Cass. com., 11 février 2003, n° 00-14.204
COUR DE CASSATION
ArrĂȘt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Grands Moulins de Paris (Sté)
DĂ©fendeur :
Lesourd (Ă©poux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Richard, Mandelkern
LA COUR : - Attendu, selon l'arrĂȘt attaquĂ© (Amiens, 25 janvier 2000), que M. et Mme Lesourd ont acquis le 9 juin 1989 une chambre Ă farine auprĂšs de la sociĂ©tĂ© nouvelle Les Maiseries de la MĂ©diterranĂ©e en finançant cet achat au moyen d'un prĂȘt dont le montant a Ă©tĂ© versĂ© pour leur compte par la sociĂ©tĂ© Grands Moulins de Paris, ce prĂȘt Ă©tant remboursable en six annuitĂ©s au taux de 12 % l'an qu'en contrepartie du prĂȘt, les Ă©poux Lesourd s'Ă©taient engagĂ©s Ă s'approvisionner exclusivement auprĂšs de la sociĂ©tĂ© Grands Moulins de Paris ; que la sociĂ©tĂ© Grands Moulins de Paris a rĂ©clamĂ© judiciairement le paiement d'Ă©chĂ©ances du prĂȘt restĂ©es impayĂ©es ;
Sur le premier moyen. pris en sa premiĂšre branche : - Vu l'article 85-1 du traitĂ© instituant la CommunautĂ© europĂ©enne, devenu l'article 81 CE, ensemble les articles 1 et 3 du rĂšglement n° 1984-83 du 22 juin 1983 : - Attendu que pour dĂ©cider que le contrat d'approvisionnement conclu entre les parties devait ĂȘtre rĂ©siliĂ©, aux torts de la sociĂ©tĂ© Grands Moulins de Paris et rejeter sa demande en paiement, l'arrĂȘt retient que celui-ci s'Ă©chelonne sur six annĂ©es alors que le rĂšglement d'exemption n° 1984-83 du 22 juin 1983 limite Ă cinq ans la durĂ©e maximum de conclusion de tels accords d'achat exclusif ;
Attendu qu'en se dĂ©terminant par de tels motifs sans examiner la portĂ©e de la clause litigieuse, alors que n'est pas nĂ©cessairement nul un accord ne remplissant pas les conditions posĂ©es par le rĂšglement d'exemption s'il n'est pas Ă©tabli qu'il a pour objet ou pour effet d'empĂȘcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence Ă l'intĂ©rieur du MarchĂ© commun, la cour d'appel n'a pas donnĂ© de base lĂ©gale Ă sa dĂ©cision ;
Sur le premier moyen pris en sa deuxiĂšme branche : - Vu l'article 1134 du Code civil : - Attendu que pour dĂ©cider que le contrat d'approvisionnement conclu entre les parties devait ĂȘtre rĂ©siliĂ© aux torts de la sociĂ©tĂ© Grands Moulins de Paris et rejeter sa demande en paiement, l'arrĂȘt retient encore que les conditions de prix qui Ă©taient faites dans le cadre du contrat d'approvisionnement Ă©taient assises sur la base des seuls tarifs fournisseurs et qu'il en rĂ©sulte un abus dans la fixation du prix de la farine vendue ;
Attendu qu'en statuant ainsi, aprÚs avoir constaté que le contrat prévoyait un prix d'approvisionnement connu et accepté des clients et révisable en fonction de la moyenne d'indices publiés précisément déterminés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Sur le premier moyen pris en sa troisiĂšme branche : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procĂ©dure civile : - Attendu que pour dĂ©cider que le contrat d'approvisionnement conclu entre les parties devait ĂȘtre rĂ©siliĂ©, l'arrĂȘt retient encore que les conditions de prix qui Ă©taient faites dans le cadre du contrat d'approvisionnement Ă©taient supĂ©rieures de 25 % par rapport aux prix de vente des farines pratiquĂ©es par les autres fournisseurs et qu'il en rĂ©sulte un abus dans la fixation du prix de la farine vendue;
Attendu qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions du fournisseur selon lesquelles le prix de vente était réduit par l'effet d'une ristourne, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Et sur le premier moyen pris en sa quatriĂšme branche : - Vu l'article 1134 du Code civil : - Attendu que pour dĂ©cider que le contrat d'approvisionnement conclu entre les parties devait ĂȘtre rĂ©siliĂ© aux torts de la sociĂ©tĂ© Grands Moulins de Paris et rejeter sa demande en paiement, l'arrĂȘt retient encore qu'Ă©tait imposĂ© un quota d'approvisionnement arrĂȘtĂ© Ă 55 quintaux mensuels, soit nettement supĂ©rieur aux 40 quintaux habituellement nĂ©cessaires Ă l'exploitation des fonds de boulangerie des consorts Lesourd, quota constitutif d'un abus;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans relever que les consorts Lesourd n'avaient pas librement consenti à la clause de quota, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : Casse et Annule, dans toutes ses dispositions, l'arrĂȘt rendu le 25 janvier 2000, entre les parties, par la Cour d'appel d'Amiens ; remet, en consĂ©quence, la cause et les parties dans l'Ă©tat oĂč elles se trouvaient avant ledit arrĂȘt et, pour ĂȘtre fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Douai.