore que Christian Dias, avait en violation de l'obligation contractuelle de l'article 4 de son contrat de travail, pris une nouvelle représentation au service de la fonderie Bellier, dont les produits industriels n'étaient toutefois pas concurrents de ceux de la Société Allard-Nemery ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la décision prud'homale, loin d'encourir les reproches relevés parles appelants, ne faisait qu'apprécier avec pertinence et exactitude les éléments de droit et de fait du litige qui en était l'objet;

Qu'en effet, ce VRP qui n'a jamais dénié n'avoir pas obtenu une autorisation formelle pour assurer la représentation Bellier, affirme à hauteur d'appel comme en première instance, que l'absence d'interdiction formelle de l'employeur mis au courant de cette nouvelle activité par les diverses déclarations faites aux organismes sociaux constituait en réalité une autorisation tacite;

Attendu que cette argumentation déjà rejetée en première instance ne saurait prospérer devant la Cour ; que le contrat de travail librement consenti étant la loi des parties, Christian Dias devait s'y soumettre et obtenir ainsi l'autorisation préalable de l'employeur; qu'il avait ainsi commis une faute, laquelle dépourvue de la gravité nécessaire pour justifier une rupture immédiate du contrat de travail, permettait néanmoins à l'employeur d'y puiser le motif réel et sérieux d'un licenciement; que cette mesure était encore régulièrement fondée , dès lors que ce VRP n'avait jamais sérieusement contesté les baisses sensibles de son chiffre d'affaires au cours de la période considérée, ces baisses dont une partie pouvait être imputée à la conjoncture, étaient aussi causées par la baisse d'activité, plusieurs fois reprochées par l'employeur ;

Attendu en définitive qu'il convient de confirmer la décision entreprise, qui a bon droit retenait que l'employeur, avait procédé à ce licenciement certes au fond légitime, mais sans mise en œuvre d'une procédure régulière ; qu'ainsi cette irrégularité avait pu causer un préjudice au salarié justement indemnisé par l'allocation d'une somme d'un montant de 1 000 F ;

Attendu enfin que les Prud'hommes qui avaient correctement apprécié le mérite des autres demandes, et équitablement indemnisé celles dont le bien fondé résultait de l'analyse des pièces des dossiers respectifs des parties, ne sauraient encourir la moindre critique des appelants ; qu'il y a lieu encore de les débouter du surplus de leurs autres demandes, et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, la SA Allard-Nemery supportant les entiers dépens d'appel, ceux de première instance demeurant partagés.

Par ces motifs : La COUR, statuant publiquement et contradictoirement, En la forme déclare réguliers les appels principal de la SA Allard-Nemery et incident de Christian Dias contre le jugement de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Sedan du 25 avril 1985 ; Au fond les dit mal fondés ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions y compris sur les dépens ; Déboute les appelants du surplus de leurs demandes ; Condamne la SA Allard-Nemery aux entiers dépens d'appel.