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Décisions

CCE, 27 mai 1998, n° M.1027

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Deutsche Telekom/BetaResearch Gesellschaft für Entwicklung und Vermarktung digitaler Infrastrukturen mbH

CCE n° M.1027

27 mai 1998

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, paragraphe 2, point a) , vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1) , modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2) , et notamment son article 8, paragraphe 3, vu la décision prise par la Commission, le 29 janvier 1998, d'engager la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion d'exprimer leur point de vue sur les griefs formulés par la Commission, après avoir entendu le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (3) , considérant ce qui suit :

(1) Le 8 décembre 1997, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil (ci-après dénommé "règlement sur les concentrations") , d'un projet de concentration aux termes duquel les entreprises Deutsche Telekom AG (ci-après dénommée "Telekom") , CLT-UFA SA (ci-après dénommée "CLT-UFA") et BetaTechnik GmbH (ci-après dénommée "BetaTechnik") prévoient de prendre le contrôle en commun, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b) , du règlement sur les concentrations, de l'entreprise BetaResearch Gesellschaft für Entwicklung und Vermarktung digitaler Infrastrukturen mbH (ci-après dénommée "BetaResearch") . L'opération de concentration envisagée sera réalisée par l'acquisition de titres de participation.

(2) Le 23 décembre 1997, la Commission a décidé de suspendre la réalisation de l'opération de concentration notifiée, conformément à l'article 7, paragraphe 2, et à l'article 18, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, jusqu'à l'adoption d'une décision finale.

(3) Par lettre du 22 décembre 1997, l'Allemagne a informé la Commission, conformément à l'article 9, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, que l'opération de concentration en cause ainsi que l'opération de concentration Bertelsmann/Kirch/Premiere menaçaient de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative sur six marchés allemands, qui constituent chacun un marché géographique distinct au sens de l'article 9, paragraphe 7, du règlement sur les concentrations.

(4) Le 29 janvier 1998, la Commission a décidé d'engager la procédure dans la présente affaire, conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c) , du règlement sur les concentrations et à l'article 57 de l'accord EEE.

(5) Les 6 et 25 mai 1998, le comité consultatif a examiné le projet relatif à la présente décision.

I. LES PARTIES

(6) Telekom est l'opérateur public de télécommunications en Allemagne et est présent, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, dans tous les secteurs des services de télécommunications. L'entreprise détient et exploite la quasi-totalité des réseaux de télévision câblée allemands de niveau 3.

(7) CLT-UFA est une entreprise commune créée par Bertelsmann AG (ci-après dénommée "Bertelsmann") et Audiofina SA, dans laquelle les sociétés-mères ont regroupé leurs activités dans le secteur de la télévision en Europe. La participation détenue dans Premiere Medien GmbH et Co. KG (ci-après dénommée "Premiere") fait également partie de ces activités.

(8) BetaTechnik appartient au groupe Kirch (ci-après dénommé "Kirch") et exerce l'essentiel de ses activités dans la branche dite de la post-production cinématographique (synchronisation, par exemple) . Kirch est le premier fournisseur de films de cinéma et de programmes de divertissement pour la télévision en Allemagne et est également présent dans le secteur de la télévision privée.

II. LE PROJET

(9) BetaResearch, qui est toujours, à l'heure actuelle, une filiale à 100 % de Kirch, est titulaire pour l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse alémanique de licences exclusives et à durée indéterminée portant sur la technique de cryptage de programmes Beta, basée sur le déCodeur numérique d-box. Les licences pour la technologie d'accès ont été concédées par DigCo BV, dans laquelle Kirch et Irdeto BV, société qui fait partie du groupe sud-africain MIH, détiennent chacune la moitié du capital. BetaResearch est active dans le secteur de la conception de logiciels de décodage et sera chargée de poursuivre le développement des logiciels de cryptage et d'exploitation pour la technique d-box. Elle vendra cette technologie, sous licence, à des diffuseurs de télévision payante, à des fournisseurs de services techniques pour la télévision numérique et à des fabricants de déCodeurs. Elle produira en outre elle-même des modules de contrôle d'accès (modules CA) et des cartes à puce (SmartCards) , qu'elle fournira aux fabricants de déCodeurs d-box. De plus, elle développera des projets pour des tiers également ; elle a d'ailleurs déjà obtenu des commandes de Stinnes et de MediaGate (Thyssen Telecom) .

(10) Dans un premier temps, CLT-UFA prendrà une participation de 50 % dans BetaResearch et dans BetaDigital Gesellschaft für digitale Fernsehdienste mbH (ci-après dénommée "BetaDigital") , elle-même également filiale à 100 % de Kirch. Ces opérations de concentration font partie du projet de restructuration de Premiere, diffuseur allemand de télévision payante, qui devrait s'étendre pour devenir une plate-forme numérique de programmation et de commercialisation pour la télévision payante, en utilisant la technique d-box, que Kirch mettra à sa disposition. Ce projet fait l'objet de la procédure IV/M.993 - Bertelsmann/Kirch/Premiere.

(11) Telekom s'est associée à l'accord conclu entre Kirch et Bertelsmann en ce qui concerne l'introduction des techniques de cryptage et de décryptage Beta (technologie d'accès Beta) , basées sur le déCodeur d-box. Telekom devra, à partir de ces techniques, créer une plate-forme technique pour la diffusion numérique de programmes de télévision payante sur son réseau câblé et proposer des services techniques pour la transmission de programmes. Par ce projet notifié, Telekom vise à protéger les droits sur la technologie d'accès Beta, dont elle a besoin. Ce projet fait partie d'une série d'accords contractuels complexes conclus entre CLT-UFA et Kirch, d'une part, et CLT-UFA, Kirch et Telekom, d'autre part.

III. LA CONCENTRATION

(12) Telekom, CLT-UFA et Kirch vont prendre le contrôle en commun de BetaResearch, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b) , du règlement sur les concentrations. Le contrat conclu entre CLT-UFA, Kirch et Telekom relatif à la restructuration de BetaResearch ("Vereinbarung zur Umstrukturierung von BetaResearch", ci-après dénommé "accord de restructuration") prévoit que les décisions importantes sur la politique générale de l'entreprise, telles que [...] (4) , devront être prises à l'unanimité par l'assemblée des associés.

(13) BetaResearch remplira de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome et l'opération ne devrait en outre pas entraîner de coordination du comportement concurrentiel de Telekom, de CLT-UFA et de Kirch. BetaResearch vendra, sous licence, la technologie d-box non seulement aux entreprises qui, comme Telekom et BetaDigital, veulent offrir des services techniques pour la télévision numérique, mais également aux diffuseurs de programmes qui veulent fournir eux-mêmes les services techniques. De plus, BetaResearch accordera des licences aux fabricants de déCodeurs intéressés et leur livrera des modules CA. De surcroît, BetaResearch développera également des logiciels de décryptage pour des tiers. On peut donc penser que BetaResearch, outre ses relations commerciales avec ses entreprises fondatrices ou les entreprises qui leur sont liées, conclura aussi, dans une large mesure, des marchés avec des tiers et aura donc son propre accès au marché. BetaResearch doit par conséquent être considérée comme une entreprise de plein exercice. Etant donné que seule CLT-UFA est présente dans le domaine des techniques de cryptage numérique pour la télévision payante, par le biais de la participation de Bertelsmann dans Seca SA, il n'existe aucun risque de coordination du comportement concurrentiel de Telekom, de CLT-UFA et de Kirch.

IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(14) Le chiffre d'affaires mondial cumulé de Telekom, Bertelsmann et Kirch dépasse le seuil de 5 milliards d'écus. Le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la Communauté par chacune de ces entreprises est supérieur à 250 millions d'écus. Kirch et Telekom réalisent à elles seules plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même Etat membre, à savoir l'Allemagne. Le projet revêt donc une dimension communautaire et ne constitue pas un cas de coopération en vertu de l'accord EEE.

V. APPRECIATION CONFORMEMENT A L'ARTICLE 2 DU REGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS

(15) Le projet de concentration a essentiellement des répercussions sur les marchés suivants :

- services techniques de télévision payante,

- réseaux câblés.

A. MARCHES DE PRODUITS EN CAUSE

1) Services techniques de télévision payante

(16) La télévision payante nécessite des infrastructures techniques particulières permettant de crypter les signaux de télévision et de les décrypter ensuite pour le téléspectateur autorisé à les recevoir. Cette dernière opération se fait par l'intermédiaire d'un déCodeur installé au foyer de chaque abonné à la télévision payante. Les déCodeurs pour la réception de la télévision payante numérique ne se bornent pas à décrypter les signaux cryptés dans le système d'accès ; ils les convertissent également afin de permettre la réception de signaux numériques sur les postes de télévision analogiques. Les déCodeurs utilisés pour la télévision par câble et la télévision par satellite ne sont pas les mêmes.

(17) Outre le déCodeur, la télévision payante requiert également un système de contrôle d'accès. Ce système comprend l'association, aux signaux de télévision, d'informations donnant droit à l'accès aux programmes, ainsi que leur cryptage, la transmission, en même temps que les signaux, de données cryptées qui contiennent des renseignements sur l'autorisation des abonnés à la télévision payante, ainsi que les cartes à puce qui sont mises à la disposition des téléspectateurs et qui permettent de déchiffrer les données cryptées d'autorisation et de les transmettre au déCodeur.

(18) Les services nécessaires au fonctionnement de la télévision payante sont fournis sur la base de ces infrastructures. Il s'agit essentiellement de la fourniture des services de contrôle d'accès et de la commercialisation des déCodeurs et des cartes à puce. Les services techniques pour la télévision payante nécessitent l'utilisation d'une technologie différente selon que les signaux de télévision numériques sont diffusés par satellite ou par câble. En ce qui concerne la diffusion par satellite, le signal de télévision, une fois traité par le centre d'émission, est envoyé sur le répéteur correspondant à partir duquel il est émis pour être reçu directement par chaque foyer d'abonné au moyen d'un déCodeur conçu pour ce type de réception. Dans le cas de la câblodistribution, en revanche, les signaux de télévision traités sont tout d'abord envoyés par le répéteur à une station de tête d'un réseau câblé, où ils sont convertis pour la câblodistribution, avant d'être transmis sur les réseaux câblés. Bien que la câblodistribution et la diffusion par satellite utilisent des techniques de transmission distinctes, il ne semble pas nécessaire de subdiviser le marché des services techniques destinés à la télévision payante en deux marchés distincts, car la diffusion par satellite et la câblodistribution requièrent des services techniques identiques pour le fonctionnement de la télévision payante. En définitive, cette question peut cependant rester ouverte, car elle n'influera pas sur l'appréciation de la présente affaire sous l'angle de la concurrence.

2) Réseaux câblés

(19) La télévision peut être diffusée en utilisant des fréquences terrestres, des satellites ou des réseaux câblés. Dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire MSG-Media Service (5) (ci-après dénommée "affaire MSG") , la Commission a distingué trois marchés : les réseaux câblés de télévision, la réception directe par satellite et la transmission par voie terrestre. D'après les conclusions de la Commission dans l'affaire MSG, il existe des différences sensibles entre les trois modes de diffusion possibles en termes d'exigences techniques et de coût.

(20) Du point de vue des diffuseurs de programmes de télévision, la câblodistribution n'est pas - en Allemagne tout au moins - substituable à la diffusion par satellite. Cela tient en premier lieu au fait que la couverture technique varie énormément d'un mode de diffusion à l'autre. Si, au total, 18,5 millions de foyers allemands sont raccordés à un réseau câblé, ils ne sont que 7 à 9 millions environ à disposer de la réception directe par satellite. Un diffuseur qui distribuerait ses programmes exclusivement par satellite (réception directe à domicile) se priverait donc des deux tiers de la totalité des foyers, qui ne reçoivent la télévision que par le biais des fréquences terrestres. Dans les grands ensembles résidentiels en particulier, les foyers ne peuvent en général pas capter les chaînes par satellite, car les habitants de ces quartiers sont normalement liés par des baux locatifs qui prévoient des restrictions en matière d'utilisation de la réception directe par satellite.

(21) De plus, le coût occasionné au diffuseur par chaque foyer de téléspectateurs diffère sensiblement selon le mode de transmission retenu. Le coût annuel de la diffusion analogique par satellite s'élève à quelque [5 à 25] (4) millions de marks allemands par répéteur. Avec un total de 7 millions de foyers équipés pour la réception par satellite, le coût par ménage s'élève donc à [1 à 2] (4) marks. Il serait encore de [0,50 à 2] (4) marks si 9 millions de foyers en étaient équipés. Le coût de la transmission par câble atteint, d'après les données de l'entreprise o.tel.o communications GmbH et Co., environ 10 000 marks par mois par canal analogique pour 500 000 foyers raccordés, soit 0,02 mark par mois, ou 0,24 mark par an, par ménage. Etant donné que, dans le cas de la câblodistribution, les coûts imputables au répéteur sont répartis entre quelque 26 millions de ménages (18,5 millions de foyers câblés et 7 à 9 millions de ménages abonnés à la télévision par satellite) , ils s'élèvent alors à 0,38 mark par an. Le coût global par foyer câblé se chiffre donc à 0,62 mark par an. Dans le cas des téléspectateurs allemands, la câblodistribution constitue de ce fait pour un diffuseur une solution beaucoup moins coûteuse que la transmission par satellite. Il y a par conséquent tout lieu de penser qu'en Allemagne tout au moins l'exploitation des réseaux câblés reste actuellement un marché de produits en cause distinct.

(22) En fin de compte, il n'est toutefois pas nécessaire de trancher cette question, car même en supposant l'existence d'un seul marché pour le câble et le satellite, l'appréciation de la présente opération de concentration au regard des règles de concurrence ne s'en trouverait pas modifiée.

B. MARCHES GEOGRAPHIQUES EN CAUSE

1) Services techniques de télévision payante

(23) Les services techniques de télévision payante sont étroitement liés à l'offre de chaînes payantes. Dans la décision qu'elle avait rendue dans l'affaire MSG (6), la Commission avait établi que le marché géographique en cause se limitait à l'Allemagne, mais avait aussi expliqué que, dans la mesure où les diffuseurs allemands de chaînes numériques à péage pourraient également trouver des abonnés dans d'autres régions germanophones, le marché de services de la MSG s'étendrait à ces régions. Dans le présent cas d'espèce, si l'on considère qu'il existe un marché global comprenant la transmission par satellite et la câblodistribution, l'étendue du marché des services techniques de télévision payante devrait correspondre à l'ensemble de l'espace germanophone. Si les services techniques de télévision payante offerts dans le domaine de la câblodistribution constituent un marché à part entière, le marché géographique en cause se limiterait en revanche à l'Allemagne. Etant donné que, même si l'on considérait que la câblodistribution et la transmission par satellite constituent un seul et même marché, l'appréciation de la concentration en question au regard du droit de la concurrence serait la même, la question du marché géographique en cause peut rester ouverte.

2) Réseaux câblés

(24) La structure des marchés de la câblodistribution est soumise dans la plupart des Etats membres à des conditions de marché (7) différentes sur le plan géographique, commercial et juridique. La Commission a établi dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire MSG (8) qu'il y avait déjà, en ce qui concernait l'exploitation des réseaux câblés de télévision payante, un marché national allemand, caractérisé par le monopole d'Etat qu'exerçait alors Telekom sur la pose et l'exploitation des réseaux câblés sur la voie publique. Même si ce monopole a été supprimé entre-temps et si un nombre plus important de câblodistributeurs privés sont à présent actifs sur le réseau, du moins au niveau 4, Telekom occupe toujours une position prépondérante, du fait qu'elle possède la quasi-totalité des réseaux câblés allemands de niveau 3. Les conditions de concurrence qui prévalent en Allemagne se distinguent donc toujours très nettement de celles qui règnent dans les autres pays. La Commission en déduit par conséquent que le marché géographique des réseaux câblés se limite en l'espèce à l'Allemagne, même si l'on considère que le marché de produits en cause englobe les réseaux câblés et la transmission directe par satellite.

C. EFFETS DE LA CONCENTRATION

1) Services techniques de télévision payante

a) Monopole de Telekom sur la fourniture de services techniques de télévision payante sur les réseaux câblés

(25) La concentration envisagée devrait permettre à Telekom d'exercer un monopole sur la fourniture de services de contrôle d'accès dans le domaine de la câblodistribution.A la suite de la concentration de Bertelsmann/Kirch/Premiere qui sera réalisée en parallèle, BetaDigital devrait contrôler durablement l'offre de services techniques dans le domaine de la diffusion par satellite.

(26) En République fédérale d'Allemagne, 18,5 millions de foyers, soit plus de la moitié de tous les ménages équipés d'un poste de télévision, sont câblés, tandis que seulement 7 à 9 millions de foyers sont abonnés à la télévision par satellite. En raison de la manière dont se sont historiquement développées les structures de la télévision par câble, il convient de distinguer plusieurs niveaux de réseau en Allemagne. Les niveaux 3 et 4 du réseau de distribution sont importants sur le plan de l'offre de chaînes câblées. Le niveau 3 correspond à la partie du réseau de distribution allant de la station de tête jusqu'à la limite du bien-fonds. Le niveau 4 consiste, quant à lui, dans l'infrastructure du réseau entre la limite du bien-fonds et les boîtiers d'abonnés. En Allemagne, le niveau 3 est exploité presque exclusivement par Telekom : pour 16,5 millions de foyers câblés, les signaux de niveau 3 sont acheminés par l'intermédiaire d'un réseau de Telekom. De surcroît, Telekom est de loin le plus important exploitant de bornes domestiques de distribution : elle gère le réseau de niveau 4 de six millions de foyers. En revanche, 2 millions de foyers sont desservis par des réseaux câblés privés de niveau 3 et 12,5 millions de foyers sont reliés à un réseau de niveau 4 exploité par des câblodistributeurs privés. Les principaux câblodistributeurs privés desservent respectivement environ 2 millions, 1,2 million et 0,9 million de foyers. Tous les autres câblodistributeurs privés desservent respectivement moins de 0,25 million de foyers. Les réseaux de câblodistributeurs privés sont disséminés sur l'ensemble du territoire de la République fédérale d'Allemagne. Ces chiffres démontrent que Telekom exploite la plus grande partie des réseaux câblés.

(27) Premièrement, Telekom deviendra le seul fournisseur de services techniques de transmission numérique de signaux sur les réseaux câblés. CLT-UFA, Kirch et Telekom ont convenu dans l'accord de restructuration (Umstrukturierungsvereinbarung) que Telekom utiliserait exclusivement la technique de contrôle d'accès Beta, sur la base du déCodeur d-box, pour la fourniture de ses services techniques de transmission de chaînes numériques sur ses réseaux câblés. Ensuite, CLT-UFA, Kirch et Telekom ont établi, dans l'accord de restructuration ainsi que dans l'accord relatif à la neutralité de la plate-forme câblée vis-à-vis des diffuseurs de chaînes numériques (Verständigung zur programmanbieterneutralen Kabelplattform für das digitale Fernsehen) , que Telekom bénéficierait de droits exclusifs d'exploitation de la technique de contrôle d'accès Beta, dans la mesure où ceux-ci doivent lui être accordés pour les réseaux câblés. Les autres diffuseurs n'ont simplement pas accès à ces droits exclusifs. Il est par conséquent d'ores et déjà exclu que d'autres câblodistributeurs puissent obtenir de BetaResearch une licence leur permettant d'utiliser sa technique de contrôle d'accès dans le domaine des réseaux câblés de Telekom et puissent ainsi concurrencer cette dernière.

b) Maintien de la position dominante

(28) Telekom sera dans un proche avenir le seul fournisseur de services techniques de transmission de chaînes payantes sur les réseaux câblés allemands et devrait exercer un monopole d'une manière durable.Ces prévisions sont fondées sur les considérations suivantes.

i) Premiere deviendra et restera durablement la seule plate-forme de programmation en Allemagne

(29) L'accès aux droits de diffusion revêt une importance bien plus grande pour les chaînes payantes que pour les chaînes en clair. En effet, seuls certains programmes sont de nature à inciter les consommateurs à s'abonner à une chaîne ou à un service de télévision à la carte payable à la séance (Pay-Per-View) . Les expériences réalisées jusqu'à présent en Europe en matière de diffusion de chaînes payantes ont montré que seule l'offre combinée de grosses productions américaines inédites à la télévision et de manifestations sportives de premier plan pouvait rendre un bouquet de chaînes suffisamment attrayant. Cela concerne d'autant plus l'Allemagne, où, contrairement à la France et à la Grande-Bretagne, par exemple, chaque foyer peut recevoir plus de trente chaînes en clair. L'importance des films d'appel et des émissions sportives pour les chaînes payantes se reflète également dans les dépenses de programmation prévues par le plan financier et commercial de Premiere. D'après ce plan, environ [50 à 80 %] (4) des dépenses de Premiere liées à l'acquisition de licences porteront sur des films d'appel (environ [20 à 50 %] (4) et des manifestations sportives (plus de [10 à 40 %] (4) en 1998. La création d'une nouvelle plate-forme de programmation n'est donc possible qu'à là condition d'avoir accès à des programmes dits d'appel et de pouvoir ainsi offrir un bouquet de chaînes prometteur.

(30) Or, il ne reste guère de programmes disponibles. En effet, les droits de diffusion relatifs à ces programmes d'appel sont octroyés sur la base de contrats d'exclusivité de longue durée. En ce qui concerne l'espace germanophone, CLT-UFA et Kirch, qui ont passé des accords d'acquisition avec les "majors" hollywoodiens, détiennent [...] (4) des droits de diffusion pour la télévision payante des films d'appel, ainsi que [...] (4) des droits de diffusion de manifestations sportives. Etant donné que CLT-UFA et Kirch céderont à Premiere leurs droits de diffusion pour la télévision payante, celle-ci sera après la concentration le seul diffuseur disposant de programmes destinés à être diffusés sur une chaîne d'appel. Pendant la durée des contrats existants, aucun autre diffuseur n'aura accès aux programmes de Premiere. Les concurrents potentiels ne seront donc pas en mesure de créer une nouvelle plate-forme de programmation pour l'espace germanophone. Ils pourraient au mieux, avec quelques programmes, devenir actifs sur certains créneaux du marché de la télévision payante, mais ils seraient tributaires de l'accès à la plate-forme de programmation et de commercialisation de Premiere.

(31) Il est également peu probable que cette situation change une fois que les contrats actuels relatifs aux droits de diffusion pour la télévision payante auront expiré. Il est vrai que des diffuseurs européens ou non européens et en particulier des diffuseurs de chaînes payantes originaires d'un autre Etat membre, tels que BSkyB ou Canal +, ainsi que les grands studios de cinéma hollywoodiens, pourraient en théorie diffuser des programmes payants en Allemagne et dans l'espace germanophone. Cependant, il ne suffit pas de conclure quelques accords d'acquisition pour créer une nouvelle plate-forme de programmation. Les accords d'acquisition conclus par Kirch et CLT-UFA n'ont pas tous la même durée. Ils sont de [1 à 10] (4) ans. Les concurrents potentiels devraient par conséquent attendre plusieurs années avant de pouvoir passer plusieurs accords d'acquisition de droits de diffusion et donc offrir un bouquet de chaînes payantes attrayant.

(32) En raison de la position occupée jusqu'à présent par Premiere sur le marché, ses concurrents devraient avoir beaucoup de difficulté à acquérir des droits de diffusion plus importants pour des programmes d'appel. Le fait de posséder déjà un portefeuille d'abonnés et d'avoir ainsi accès aux téléspectateurs constitue, en effet, un atout déterminant pour acquérir des droits de diffusion, puisque les détenteurs de droits ont intérêt à élargir régulièrement la diffusion de leurs programmes. Cela vaut pour les films d'appel et surtout pour les manifestations sportives. De surcroît, les prix des droits de diffusion pour la télévision payante sont généralement fixés sur la base du nombre d'abonnés, mais un nombre minimal d'abonnés doit être garanti. C'est le principe qui s'applique en tout cas aux accords d'acquisition. Il en résulte, d'une part, que les prix appliqués à Premiere pour l'achat de droits peuvent être beaucoup plus élevés - en raison du portefeuille d'abonnés important qu'elle devrait posséder dans les années à venir - que ceux qui seraient appliqués à un nouvel arrivant. D'autre part, la conclusion d'accords d'acquisition ferait courir un très grand risque financier à un nouvel arrivant, qui devrait garantir un nombre minimal d'abonnés sans savoir s'il parviendra à l'atteindre. Vu les avantages dont bénéficie Premiere par rapport à tout concurrent potentiel pour la conclusion d'accords relatifs à des programmes d'appel, il est improbable que des tiers puissent obtenir un accès suffisant à des programmes d'appel.

ii) Après la concentration, la technique d-box deviendra de fait la norme numérique de l'espace germanophone

(33) La diffusion de chaînes payantes exige une infrastructure technique particulière. Celle-ci peut être mise en place soit par des diffuseurs de chaînes payantes, soit par des tiers, essentiellement des câblodistributeurs. En raison de la structure des réseaux câblés allemands, les seuls câblodistributeurs privés ne sont pas capables de créer l'infrastructure technique nécessaire à la transmission de chaînes payantes. Leurs îlots câblés sont généralement trop petits pour justifier les investissements qu'ils devraient réaliser afin de mettre au point leur propre technique de contrôle d'accès et un autre système de décodage des chaînes payantes. De plus, les câblodistributeurs privés ne contrôlent que des parties des niveaux 3 et 4 du réseau, qui sont concernés par la diffusion des chaînes câblées. Au niveau 3, qui correspond à la partie du réseau allant de la station de tête, où le signal numérique est reçu et ensuite diffusé dans les réseaux câblés, jusqu'à la limite de chaque bien-fonds, la plupart des réseaux appartiennent à Telekom. Par conséquent, les câblodistributeurs privés sont actuellement tributaires de Telekom au niveau 3 du réseau. Ce n'est donc qu'avec sa participation qu'ils pourraient créer une autre infrastructure technique pour la transmission de chaînes payantes. Ils ne pourraient mettre en place cette infrastructure qu'à là condition que leurs îlots câblés soient intégrés par les réseaux d'alimentation du niveau 3.

(34) Après la concentration, la chaîne numérique Premiere diffuserà ses programmes sur la base de la technique d-box et du déCodeur d-box. Telekom offrira des services techniques de télévision payante dans le domaine de la câblodistribution sur la base de la technique de contrôle d'accès Beta et du déCodeur d-box. Ces entreprises, qui seraient chacune destinées à créer une infrastructure pour la télévision numérique et à assurer les services correspondants, ont ainsi choisi la technique de contrôle d'accès Beta sur la base du déCodeur d-box. On peut donc en conclure qu'aucune nouvelle plate-forme technique pour la télévision numérique ne sera créée dans un proche avenir dans l'espace germanophone.

iii) Le monopole de Premiere en tant que plate-forme de programmation et la diffusion de signaux sur les réseaux câblés, par Telekom, sur la base de la technique d-box empêchent durablement le lancement d'une autre technique

(35) La mise en place d'une autre infrastructure technique pour la transmission de chaînes payantes exigerait des investissements substantiels, que les autres diffuseurs potentiels ne réaliseraient que s'ils possédaient les mêmes chances de pénétration du marché. Cela supposerait qu'un autre diffuseur de télévision payante puisse s'établir en Allemagne. Celui-ci pourrait soit créer sa propre plate-forme technique sur la base d'une autre technique de contrôle d'accès, soit donner à des tiers la possibilité de créer une infrastructure technique. Or, comme il a été expliqué précédemment, il est improbable qu'un autre diffuseur de télévision payante entre sur le marché en raison de la position privilégiée occupée par Premiere sur le marché en termes de portefeuille d'abonnés, et en particulier de programmes.

(36) De plus, une autre technique de contrôle d'accès et de décryptage ne pourrait, de toute manière, être créée que dans le domaine de la transmission par satellite. CLT-UFA, Kirch et Telekom ont en effet convenu dans l'accord de restructuration que Telekom utiliserait exclusivement la technique de contrôle d'accès Beta sur la base du déCodeur d-box pour assurer les services techniques destinés à la transmission de chaînes numériques sur ses réseaux câblés. Par conséquent, tout diffuseur potentiel de télévision payante et tout autre fournisseur potentiel de services de contrôle d'accès dans le domaine des réseaux câblés de Telekom se verraient de toute manière contraints d'utiliser eux aussi la technique de contrôle d'accès Beta et le déCodeur d-box par l'intermédiaire de Telekom.

iv) Tout fournisseur potentiel de services de contrôle d'accès sera dépendant de la politique de BetaResearch en matière de licences

(37) BetaResearch est le donneur de la licence relative au système de contrôle d'accès utilisé par le déCodeur d-box. Comme l'ont expliqué les parties, un système fermé de contrôle d'accès exploité sur la base de droits exclusifs (appelé système "propriétaire") a été mis au point pour des raisons de sécurité. D'autres diffuseurs qui ont déjà acquis une certaine expérience sur le marché de la télévision payante, tels que Canal + et BSkyB, préfèrent recourir à des systèmes de contrôle d'accès exploités sur la base de droits exclusifs pour assurer une meilleure protection des transferts de données. Conformément à la norme DVB, il existe deux moyens d'éviter qu'un téléspectateur abonné à des chaînes payantes protégées par des systèmes de contrôle d'accès différents doive utiliser plusieurs déCodeurs : le procédé de cryptage Simulcrypt et ce que l'on appelle "l'interface commune" (ci-après dénommée "IC") .

(38) L'interface IC autorise l'utilisation des systèmes de contrôle d'accès les plus variés dans un même déCodeur, ce qui permet à tout autre diffuseur de télévision payante et fournisseur de services d'exploiter des systèmes de contrôle d'accès sur la base du déCodeur existant. Contrairement à ce qui est le cas avec le procédé Simulcrypt, celui qui a installé le déCodeur n'est pas obligé de conclure un accord Simulcrypt relatif à l'association du nouveau système de contrôle d'accès au système de contrôle du déCodeur exploité sur la base de droits exclusifs. Lorsqu'un système de contrôle d'accès exploité sur la base de droits exclusifs est utilisé, il est essentiel que l'accès à ce système ne soit pas discriminatoire. Selon la Commission, cela implique que le donneur de la licence relative à la technique de décodage puisse prendre ses décisions d'affaires en toute indépendance par rapport aux diffuseurs. Or, cette condition d'indépendance n'est pas vérifiée en l'espèce, car BetaResearch est essentiellement contrôlée par des entreprises qui ont des intérêts à défendre en tant que diffuseurs.

(39) Comme tous les diffuseurs actuels et potentiels de chaînes numériques à péage et Telekom, en tant que fournisseur de services techniques dans le domaine de la câblodistribution, ont choisi la technique de contrôle d'accès Beta et le déCodeur d-box, il est exclu qu'un autre déCodeur puisse être introduit en Allemagne. Tout autre fournisseur potentiel de services de contrôle d'accès devrait par conséquent utiliser lui aussi le déCodeur d-box. Ce déCodeur fonctionne selon un système de cryptage propriétaire exploité sur la base de droits exclusifs qui a été mis au point par BetaResearch. Les fournisseurs potentiels de services techniques de télévision payante sont par conséquent tributaires de la décision de BetaResearch de leur accorder ou non une licence leur permettant d'utiliser le système de contrôle d'accès Beta. Cela vaut aussi bien pour le domaine de la transmission par satellite que pour celui de la câblodistribution. Or, BetaResearch ne devrait pas avoir d'intérêt économique à exposer BetaDigital ou Telekom, qui détient des participations dans son capital, à la concurrence sur le segment des services de contrôle d'accès pour les réseaux câblés du marché des services techniques de télévision payante. BetaResearch pourrait donc entraver l'entrée sur le marché d'autres fournisseurs de services par sa politique d'octroi de licences.

v) La structure actuelle des réseaux câblés allemands ne permettrait pas aux câblodistributeurs privés de fournir des services techniques de télévision à péage sur leurs réseaux

(40) Les parties font valoir que les câblodistributeurs privés pourraient construire et exploiter sur leurs réseaux une plate-forme technique faisant concurrence à Telekom. Cet argument n'est pas recevable. Les câblodistributeurs privés disposent habituellement de petits "îlots câblés" sur le niveau 4 du réseau (bornes domestiques de distribution et réseaux locaux d'alimentation) , souvent discontinus, alimentés par un réseau de base de Telekom (niveau 3 du réseau) . Les câblodistributeurs privés sont donc tributaires des prestations préalables de Telekom pour la transmission de programmes dans le domaine du niveau 3 du réseau. Cela s'applique aussi à la prestation de services techniques de télévision à péage. Sur les réseaux câblés de Telekom, les signaux émis par les diffuseurs sont reçus d'une manière centralisée au centre d'émission de Telekom à Usingen et, après traitement, distribués aux stations de tête des réseaux câblés de Telekom. L'intégration des îlots câblés des câblodistributeurs privés par les réseaux d'alimentation du niveau 3 du réseau serait donc une condition préalable indispensable à la fourniture de services techniques de télévision à péage par ces opérateurs. En effet, l'installation de ses propres stations de tête n'est d'une manière générale pas une solution envisageable, du moins pour les câblodistributeurs privés, qui n'opèrent que sur le niveau 4 du réseau, les investissements nécessaires étant irréalisables sur le plan économique en raison du morcellement des réseaux.

(41) La possibilité offerte aux câblodistributeurs privés d'offrir des services techniques de télévision payante sur leurs réseaux câblés est donc uniquement théorique. En outre, s'ils voulaient offrir de tels services sur leurs réseaux, ils devraient obtenir une licence pour pouvoir utiliser les techniques Beta de BetaResearch, en raison du projet d'introduction des techniques de cryptage Beta comme norme numérique. Comme expliqué précédemment, force est de considérer par conséquent que BetaResearch ne devrait cependant avoir aucun intérêt économique à concurrencer Telekom, qui la contrôle en partie, sur le marché des services techniques de télévision à péage pour la fourniture de services de contrôle d'accès dans le domaine de la câblodistribution. BetaResearch pourrait donc entraver l'entrée sur le marché d'autres fournisseurs de services par sa politique d'octroi de licences.

vi) La présente concentration ne saurait non plus faire l'objet d'une appréciation positive en raison de l'influence neutralisante de Telekom sur BetaResearch

(42) Telekom a exposé qu'elle pourrait exercer une influence neutralisante sur le comportement concurrentiel de BetaResearch grâce à sa participation dans cette entreprise qui, sans cela, ne serait contrôlée que par les diffuseurs de chaînes de télévision payante CLT-UFA et Kirch. Tout d'abord, force est de constater par ailleurs que CLT-UFA et Kirch n'en détiennent pas moins, ensemble, les deux tiers de la participation dans BetaResearch et qu'en outre le domaine de la diffusion par satellite échappe largement à l'influence de Telekom. Dans la mesure où Telekom peut exercer des droits particuliers sur le développement du déCodeur numérique d-box dans le domaine de la câblodistribution, elle devrait avoir intérêt à influencer ce développement de façon à conserver sa position de monopole en tant qu'opérateur de plates-formes techniques dans ce même domaine. Le même raisonnement s'applique également à la politique d'octroi de licences de BetaResearch.

(43) De plus, l'objection faite par Telekom selon laquelle son acquisition d'une participation aurait une influence positive sur la concurrence suppose que la concentration des activités numériques de Bertelsmann et de Kirch, qui fait l'objet de l'affaire Bertelsmann/Kirch/Premiere, pourrait être approuvée par la Commission. De pair avec la présente décision, la Commission a toutefois également déclaré le projet parallèle de concentration entre Bertelsmann, Kirch et Premiere incompatible avec le Marché commun. Ainsi le projet, notifié dans l'affaire Bertelsmann/Kirch/Premiere, de participation, dans un premier temps, de CLT-UFA dans BetaResearch à hauteur de 50 % a-t-il été également interdit. Une approbation du présent projet de concentration, concernant l'acquisition du contrôle en commun de BetaResearch par CLT-UFA, Kirch et Telekom, aurait donc pour conséquence que CLT-UFA pourrait néanmoins acquérir le contrôle en commun de BetaResearch. Ainsi, la concentration dont il s'agit en l'espèce aurait pour effet de permettre aux deux seuls diffuseurs de chaînes de télévision à péage de contrôler conjointement les techniques de décryptage, y compris celles du système de contrôle d'accès. Dès lors, il ne saurait être question d'effet positif de la concentration dont il s'agit en l'espèce sur la concurrence.

c) Conclusion

(44) Eu égard à ce qui précède, il faut s'attendre à ce que la concentration envisagée crée une position dominante durable de Telekom sur le marché allemand des services techniques de télévision à péage dans le domaine de la câblodistribution. Si l'on devait considérer qu'il existe un marché unique des services techniques dans le domaine de la diffusion par satellite et de la câblodistribution, la concentration en l'espèce aboutirait, conjointement avec la concentration parallèle entre Bertelsmann, Kirch et Premiere, à la création d'une position dominante de type duopolistique sur l'ensemble de ce marché dans l'espace germanophone. En effet, l'Allemagne est, en nombre de téléspectateurs, de loin l'élément le plus important de cet espace. Ni Telekom ni BetaDigital ne rencontreront de véritable concurrence sur ce marché. Vu les techniques communes et les participations croisées dans BetaResearch, il ne faut pas s'attendre non plus à un comportement concurrentiel entre Telekom et BetaDigital.

2. Le marché des réseaux câblés

a) La position dominante de Telekom sur ce marché

(45) Comme évoqué en détail au considérant 26, la grande majorité des réseaux câblés aux niveaux 3 et 4 du réseau, qui entrent dans la diffusion des programmes de télévision par câble, appartiennent à Telekom. Il faut donc considérer que Telekom, même si le monopole sur les réseaux a été supprimé entre-temps et que l'on compte aussi un plus grand nombre de câblodistributeurs privés, du moins au niveau 4 du réseau, continue d'occuper une position dominante.

(46) Telekom occuperait également une position dominante si l'on devait considérer qu'il existe un marché unique des réseaux câblés et de la diffusion directe par satellite. Comme on l'a dit, en Allemagne, 18,5 millions de foyers sont reliés au réseau câblé. Telekom contrôle 16,5 millions de ces raccordements au niveau 3 du réseau. Par contre, seuls 7 à 9 millions de foyers peuvent recevoir la télévision directement par satellite. Pour une diffusion réussie des programmes télévisés en Allemagne, chaque diffuseur est donc tributaire de la transmission sur le réseau câblé de Telekom, seule façon pour lui d'atteindre un nombre suffisant de spectateurs. Ce fait est également démontré par l'exemple de DF1. Jusqu'en novembre 1997, les chaînes diffusées par DF1 n'ont pas été transmises sur le réseau câblé de Telekom, ce qui est généralement considéré comme l'une des raisons pour lesquelles le nombre d'abonnés de DF1 est resté bien inférieur aux attentes.

(47) Le 24 novembre 1997, la direction de Telekom a décidé de séparer de l'opérateur national la totalité des activités de câblodistribution, y compris les réseaux de distribution, et de les rendre indépendantes juridiquement. Cette décision de restructuration a également pour objet d'apporter les réseaux de Telekom à une ou plusieurs sociétés constituées avec d'autres partenaires. Un plan dont la forme définitive reste à établir doit être mis en œuvre au début de l'année 1999. A l'heure actuelle, la manière dont la restructuration envisagée doit avoir lieu dans le détail ne se dégage pas encore nettement, pas plus que le cadre temporel dans lequel s'inscrira sa mise en pratique. En particulier, on ne sait pas encore si et quand des entreprises tierces pourront également participer aux réseaux câblés de Telekom.

b) Le renforcement de la position dominante de Telekom sur ce marché

(48) La concentration entre Deutsche Telekom et BetaResearch renforce la position dominante de Telekom dans le domaine des réseaux câblés au détriment des câblodistributeurs privés.

(49) La quasi-totalité des câblodistributeurs consultés par la Commission ont expliqué qu'ils avaient l'intention d'utiliser leurs réseaux câblés pour offrir le plus grand nombre possible de nouveaux services. Il s'agit en l'occurrence, notamment, de la télévision numérique, de l'accès à Internet, des services multimédias et des services de télécommunications, y compris la téléphonie vocale. Les recherches faites par la Commission ont révélé que la concentration dont il s'agit en l'espèce remet en cause la réalisation de ces projets.

(50) Une mise à niveau de l'infrastructure technique nécessaire à l'utilisation du réseau câblé pour offrir les services cités nécessite des investissements importants. Rien qu'au niveau 4 du réseau, on prévoit des investissements de 150 à 250 marks allemands par foyer. En outre, l'extension du niveau 4 du réseau ne se justifie rationnellement pour les câblodistributeurs privés que si le niveau 3 du réseau est également mis à niveau dans la même mesure. Jusqu'ici, Telekom ne s'est nullement montrée disposée à procéder à une telle mise à niveau. Si les câblodistributeurs privés veulent augmenter la valeur ajoutée de leurs réseaux câblés en offrant des services supplémentaires, ils doivent donc, à l'avenir, élargir leurs activités pour concurrencer Telekom au niveau 3 du réseau. Entre-temps, la loi le leur a permis, mais cela, à nouveau, demande des investissements importants.

(51) Les câblodistributeurs privés doivent fournir le refinancement nécessaire aux investissements susmentionnés principalement à partir de leur activité de base, la télévision. Pour cela, il faudrait toutefois qu'ils puissent participer à la chaîne de création de valeur ajoutée de la télévision numérique. Dans la mesure où la plate-forme technique de la télévision payante est remise en question, cela exclut déjà la possibilité que Telekom soit seule à exploiter le système de contrôle d'accès sur le réseau câblé. Si les câblodistributeurs privés voulaient offrir des services techniques de télévision à péage sur leurs réseaux, ils devraient obtenir une licence à cet effet pour pouvoir utiliser les techniques Beta de BetaResearch, en raison du projet d'introduction des techniques de cryptage Beta comme norme numérique. BetaResearch ne devrait cependant avoir aucun intérêt économique à concurrencer Telekom, qui la contrôle en partie, sur le marché de la fourniture de services de contrôle d'accès dans le domaine de la câblodistribution. Encore plus important, toutefois, est le fait que le réseau de distribution de la télévision numérique à péage, que tente de créer la concentration dont il s'agit en l'espèce, enlève aux câblodistributeurs privés la possibilité de commercialiser la télévision à péage. En ce qui concerne la concentration dans le domaine de la télévision numérique à péage, Telekom a opté pour un modèle de transport non discriminatoire, comme ce fut déjà le cas également pour la télévision analogique à péage. Cela signifie que Telekom s'est donné la possibilité de commercialiser elle-même les chaînes numériques de Premiere, ce qui a pour conséquence que les câblodistributeurs privés ne pourront pas lancer une modèle de commercialisation dans lequel ils joueraient le rôle de fournisseurs de services de télévision numérique à péage vis-à-vis des utilisateurs finals. Cela aurait déjà été possible dans le cadre de la structure actuelle des réseaux câblés, en collaboration avec Telekom, si cette dernière ne s'était contentée, pour l'essentiel, d'exercer une simple activité de transport dans le domaine de la télévision payante numérique. Par ailleurs, les câblodistributeurs privés pourraient aussi se charger seuls de la commercialisation de la télévision à péage s'ils s'étendaient au niveau 3 du réseau. Une commercialisation par les câblodistributeurs serait de même également possible si Telekom réalisait les plans de restructuration évoqués ci-dessus et si leurs réseaux câblés étaient exploités, après la séparation, par des sociétés, avec la participation des câblodistributeurs privés. Toutes ces possibilités sont toutefois exclues du fait de la décision prise par Telekom d'opter pour une simple activité de transport.

(52) Est notamment supprimée la possibilité d'une extension des câblodistributeurs privés au niveau 3 du réseau, étant donné qu'ils ne peuvent financer les investissements nécessaires pour assurer un modèle de transport non discriminatoire. Après l'adoption par Telekom de ce modèle, les câblodistributeurs privés n'ont aucune chance d'imposer à Premiere un modèle de commercialisation applicable à elle seule. Etant donné que Telekom contrôle de loin la plus grande partie du niveau 3 du réseau, Premiere peut refuser aux câblodistributeurs privés la commercialisation de ses programmes sans devoir redouter de réel préjudice. Le fait notamment que les opérateurs privés pourraient théoriquement empêcher le transport sur le niveau 4 du réseau n'engendre aucun véritable contre-pouvoir. Les opérateurs privés ne pourraient pas durablement justifier l'exclusion des programmes de Premiere auprès de leurs clients, d'autant plus que la télévision payante numérique est appelée à se développer fortement à l'avenir.

(53) Il ressort de ce qui précède que l'extension des activités des câblodistributeurs privés est irréalisable financièrement et n'aura donc probablement pas lieu, à cause de la décision de Telekom d'opter pour une activité de transport. Or, de la sorte la concurrence potentielle des opérateurs privés au niveau 3 du réseau est éliminée et la position dominante de Telekom est assurée et renforcée. De même, la mise à niveau des réseaux câblés, nécessaire au lancement de nouveaux services et, partant, leur lancement, sont contrecarrés à court terme. Il en résulte une limitation supplémentaire des possibilités de concurrence laissées aux opérateurs privés au niveau 4 du réseau également et, de ce fait, un renforcement de la position dominante de Telekom sur le marché.

c) Conclusion

(54) Eu égard à ce qui précède, il faut s'attendre à ce que la participation de Telekom dans BetaResearch et les accords conclus dans le cadre de la concentration de Telekom avec Bertelsmann et Kirch provoquent une limitation importante des possibilités concurrentielles des câblodistributeurs privés et l'élimination de la concurrence potentielle au niveau 3 du réseau. En outre, la concentration a pour effet de fixer dans le réseau câblé allemand un réseau de distribution qui ne laisse guère présager qu'en cas de séparation des activités de câblodistribution de Telekom les câblodistributeurs privés seraient disposés à participer aux réseaux câblés de Telekom et capables de le faire. La concentration est donc susceptible de renforcer durablement la position dominante de Telekom sur le marché du réseau câblé en Allemagne.

VI. LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LES PARTIES

1. Les engagements

(55) Par lettres du 28 avril et du 4 mai 1998, les parties ont proposé une série d'engagements visant à faire disparaître les craintes suscitées par les projets de concentration entre Bertelsmann/Kirch/Premiere et Deutsche Telekom/BetaResearch. Les points ci-après des engagements proposés concernent également le présent projet de concentration :

a) Les câblodistributeurs

(56) Les parties à la concentration sont disposées à collaborer avec les câblodistributeurs dans le domaine de la distribution. Outre la prospection de nouveaux clients, ce domaine comprend aussi les services d'information et d'assistance à la commercialisation. Les relations avec les clients restent toutefois du ressort de Premiere. Les câblodistributeurs reçoivent une compensation financière appropriée pour leurs efforts.

b) BetaResearch

(57) Telekom créerà un comité technique d'experts qui sera à la disposition de toutes les entreprises opérant dans le secteur de la télévision numérique. Les recommandations de ce comité seront mises en œuvre conformément à l'accord qui existe déjà entre Bertelsmann, Kirch, Telekom, ARD et ZDF. Les associés de BetaResearch sont en outre prêts à octroyer une participation à des entreprises tierces à concurrence de 25 % du capital social. Toutefois, ces possibilités de participation ne seront assorties d'aucun droit de vote. Bertelsmann, Kirch et Telekom conservent leurs droits de vote actuels. Le rôle prépondérant de Kirch, notamment au sein de la gérance, est réaffirmé par les parties.

(58) BetaResearch accordera, sur la base d'un contrat type accessible à tous, une licence CA (licence obligatoire) à toute société souhaitant fournir des services de cryptage, soit à sa propre intention soit à l'intention de tiers, et ce sur simple demande. Si les parties en cause ne parviennent pas à se mettre d'accord sur les conditions d'octroi de ces licences, notamment sur les droits de licence, c'est à une instance d'arbitrage qu'il appartiendra de statuer sur la recevabilité des conditions.

(59) BetaResearch s'engage à rendre accessible à tous, d'ici à fin 1998, l'interface API du réseau d-box (API d'origine) et à se soumettre aux décisions d'une instance d'arbitrage en cas de litige sur l'octroi des licences. BetaResearch s'engage également à compléter l'API d'origine avec l'interface qui sera normalisée par DVB, dès que la norme en question aura été adoptée. En outre, BetaResearch reprendra à l'avenir l'ensemble des normes DVB.

(60) BetaResearch accordera des licences de fabrication à tous les fabricants intéressés, et ce à des conditions types. En cas de litige, elle se soumettra aux décisions d'une instance d'arbitrage. La réalisation par BetaResearch d'un "test de vérification technique" constitue une condition préalable à la commercialisation des déCodeurs. Après une période de deux à trois ans, cette homologation pourra être effectuée par des tiers indépendants.

2. Appréciation

a) Les câblodistributeurs

(61) Les parties proposent simplement une coopération avec les câblodistributeurs au niveau de la distribution. Cela exclut toute commercialisation autonome de Premiere par les câblodistributeurs et, de ce fait, la constitution d'une clientèle propre ainsi que le retrait de certains chaînes d'un bouquet et la recomposition de nouveaux bouquets. Or, pour que les câblodistributeurs puissent constituer une nouvelle plate-forme de programmation, il faudrait au moins - indépendamment de la coopération avec Telekom qui s'imposerait compte tenu de la structure actuelle du réseau - qu'ils puissent acquérir eux-mêmes les différents bouquets qui composent le catalogue de Premiere, notamment les films d'appel et les chaînes sportives, pour pouvoir les regrouper avec des chaînes de tiers et les proposer ensuite à leurs clients câblés.

b) BetaResearch

(62) En ce qui concerne la création, par Telekom, d'un comité technique d'experts, il s'agit simplement de l'ouverture à des tiers du comité d'experts déjà constitué avec ARD et ZDF. Il convient de noter que, conformément à l'accord passé avec ARD et ZDF, ce comité d'experts statue, certes, sur les questions liées au développement technique, mais qu'il ne peut imposer ses recommandations.

(63) Les possibilités de participation de sociétés tierces dans BetaResearch, proposées par les parties, pourraient permettre de parvenir à une certaine transparence dans les décisions sur l'évolution de la technologie. Toutefois, comme ces participations sont limitées à 25 % et qu'elles ne sont assorties d'aucun droit de vote, Bertelsmann et Kirch, qui sont les deux premiers diffuseurs de télévision payante sur le marché, et Telekom, qui est n° 1 sur le marché des câblodistributeurs, continueront à exercer un contrôle conjoint sur BetaResearch et, de ce fait, sur le développement de la technologie concernée.

(64) L'introduction d'une licence CA obligatoire et d'une instance d'arbitrage pour le règlement des litiges relatifs aux conditions d'octroi des licences, notamment au montant des droits de licence, peut certes contribuer, dans une certaine mesure, à un traitement non discriminatoire des tiers lors de l'octroi des licences. Toutefois, cet engagement ne change rien au fait que le développement de la technologie faisant l'objet des licences continuera à être contrôlé par Bertelsmann, Kirch et Telekom. En ce qui concerne l'engagement pris par BetaResearch de rendre accessible, d'ici à fin 1998, l'interface API du réseau d-box et de se soumettre aux décisions d'une instance d'arbitrage en cas de litige sur l'octroi des licences, ainsi que l'engagement de compléter l'API d'origine par l'interface qui doit être normalisée par DVB, et ce dès que cette dernière sera disponible, il s'agit pour l'essentiel d'une confirmation de ce que les parties avaient déclaré avoir de toute façon l'intention de faire. L'engagement pris par BetaResearch d'octroyer des licences de fabrication, à des conditions types, à tout fabricant de déCodeurs intéressé, et de se soumettre aux décisions d'une instance d'arbitrage en cas de litige peut, certes, contribuer à instaurer un certain degré de concurrence dans le secteur de la fabrication des déCodeurs. Toutefois, cela ne change rien au fait que tant Bertelsmann et Kirch, d'un côté, que Telekom, de l'autre, contrôlent le développement de la technique du décodage grâce à la position dominante qu'ils occupent, les premiers sur le marché de la fourniture de services de télévision payante et la seconde sur celui de la câblodistribution.

c) En résumé

(65) Avec les engagements qu'elles ont proposés, les parties permettent, certes, d'instaurer une certaine transparence dans le domaine technique et de garantir l'accès à la technologie d-box. Toutefois, elles ne sont pas disposées à abandonner le contrôle exclusif qu'elles exercent sur cette technologie, notamment sur son développement. Les engagements proposés ne sont pas non plus de nature à offrir une possibilité réaliste de création d'une nouvelle plate-forme de programmation et de commercialisation dans le secteur du câble. En outre, l'absence de possibilité de création d'une nouvelle plate-forme de programmation dévalorise plus encore les engagements pris dans le domaine technique, du moins en ce qui concerne l'octroi de licences pour le contrôle d'accès, dans la mesure où, sans cette deuxième plate-forme de programmation, il sera impossible de créer une deuxième plate-forme technique.

3. Autres engagements

(66) Le 13 mai 1998, les parties ont complété et élargi les propositions qu'elles avaient faites jusque-là de la manière suivante :

a) Les câblodistributeurs

(67) Outre la coopération en matière de distribution déjà proposée, Premiere permettra aux câblodistributeurs de commercialiser ses programmes et, ainsi, d'établir leurs propres relations avec la clientèle, à certaines conditions. Les diffuseurs de programmes de télévision en clair, de télévision payante et de programmes à la carte payables à la séance sont en principe exclus de cette commercialisation. Celle-ci n'est pas exclusive, ce qui signifie que Premiere et les câblodistributeurs se font concurrence auprès des clients pour commercialiser la chaîne. En principe, chacun a des relations avec la clientèle d'abonnés qu'il à lui-même prospectée. Les informations relatives aux clients démarchés par les câblodistributeurs doivent toutefois être mises à la disposition de Premiere dans son SMS pour permettre à cette dernière de leur proposer des offres et des services supplémentaires (tels que des programmes à la carte payables à la séance) ainsi que des informations générales. La commercialisation par les câblodistributeurs des programmes à la carte payables à la séance de Premiere est exclue.

(68) La combinaison des bouquets de programmes offerts par les câblodistributeurs doit être la même que celle de Premiere. Il ne leur est pas permis de dégrouper les programmes au sein d'un même bouquet, pas plus qu'au sein de la structure globale des bouquets de Premiere. Ils peuvent toutefois enrichir les bouquets de leurs propres offres complémentaires. En outre, ils peuvent commercialiser les bouquets de programmes et les programmes d'autres diffuseurs. La renonciation par Premiere au couplage du bouquet de base avec les bouquets d'appel permet aux clients des câblodistributeurs de s'abonner à leur propre bouquet de base en plus des bouquets de programmes offerts par la chaîne. La fourniture de ce bouquet de base ne saurait cependant devenir là condition préalable à un abonnement aux programmes de la chaîne. Le prix des bouquets de Premiere pour les câblodistributeurs est fixé en fonction du prix de cession de la chaîne sur le marché du câble, déduction faite des coûts dont Premiere fait l'économie grâce à la commercialisation de ses programmes par des tiers. Les câblodistributeurs doivent, comme Premiere, offrir le déCodeur numérique d-box en location et se fournir auprès de Nokia jusqu'à épuisement de son contingent (un million de déCodeurs) .

(69) Les câblodistributeurs ne doivent pas abuser de la liberté qui leur est donnée dans l'occupation du câble en réduisant la capacité de vente des programmes de Premiere : autrement dit, ils doivent se charger de vendre le bouquet de programmes de la chaîne dans son intégralité. Sinon, il n'y a aucune obligation de céder le programme de Premiere en vue de sa commercialisation. En cas de contraintes en matière de capacité, Premiere et les câblodistributeurs sont liés par les mesures arrêtées par les offices de l'audiovisuel des Länder ou s'entendent sur une autre manière objective de procéder pour répartir les capacités.

b) Les réseaux câblés

(70) Le 20 mai 1998, Telekom a en outre déclaré avoir l'intention de mettre à disposition deux chaînes de télévision numériques sur l'hyperbande jusqu'au 31 décembre 1999 au plus tard, en vue de leur utilisation par un diffuseur tiers potentiel. Elle est en outre disposée à étendre les capacités du câble à la bande IV, en commun avec les distributeurs du niveau 4 du réseau, mais uniquement là où un refinancement est possible pour les câblodistributeurs (niveaux 3 et 4 du réseau) .

c) BetaResearch

(71) En ce qui concerne l'offre de participation d'entreprises tierces dans BetaResearch par le biais d'une holding intermédiaire (considérant 57) , tous les associés, c'est-à-dire Bertelsmann, Kirch, Telekom et la holding intermédiaire doivent avoir les mêmes droits. Les réglementations légales en vigueur sont applicables pour déterminer quelle serà la majorité lors des votes (pas de quorum particulier) . Les droits spéciaux accordés jusqu'à présent aux associés sont supprimés.

4. Appréciation

a) Les câblodistributeurs

(72) Les nouveaux engagements proposés par les parties ne sont pas propres à créer les conditions permettant la création d'une nouvelle plate-forme de programmation et de commercialisation, pas plus que d'une nouvelle plate-forme technique dans le domaine de la câblodistribution. Les parties elles-mêmes indiquent, dans leur lettre d'accompagnement, que les partenaires d'une mise en œuvre économiquement rationnelle de ces formes de commercialisation n'existent pas à l'heure actuelle sur le marché allemand ou, à tout le moins, ne se sont jusque-là pas montrés prêts à effectuer les investissements indispensables à la réalisation des infrastructures nécessaires. De fait, la structure actuelle des réseaux câblés ne permet pas aux câblodistributeurs privés d'ériger une plate-forme de programmation et de commercialisation, pas plus que leur propre plate-forme technique.

(73) Comme exposé au considérant 26, les câblodistributeurs privés sont surtout actifs uniquement au niveau 4 du réseau (bus domestique, îlots câblés) . Les réseaux du niveau 3 (acheminement des signaux des stations de tête jusqu'à la limite du bien-fonds) appartiennent quasi exclusivement à Telekom. Les câblodistributeurs privés sont donc, à l'heure actuelle, généralement tributaires des prestations préalables de Telekom dans le domaine du niveau 3 du réseau. Or, s'ils ne peuvent utiliser le niveau 3 du réseau, les câblodistributeurs privés ne peuvent créer de nouvelles plates-formes de programmation. Du fait du morcellement de la câblodistribution en Allemagne et de la position de quasi-monopole que détient Telekom dans l'exploitation des réseaux d'alimentation du niveau 3, les câblodistributeurs privés ne sont pas en mesure d'offrir une autre plate-forme de programmation faisant concurrence à celle de Première.

(74) Dans la présente affaire, Telekom ne s'est nullement montrée disposée à coopérer avec les câblodistributeurs privés en vue de créer une nouvelle plate-forme câblée ni, à tout le moins, à les laisser utiliser le niveau 3 du réseau. Certes, le 22 mai 1998, en réponse à la question de savoir comment surmonter l'obstacle de la séparation des niveaux 3 et 4 du réseau, elle a expliqué que, en ce qui concernait la demande de prestations qu'elle devait elle-même fournir pour construire une plate-forme câblée et une plate-forme de commercialisation numériques, elle conclurait des contrats individuels avec ceux qui voudraient en bénéficier (diffuseurs de programmes et câblodistributeurs du niveau 4 du réseau) . Si les câblodistributeurs du niveau 4 le souhaitaient, il était également possible, d'après elle, de surmonter l'obstacle constitué par la séparation des niveaux 3 et 4 du réseau, tant sur le plan technique que sur celui de l'exploitation, en combinant les prestations des câblodistributeurs des niveaux 3 et 4 du réseau. Toutefois, Telekom a donné ces explications d'une manière tellement vague et générale qu'elles ne sauraient suffire à convaincre de la possibilité de surmonter l'obstacle de la séparation entre les niveaux 3 et 4 du réseau, de manière à permettre aux câblodistributeurs du niveau 4 de bâtir une plate-forme de programmation et de commercialisation. En ce qui concerne notamment la combinaison des prestations des câblodistributeurs des niveaux 3 et 4 du réseau, la nature des prestations que peuvent fournir Telekom et les câblodistributeurs du niveau 4 n'est pas expliquée, pas plus que la manière dont les prestations des câblodistributeurs des niveaux 3 et 4 peuvent être combinées sur le plan technique et économique. La question de savoir si les câblodistributeurs du niveau 4 auront un accès propre au niveau 3 du réseau reste entière, ainsi que celle, notamment, de savoir s'ils peuvent aussi exploiter le système de contrôle d'accès et comment cela peut être rendu techniquement faisable. Sur la base des explications de Telekom, il convient donc de continuer à considérer que, en dernière analyse, Telekom compte être la seule à fournir les services techniques nécessaires et que les câblodistributeurs du niveau 4 du réseau dépendront donc d'elle. Cela signifie notamment aussi que la création d'une nouvelle plate-forme technique sera exclue, puisque Telekom sera seule à exploiter le système de contrôle d'accès sur le réseau câblé. Il ne serait donc très probablement possible de surmonter l'obstacle que constitue la séparation entre les niveaux 3 et 4 du réseau qu'après la restructuration et la privatisation des réseaux câblés de Telekom, une fois ceux-ci exploités, après la séparation, par des sociétés régionales, avec la participation des câblodistributeurs privés. Telekom n'a toutefois fait aucune déclaration contraignante quant à la date de cette restructuration ou à la forme qu'elle prendrait. La restructuration et la privatisation n'auront donc probablement lieu que lorsque Premiere aura déjà acquis une telle avance, grâce au portefeuille d'abonnés qu'elle se sera alors constitué, qu'il sera difficile à de nouvelles plates-formes de se faire une place.

(75) De plus, les engagements proposés ne permettront pas non plus aux câblodistributeurs d'offrir des programmes de télévision payante assortis des mêmes possibilités concurrentielles que Premiere. En effet, ils n'ont pas le droit d'agir en qualité de diffuseurs de programmes de télévision payante et d'offrir, par exemple, des programmes régionaux qu'ils auront eux-mêmes mis sur pied. Au contraire, leur offre de programmes supplémentaires se limite exclusivement à la commercialisation de chaînes tierces. De plus, les câblodistributeurs privés n'ont pas le droit de commercialiser les offres de Premiere en matière de programmes à la carte payables à la séance, ni de faire leurs propres offres de tels programmes. Du fait de l'absence d'exclusivité des droits de diffusion attachés à ces programmes, les offrir serait cependant le moyen le plus simple de permettre la diffusion indépendante de programmes de télévision payante. En outre, la combinaison des bouquets de programmes de Premiere qu'ils offrent doit être la même que celle de la chaîne. Ils dépendraient donc entièrement d'elle en ce qui concerne le groupage des programmes, leur principal moyen d'action.

(76) En outre, les câblodistributeurs doivent fournir à Premiere les données de leur fichier clientèle sans que Premiere soit soumise à aucune obligation réciproque. La cession d'un fichier clientèle est pourtant chose totalement inhabituelle dans cette branche et confère à la chaîne un avantage concurrentiel important. La fixation des prix en fonction du prix de cession de Premiere, déduction faite des économies que lui vaut la commercialisation de ses programmes par des tiers, présente le risque pour les câblodistributeurs de ne pas pouvoir commercialiser ses programmes d'une manière rentable. La question de savoir qui détermine les économies de coûts et selon quels critères celles-ci sont définies reste entière.

b) Les réseaux câblés

(77) La mise en réserve de deux chaînes numériques dans l'hyperbande en vue de leur utilisation par des diffuseurs tiers potentiels peut certes théoriquement contribuer, grâce à la capacité supplémentaire ainsi mise à disposition, à permettre la diffusion de programmes concurrents. Toutefois, en soi, cela ne saurait permettre de créer une nouvelle plate-forme de programmation dans le domaine de la câblodistribution, ne serait-ce que parce que cette mise en réserve est limitée dans le temps. Il semble exceptionnellement difficile, en seulement un an et demi, de mettre sur pied une nouvelle plate-forme de programmation. Etant donné que, au reste, les câblodistributeurs privés ne sont pas autorisés à diffuser eux-mêmes des programmes de télévision payante s'ils veulent commercialiser les programmes de Premiere, ils sont limités à l'offre de chaînes d'autres diffuseurs et voient ainsi leurs possibilités de bâtir une plate-forme de programmation susceptible d'utiliser les deux chaînes considérablement réduites. Par ailleurs, un diffuseur qui souhaiterait construire une plate-forme de programmation sur le principe de 25 % de droits de diffusion cryptée ne pourrait exercer ces droits avant l'an 2000. De plus, il devrait, s'il voulait utiliser les deux chaînes, conclure un contrat de dix ans, même s'il n'a accès aux 25 % de droits de diffusion cryptée offerts par les parties en vertu des accords d'acquisition passés que jusqu'à la fin de l'an 2002. La création de capacités supplémentaires grâce à l'aménagement de la bande IV, également prévue par Telekom, ne s'est aucunement concrétisée et ne doit donc être considérée que comme une déclaration d'intention de portée générale.

c) BetaResearch

(78) L'engagement d'accorder les mêmes droits à tous les associés de BetaResearch, y compris la holding intermédiaire, pourrait en principe résoudre le problème du contrôle de la technique par les diffuseurs de programmes. Si les diffuseurs de télévision à péage CLT-UFA et Kirch ne disposent plus d'aucun droit de veto et si tous les associés ont les mêmes droits, des changements de majorité au sein des organes de la société sont, formellement parlant, possibles. Il faut, toutefois, tenir compte du fait que les associés de BetaResearch ne sont que quatre, puisque les entreprises tierces ne pourront y détenir une participation que par le biais d'une holding intermédiaire. Les décisions à la majorité ne peuvent donc être prises qu'avec l'accord d'au moins trois des quatre associés, ce qui signifie que CLT-UFA et Kirch peuvent toujours bloquer conjointement des décisions et, donc, continuer de défendre en commun leurs intérêts en empêchant la prise de toute décision qui leur serait contraire. Les entreprises tierces détenant une participation dans l'entreprise ne pourraient, en revanche, défendre leurs intérêts face aux diffuseurs de télévision à péage que sont CLT-UFA et Kirch qu'avec l'appui de Telekom, si les deux associés votent en commun contre CLT-UFA et Kirch pour, ainsi, empêcher la prise d'une décision à la majorité. Il est cependant facile de concevoir que les intérêts de Telekom concordent avec ceux de CLT-UFA et de Kirch plutôt qu'avec ceux des entreprises tierces détenant une participation dans BetaResearch, puisqu'elle fournira des services techniques de télévision à péage fondés sur la technique du déCodeur d-box. Cela signifie que les possibilités offertes à CLT-UFA et à Kirch, en tant que diffuseurs de programmes de télévision à péage ayant une position dominante sur le marché, et à Telekom en tant que câblodistributeur ayant également une position dominante, de contrôler en commun cette technique et son développement, bien que formellement limitées, peuvent perdurer dans la pratique.

d) En résumé

(79) Il ressort de ce qui précède que les engagements proposés sont insuffisants, même sous leur forme élargie, pour résoudre les problèmes posés en matière de concurrence. En effet, ils ne sauraient raisonnablement permettre aux câblodistributeurs privés de créer une nouvelle plate-forme de programmation et de commercialisation sur le réseau câblé. De plus, cela signifie également l'impossibilité de créer une nouvelle plate-forme technique sur ce réseau, puisque Telekom sera seule à exploiter le système de contrôle d'accès sur le réseau. Certes, l'ouverture de BetaResearch à d'autres associés et l'abandon concomitant des droits de veto et des droits spéciaux accordés aux anciens associés représente une concession importante, étant donné qu'elle supprime le contrôle de la technique et de son développement qui était auparavant assuré structurellement. Cependant, du fait que l'impossibilité d'une nouvelle plate-forme de programmation rend également impossible une nouvelle plate-forme technique, cet engagement, en ce qui concerne BetaResearch et en liaison avec les autres engagements déjà offerts par les parties du point de vue de la licence CA, de l'API et de la licence de fabrication, est insuffisant pour empêcher Telekom d'occuper durablement une position dominante sur le marché de la fourniture de services techniques de télévision à péage sur le réseau câblé et de renforcer durablement cette position sur ledit réseau, au détriment des câblodistributeurs privés.

VII. CONCLUSION FINALE

(80) Pour ces motifs, on peut considérer que la concentration envisagée va créer ou renforcer des positions dominantes ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans une grande partie de la Communauté. Il y a donc lieu de la déclarer incompatible avec le Marché commun, en vertu de l'article 8, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations,

A ARRÊTE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

La concentration notifiée, consistant en l'acquisition du contrôle en commun de l'entreprise BetaResearch Gesellschaft für Entwicklung und Vermarktung digitaler Infrastrukturen mbH, par Deutsche Telekom AG, CLT-UFA SA et BetaTechnik GmbH est déclarée incompatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE.

Article 2

Deutsche Telekom AG, Postfach 20 00, D-53105 Bonn

CLT-UFA SA, 45, boulevard Pierre-Frieden, L-2850 Luxembourg

BetaTechnik GmbH, Betastrasse 1, D-85774 Unterföhring

sont destinataires de la présente décision.

(1) JO L. 395 du 30.12.1989, p. 1. JO L. 257 du 21.9.1990, p. 13 (rectificatif) .

(2) JO L. 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3) JO C 57 du 27.2.1999.

(4) La présente version de la décision a été adaptée de manière à ne pas divulguer des informations confidentielles.

(5) JO L. 364 du 31.12.1994, p. 1, considérants 39 et suivants.

(6) Op. Cit. (note 5 de bas de page) , considérants 52, 53 et 54.

(7) Affaire Nordic Satellite Distribution, JO L. 53 du 2.3.1996, p. 20, considérant 73.

(8) Op. Cit. (note 5 de bas de page) , considérant 54.