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Décisions

CCE, 27 mai 1998, n° M.993

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Bertelsmann/Kirch/Premiere

CCE n° M.993

27 mai 1998

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, notamment son article 57, paragraphe 2, point a), vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 8, paragraphe 3, vu la décision prise par la Commission, le 22 janvier 1998, d'engager la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (3), considérant ce qui suit :

(1) Le 1er décembre 1997, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil (ci-après dénommé "règlement sur les concentrations"), d'un projet de concentration aux termes duquel les entreprises CLT-UFA SA (ci-après dénommée "CLT-UFA") et Taurus Beteiligungs GmbH et Co. KG (ci-après dénommée "Taurus") prévoient de prendre le contrôle conjoint, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, des entreprises Premiere Medien GmbH et Co. KG (ci-après dénommée "Premiere"), BetaDigital Gesellschaft für digitale Fernsehdienste mbH (ci-après dénommée "BetaDigital") et BetaResearch Gesellschaft für Entwicklung und Vermarktung digitaler Infrastrukturen mbH (ci-après dénommée "BetaResearch"). L'opération de concentration prévue sera réalisée par le biais d'une prise de participation dans le capital des sociétés concernées.

(2) Le 15 décembre 1997, la Commission a décidé de suspendre la réalisation de la concentration notifiée, conformément à l'article 7, paragraphe 2, et à l'article 18, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, jusqu'à l'adoption d'une décision finale.

(3) Par lettre du 22 décembre 1997, l'Allemagne a communiqué à la Commission, conformément à l'article 9, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, que l'opération de concentration menaçait de créer ou de renforcer une position dominante ayant pour conséquence que la concurrence effective serait entravée de manière significative sur six marchés allemands, constituant chacun un marché géographique distinct au sens de l'article 9, paragraphe 7, du règlement sur les concentrations.

(4) Le 22 janvier 1998, la Commission a décidé d'engager la procédure dans la présente affaire, conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations et à l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après dénommé "accord EEE").

(5) Les 6 et 25 mai 1998, le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises a examiné le présent projet de décision.

I. LES PARTIES

(6) Bertelsmann AG (ci-après dénommée "Bertelsmann") est la société de tête du principal groupe de communication allemand. Le groupe Bertelsmann opère essentiellement dans les secteurs suivants: édition de livres et de périodiques, clubs du livre, imprimerie, édition musicale et distribution d'enregistrements sonores. Elle possède également des participations dans des sociétés de télévision privées. CLT-UFA est une entreprise commune créée par Bertelsmann et Audiofina SA, à laquelle les sociétés mères ont intégré leurs activités dans le secteur de la télévision en Europe, parmi lesquelles figure la participation qu'elles détiennent dans Premiere.

(7) Taurus est une holding, appartenant au groupe Kirch (ci-après dénommé "Kirch"). Kirch est le principal fournisseur de films cinématographiques et de programmes de divertissement pour la télévision en Allemagne, et il opère également dans le secteur de la télévision privée. Les activités du groupe s'exercent principalement en Allemagne.

II. LE PROJET

(8) Le capital du diffuseur allemand de télévision à péage Premiere est actuellement détenu par CLT-UFA (37,5 %), Canal+ SA (ci-après dénommé "Canal+") (37,5 %) et Kirch (25 %). Le projet prévoit le retrait de Canal+, CLT-UFA et Kirch portant alors leur participation respective dans Premiere à 50 % chacune. Dans le même temps, Kirch mettra un terme à l'exploitation de sa propre chaîne de télévision numérique à péage, DF1, dont elle transférera les actifs à Premiere. En outre, Kirch intégrera sa chaîne sportive DSF à Premiere et mettra également à la disposition de cette dernière ses droits de diffusion dans le domaine de la télévision à péage et du paiement à la séance, [...] (4) et sous forme de sous-licences. Premiere deviendra une plate-forme de programmation et de commercialisation pour la télévision numérique à péage; elle utilisera la technologie de décodage d-box, qui fonctionne avec un système de cryptage fermé (propriétaire) et qui sera mise à sa disposition par Kirch. A cet effet, Premiere constituera des bouquets à partir de chaînes de télévision qu'elle aura créées elle-même ou acquises auprès de tiers, qu'elle commercialisera ensuite. En outre, Premiere assurera la gestion des abonnements et les services aux abonnés ("Subscriber Management Services": SMS) non seulement pour Premiere Digital, mais aussi pour d'autres diffuseurs. Premiere mettra au point l'infrastructure de décodage (décodeur/convertisseur) nécessaire à la réception de la télévision numérique ("set top box"). Enfin Premiere gérera également le contrôle d'accès ("conditional access") pour les programmes numériques transmis par satellite.

(9) Dans le même temps CLT-UFA prendra une participation de 50 % dans BetaDigital, actuellement filiale à 100 % de Kirch. BetaDigital gère un centre d'émission pour la télévision numérique par satellite et elle assurera, à l'avenir, les services liés à la préparation et à la transmission, par exemple le cryptage, la vidéocompression, le multiplexage et la liaison montante vers le satellite, non seulement pour Premiere, mais également pour des tiers. BetaDigital assure actuellement la liaison montante vers le satellite pour DSF, Pro7 et [...].

(10) En outre, CLT-UFA prendra également une participation de 50 % dans BetaResearch, qui est elle aussi une filiale à 100 % de Kirch. BetaResearch détient actuellement des licences exclusives et illimitées - pour l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse alémanique - pour la technique de cryptage Beta, basée sur le décodeur d-box. Les licences pour la technologie d'accès ont été concédées par DigCo BV, une société appartenant pour moitié à Kirch et pour moitié à Irdeto BV, qui fait partie du groupe sud-africain MIH. BetaResearch opère dans le secteur du développement de logiciels de décodage et elle sera chargée de poursuivre le développement du logiciel de cryptage et d'exploitation pour la technologie d-box. Elle vendra cette technologie sous licence à Premiere, à Deutsche Telekom AG (ci-après dénommée "Telekom"), à d'autres diffuseurs et à des fabricants de décodeurs. Elle fabriquera aussi elle-même des modules de contrôle d'accès (ci-après dénommés "modules CA") et des cartes à puce, qu'elle fournira aux fabricants de d-box. En outre, BetaResearch développera des projets pour des tiers; elle a d'ailleurs déjà reçu des commandes de [...].

(11) Telekom s'est associée à l'"accord pour la création d'une plate-forme câblée indépendante des diffuseurs pour la télévision numérique", un accord relatif à la technologie d'accès Beta, basée sur le décodeur d-box, conclu entre Kirch et Bertelsmann. Dans le cadre de cet accord, Telekom devra créer une plate-forme technique pour la diffusion numérique de chaînes de télévision à péage sur son réseau câblé. Telekom envisage d'acquérir une participation dans BetaResearch, afin de garantir les droits sur la technologie d'accès Beta, basée sur le décodeur d-box, dont elle a besoin. Ce projet fait l'objet de la procédure IV-M.1027 - Deutsche Telekom/BetaResearch. Bien que ces deux projets constituent, d'un point de vue formel, des concentrations indépendantes, qui ont donc fait l'objet de notifications séparées, ils sont, dans la pratique, étroitement liés, dans la mesure où ils doivent constituer, à eux deux, le cadre pour l'introduction de la télévision numérique en Allemagne.

III. LA CONCENTRATION

(12) Premiere est une société qui est actuellement contrôlée conjointement par CLT-UFA, Kirch et Canal+, les trois associés disposant d'un droit de veto pour les décisions commerciales. Le projet entraînera une modification de la répartition du contrôle. Après le retrait de Canal+, CLT-UFA et Kirch détiendront chacune une participation de 50 % dans Premiere, qu'elles contrôlent conjointement, puisqu'elles devront désormais prendre les décisions commerciales stratégiques en plein accord. En outre, avec la cession des actifs de DF1 et de la chaîne sportive DSF ainsi qu'avec la cession de ses droits dans le domaine de la télévision à péage et du paiement à la séance, Kirch apportera à Premiere des actifs d'une grande importance pour ce marché. L'intégration à Premiere des activités de Kirch dans le secteur numérique permettra une extension importante des activités commerciales de Premiere.

(13) Premiere remplira, à terme, toutes les fonctions d'une entité économique autonome et ne devrait, en outre, pas entraîner de coordination du comportement concurrentiel de CLT-UFA et de Kirch. Premiere continuera également à diffuser des programmes de télévision payante en Allemagne et, parallèlement à la diffusion de programmes analogiques, actuellement dominants, elle poursuivra le développement de la télévision à péage numérique, aussi bien en tant que diffuseur qu'en tant qu'opérateur d'une plate-forme de programmation et de commercialisation. Pour l'instant, Premiere reçoit certes encore les droits de transmission pour la télévision à péage de Taurus, mais une fois que les contrats conclus par Taurus avec les titulaires des droits seront arrivés à expiration, Premiere achètera directement ces droits de transmission [...]. Une fois que le projet de concentration aura été réalisé, Kirch et CLT-UFA/Bertelsmann n'opéreront plus sur le marché de la télévision à péage et sur le marché des droits de transmission pour la télévision à péage que par l'intermédiaire de Premiere. De ce fait, l'augmentation de la participation de CLT-UFA et de Kirch dans Premiere après le retrait de Canal+, qui interviendra parallèlement à la transformation de Premiere en une plate-forme numérique de programmation et de commercialisation, constitue une opération de concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.

(14) CLT-UFA et Kirch détiendront chacune 50 % des parts de BetaDigital, qu'elles contrôleront conjointement. BetaDigital remplira, à terme, toutes les fonctions d'une entité économique autonome et n'entraînera, en outre, aucune coordination du comportement concurrentiel de CLT-UFA et de Kirch. Certes, BetaDigital vend actuellement essentiellement ses services techniques à des sociétés liées à CLT-UFA et à Kirch. Toutefois, la prestation de services techniques à des tiers est également prévue, et déjà partiellement réalisée. On peut s'attendre à ce que, avec l'extension de la télévision numérique en Allemagne, BetaDigital travaille de plus en plus pour des tiers. BetaDigital doit donc être considérée comme une entreprise de plein exercice. Comme CLT-UFA est seule à opérer, dans une mesure limitée, dans le domaine des services techniques pour la télévision numérique, et ce par l'intermédiaire de la société Cologne Broadcasting Center GmbH, il n'y aura pas non plus coordination du comportement concurrentiel de CLT-UFA et de Kirch. La participation de CLT-UFA à BetaDigital constitue donc une opération de concentration, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, réalisée sous forme d'une entreprise commune concentrative.

(15) Dans un premier temps, CLT-UFA et la société BetaTechnik, qui appartient au groupe Kirch, détiendront chacune 50 % des parts de BetaResearch. Une fois que la prise de participation de Telekom sera devenue effective, BetaResearch sera contrôlée conjointement par Telekom, CLT-UFA et Kirch. L'"accord de restructuration de BetaResearch" (ci-après dénommé "accord de restructuration") conclu par CLT-UFA, Kirch et Telekom prévoit que les décisions politiques importantes, [...], devront être prises à l'unanimité par l'assemblée des associés. BetaResearch exercera, à terme, toutes les fonctions d'une entité économique autonome et n'entraînera, en outre, pas de coordination du comportement concurrentiel de CLT-UFA et de Kirch. BetaResearch accordera des li ences pour la technologie d-box non seulement à des entreprises qui - comme Telekom et BetaDigital - souhaitent proposer des services techniques pour la télévision numérique, mais également à des diffuseurs qui voudront fournir eux-mêmes les services techniques nécessaires. En outre, BetaResearch accordera des licences à tous les fabricants de décodeurs intéressés, et elle leur fournira les modules CA. BetaResearch développera également des logiciels de décodage pour le compte de tiers. On peut donc s'attendre à ce que BetaResearch, en plus de relations commerciales qu'elle entretiendra avec ses sociétés fondatrices ou avec des entreprises qui leur sont liées, réalisera également des opérations d'octroi de licences avec des tiers, dans une mesure non négligeable, ce qui lui assurera un accès propre au marché. BetaResearch doit donc être considérée comme une entreprise de plein exercice. Dans la mesure où seule CLT-UFA opère dans le secteur des technologies de cryptage pour la télévision à péage, par le biais de la participation de Bertelsmann dans Seca SA, il n'y a aucun risque de coordination du comportement concurrentiel de CLT-UFA et de Kirch. La participation de CLT-UFA, dans BetaResearch constitue donc une opération de concentration, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, réalisée sous la forme d'une entreprise commune concentrative.

IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(16) Les sociétés Bertelsmann et Kirch réalisent, à elles deux, un chiffre d'affaires total, à l'échelle mondiale, de plus de 5 milliards d'écus. Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires de plus de 250 millions d'écus dans la Communauté. Seule Kirch réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires communautaire dans un seul Etat membre, en l'occurrence l'Allemagne. Le projet a donc une dimension communautaire et constitue un cas de coopération conformément à l'accord EEE.

V. APPRÉCIATION AU REGARD DE L'ARTICLE 2 DU RÈGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS

(17) L'opération de concentration prévue aura des répercussions essentiellement sur les marchés suivants:

- télévision à péage,

- services techniques pour la télévision à péage.

A. MARCHES DE PRODUITS EN CAUSE

1. Télévision à péage

(18) La télévision à péage constitue, par opposition avec le marché de la télévision gratuite, c'est-à-dire la télévision privée financée par la publicité et la télévision publique financée par la redevance et par les recettes publicitaires, un marché de produits en cause distinct (5).Alors que, dans le cas de la télévision financée par la redevance et par la publicité, il n'existe une relation d'échange qu'entre le diffuseur et les annonceurs, le seul rapport d'échange qui existe dans le cas de la télévision à péage est celui qui unit le diffuseur et le téléspectateur, en sa qualité d'abonné. Les conditions de concurrence sont donc différentes pour ces deux types de télévision. Dans le cas de la télévision financée par la redevance et par la publicité, ce sont les parts d'audience et le coût de la publicité qui constituent les principaux paramètres d'action, alors que, dans le cas de la télévision à péage, c'est l'adaptation des programmes aux intérêts des groupes cibles et le prix des abonnements qui jouent un rôle déterminant.Selon une étude de marché de la GfK sur la télévision, les abonnés à la télévision à péage consacrent en moyenne 90 % du temps qu'ils passent chaque jour devant le petit écran à la télévision gratuite contre 10 % seulement à la télévision payante. Le fait que, en dépit d'une utilisation relativement plus faible, ces abonnés soient prêts à supporter le coût élevé d'un abonnement à la télévision à péage montre qu'il s'agit en l'espèce d'un produit véritablement distinct et d'un usage complémentaire spécifique. Avec la numérisation croissante des données, il est vrai qu'une certaine convergence pourrait se produire entre la télévision à péage et la télévision gratuite. Tel serait le cas, en particulier, s'il arrivait un jour que les haînes de télévision gratuite soient aussi proposées de manière prépondérante dans les bouquets numériques des chaînes de télévision payante. Cette possibilité n'est, cependant, pas de nature à conforter, pour l'heure, l'hypothèse d'un marché qui regrouperait la télévision payante et la télévision gratuite. Par ailleurs, le marché de la télévision à péage comprend également les abonnements à des chaînes individuelles et le paiement à la séance. Une subdivision du marché de la télévision à péage en télévision analogique et télévision numérique ne s'impose pas. En effet, la télévision numérique ne constitue qu'un stade de développement ultérieur de la télévision analogique, et il ne peut donc pas être considéré comme un marché de produits en cause distinct. Du reste, il faut tenir compte du fait que, dans les années à venir, la télévision analogique sera totalement remplacée par la télévision numérique. Il ressort du plan d'entreprise (ci-après dénommé "Business Plan") de Premiere que les abonnements à la télévision analogique seront tous progressivement transformés en abonnements à la télévision numérique, de sorte qu'il ne subsistera que ces derniers en [...].

2. Services techniques pour la télévision à péage

(19) L'organisation de la télévision à péage nécessite des infrastructures techniques particulières permettant de crypter les signaux et de les décrypter ensuite pour le téléspectateur autorisé à les recevoir. Cette dernière opération se fait par l'intermédiaire d'un décodeur, qui est installé dans chaque foyer abonné à la télévision à péage. Les décodeurs pour la réception de la télévision à péage numérique ne décryptent pas seulement les signaux cryptés dans le système d'accès, mais il les convertissent également afin de permettre la réception de signaux numériques sur des postes de télévision analogiques. On utilise des décodeurs différents pour la télévision par câble et la télévision par satellite.

(20) Outre le décodeur, la télévision à péage nécessite également un système de contrôle d'accès. Ce système comprend l'association aux signaux de télévision des informations donnant droit à l'accès aux programmes, ainsi que leur cryptage, la transmission, en même temps que les signaux, des données cryptées qui contiennent des informations sur l'agrément des abonnés, ainsi que les cartes à puce, qui sont données aux téléspectateurs et qui permettent de décoder les données d'autorisation cryptées et de les transmettre au décodeur.

(21) Les services liés à la télévision à péage découlent de l'infrastructure qui vient d'être présentée. Il s'agit essentiellement du déroulement du contrôle d'accès ainsi que de la commercialisation des décodeurs et des cartes à puce. Les services techniques pour la télévision à péage nécessitent une technologie spécifique selon que les signaux sont transmis par satellite ou par câble. Dans le cas de la transmission par satellite, le signal, après avoir été préparé, est transmis du centre d'émission vers un répéteur de satellite, d'où il peut ensuite être envoyé directement vers chaque foyer, qui le reçoit dans un décodeur conçu à cet effet. Dans le cas de la diffusion par câble, en revanche, les signaux préparés sont tout d'abord envoyés par le répéteur du satellite vers la tête de réseau, où ils sont adaptés à la transmission par câble, avant d'être introduits dans les réseaux câblés. En dépit de la technique différente utilisée selon que la transmission se fait par satellite ou par câble, il n'apparaît pas indispensable de subdiviser le marché des services techniques pour la télévision à péage en deux marchés distincts. En effet, dans le cas de la télévision à péage, tant les satellites que le câble nécessitent les mêmes services techniques. De toute façon, cette question peut être laissée en suspens, dans la mesure où elle ne présente pas d'importance aux fins d'appréciation de la présente affaire du point de vue de la concurrence.

B. MARCHES GÉOGRAPHIQUES EN CAUSE

(22) Le marché géographique en cause pour les produits mentionnés ci-dessus est limité à l'Allemagne, ou plutôt aux régions germanophones: l'Allemagne, l'Autriche, la région germanophone de Belgique et la Suisse alémanique. Compte tenu des habitudes de la population en matière de télévision, le Luxembourg pourrait également être inclus dans les régions germanophones.

1. Télévision à péage

(23) Même si, sur des créneaux particuliers, certains programmes, comme ceux de la chaîne sportive Eurosport, sont déjà diffusés dans l'Europe entière, la télévision est en principe organisée sur la base de marchés nationaux. Ainsi que la Commission l'a déjà exposé dans plusieurs décisions (6), il faut partir de marchés nationaux pour l'organisation de la télévision, essentiellement en raison de différences dans les législations nationales, des barrières linguistiques existantes, de facteurs culturels ainsi que d'autres différences dans les conditions de concurrence régnant dans les divers Etats membres (par exemple la structure du marché de la télévision par câble).

(24) Compte tenu de ce qui précède, c'est l'Allemagne qui serait en premier lieu le marché géographique en cause pour la télévision à péage. C'est d'ailleurs à cette conclusion qu'est parvenue la Commission dans la décision MSG Media Service. Toutefois, elle avait alors déjà constaté que, compte tenu de l'absence de barrières linguistiques, il était possible qu'à l'avenir le marché de la télévision à péage s'étende sur l'ensemble des régions germanophones (7). Les vérifications effectuées par la Commission dans le cadre de la présente affaire semblent également indiquer que le marché géographique pour la télévision à péage s'étend, en l'espèce, au-delà de l'Allemagne et, compte tenu de l'absence de barrières linguistiques, comprend l'ensemble de la zone germanophone. Toutefois, cette question peut être laissée en suspens, dans la mesure où, même si le marché comprenait l'ensemble de la zone germanophone, cela n'aurait aucune incidence sur l'appréciation de la présente affaire sur le plan de la concurrence.

2. Services techniques pour la télévision à péage

(25) Les services techniques pour la télévision à péage sont étroitement liés à l'offre dans ce secteur. Dans la décision relative à l'affaire MSG Media Service (8), la Commission avait considéré que le marché géographique en cause était limité à l'Allemagne, mais elle avait précisé que, dans la mesure où les diffuseurs allemands de télévision payante numérique avaient également la possibilité de vendre des abonnements dans d'autres régions germanophones, le marché de services de MSG s'étendrait probablement aussi à ces régions. Dans la présente affaire, le marché des services techniques pour la télévision à péage devrait comprendre l'ensemble de la zone germanophone, que l'on admette qu'il y a un marché distinct pour la transmission satellite ou que la transmission par satellite et la transmission par câble constituent un marché unique.

C. RÉPERCUSSIONS DE LA CONCENTRATION

1. Organisation de la télévision à péage en Allemagne après la réalisation de l'opération de concentration

a) Plate-forme de programmation

(26) Premiere mettra sur pied une plate-forme de programmation et de commercialisation des programmes, et elle transmettra ses programmes tant par l'intermédiaire de la plate-forme technique de Telekom pour la télévision câblée que par l'intermédiaire de sa propre plate-forme technique pour la télévision par satellite. Premiere constituera des bouquets de chaînes avec ses propres chaînes et/ou des chaînes appartenant à des tiers, qu'elle commercialisera soit par marketing direct, soit en les proposant sur le marché. En outre, Premiere assurera la gestion des abonnements et les services aux abonnés non seulement pour Premiere Digital, mais également pour d'autres diffuseurs. Premiere développera en priorité l'infrastructure de décodage nécessaire pour la réception de la télévision numérique ("set top box").

b) Plate-forme technique

(27) La plate-forme technique proprement dite, c'est-à-dire la réalisation du contrôle d'accès et les services techniques qui y sont liés, ne sera pas conçue de la même manière pour la transmission par satellite et la transmission par câble. La plate-forme technique crypte les signaux de l'émission à diffuseur transmis par le diffusé et les retransmet à l'abonné. C'est BetaDigital qui gérera le contrôle d'accès et les services techniques qui y sont liés pour la télévision par satellite. Pour les réseaux câblés, c'est Telekom qui assurera le contrôle d'accès et proposera un guide de programmes électronique sous la forme d'un navigateur de base.

(28) La technologie de décodage fait partie de la plate-forme technique. CLT-UFA, Kirch et Telekom sont convenus d'utiliser la technologie d-box et la technologie de contrôle d'accès Beta, au développement de laquelle Kirch est associé, pour le cryptage des programmes transmis tant par le réseau câblé que par satellite. Afin de garantir l'utilisation de la technologie d'accès Beta par Premiere et Telekom, CLT-UFA et Telekom prendront une participation dans BetaResearch, qui est titulaire des droits sur le système de cryptage et de décodage.

2. Le marché de la télévision payante

a) Position dominante

(29) L'opération de concentration prévue entraînera la création ou le renforcement d'une position dominante pour la société Premiere sur le marché de la télévision payante en Allemagne.

i) Premiere sera pratiquement le seul diffuseur de télévision payante

(30) Actuellement, Premiere et DF1 sont pour l'essentiel les seuls diffuseurs de télévision payante en Allemagne. Canal+ est certes également présent sur le marché allemand, avec le bouquet "Multithématiques" qui se compose de trois chaînes thématiques à péage, mais ce bouquet est actuellement diffusé par l'intermédiaire de la plate-forme de DF1. Premiere a environ 1 500 000 abonnés (situation en novembre 1997), dont à peu près 100 000 sont abonnés à Premiere Digital (situation en décembre 1997). DF1 compte environ [< 100 000] abonnés pour son propre bouquet numérique (situation en novembre 1997). Ces chiffres montrent que Premiere bénéficie d'ores et déjà d'une position dominante sur le marché de la télévision payante. Toutefois, cette position n'est pour l'instant pas inattaquable. En effet, Kirch dispose de droits nombreux et importants sur des films et des événements sportifs, et Premiere dépend tout particulièrement des droits de retransmission possédés par Kirch. Même si Kirch pouvait, comme on l'a vu au considérant 12, exercer un contrôle commun sur Premiere, une concurrence intense existait jusqu'alors entre Premiere et DF1. Indépendamment de son statut d'associé de Premiere, Kirch a commencé à mettre en place en 1996 avec DF1 une plate-forme de télévision numérique à péage. Cela a suscité une concurrence vigoureuse entre Premiere et DF1 et a donné lieu à de nombreuses actions en justice. Cette concurrence s'est notamment manifestée par le fait que, jusqu'à ce qu'intervienne l'accord sur le projet de concentration en juin 1997, Kirch et Premiere avaient des systèmes de décodage différents. Une fois l'opération de concentration réalisée, cette concurrence disparaîtra, et il n'existera plus qu'un seul diffuseur de télévision payante, qui regroupera les ressources de CLT-UFA et de Kirch.

ii) Premiere sera la seule plate-forme de programmation pour la télévision payante numérique

(31) Actuellement, Premiere propose une chaîne payante analogique qui repose essentiellement sur des fils présentés en exclusivité (premières diffusions de films cinématographiques récents) et des événements sportifs. En outre, Premiere Digital propose deux autres chaînes qui diffusent les programmes analogiques en différé. L'offre numérique comporte également des films proposés dans le cadre d'un système de paiement à la séance. DF1 propose un bouquet de base avec vingt chaînes (y compris quelques chaînes étrangères gratuites et la chaîne payante Planet de Canal+). DF1 propose, en outre, trois bouquets supplémentaires (films, sports et science-fiction), quatre chaînes thématiques (dont deux de Canal+), auxquelles il est possible de s'abonner séparément, ainsi que des films dans le cadre du système de paiement à la séance.

(32) La transformation de Premiere en une entreprise commune détenue à parts égales par CLT-UFA et Kirch, qui interviendra parallèlement à la cessation de l'activité de DF1 en tant que fournisseur indépendant de télévision à péage, fera de Premiere, à court terme, la seule plate-forme de programmation et de commercialisation de télévision à péage en Allemagne. Une fois l'opération de concentration réalisée, Premiere reprendra des parties importantes des actifs [...]. Ensuite, les activités de diffusion ainsi que les autres activités commerciales de DF1 cesseront. En outre, Taurus Film cédera à Premiere [...]. Premiere acquerra également la chaîne sportive DSF, qui fournira par la suite des chaînes sportives numériques pour le bouquet de Premiere et exploitera aussi une autre chaîne sportive gratuite. Enfin, Premiere reprendra [< 20] répéteurs de DF1 et [< 10] répéteurs de CLT-UFA ainsi que le contrat conclu entre Kirch et Nokia, qui porte sur une commande de un million de décodeurs d-box.

(33) [...].

iii) Premiere aura accès aux ressources les plus intéressantes et les plus étendues en matière de programmes

(34) L'un des principaux facteurs qui conditionnent le succès de la télévision payante est l'accès à des ressources en matière de programmes. Ce qui importe surtout à cet égard, c'est l'accès à des films récents et à des droits de retransmission d'événements sportifs populaires, dont la diffusion sur des chaînes d'appel suscite l'intérêt d'abonnés potentiels pour un bouquet payant. Mais il faut également pouvoir disposer d'un stock de films déjà diffusés une fois et de productions télévisuelles se prêtant à des diffusions répétées. Cette bibliothèque de programmes est particulièrement utile dans le cas de chaînes thématiques, spécialisées notamment dans le cinéma, la science-fiction, les comédies ou les documentaires.

(35) Premiere aura accès, par l'entreprise de ses sociétés mères CLT-UFA et Kirch, compte tenu des positions qu'elles détiennent sur les marchés en amont des droits de diffusion, à des ressources en matière de programmes qui sont uniques en Allemagne. Pour des raisons de confidentialité, aucun chiffre précis n'est dévoilé dans les points qui suivent.

(36) Kirch est le premier producteur de films cinématographiques et de programmes de divertissement pour la télévision. Comme la Commission l'a déjà indiqué dans sa décision MSG Media Service (9), Kirch a en stock quelque 15 000 films en tout genre et 50 000 heures de programmes de télévision, et elle exerce diverses activités de production dans le domaine du cinéma et de la télévision. Entre [...], Kirch a conclu, entre autres avec [...] les grands studios de Hollywood, des accords [...] d'acquisition anticipée ("output deals") afin d'obtenir des droits de retransmission pour la télévision payante et a ainsi conquis une position de premier plan dans le domaine des programmes. A cela s'ajoutent [...] les droits pour la télévision payante en dehors de ceux que détiennent le groupe Kirch, CLT-UFA et Premiere [...]. Compte tenu des contrats d'exclusivité que Kirch a conclus, notamment pour la télévision payante, le monopole [...] que l'opération de concentration conférera à Premiere sur la diffusion payante des nouveautés cinématographiques subsistera dans un avenir prévisible.

(37) Kirch et CLT-UFA disposent, en outre, de [...] droits de retransmission d'événements sportifs, qui sont dans bien des cas complémentaires. A titre d'exemple, CLT-UFA est titulaire de droits de retransmission payante des matchs de la première division allemande, tandis que Kirch dispose des [...]. En ce qui concerne les tournois de tennis, Kirch détient les droits de retransmission pour [...], les droits sur [...] appartenant à CLT-UFA. Ces deux entreprises disposent aussi de nombreux droits de retransmission pour une multitude d'autres disciplines sportives. C'est ainsi que Kirch possède les droits sur [...].

(38) [...].

(39) [...].

(40) [...].

(41) [...].

(42) [...]. L'affirmation des parties selon laquelle une partie des droits précités ne leur est octroyée que pour une assez courte durée, de sorte qu'à court terme elles seront dans l'obligation d'en demander le renouvellement, est tout à fait fondée. De ce fait, le tableau présenté ci-dessus ne donne une image fidèle que de la situation actuelle. Cependant, si elles disposent d'ores et déjà d'un nombre considérable des droits importants en matière sportive qui ne sont accordés d'habitude que pour une durée relativement courte, il faut s'attendre à ce que, à l'issue du regroupement de leurs ressources au sein de Premiere, les parties se voient accorder à l'avenir des droits au moins aussi étendus, voire probablement encore plus étendus. Les parties ne contestent pas cet argument. En ce qui concerne l'allégation des parties selon laquelle les ministres-présidents des Länder allemands se seraient mis d'accord, sur la base de la directive 97-36-CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 modifiant la directive 89-552-CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (10), sur une liste provisoire des événements sportifs d'une importance majeure à retransmettre sur les télévisions gratuites, il convient, en tout cas, de faire observer qu'il s'agit seulement, en l'occurrence, des jeux Olympiques et de certains matchs de football d'une importance primordiale.

iv) Le comportement indépendant de Premiere sous l'angle de la concurrence ne sera pas contrôlé de manière notable par les diffuseurs publics

(43) Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties font valoir que la Commission n'aurait pas tenu suffisamment compte, dans son examen, de l'étroite corrélation qui existe, sous l'angle de la concurrence, entre, d'une part, la télévision gratuite publique et financée par la publicité et, d'autre part, la télévision payante et du pouvoir de contrôle de la première sur la seconde qui en résulte. En particulier, la Commission aurait totalement négligé les très fortes pressions concurrentielles que la télévision publique allemande exerce sur la télévision à péage.

(44) La Commission n'ignore pas que, bien que la télévision payante et la télévision gratuite constituent deux marchés distincts, il existe une interdépendance entre ces deux marchés. Ainsi qu'il est exposé en détail au point c), plus les programmes proposés par la télévision gratuite sont variés et intéressants, plus l'intérêt que présente pour le téléspectateur le fait de prendre, en sus, un abonnement de télévision payante est faible. Toutefois, l'argument suivant lequel, compte tenu de cette interdépendance, le comportement autonome de Premiere sur le marché de la télévision à péage est déjà limité dans une large mesure, notamment par les diffuseurs de programmes publics, n'est pas convaincant. Il n'existe aucune concurrence directe entre la télévision gratuite et la télévision payante. Les parties objectent qu'une telle concurrence s'opère surtout au niveau de la part d'audience, mais ce point est justement réfuté par leurs autres remarques. Elles font, en effet, référence à une étude de marché de GfK sur la télévision, dont il ressort que les abonnés à la télévision à péage consacrent en moyenne 90 % du temps qu'ils passent chaque jour devant le petit écran à la télévision gratuite contre 10 % seulement à la télévision payante. Or, le fait que ces mêmes abonnés soient disposés à verser, en plus de la redevance de télévision existante, soit quelque 30 marks allemands, 50 marks allemands supplémentaires pour souscrire un abonnement de télévision payante, alors qu'ils n'y consacrent que 10 % de leur consommation de programmes télévisuels, prouve bien que la part d'audience n'est pas déterminante pour le succès économique de la télévision payante. A cet égard, c'est le nombre d'abonnés qui est déterminant, indépendamment du pourcentage d'utilisation réelle correspondant. Si les abonnés, en dépit d'une utilisation comparativement plus faible, sont disposés à supporter le coût très élevé d'un abonnement à la télévision payante, cela montre en outre que la télévision à péage constitue un produit véritablement distinct et d'un usage complémentaire spécifique.

(45) Même si les parties font également valoir que toute augmentation de la redevance se répercute sur la demande de télévision payante et que, par voie de conséquence, l'élasticité de la demande de ce produit dépend durablement du montant de la redevance des diffuseurs publics, il ne s'ensuit pas pour autant qu'il existe une relation de concurrence entre les diffuseurs de chaînes à péage et les diffuseurs publics. En effet, il faudrait, tout d'abord, une augmentation spectaculaire de la redevance et de la part du budget culturel pour que les téléspectateurs soient moins disposés à consacrer 50 marks allemands par mois à un abonnement de télévision payante. En outre, il ne pourrait être question d'un comportement concurrentiel en ce qui concerne le montant de la redevance et peut-être le prix d'un abonnement de télévision payante que si les diffuseurs publics étaient en mesure de fixer librement le montant de la redevance. Or, tel n'est pas le cas.

b) Caractère durable de la position dominante sur le marché

(46) Les parties reconnaissent que Premiere détiendra effectivement une position très forte sur le marché de la télévision à péage pendant les cinq prochaines années, mais elles estiment que cette position sera limitée dans le temps. Dès que Premiere aura réussi à constituer un parc de décodeurs important, d'autres diffuseurs de télévision payante pourraient lui faire concurrence, non seulement en proposant une plate-forme de programmation et de commercialisation pour la télévision payante, mais aussi en diffusant et en développant leurs propres programmes. Telekom en particulier pourrait créer une autre plate-forme de programmation et de commercialisation pour le câble et confier à d'autres diffuseurs la commercialisation de ses programmes, ainsi que la gestion des abonnements et les services aux abonnés.

(47) Un tel raisonnement ne saurait être retenu. Il faut partir du principe que la position dominante que Premiere exerce sur le marché s'inscrira dans la durée. A l'issue de l'opération de concentration, Premiere restera durablement en Allemagne la seule plate-forme de programmation et de commercialisation sur le marché de la télévision payante, tant par satellite que via le câble.

i) Aucune autre entreprise ne disposera des ressources en matière de programmes nécessaires à la création d'une plate-forme de programmation

(48) Pour la diffusion de programmes de télévision payante, l'accès à des droits de diffusion est encore plus important que pour la télévision gratuite, étant donné que seuls certains programmes sont propres à inciter le consommateur à prendre un abonnement ou à recourir au paiement à la séance. L'expérience acquise en matière de diffusion de programmes de télévision payants en Europe montre que seule une combinaison de droits de première diffusion de productions cinématographiques des grands studios hollywoodiens et de droits de retransmission des événements sportifs marquants confère à un bouquet payant le pouvoir d'attraction indispensable. Cet argument vaut d'autant plus dans le cas de l'Allemagne où, contrairement à la France ou au Royaume-Uni par exemple, tout foyer équipé d'un téléviseur peut capter plus de trente chaînes en clair. L'importance des films en exclusivité et des émissions sportives pour la diffusion de programmes de télévision payants est également attestée par les coûts des programmes prévus dans le plan d'entreprise de Premiere, dont il ressort que, par exemple pour l'année 1998 [60-80 %] de l'ensemble des coûts des licences sont imputables à des films en exclusivité [30-50 %] et à des droits de retransmission d'événements sportifs [20-40 %). C'est pourquoi seule une entreprise ayant accès à des programmes diffusés en exclusivité qui lui permettent de proposer un bouquet payant prometteur pourrait développer une autre plate-forme de programmation.

(49) Or, les ressources en matière de programmes sont limitées. Les droits de diffusion de programmes d'appel sont essentiellement concédés, en effet, dans le cadre d'accords à long terme et exclusifs. Pour la zone germanophone, CLT-UFA et Kirch disposent déjà de droits [...] pour la diffusion payante de films récents, en vertu des accords d'acquisition anticipée qu'elles ont conclus avec les grands studios d'Hollywood, et de droits [...] pour la retransmission d'événements sportifs. Etant donné que CLT-UFA et Kirch céderont leurs droits de diffusion payante à Premiere, celle-ci sera, dans un premier temps, à l'issue de l'opération de concentration, le seul diffuseur à disposer de programmes d'appel. Pendant la durée des accords en vigueur, aucun autre diffuseur n'aura accès aux ressources de Premiere en termes de programmes. A cet égard, les concurrents potentiels ne seront pas non plus en mesure de créer une autre plate-forme pour la zone germanophone. Ils pourraient, à la rigueur, opérer dans certains créneaux limités de la télévision à péage en proposant quelques programmes, pour lesquels ils dépendraient cependant de l'accès à la plate-forme de programmation et de commercialisation de Premiere.

(50) Il est également peu probable que, à l'expiration des accords actuels sur les droits de diffusion de programme payants, la situation se modifie. En théorie, il est vrai, des diffuseurs européens et de pays tiers, et en particulier des diffuseurs de télévision payante d'autres Etats membres, comme BSkyB Ltd ou Canal+, ainsi que les grands studios hollywoodiens eux-mêmes, pourraient opérer en Allemagne et dans la zone germanophone en tant que diffuseurs potentiels de télévision payante. Or, pour créer une autre plate-forme de programmes, il ne suffit pas de conclure quelques accords d'acquisition anticipée. Les accords de ce type signés par Kirch et CLT-UFA ont une durée qui varie d'un contrat à l'autre. Quatre des dix accords d'acquisition anticipée conclus par Kirch, dont les droits seront mis à la disposition de Premiere dans le cadre de sous-licences, ont une durée contractuelle de [ < 20 ans]. Il s'agit d'au moins [...]. La plupart des accords d'acquisition anticipée signés avec les studios d'Hollywood sont valables jusqu'en [ < 2005], voire au-delà. Les concurrents potentiels devraient donc acquérir des droits sur des programmes ayant fait leurs preuves sur la durée en vertu de plusieurs accords de ce type pour pouvoir offrir un bouquet payant intéressant.

(51) Compte tenu de la position dont Premiere dispose déjà sur le marché, les concurrents n'ont que peu de chances d'obtenir des droits de diffusion payante intéressants et plus étendus. L'un des facteurs déterminants pour pouvoir acquérir des droits de diffusion est, en effet, l'accès aux téléspectateurs sous la forme d'un portefeuille d'abonnés déjà constitué, l'intérêt des titulaires de droits étant, en règle générale, que leurs programmes soient largement diffusés. Cela vaut pour les films d'appel et, avant tout, pour les manifestations sportives. Les titulaires de droits de retransmission d'événements sportifs, en particulier, s'efforcent d'obtenir une diffusion aussi large que possible de leurs programmes, qui leur apportera des pa rainages et des recettes publicitaires supplémentaires. Dans la mesure où Premiere disposera déjà d'un portefeuille d'abonnés constitué, elle pourra donner la garantie d'une diffusion plus large, par rapport à un diffuseur qui doit encore se constituer un tel portefeuille. A cela s'ajoute le fait que les prix des droits de diffusion payante sont normalement fixés sur la base du nombre d'abonnés, de sorte qu'il faut apporter la garantie d'un nombre d'abonnés minimal. Cela vaut, tout au moins, pour les accords d'acquisition anticipée. Deux conséquences en découlent: d'une part, un studio qui vend des droits de diffusion à Premiere peut les négocier à des prix beaucoup plus élevés compte tenu du grand nombre d'abonnés escompté pour les années suivantes, que cela ne serait le cas avec un nouveau venu; d'autre part, lors de la conclusion d'un accord d'acquisition anticipée, un nouveau diffuseur serait exposé à des risques financiers importants, car il lui faudrait donner la garantie d'un nombre minimal d'abonnés, sans avoir la certitude de parvenir à un tel chiffre. Etant donné les avantages dont Premiere disposerait par rapport à ses concurrents potentiels pour conclure des accords relatifs à des programmes d'appel, il est improbable que des tiers puissent obtenir un accès suffisant à ce type de programmes.

(52) Il n'est pas non plus vraisemblable que Telekom crée une autre plate-forme de programmation et de commercialisation. Tout d'abord, Telekom ne pourrait, de toute façon, créer qu'une plate-forme conçue pour la câblodistribution. Toutefois, elle ne dispose d'aucun droit de diffusion de films ou d'événements sportifs. Or, pour constituer des bouquets de programmes concurrentiels, il faut disposer de programmes d'appel. Seul un diffuseur ayant accès à des programmes d'appel peut réussir la commercialisation de programmes qui sont subordonnés à un regroupement au sein d'un bouquet. Ces programmes n'ont, en effet, pas acquis un pouvoir d'attraction tel qu'ils soient de nature à inciter les téléspectateurs à souscrire un abonnement. Telekom ne pourrait donc créer une plate-forme de commercialisation pour les concurrents potentiels de Premiere que si elle avait accès à des programmes d'appel ou à une chaîne diffusant de tels programmes. Or, Telekom a expressément renoncé, dans les accords conclus avec CLT-UFA et Kirch, à commercialiser elle-même la chaîne Premiere. On ne voit donc pas comment Telekom pourrait créer un bouquet de télévision payante intéressant et commercialisable.

ii) Par l'opération de concentration envisagée, Premiere combinera les avantages que lui confère son portefeuille d'abonnés avec les ressources de premier ordre dont Kirch dispose en matière de programmes

(53) En tant que premier diffuseur de télévision payante à l'heure actuelle, Premiere dispose déjà d'un portefeuille d'abonnés qu'elle pourra aussi mettre à profit dans l'avenir pour la télévision numérique payante. Comme la commercialisation du décodeur d-box, interrompue par Premiere en décembre de l'année dernière, le prouve, le portefeuille des abonnés à la télévision analogique payante constitue un important point de départ pour le succès de la commercialisation d'un bouquet numérique payant. Premiere avait proposé à ses abonnés le programme numérique, location du décodeur comprise, pour un supplément modique de 10 marks allemands par rapport à l'abonnement analogique. Du début de novembre 1997 jusqu'à la suspension de la commercialisation du d-box à la mi-décembre, Premiere a pu faire de la publicité auprès de [50 000-100 000] abonnés pour Premiere Digital et mettre sur le marché un nombre corespondant de décodeurs. Dans le cadre de cette opération, [< 20 000] décodeurs d-box ont été fournis en échange de [...], [50 000-70 000] décodeurs d-box ont été pris par les abonnés de Premiere en échange de leur décodeur analogique, et seulement [10 000-30 000] nouveaux abonnements à Premiere Digital ont été souscrits. Tous les concurrents de Premiere sur le marché de la télévision payante devraient d'abord se constituer un portefeuille d'abonnés du même ordre, ce qui reviendrait, par rapport à Premiere, à partir de zéro.

(54) En outre, il faut tenir compte de ce que les ressources en termes de programmes mises par CLT-UFA et Kirch à la disposition de Premiere permettent de constituer différents bouquets de programmes, qui sont découpés sur mesure pour répondre aux besoins de certains groupes cibles et peuvent être proposés chacun contre un abonnement à un prix avantageux. L'expérience des pays où le commerce de la télévision payante est déjà plus développé montre que le regroupement de programmes isolés au sein de bouquets est un élément décisif pour le succès commercial de la télévision payante. Etant donné que Premiere est le seul diffuseur à disposer de programmes d'appel, elle peut encore renforcer son pouvoir d'attraction en liant ses programmes existants à des droits de diffusion supplémentaires.

(55) CLT-UFA et Kirch sont, en outre, très actives dans le secteur de la télévision commerciale gratuite. Dans ce secteur, les diffuseurs liés à Bertelsmann dans le cadre de CLT-UFA (à savoir RTL, RTL2, Super RTL et VOX) et les diffuseurs qui se trouvent dans la sphère d'influence de Kirch (SAT1, DSF, PRO7 et Kabel1) détiennent plus de 50 % du marché des téléspectateurs et environ 90 % du marché publicitaire. CLT-UFA et Kirch pourraient exploiter leur forte présence sur le marché de la télévision gratuite pour faire beaucoup de publicité autour de Premiere Digital. Cette stratégie a déjà été mise en œuvre dans le cadre de la commercialisation de Premiere Digital du début de novembre à la mi-décembre 1997. En principe, de telles possibilités de publicité via la télévision gratuite seraient aussi ouvertes aux concurrents potentiels de Premiere, mais il est douteux qu'elles puissent être obtenues dans des conditions comparables à celles dont bénéficie Premiere.

iii) Bertelsmann et Kirch contrôlent l'infrastructure de décodage

(56) Les concurrents potentiels, qu'ils soient nationaux ou étrangers, souhaitant proposer leurs propres programmes et chaînes sur le marché allemand, seront tenus d'utiliser le d-box pour en garantir l'accès. Théoriquement, un diffuseur de télévision à péage peut choisir, pour la transmission de ses programmes, soit une infrastructure de décodage déjà en place, soit sa propre infrastructure de décodage. Dans la pratique, toutefois, un diffuseur pénétrant pour la première fois sur un marché sera obligé de recourir aux services et à l'infrastructure du diffuseur de télévision à péage déjà présent sur ce marché, ne serait-ce que parce que le risque économique que constitue l'installation d'une infrastructure propre pour un nouveau programme est trop grand. Les ménages ne sont normalement pas disposés à acheter un nouveau décodeur pour pouvoir recevoir un nouveau bouquet de chaînes payantes. Cela vaut tout autant pour l'achat que pour la location d'un nouveau décodeur.

(57) En outre, une nouvelle infrastructure de décodage ne pourrait, de toute façon, être installée que pour la transmission par satellite. En Allemagne, le nombre des ménages équipés pour recevoir la télévision par satellite est de 7 à 9 millions environ, alors que ce sont 18,5 millions de ménages qui sont raccordés aux réseaux câbles à large bande. Or, dans l'accord de restructuration, CLT-UFA, Kirch et Telekom sont convenus, que Telekom aurait exclusivement recours à la technologie d'accès Beta, basée sur le décodeur d-box, pour la prestation des services techniques relatifs à la transmission des chaînes numériques sur son réseau câble à large bande. Chaque diffuseur de télévision payante souhaitant avoir accès aux 18,5 millions de ménages câblés devrait donc, de toute façon, utiliser le décodeur d-box. On peut, par conséquent, penser que les futurs concurrents de Premiere dans le secteur de la télévision payante devront également obligatoirement recourir au décodeur d-box pour assurer l'accès à leurs bouquets.

(58) Comme le d-box fonctionne avec un système de contrôle d'accès propriétaire, tout diffuseur potentiel de télévision à péage devra acquérir une licence d'exploitation de la technologie d'accès Beta auprès de BetaResearch. Or, Beta Research est contrôlée aux deux tiers par CLT-UFA et Kirch. Par le biais de leur participation dans Beta-Research, CLT-UFA et Kirch pourraient donc avoir une influence considérable sur la concurrence qu'exerceraient de futurs diffuseurs à l'égard de Premiere et l'orienter en grande partie aux mieux de leurs intérêts. Grâce à l'influence qu'elles exercent sur BetaResearch, elles pourraient faire en sorte que les conditions imposées pour l'utilisation de la technologie d'accès Beta, notamment la structure des prix, soient conçues de façon à avantager Premiere et à désavantager les chaînes de concurrents éventuels. CLT-UFA et Kirch pourraient même être favorisées par des prix maintenus artificiellement à un niveau excessif, dans la mesure où, contrairement à leurs concurrents, elles participent aux profits de BetaResearch. En outre, ainsi qu'il est exposé ci-après (considérant 112), on peut s'attendre à ce que, dans le domaine de la télévision par satellite, il n'y ait guère de sociétés autres que BetaDigital qui s'introduisent sur ce marché, en raison du contrôle exercé par cette dernière sur la technologie d'accès. Les concurrents de Premiere seront donc contraints de laisser BetaDigital assurer le contrôle d'accès à leurs chaînes.

(59) Les parties ont également la possibilité d'influer sur le positionnement des chaînes de leurs concurrents sur le marché, en raison du contrôle qu'elles exercent sur l'infrastructure de décodage. Le grand nombre des programmes qu'il est possible de proposer dans le domaine de la télévision numérique rend nécessaire la mise en œuvre d'un système d'aide aux utilisateurs, sous la forme d'un guide de programmes électronique ("Electronic Programming Guide", EPG), qui permette de présenter de façon claire à l'utilisateur à la fois les programmes et les autres informations dont il a besoin. Or, le d-box contient un système de navigation, appelé "TONI", qui possède les fonctions de base nécessaires à la réalisation d'un guide de programmes. Il s'agit d'une solution propriétaire, qui a été mise au point pour le d-box. Tous les diffuseurs sont dépendants de la capacité de ce guide de programmes. A l'heure actuelle, les diffuseurs tiers n'ont pas la possibilité d'intégrer leur propre guide de programmes au d-box. Ils sont donc contraints d'avoir recours au guide de programmes du d-box.

(60) Certains diffuseurs, comme par exemple ARD, considèrent le guide de programmes comme un moyen de discrimination envers les concurrents. Une conception créative du contenu du guide, ainsi que la possibilité de proposer des services interactifs, par exemple des jeux, constitue un paramètre de concurrence important. Si on le compare à d'autres systèmes déjà présents sur le marché, à partir desquels chaque diffuseur peut concevoir son propre guide avec des moyens simples, le guide de programmes du d-box ne propose actuellement que des fonctions rudimentaires.

(61) Enfin, du fait qu'elles contrôlent la plate-forme de programmation et de commercialisation de Premiere ainsi que l'infrastructure de décodage, CLT-UFA et Kirch bénéficieront d'avantages considérables sur le plan des informations qui leur seront accessibles. En effet, comme Premiere assurera la gestion des abonnements et les services aux abonnés non seulement pour Premiere Digital, mais également pour d'autres diffuseurs, elle pourra obtenir des informations sur les programmes que ses concurrents prévoient d'introduire, sur la structure de la clientèle de ces derniers ainsi que, de façon plus générale, sur le comportement des téléspectateurs gérés par son système de gestion des abonnements. Pour cela, Premiere n'aurait même pas besoin d'avoir accès aux données individuelles sur les clients. Il suffit qu'elle ait accès à des données anonymes, permettant, par exemple, de connaître la structure d'âge des téléspectateurs des différents programmes. Dans le cas des services interactifs, comme le paiement à la séance, on peut en outre déterminer, sur la base de données anonymes, quels sont les programmes que préfèrent certains groupes particuliers et dans quelle mesure. De telles informations apportent des avantages considérables sur le plan de la concurrence, parce qu'elles facilitent énormément le développement de programmes, ou de bouquets de chaînes, axés sur des groupes particuliers. A cela, les parties rétorquent que les autres diffuseurs ont tout à fait la possibilité d'exploiter leur propre guide de programmes ou d'obtenir les services correspondants auprès de tiers. Toutefois, cette objection n'est pas convaincante. En effet, ainsi que la Commission l'avait déjà constaté dans la décision MSG Media Service (11), on ne peut guère s'attendre à ce qu'un abonné normal à la télévision payante souhaite avoir affaire à plusieurs sociétés de gestion de la clientèle. Le téléspectateur a intérêt à avoir, dans la mesure du possible, un interlocuteur unique, qui règle pour lui toutes les questions liées à la télévision payante (par exemple l'extension de l'abonnement à des programmes supplémentaires, la réduction du nombre de chaînes incluses dans l'abonnement, le décompte de l'abonnement, etc.). Le prestataire de services qui gérera le plus grand nombre de programmes et les programmes les plus attirants sera donc favorisé par rapport aux autres prestataires, qui ne pourront s'imposer que difficilement. Or, ainsi qu'il est dit ci-dessus, c'est Premiere qui sera, dans tous les cas, ce prestataire privilégié.

iv) La structure actuelle du réseau câble allemand ne permettrait pas aux câblodistributeurs de constituer une plate-forme de programmation concurrente, quand bien même ils auraient accès aux chaînes de Premiere

(62) La constitution d'une plate-forme de programmation concurrente par des câblodistributeurs privés est, dès le départ, vouée à l'échec sans l'accès aux chaînes d'appel de Premiere. Comme Premiere dispose des droits de diffusion les plus intéressants (films et manifestations sportives d'appel), les autres diffuseurs devraient, pour entrer sur le marché, commercialiser leur offre via sa plate-forme et ne seraient donc pas disponibles pour la création d'une plate-forme concurrente. Même si ces diffuseurs ne proposaient pas leur programme sur la plate-forme de Premiere, ils ne pourraient pas atteindre - du fait de la concentration des chaînes d'appel sur Premiere - la masse critique de programmes attrayants qui est nécessaire à la constitution d'une plate-forme concurrente.

(63) Du fait de la structure du réseau câblé qui s'est imposée au fil des ans en Allemagne, les câblodistributeurs privés ne pourraient cependant pas créer une plate-forme de programmation concurrente, quand bien même ils auraient accès aux programmes d'appel de la plate-forme Premiere. En Allemagne, 18,5 millions de foyers, soit plus de la moitié de tous les ménages équipés d'un poste de télévision, sont reliés au câble. Au niveau 4 du réseau de distribution, près du tiers de ces foyers sont raccordés par Telekom. Les foyers restants le sont par une multitude de câblodistributeurs privés, dont certains sont très petits. Ces câblodistributeurs privés disposent généralement de petits îlots du niveau 4 qui ne sont souvent pas liés les uns aux autres (bornes domestiques de distribution et réseaux locaux) et qui sont raccordés au réseau "backzone" (niveau 3) de Telekom. Des câblodistributeurs privés sont aussi présents, dans une moindre mesure, sur le niveau 3 du réseau.

(64) Les câblodistributeurs privés dépendent donc aujourd'hui généralement de Telekom pour le niveau 3 du réseau. L'intégration des îlots susmentionnés par des réseaux d'acheminement de niveau 3 serait aussi une condition sine qua non pour que les câblodistributeurs puissent constituer une plate-forme de programmation concurrente. Comme les réseaux de niveau 3 exploités par Telekom ne pourraient pas être utilisés pour la constitution d'une plate-forme concurrente du fait de la concentration envisagée, les câblodistributeurs privés devraient créer leur propre niveau 3. Or, les câblodistributeurs privés ne peuvent économiquement pas effectuer les investissements nécessaires à cet effet sur tout le territoire.

(65) Même si les câblodistributeurs privés constituaient leur propre niveau 3, la création d'une plate-forme de programmation concurrente par ceux-ci serait alors tout au plus possible sur le plan technique. La commercialisation d'une telle plate-forme continuerait cependant à se heurter à des problèmes pratiques quasiment insurmontables, du fait que la répartition géographique des réseaux câblés privés ne répond à aucune logique. Le morcellement du réseau câblé allemand et le fait que Telekom soit pratiquement le seul exploitant de réseaux d'acheminement du niveau 3 ont pour conséquence que les câblodistributeurs privés, indépendamment de la question de l'accès à des programmes d'appel, ne sont actuellement pas en mesure de proposer une plate-forme de programmation qui fasse concurrence à Premiere.

v) En tant que seule plate-forme de programmation, Premiere peut imposer ses conditions à l'entrée d'autres diffuseurs sur le marché

(66) En principe, un diffuseur de chaînes payantes peut choisir de construire sa propre infrastructure pour ses programmes ou, au contraire, de les proposer dans le cadre d'un bouquet existant. La construction d'une infrastructure propre est cependant, comme nous l'avons longuement expliqué ci-dessus, une possibilité pour le moins théorique, surtout lorsque le diffuseur ne dispose pas de stocks de programmes suffisants pour proposer une chaîne d'appel. C'est ainsi que Canal+ a décidé de proposer son bouquet "Multithématiques", qui se compose de trois chaînes numériques à péage, "Planet", "Seasons" et "Ciné Classics I + II", via DF1: si "Planet" fait partie du paquet de base de DF1, il est possible de s'abonner aux deux autres chaînes, "Seasons" et Ciné Classics I + II"Ciné Classics I + II", pourtant retransmises à partir de la plate-forme, sans souscrire au bouquet de base. "Seasons" compte ainsi [1 000-5 000] abonnés et "Ciné Classics", [1 000-5 000] abonnés. Les studios hollywoodiens eux aussi préfèrent que certaines de leurs chaînes payantes soient reprises dans des bouquets existants. Kirch a ainsi conclu, pour le compte de TF1, [...]. En outre, Kirch a conclu [...].

(67) En principe, l'accès de tiers à un bouquet existant est d'autant plus facile qu'il est possible de choisir entre plusieurs bouquets concurrents, comme c'était le cas en Allemagne avant la concentration envisagée. Du fait qu'il n'existera plus qu'une seule plate-forme de programmation et de commercialisation en Allemagne, tout concurrent éventuel, qu'il soit allemand ou non, devra à l'avenir, s'il entend proposer ses programmes et chaînes sur le marché allemand, passer par la plate-forme de Premiere. Cela signifie que tout diffuseur de chaînes payantes sera contraint d'intégrer ses programmes dans un bouquet conçu par Premiere. Premiere exercera donc un contrôle sur ces concurrents et, partant, sera à même de dicter à d'autres diffuseurs les conditions d'exercice de leurs activités.

(68) Premiere peut ainsi refuser purement et simplement l'accès à sa plate-forme à un diffuseur de chaînes payantes ou le subordonner à certaines conditions. Un exemple nous montre déjà comment Premiere pourrait se comporter, après la concentration, avec les tiers qui souhaitent proposer leurs propres chaînes payantes en Allemagne. L'accord [...] entre Kirch [...].

vi) Le succès jusqu'à présent limité de DF1 ne signifie pas que la structure concurrentielle serait la même, que l'opération de concentration se fasse ou non

(69) Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties ont prétendu que la concentration envisagée n'avait pas pour effet de créer ou de renforcer une position dominante au bénéfice de Premiere sur le marché de la télévision à péage. [...]. Premiere disposerait déjà d'un portefeuille d'abonnés, qui ne serait que renforcé par les abonnés de DF1; il ne s'agirait donc pas, dans ce cas, comme pour les autres acquéreurs éventuels, d'une introduction sur le marché de la télévision payante.

(70) Dans sa décision Kali+Salz/MdK/Treuhand (12), qui a été confirmée depuis par la Cour de justice des Communautés européennes, la Commission a reconnu qu'une concentration qui, normalement, devrait être considérée comme conduisant à la création ou au renforcement d'une position dominante de la société acquérante peut être considérée comme n'étant pas à l'origine d'une telle position si, dans le cas où la concentration serait interdite, l'acquéreur obtenait ou renforçait inévitablement une position dominante. En ce sens, une concentration n'est, en général pas la cause de la détérioration de la structure concurrentielle s'il est certain que:

- l'entreprise acquise disparaîtrait rapidement du marché si elle n'était pas reprise par une autre entreprise,

- l'entreprise acquérante reprendrait la part du marché de l'entreprise acquise si celle-ci venait à disparaître du marché,

- il n'y a pas d'autre alternative d'achat moins dommageable pour la concurrence.

Dans le même temps, la Commission a précisé clairement, dans sa décision Kali+Salz, qu'une telle situation ne se produit que dans des cas exceptionnels. La présomption normale est qu'une concentration ayant pour conséquence la création ou le renforcement d'une position dominante est la cause de cette détérioration de la structure concurrentielle. Par conséquent, la charge de la preuve d'une absence de lien de causalité incombe aux entreprises qui fusionnent.

(71) Il convient, d'abord, de remarquer que le cas d'espèce, contrairement à l'affaire Kali+Salz, ne porte pas sur la soi-disant disparition du marché d'une entreprise dans sa totalité. Comme nous l'exposons ci-après, la société DF1 GmbH et Co. KG ne représente qu'une partie des activités de Kirch dans le domaine de la télévision numérique payante. Mais même si Kirch voulait se défaire de toutes ses activités dans ce domaine, la situation ne serait pas comparable à celle qui se présentait dans l'affaire Kali+Salz. En effet, même dans ce cas, Kirch ne serait pas liquidé dans sa totalité, mais se retirerait de l'une de ses nombreuses activités. Il s'agit plutôt d'une décision stratégique consistant à abandonner une activité qui ne s'est pas développée conformément aux attentes de la direction. Dans ce cas de figure, où l'argument invoqué est celui du "service défaillant" ("failing division defence") et non celui de "entreprise défaillante" ("failing society defence"), il faut exiger des preuves particulièrement solides attestant que les conditions de l'objection de l'absence d'un lien de causalité sont satisfaites. Si tel n'était pas le cas, il suffirait, pour justifier au regard du droit des ententes toute concentration portant sur la vente d'un secteur d'activité supposé non rentable, que le vendeur annonce son intention de mettre fin à l'activité en question dans l'hypothèse où l'opération ne se concrétiserait pas.

(72) L'exposé des parties ne permet pas de justifier l'objection de l'absence d'un lien de causalité. Si l'on excepte la réflexion générale présentée ci-dessus, les parties n'ont prouvé en aucune façon que DF1 était condamnée à disparaître rapidement du marché. Le seul fait de mentionner des pertes de lancement cumulées de [500 000 000-2 000 000 000] marks allemands (sans jamais en préciser la composition) ne suffit pas à prouver la nécessité d'une cessation d'activité. Par ailleurs, les pertes résultant du contrat conclu entre Kirch et [...] ou des accords [...] liant Kirch [...] sont des pertes de Kirch. Ces pertes correspondent aux investissements effectués par Kirch pour prendre pied sur le secteur de la télévision payante. Les attentes liées à ces investissements n'ont jusqu'à présent pas été satisfaites, en particulier en ce qui concerne le nombre d'abonnements. A cet égard, il convient de rappeler que l'un des principaux facteurs à l'origine de l'échec de DF1 a depuis disparu, car, selon les accords conclus avec Telekom, DF1, qui ne pouvait pendant longtemps être reçue que par satellite, se trouve aujourd'hui sur les réseaux câblés et a, partant, un public potentiel de 18,5 millions de foyers équipés. Depuis qu'elle est sur le câble, DF1 a vu le nombre de ses abonnés passer d'environ [30 000-100 000] [...] 1998 à [50 000-200 000], soit [...].

(73) Même si Kirch décidait de se défaire de DF1 en raison des pertes initiales élevées ainsi que de la progression plus lente que prévue du nombre de ses abonnements, cela ne devrait pas avoir automatiquement pour conséquence un retrait de Kirch du marché de la télévision payante, étant donné que DF1 n'est que la plate-forme de commercialisation du bouquet numérique de Kirch. Les droits de diffusion relatifs aux activités de Kirch dans le domaine de la télévision payante appartiennent à Taurus, qui produit aussi au moins une partie des chaînes numériques de DF1. Les services techniques pour le bouquet numérique de DF1 sont fournis par BetaDigital. Les droits relatifs à la technologie de cryptage Beta appartiennent à BetaResearch. Par ailleurs, même si Kirch décidait à court terme de liquider DF1, le centre de diffusion de DF1 ne pourrait pas être vendu immédiatement. DF1 devrait résilier ses contrats d'abonnements, ainsi que les contrats conclus avec les chaînes de tiers reprises dans son bouquet, et continuer à en respecter les obligations jusqu'à ce que la résiliation soit effective. Selon les parties, DF1 resterait en activité encore un an à peu près. Par conséquent, Kirch, compte tenu en particulier de son stock important de films d'appel et d'événements sportifs, resterait en mesure, même en cas de liquidation immédiate de DF1, de revenir sur sa décision et de constituer, seul ou, le cas échéant, avec des partenaires, une nouvelle plate-forme de commercialisation et de rester présent dans le secteur de la télévision payante.

(74) L'affirmation des parties selon laquelle les téléspectateurs souhaitant recevoir des chaînes à péage ne pourraient se tourner que vers Premiere, de sorte que les parts de marché libérées par la disparition de DF1 renforceraient dans tous les cas la position de Premiere, n'est pas non plus concluante, selon la Commission. Si Kirch se défaisait effectivement de DF1, les diffuseurs potentiels de chaînes payantes pourraient entrer sur le marché de la télévision à péage en acquérant les droits de diffusion détenus par Kirch dans ce domaine et concurrencer ainsi Premiere. La situation concurrentielle ne serait donc en aucun cas la même selon que la concentration envisagée verra le jour ou non.

(75) Les parties n'ont aucunement étayé leur affirmation selon laquelle seule Premiere était susceptible d'acquérir DF1, car [...]. Plus particulièrement, la simple mention des tentatives infructueuses faites par Kirch pour trouver un partenaire ne permet pas de conclure qu'il n'y avait aucune autre solution moins dommageable pour la concurrence. Il ressort sans ambiguïté des considérations de la Commission dans la décision Kali+Salz/MdK/Treuhand que la Commission est très exigeante quant à la preuve établissant qu'aucun acquéreur autre que l'entreprise acquérante n'était envisageable. Ce niveau d'exigence a été confirmé par la Cour de justice des Communautés européennes (13). L'exposé des parties ne satisfait en aucun cas à ces exigences. Les parties n'ont pas indiqué les partenaires avec lesquels Kirch a négocié ni la raison pour laquelle les négociations n'ont pas abouti. Elles n'ont, en particulier, pas prouvé que l'échec de ces négociations était imputable au portefeuille d'abonnés insuffisant de DF1 ou aux perspectives de recettes trop faibles par rapport aux pertes à assumer en cas de reprise. On ne saurait donc exclure que les négociations entre Kirch et des tiers intéressés aient échoué parce que Kirch ne voulait pas alors renoncer à une participation majoritaire dans DF1. Puisque Kirch est désormais prêt, comme il ressort du projet de concentration, à se contenter d'exercer un contrôle conjoint, les négociations avec des tiers intéressés pourraient aboutir sur la base d'une participation à 50/50 %. Dans ces conditions, la Commission estime qu'il n'est pas établi avec suffisamment de certitude que l'acquisition de DF1, dans sa totalité ou pour une partie substantielle, par une entreprise autre que Premiere est exclue.

(76) Les parties n'ont donc prouvé le respect d'aucune des trois conditions définies par la Commission dans la décision Kali+Salz pour établir l'absence d'un lien de causalité. La concentration envisagée a, par conséquent, aussi pour effet de laisser Premiere seule sur le marché de la télévision payante et, partant, d'altérer la structure concurrentielle. Même un désengagement effectif de Kirch de DF1 aurait des conséquences moins négatives sur la concurrence que la concentration, car, dans ce cas, Kirch ne céderait pas les actifs de DF1 ni tous les droits de diffusion qu'il détient dans le domaine de la télévision payante à Premiere. D'autres diffuseurs pourraient alors prendre pied sur le marché de la télévision à péage, en acquérant les droits de diffusion libérés par Kirch dans ce domaine, et faire concurrence à Premiere.

c) Rapport de substituabilité entre télévision payante et télévision gratuite

1) Structure du marché de la télévision gratuite

(77) Le marché allemand de la télévision gratuite se compose, d'une part, des diffuseurs de droit public (ARD et ZDF) et, d'autre part, d'un nombre plus élevé de diffuseurs privés. Les chaînes privées se répartissent pour l'essentiel entre deux familles. On trouve, d'un côté, les diffuseurs dans lesquels CLT-UFA détient une participation et, de l'autre, ceux dont Kirch est actionnaire ou qui, pour d'autres réseaux, se trouvent dans sa sphère d'influence.

i) Participations des parties

(78) CLT-UFA détient les participations suivantes dans des diffuseurs de chaînes gratuites en Allemagne:

RTL 89 %

RTL 2 34,4 %

VOX 24,9 %

Super RTL 50 %

On peut partir du principe que CLT-UFA exerce un contrôle conjoint au sein des diffuseurs dans lesquels il détient une participation minoritaire.

(79) Kirch détient les participations suivantes dans des diffuseurs de chaînes gratuites en Allemagne:

SAT1 43 %

DFS 100 %

(Le projet d'acquisition d'une participation supplémentaire de 16 % dans SAT1 a été notifié à l'Office fédéral des ententes.)

On peut, ici aussi, partir du principe que Kirch exerce à présent au moins un contrôle conjoint dans SAT1.

(80) Par ailleurs, Thomas Kirch, fils du propriétaire de Kirch, détient les participations suivantes:

PRO7 60 %

Kabel1 60 %

PRO7 et Kirch sont liés par des liens qui vont au-delà de la parenté existant entre leurs propriétaire et actionnaire majoritaire respectifs. Les deux sociétés entretiennent des relations commerciales de longue date, PRO7 achetant jusqu'à [40-60 %] de ses programmes à Kirch.

ii) Parts d'audience

(81) Les parts d'audience des chaînes gratuites s'établissaient comme suit en 1996:

ARD (première chaîne) 14,8 %

ARD (troisième chaîne) 10,1 %

ZDF 14,4 %

Total 39,3 %

Diffuseurs soumis à l'influence de CLT-UFA:

RTL 17,0 %

RTL2 4,5 %

VOX 3,6 %

Super RTL 2,1 %

Total 27,2 %

Diffuseurs soumis à l'influence du groupe Kirch:

SAT1 13,2 %

PRO7 9,5 %

Kabel1 3,6 %

DSF 1,3 %

Total 27,6 %

Autres diffuseurs: 5,9 %

(82) La part d'audience des diffuseurs de droit public s'élève donc à environ 40 %, contre plus ou moins 60 % pour les diffuseurs privés. Le secteur de la télévision privée gratuite relève presque entièrement de deux familles, CLT-UFA et Kirch, dont les positions sont également fortes.

iii) Parts de marché au niveau des recettes publicitaires

(83) Sur le marché allemand de la publicité télévisuelle, les parts des diffuseurs s'établissent comme suit, selon les données des parties fondées sur les recettes brutes:

Diffuseurs de droit public:

ARD (total) 4,4 %

ZDF 4,4 %

Total 8,8 %

Diffuseurs soumis à l'influence de CLT-UFA:

RTL 29,9 %

RTL2 5,5 %

VOX 2,8 %

Super RTL 1,0 %

Total 39,2 %

Diffuseurs soumis à l'influence de Kirch:

SAT1 24,1 %

PRO7 21,8 %

Kabel1 3,0 %

DSF 1,8 %

Total 50,7 %

Autres diffuseurs 1,3 %

(Le calcul des parts de marché sur la base des recettes publicitaires nettes donne une image qui n'est que légèrement différente.)

(84) On constate, pour les diffuseurs publics, une grande différence entre la part d'audience et la part de recettes publicitaires. Ces diffuseurs détiennent en effet environ 40 % des parts d'audience, mais représentent moins de 10 % du marché publicitaire. Cette situation s'explique sans doute principalement par le fait que la législation audiovisuelle limite la publicité à vingt minutes par jour sur les chaînes publiques, et ce avant vingt heures. Les diffuseurs privés sont, en revanche, autorisés à consacrer jusqu'à 15 % de leur temps d'antenne quotidien à la publicité. Il peuvent, en outre, diffuser de la publicité pendant les heures de grande écoute, après vingt heures.

(85) Les diffuseurs publics se financent principalement grâce à la redevance, laquelle s'élève à quelque 7 milliards de marks allemands chaque année. Ce montant correspond grosso modo aux recettes publicitaires nettes qui ont été réalisées en 1996 en Allemagne par l'ensemble des diffuseurs.

(86) Les deux grandes familles de diffuseurs, CLT-RTL et Kirch, réalisent ensemble près de 90 % de toutes les recettes publicitaires de la télévision allemande, la position de Kirch (environ 50 %) étant plus forte que celle de CLT-UFA (plus ou moins 40 %). Les recettes publicitaires se concentrent sur le numéro un du marché, RTL, ainsi que sur SAT1 et PRO7. Ces trois chaînes détiennent conjointement une part de 76 %.

2) Renforcement de la position dominante de Premiere dans le domaine de la télévision payante

(87) La télévision payante et la télévision gratuite représentent, comme nous l'avons déjà expliqué, deux marchés différents. Il existe cependant entre ces deux marchés une relation de substituabilité. Plus la télévision gratuite propose des programmes variés et attractifs, moins le téléspectateur a de raisons de s'abonner en plus à des chaînes payantes. Ce rapport de substituabilité est confirmé par le développement plutôt lent que connaît la télévision payante en Allemagne par rapport à la France ou au Royaume-Uni et qui serait principalement imputable à l'offre plus abondante de chaînes gratuites dans ce pays.

(88) L'attrait d'un diffuseur dépend pour beaucoup des droits de diffusion dont il dispose. Lorsqu'un diffuseur jouit d'une position de tête sur le marché de la télévision payante et sur celui de la télévision gratuite et qu'il détient, en outre, les droits de diffusion les plus intéressants sur ces deux marchés, il est en mesure de faire jouer la relation de substituabilité qui existe entre ces deux formes d'offre télévisuelle. La concentration envisagée mettrait CLT-UFA et Kirch dans une telle position.

i) Il est probable que CLT-UFA et Kirch s'efforceront de procéder à des achats combinés de droits pour la diffusion cryptée et la diffusion en clair

(89) Pendant la procédure, les parties ont expliqué que l'achat de droits de diffusion cryptée et de droits de diffusion en clair continuerait, en principe, à se faire séparément. Tandis que Premiere sera chargée de l'achat des droits de diffusion cryptée, la compétence de CLT-UFA et de Kirch en la matière se limitera à la télévision gratuite. Ce n'est que dans des cas exceptionnels que l'une des parties achètera des droits à la fois pour la diffusion cryptée et pour la diffusion en clair.

(90) A la suite d'une publication dans la presse qui, sur la base de documents internes de Bertelsmann, évoquait un projet de coordination entre diffusion cryptée et diffusion en clair, Bertelsmann a modifié ses déclarations initiales. Dans une prise de position publique, le groupe a reconnu qu'une coopération entre les chaînes gratuites relevant de CLT-UFA et Premiere était une option envisagée pour des raisons économiques. La question de l'achat des droits de diffusion était incluse dans cette réflexion. De même, M. Dornemann, membre du directoire du groupe Bertelsmann chargé des activités télévisuelles, a indiqué un peu plus tard, dans une interview (14), les avantages d'un achat combiné des droits pour la diffusion en clair et la diffusion cryptée.

(91) L'achat coordonné des droits de diffusion par CLT-UFA et Premiere semble être en effet l'option la plus vraisemblable d'un point de vue économique. Grâce à Premiere et aux chaînes gratuites relevant de son groupe, CLT-UFA est présent sur toute la chaîne d'exploitation des droits télévisuels: diffusion des programmes en paiement à la séance, diffusion sur une chaîne payante, première diffusion sur une chaîne gratuite, puis rediffusion sur une chaîne gratuite. Il apparaît donc logique que les droits soient acquis pour toute la chaîne d'exploitation. CLT-UFA pourrait alors utiliser les droits d'une façon optimale d'un point de vue stratégique. A titre d'exemple, le groupe pourrait exploiter les droits dont il dispose sur des manifestations sportives de manière à réserver les événements les plus populaires à la télévision payante (comme les finales des championnats de football) et les autres à la télévision gratuite. De même, le groupe pourrait déterminer, dans le cadre d'une stratégie cohérente, le délai entre la diffusion des films dont il acquiert les droits sur la télévision payante et les diffusions ultérieures sur la télévision gratuite.

(92) Les droits de diffusion portant sur les films des grand studios hollywoodiens, en particulier, sont rarement cédés dans le cadre de paquets couvrant tous les niveaux de la chaîne d'exploitation. Cette situation pourrait cependant changer si ces studios étaient confrontés à des acheteurs présents sur toute la chaîne. Par ailleurs, la puissance d'achat que confère la combinaison des besoins en programmes importants du bouquet numérique de Premiere et des diffuseurs en clair de CLT-UFA pourrait amener les vendeurs à céder leurs droits dans le cadre de paquets englobant diffusion cryptée et diffusion en clair.

(93) Si les déclarations de Bertelsmann concernant l'achat combiné de droits pour la diffusion cryptée et la diffusion en clair semblent ainsi pertinentes, on ne voit pas pourquoi Kirch ne suivrait pas la même stratégie. A l'instar de CLT-UFA, Kirch possède une famille de diffuseurs et disposera, à l'issue de la concentration, de la seule plate-forme de chaînes payantes en Allemagne par le biais du contrôle conjoint qu'il exercera sur Premiere. On peut donc s'attendre à ce que Kirch également cherche à acheter de façon combinée les droits de diffusion cryptée et de diffusion en clair.

(94) Le prix des droits de diffusion cryptée est normalement fonction du nombre des abonnés, un nombre minimal étant garanti. Avec l'augmentation du nombre des abonnés de Premiere, l'importance économique des droits de diffusion cryptée s'accroîtra au détriment des droits de diffusion en clair. Leur importance stratégique pour les activités télévisuelles de CLT-UFA et Kirch connaîtra un mouvement identique. Toutefois, comme Premiere sera exploitée de concert par CLT-UFA et Kirch, cela n'aurait pas de sens que ces deux groupes continuent à acheter séparément les droits de diffusion cryptée et les droits de diffusion en clair, alors même que le secteur de la télévision à péage gagnera régulièrement en importance aux dépens de celui de la télévision gratuite, comme il ressort dans tous les cas du plan d'entreprise de Premiere, qui a été conclu dans le cadre de l'accord relatif à l'opération. Le chiffre d'affaires net de Premiere, [...].

ii) CLT-UFA et Kirch sont en mesure d'utiliser leurs chaînes en clair pour mettre en œuvre des stratégies de programmation leur permettant d'acquérir une clientèle d'abonnés à la chaîne payante Premiere Digital

(95) Les parties ont expliqué à plusieurs reprises que la transformation de Premiere en plate-forme de télévision numérique payante nécessiterait des investissements très importants. Dans l'interview déjà évoquée (15) de la Süddeutsche Zeitung, M. Dornemann, membre du directoire de Bertelsmann, a cité des investissements, d'ici à 2007, de 13,5 milliards de marks allemands et des pertes initiales de 2,5 milliards de marks allemands. Il s'ensuit, par conséquent, que CLT-UFA et Kirch ont un intérêt fondamental à accroître le plus possible le nombre des abonnés à Premiere. Eu égard au rapport de substituabilité déjà démontré entre télévision payante et télévision en clair, une coordination entre la programmation de Premiere et celle des familles de chaînes en clair de CLT-UFA et de Kirch peut contribuer de manière décisive à la réalisation de ce but.

(96) Ce raisonnement s'applique, tout d'abord, à une programmation complémentaire de Premiere et des chaînes en clair. Ainsi, comme exposé ci-dessus, la diffusion d'événements sportifs peut être organisée de telle manière que l'intérêt des téléspectateurs soit d'abord éveillé sur les chaînes en clair par la retransmission d'événements de moindre importance (par exemple les matches éliminatoires de football), les événements essentiels (la finale) étant ensuite diffusés en télévision payante ou en paiement à la séance. En ce qui concerne les activités télévisuelles de Bertelsmann, la fusion de CLT et d'UFA intervenue en 1997 a facilité la définition d'une programmation complémentaire de cette nature, car toutes les activités télévisuelles sont aujourd'hui réunies au sein de CLT-UFA, qui détient à présent une participation majoritaire dans RTL, la principale chaîne de télévision en clair.

(97) La télévision payante gagnant du terrain, CLT-UFA et Kirch ont en outre intérêt, du moins à moyen terme, à limiter l'attrait des chaînes gratuites, afin d'inciter le plus grand nombre possible de téléspectateurs à s'abonner à une télévision payante. Normalement, cette stratégie se verrait cependant menacée par le danger que l'accroissement du nombre d'abonnés à des chaînes payantes se fasse au prix d'une perte de recettes publicitaires sur les chaînes en clair. Dans le cas présent, ce risque est cependant limité. Comme indiqué ci-dessus, l'éventail des chaînes privées gratuites se répartit presque totalement entre les deux familles de chaînes de CLT-UFA et de Kirch (elles représentent ensemble environ 92 % des parts d'audience des télévisions privées). Une stratégie coordonnée de CLT-UFA et de Kirch pour réduire l'attrait de la télévision en clair ne pourrait donc aboutir qu'à un glissement de recettes publicitaires vers des chaînes publiques. Or, cette éventualité est extrêmement peu probable, car ces chaînes, du fait des limitations auxquelles elles sont soumises en la matière, notamment du fait qu'il leur est interdit de diffuser de la publicité pendant les programmes des heures de grande écoute, ne peuvent accroître le temps de diffusion qu'elles consacrent à la publicité.

(98) Par conséquent, si les chaînes en clair de CLT-UFA et de Kirch perdent simultanément de leur attrait, des pertes importantes de recettes publicitaires ne sont probables que si les annonceurs, devant la chute des parts d'audience, réorientent largement leurs budgets publicitaires vers d'autres médias, principalement la presse écrite. Cette évolution ne saurait toutefois être envisagée qu'en cas d'effondrement des parts d'audience. Le temps passé quotidiennement à regarder des chaînes privées a augmenté d'environ 15 % entre 1993 et 1996 en Allemagne. Au cours de la même période, les recettes de publicité se sont accrues, aux prix de 1993, de 35 %, ce qui atteste que les parts d'audience et la fréquence de la publicité télévisée ne sont pas forcément proportionnelles. Il convient, en outre, de prendre en considération le fait que des pertes de recettes publicitaires seraient compensées, pour CLT-UFA et Kirch, par des gains dans le secteur plus lucratif de la télévision payante.

3) Conclusion

(99) L'acquisition combinée de droits de diffusion cryptée et en clair, d'une part, et la programmation complémentaire d'autre part, toutes deux prévisibles, renforcent la position dominante de Premiere sur le marché de la télévision payante.

d) Conclusion

(100) Pour les raisons qui précèdent, il est probable que l'opération envisagée débouchera sur une position dominante durable de Premiere sur le marché de la télévision payante en Allemagne. L'acquisition cumulée de droits de diffusion cryptée et en clair, d'une part, et la programmation complémentaire, d'autre part, toutes deux prévisibles, conduisent à un renforcement de la position dominante de Premiere sur le marché de la télévision payante.

(101) Une pérennisation de la position dominante de Premiere serait également probable dans l'hypothèse d'un marché de la diffusion de la télévision payante couvrant l'ensemble de la zone germanophone. Les considérations relatives au marché allemand sont, pour l'essentiel, également applicables dans un tel cas, à la différence toutefois que, en Autriche, par exemple, contrairement à ce qui se passe en Allemagne, les réseaux câblés sont exploités exclusivement par des opérateurs privés. Alors que, en Allemagne, du fait de l'éparpillement des câblodistributeurs et de la position de Telekom, qui est pratiquement l'unique opérateur de réseaux de distribution du niveau 3, des câblodistributeurs privés, indépendamment de l'accès à des programmes d'appel, ne sont pas en mesure d'offrir une plate-forme de programmes capable de concurrencer Premiere, en Autriche, au moins les plus gros câblodistributeurs pourraient théoriquement créer une plate-forme de programmes concurrente limitée à leur zone. Cependant, Premiere ayant convaincu Telekom, en Allemagne, de se charger uniquement du transport dans le domaine du câble, il est à prévoir que, dans le reste de la zone germanophone, Premiere refusera également une commercialisation de ses programmes par les câblodistributeurs. Premiere a déjà mis en œuvre une stratégie similaire pour ses programmes analogiques. Jusqu'à présent, Premiere n'a effectivement pas autorisé la commercialisation directe de ses programmes en Autriche par des câblodistributeurs. Elle est certes revenue, à l'automne 1997, sur l'exigence d'une commercialisation par ses propres soins et s'est déclarée disposée à laisser un gros câblodistributeur autrichien se charger de son programme analogique, mais elle a retiré son offre peu de temps avant la conclusion du contrat. Il faut, en définitive, s'attendre à ce que, après la concentration, Premiere soit et reste l'unique plate-forme de programmation et de commercialisation dans la zone germanophone également, étant donné, d'une part, qu'aucune autre entreprise ne disposera des ressources nécessaires en matière de programmes pour constituer une plate-forme et, d'autre part, que Bertelsmann et Kirch contrôlent l'infrastructure de décodage.

3. Marché des services techniques pour la télévision payante

a) Monopole de BetaDigital et de Telekom

(102) La concentration conférera à BetaDigital un monopole durable des services techniques dans le domaine de la transmission par satellite. A la suite de la concentration parallèle Deutsche Telekom/BetaResearch, Telekom acquerra le monopole de la gestion du contrôle d'accès dans le domaine de la transmission par câble.

(103) BetaDigital est d'ores et déjà l'unique fournisseur de services techniques pour la transmission numérique de signaux par satellite. Les parties ont certes déclaré que Bertelsmann, par l'intermédiaire de Cologne Broadcasting Center GmbH, fournirait également, sur une petite échelle, des services techniques pour la télévision payante, mais elles n'ont pas donné d'informations plus précises concernant ces activités.

(104) Après la concentration, Telekom sera également l'unique fournisseur de services techniques pour la transmission numérique de signaux sur les réseaux câblés. CLT-UFA, Kirch et Telekom sont convenus, dans le cadre de l'accord de restructuration de BetaResearch, que Telekom recourrait exclusivement à la technique de contrôle d'accès de Beta basée sur le décodeur d-box pour la fourniture de services techniques liés à la transmission de programmes de télévision numériques sur ses réseaux câblés à large bande.

b) Caractère durable de la position dominante

(105) BetaDigital détiendra un monopole durable sur le marché des services techniques pour la transmission numérique de données dans la zone germanophone, du moins dans le domaine de la transmission par satellite. Dans le domaine de la câblodistribution, il est également probable que Telekom restera le seul fournisseur de services techniques pour la transmission des télévisions payantes sur les réseaux câblés en Allemagne, et elle y détiendra donc aussi un monopole durable. Ces conjectures reposent sur les considérations qui suivent.

i) La concentration fera de facto de la technologie d-box la norme numérique dans la zone germanophone

(106) La diffusion de chaînes payantes suppose une infrastructure technique particulière qui peut être créée soit par le diffuseur, soit par des tiers, au premier rang desquels les câblodistributeurs. Par la structure des réseaux câblés en Allemagne, les câblodistributeurs ne sont pas en mesure de fournir seuls cette infrastructure, car en général, leurs îlots câblés sont trop petits pour justifier les dépenses d'investissement liées à la mise en place d'un système propre de contrôle d'accès et de décodage. De plus, les câblodistributeurs privés ne contrôlent qu'en partie les niveaux 3 et 4 du réseau, qui interviennent dans la transmission de la télévision par câble. Au niveau 3, qui est constitué par la partie du réseau comprise entre, d'une part, la tête de réseau, où a lieu la réception du signal numérique du programme et son introduction dans le réseau câblé, et, d'autre part, la limite du terrain de l'immeuble raccordé, la très grande majorité des réseaux appartiennent à Telekom. Des câblodistributeurs privés ne pourraient donc créer une infrastructure technique concurrente de transmission de télévision payante qu'avec l'accord de Telekom.

(107) Après la concentration, Premiere diffusera des programmes de télévision numérique sur la base de la technologie et du décodeur d-box. Telekom proposera des services techniques pour la télévision payante par câble, sur la base de la technologie de cryptage Beta et du décodeur d-box. Les entreprises qui, à l'origine, devaient créer chacune une infrastructure de télévision numérique et offrir les services connexes ont ainsi opté pour la technologie de cryptage de Beta, sur le décodeur d-box. Il faut, par conséquent, partir du principe que, dans un avenir prévisible, il n'existera pas au sein de la zone germanophone, de plate-forme technique concurrente dans le domaine de la télévision numérique.

ii) Le monopole de Premiere en tant que plate-forme de programmation fait durablement obstacle à l'introduction d'une autre technologie

(108) La mise en place d'une infrastructure technique concurrente pour la transmission de programmes de télévision payante nécessiterait un investissement élevé, que des diffuseurs potentiels ne seraient disposés à consentir que s'il existait des possibilités de s'implanter avec succès sur ce marché. Cela supposerait qu'un autre diffuseur de télévision payante soit en mesure de s'implanter en Allemagne. Il pourrait soit créer lui-même une plate-forme technique propre sur la base d'une technologie d'accès concurrente, soit donner la possibilité à des tiers de mettre en place une telle infrastructure. Cependant, comme indiqué précédemment, compte tenu de la position de Premiere en ce qui concerne le portefeuille d'abonnés et, surtout, le stock de programmes, l'implantation d'un autre diffuseur de télévision à péage est improbable.

(109) En outre, une technologie concurrente en matière d'accès et de décodage ne pourrait, en tout état de cause, prendre pied sur le marché que dans le domaine de la transmission par satellite. En effet, CLT-UFA, Kirch et Telekom sont convenus, dans l'accord de restructuration, que Telekom recourrait exclusivement à la technique de contrôle d'accès Beta, basé sur le décodeur d-box, pour la fourniture de services techniques liés à la transmission de programmes de télévision numériques sur ses réseaux câblés à large bande. Tout diffuseur potentiel de télévision payante et tout autre fournisseur potentiel de services de contrôle d'accès sur les réseaux câblés de Telekom serait, par conséquent, obligé d'utiliser également, par le biais de Telekom, la technologie d'accès Beta et le décodeur d-box.

iii) Tout exploitant potentiel d'un système de contrôle d'accès sera dépendant de la politique de BetaResearch en matière de licences

(110) BetaResearch concède les licences du système de contrôle d'accès utilisé dans le décodeur d-box. Pour des raisons de sécurité, comme l'ont déclaré les parties, c'est un système propriétaire qui a été mis au point. D'autres diffuseurs de télévision payante disposant déjà d'une expérience de ce marché, comme Canal+ et BSkyB, privilégient également le recours à des systèmes de contrôle d'accès propriétaires, parce qu'ils sont censés offrir une meilleure protection contre les atteintes à la sécurité de la transmission de données. La norme DVB prévoit deux possibilités pour éviter qu'un abonné à plusieurs télévisions payantes recourant à des systèmes de contrôle d'accès différents doive utiliser plusieurs décodeurs: le procédé Simulcrypt et l'"interface commune" ("common interface", ci-après dénommée "CI").

(111) La CI permet d'utiliser tous les systèmes de contrôle d'accès dans un même décodeur, ce qui autorise tout diffuseur de télévision payante et tout fournisseur de services à exercer un contrôle d'accès à partir de l'équipement de décodage existant. Contrairement au procédé Simulcrypt, ce système ne nécessite pas de conclure un accord avec l'installateur de l'équipement de décodage pour relier le système d'autorisation d'accès du tiers au système de contrôle d'accès propriétaire du décodeur. Il est essentiel, en cas d'utilisation d'un système de contrôle d'accès propriétaire, que l'accès libre y soit garanti, ce qui suppose, aux yeux de la Commission, que le concédant des licences de décodage puisse prendre ses décisions commerciales indépendamment de l'influence d'un diffuseur de programmes. En l'espèce, cette indépendance n'est pas donnée: en effet, BetaResearch est majoritairement contrôlée par des entreprises ayant des intérêts à défendre en tant que diffuseurs de programmes.

(112) Tous les diffuseurs existants et potentiels de la télévision numérique à péage et Telekom, en tant que fournisseur de services techniques de la câblodistribution, ayant opté pour la technologie d'accès Beta et le décodeur d-box, il est exclu qu'une infrastructure de décodage concurrente puisse s'implanter en Allemagne. Tout fournisseur potentiel de services de contrôle d'accès devrait, dès lors, recourir lui aussi au décodeur d-box. Celui-ci fonctionne avec un système de cryptage fermé (propriétaire) mis au point par BetaResearch. Les fournisseurs potentiels de services techniques pour la télévision payante doivent donc obtenir de la part de BetaResearch une licence pour pouvoir utiliser la technologie d'accès Beta, en ce qui concerne tant la transmission par satellite que la transmission par câble. Sans doute BetaResearch n'a-t-elle cependant pas intérêt, d'un point de vue économique, à exposer BetaDigital ou Telekom, actionnaire de cette dernière, à la concurrence sur le marché des services techniques pour la télévision payante dans la gestion du contrôle d'accès à la télévision par satellite ou par câble. BetaResearch est donc susceptible, par l'intermédiaire de sa politique en matière de licences, d'entraver l'accès au marché d'autres fournisseurs de services.

iv) Le contrôle de l'infrastructure de décodage confère à Bertelsmann/Kirch le contrôle des diverses applications fonctionnant sur le décodeur d-box

(113) Grâce à une interface de programme d'application (ci-après dénommée "API", les tiers qui souhaitent créer leur propre application ont accès au système d'exploitation du décodeur. Le guide de programmes, qui fait apparaître à l'écran les programmes disponibles sous la forme d'un menu, est un exemple typique d'une telle application. Pour l'instant, il n'existe pas encore de version officielle du décodeur d-box équipé de l'interface avec le système d'exploitation, ce qui a pour conséquence que les tiers qui souhaiteraient utiliser leur propre application sur le décodeur d-box devraient la faire écrire par Beta Research dans le code source du système d'exploitation.

(114) Les parties ont déclaré que BetaResearch mettrait au point une API pour le décodeur d-box et que l'interface serait mise à la disposition du public pour la fin de 1998 au plus tard. Aucune information n'a encore été fournie concernant la politique qui sera suivie en matière de licences, et en particulier en ce qui concerne le montant de la redevance pour l'utilisation de l'API. Il est donc également impossible, en l'état actuel des choses, de savoir si l'API de BetaResearch, par rapport à celle d'autres fournisseurs comme OpenTV ou MediaHighway, sera offerte dans des conditions de commercialisation normales. On peut toutefois considérer que, la mise sur le marché du décodeur d-box étant récente, les fonctions de l'API dont elle sera équipée n'auront qu'une étendue limitée. Cette hypothèse est confortée par le fait que les autres fournisseurs ont, au fil des ans, continuellement amélioré leur API depuis son introduction sur le marché, afin d'offrir une utilisation complète des capacités de la technologie de décodage et de favoriser ainsi la mise au point d'applications complexes.

(115) D'après les déclarations des parties, l'API du décodeur d-box prévoira deux possibilités pour la mise en œuvre d'application: dans le premier cas, l'application est mise au point à l'aide des fonctions de l'API, c'est-à-dire qu'elle fonctionne directement au niveau de l'interface ("native applications"). Une application de ce type ne peut fonctionner que sur le décodeur d-box; elle serait incapable de fonctionner sur tout autre système. Dans le deuxième cas, l'API est équipée d'un pseudoprocesseur ("virtual machine"), qui transforme les fonctions spécifiques de l'API en fonctions indépendantes, ce qui permet de concevoir et de lancer des applications indépendamment de l'API. Les parties font valoir que les travaux menés dans le cadre du projet DVG (radiodiffusion télévisuelle numérique) en vue de la définition des caractéristiques techniques d'une API normalisée, fonctionnant comme un pseudoprocesseur, devraient s'achever, selon les prévisions, vers la fin du premier semestre de 1998. BetaResearch pourrait alors commencer à développer le produit, ce qui devrait encore prendre de six à neuf mois.

(116) Tant qu'aucune norme en matière d'API n'aura été arrêtée, l'API du décodeur d-box permettra uniquement d'utiliser des applications propriétaires, ce qui signifie qu'une licence de l'API sera requise pour créer ses propres applications. Les parties indiquent également que les fonctions de la future API pourront être élargies si les preneurs de licence le souhaitent. Dans ce cas, ils seraient toutefois tenus d'indiquer de façon détaillée pourquoi une fonction donnée doit être prévue. BetaResearch statuera ensuite sur l'intégration ou non de cette fonction. Il est prévisible que seules seront intégrées les fonctions présentant un intérêt pour BetaResearch, c'est-à-dire pour les entreprises qui la contrôlent. L'intégration de la fonction demandée donnera lieu à des frais de développement supportés en tout ou partie par le preneur de licence. Il n'existe pas de choix pour les preneurs de licence, BetaResearch étant l'unique concédant des licences de l'API équipant le décodeur d-box. De plus, les preneurs de licence n'ont aucun moyen de faire pression sur BetaResearch pour qu'elle réalise les travaux de développement avec diligence. D'ailleurs, il est déjà douteux, à cet égard, que BetaResearch dispose des capacités suffisantes en matière de développement pour pouvoir assurer les travaux de développement des preneurs de licence. En effet, BetaResearch devra avant tout garder à l'esprit la date de mise sur le marché des nouvelles versions de l'API et mobiliser ses capacités en conséquence, et non en vue de l'exécution rapide des travaux de développement supplémentaires réclamés par les preneurs de licence qui sont en concurrence avec Premiere.

(117) En outre, l'API du décodeur d-box ne disposera pas, dans un premier temps, et contrairement aux autres systèmes déjà commercialisés, d'assistance continue et d'outils de programmation permettant de mettre en œuvre rapidement et à faible coût des applications complexes, soit seul, soit en s'adressant à des prestataires externes. Les preneurs de licence de l'API équipant le décodeur d-box seront donc obligés de s'en remettre à BetaResearch pour tous les travaux de développement d'applications, cette entreprise étant seule en mesure d'effectuer des travaux de développement complexes. La possibilité, pour un preneur de licence, de créer lui-même son application est exclue, ne fût-ce que pour des raisons de coût, et surtout parce que le preneur n'a pas de connaissance détaillée de l'API du décodeur d-box.

c) Conclusion

(118) Pour les raisons qui précèdent, l'opération envisagée est susceptible de déboucher sur une position dominante durable de BetaDigital sur le marché des services techniques pour la télévision payante dans le domaine de la transmission par satellite et, en ce qui concerne le contrôle de l'infrastructure de décodage par Bertelsmann et Kirch, de renforcer la position dominante de Premiere sur le marché de la télévision payante. La position dominante de Premiere sur le marché de la télévision payante conduira, de plus, à un renforcement de la position dominante de BetaDigital sur le marché des services techniques pour la télévision payante par satellite dans la zone germanophone. Si l'on considère que les services techniques de transmission par satellite et par câble constituent un seul marché, la concentration envisagée, en liaison avec la concentration parallèle de Deutsche Telekom et de BetaResearch, créera un duopole sur l'ensemble de ce marché dans la zone germanophone. Ni BetaDigital ni Telekom ne seront exposées à une concurrence effective sur ce marché. Eu égard à l'utilisation d'une technologie commune et à l'interpénétration des actionnaires de BetaResearch, il ne faut pas s'attendre non plus à ce que BetaDigital et Telekom se trouvent dans un rapport de concurrence.

VI. EVOLUTION DU PROGRES TECHNIQUE ET ECONOMIQUE

(119) Les parties font valoir que seule la réunion des ressources de Bertelsmann et de Kirch permettrait de créer l'infrastructure nécessaire pour assurer la percée de la télévision numérique. Elles estiment que la création d'un équipement de base pour le décodage entraînerait des frais d'environ [500-1 000] marks allemands par foyer abonné, c'est-à-dire des coûts d'environ [1,5-10] milliards de marks allemands dans l'hypothèse de [3-10] millions d'abonnés en dix ans. A cela s'ajouteraient des investissements de [50-300] millions de marks allemands pour la création du centre d'émission numérique et de la technologie de contrôle d'accès. Enfin, il faudrait encore prévoir des investissements en programmes, qui s'élèveraient à plusieurs milliards de marks allemands au cours des prochaines années. Toutefois, affirment les parties, une fois créée l'infrastructure numérique sur la base des investissements qu'elles auront consentis, des tiers pourraient, à un coût relativement faible, fournir tous les autres services imaginables, étant donné, surtout, que l'implantation de la télévision numérique fera continuellement baisser, chez les téléspectateurs, le seuil d'acceptation de dépenses supplémentaires.

(120) Ces explications des parties soulèvent tout d'abord des doutes sérieux sur le plan des faits. Il est, certes, effectivement probable que les abonnés, du moins au cours des premières années de présence de la télévision numérique, loueront les décodeurs, au lieu de les acheter, et les équipements devront donc être préfinancés. Les coûts engendrés ne sauraient toutefois se situer dans l'ordre de grandeur cité par les parties. Actuellement, le loyer mensuel d'une d-box s'élève à environ [10-30] marks allemands. Dans l'annexe 2 c de l'accord conclu entre CLT-UFA et Taurus, le prix d'achat moyen d'un décodeur d-box de Nokia entre août 1995 et décembre 1999 est estimé à environ [400-1 000] marks allemands. A raison de loyers mensuels de [10-30] marks allemands ([100-400] marks allemands par an), le prix d'achat à préfinancer serait ainsi déjà amorti après [1-5] ans. Des intérêts ne seraient donc dus que pour cette période, et ils baisseraient, de sucroît, au fur et à mesure de la perception des loyers. Passée la période de [1-5] ans, le loyer du décodeur constituera un bénéfice. Le plan d'entreprise de Premiere du 7 novembre 1997 [...] confirme cette hypothèse. Dans la colonne "Découvert décodeurs", ce plan prévoit pour 1998 des coûts de [100-200] millions de marks allemands, qui vont en décroissant jusqu'à [10-30] millions en 2002. Les coûts pour l'ensemble de la période de cinq ans s'élèvent ainsi, pour un nombre supposé de [2-4] millions d'abonnés, à [200-500] millions de marks allemands. Les parties ont apparemment omis de tenir compte des loyers dans les chiffres qu'elles ont communiqués concernant le coût de l'équipement de décodage de base. En tout état de cause, ces coûts ne se situent pas dans l'ordre de grandeur indiqué par les parties.

(121) Bertelsmann et Kirch n'ont pas apporté d'éléments susceptibles de fonder leur affirmation selon laquelle elles seules réunies sont en mesure de faire des offres de programmes suffisamment attrayantes pour assurer la percée de la télévision numérique. Cette allégation pourrait effectivement se vérifier si Kirch devait, d'une part, réserver exclusivement à Premiere ses stocks de programmes et surtout ses droits de diffusion de programmes d'appel et, d'autre part, à la suite d'un pareil boycott, éprouver des difficultés financières du fait des engagements financiers considérables qu'elle a pris dans ses accords d'acquisition anticipée. Cependant, une telle issue, qui s'annonçait avant l'union avec Bertelsmann, n'est pas certaine.

(122) Enfin, en ce qui concerne le fait que les parties, en créant une infrastructure numérique et en proposant ensemble un programme attrayant, contribuent effectivement à propager la télévision numérique, il convient de relever, comme indiqué ci-dessus, que c'est précisément cette démarche concertée des parties qui a pour effet de cloisonner le marché potentiel de la télévision numérique payante et de la placer durablement sous leur contrôle. La concentration écarte ainsi toute possibilité de concurrence sur ce marché. La contribution à la propagation de la télévision numérique et, partant, au progrès technique et économique qu'apporte la concentration n'est pas pertinente au regard du règlement sur les concentrations. Il convient de souligner, à cet égard, que le critère du progrès technique et économique mentionné à l'article 2, paragraphe 1, point b), du règlement est applicable sous réserve qu'il ne constitue pas un obstacle à la concurrence. Il est, en outre, extrêmement douteux que la concentration contribue effectivement de manière positive à l'évolution du progrès technique et économique. Le cloisonnement et le contrôle du marché par les parties empêche d'autres diffuseurs potentiels de télévision numérique payante et d'autres fournisseurs de services multimédia de se développer librement. Il est à craindre que cela ne s'oppose au développement, d'un point de vue technique et économique, de la télévision et d'autres services numériques.

VII. ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LES PARTIES

1. Engagements

(123) Par lettres du 28 avril et du 4 mai 1998, les parties ont proposé plusieurs engagements pour que la Commission lève les réserves qu'elle a émises à l'encontre de l'opération envisagée. Les points essentiels de ces engagements sont les suivants:

a) Droits de diffusion

(124) 25 % des droits de diffusion payante qui sont octroyés en vertu des accords d'acquisition anticipée conclus par Kirch et CLT-UFA avec les grands studios hollywoodiens [...] seront ouverts à des tiers pendant une durée déterminée. Les candidats feront l'objet d'une procédure de sélection annuelle, deux ans avant la période considérée. La quote-part de 25 % des droits acquis auprès de l'un des studios sera répartie en quatre parts égales entre les catégories [...]. Le prix des droits de diffusion payante sera déterminé sur la base des accords conclus avec les grands studios d'Hollywood, autrement dit par le plus grand diffuseur de télévision payante sur chacun des marchés en cause. Les studios hollywoodiens eux-mêmes ne peuvent participer à la procédure en tant qu'acquéreurs. Le choix proposé et l'attribution des 25 % des droits de diffusion payante découlant des accords d'acquisition anticipée ne vaudront qu'aussi longtemps que Premiere aura accès à cinq des sept accords de ce type, et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2003.

b) Structure des bouquets

(125) Premiere assouplira les modalités d'accès à ses programmes, en renonçant à imposer l'abonnement à son bouquet de base comme condition préalable à un abonnement aux chaînes de cinéma et de sport. Cet engagement ne vaut que tant qu'aucune autre plate-forme concurrente, offrant un bouquet de programmes d'appel, ne sera disponible sur le marché, et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2003.

c) Câblodistributeurs

(126) Les parties à l'opération de concentration sont disposées à coopérer avec les câblodistributeurs pour la distribution des programmes. Outre la prospection de nouveaux abonnés, cette coopération porterait sur les informations et l'assistance en matière de commercialisation. Cependant, Premiere continuera à gérer seule les relations avec la clientèle. Les câblodistributeurs recevront, en contrepartie de leurs prestations de services, une juste rémunération.

d) Droits de diffusion payante et de diffusion gratuite

(127) Premiere acquerra elle-même les droits de diffusion payante dont elle a besoin, à l'exclusion des droits de diffusion gratuite, de manière qu'elle ne puisse cumuler les deux types de droits de diffusion.

e) BetaResearch

(128) Telekom créera un comité technique d'experts qui sera ouvert à toutes les entreprises opérant dans le secteur de la télévision numérique. Les recommandations de ce comité seront appliquées conformément à l'accord déjà conclu entre Bertelsmann, Kirch, Telekom, ARD et ZDF. Les associés de BetaResearch sont en outre disposés à admettre des tiers à participer au capital social jusqu'à hauteur de 25 %. Cette prise de participation n'accordera cependant aucun droit de veto. Les droits de veto dont disposent Bertelsmann, Kirch et Telekom resteront inchangés. Les parties soulignent à nouveau le rôle de premier plan que jouera Kirch, en particulier par le biais de la composition de l'organe de direction de l'entreprise.

(129) BetaResearch accordera sans délai à toute entreprise qui en fera la demande et qui effectue des prestations de services de cryptage pour son propre compte ou pour le compte de tiers, une licence de contrôle d'accès (licence obligatoire), dans le cadre d'un accord type ouvert à tous. Si aucun accord ne pouvait intervenir sur les modalités, en particulier sur les redevances à verser en contrepartie des licences, une instance d'arbitrage apprécierait de manière définitive l'adéquation des conditions d'octroi des licences.

(130) BetaResearch s'engage à mettre à la disposition du public, jusqu'à la fin de l'année 2008, l'interface API du réseau d-box (ci-après dénommée "API d'origine") et à s'en remettre aux décisions d'une instance d'arbitrage en cas de litiges concernant la concession des licences. Elle s'engage en outre à compléter l'API d'origine par l'interface dont la normalisation est en cours dans le cadre du projet DVB, dès que cette norme aura été adoptée. De plus, BetaResearch se conformera à toutes les normes futures qui seraient adoptées par le DVB.

(131) BetaResearch concédera une licence de fabrication à tous les producteurs intéressés, à des conditions types, et s'en remettra à une instance d'arbitrage en cas de litiges sur les conditions d'octroi de ces licences. La commercialisation des décodeurs sera subordonnée à la réalisation par BetaResearch d'un essai de vérification technique. Cette certification pourra être effectuée, après deux ou trois ans, par des tiers indépendants.

f) BetaDigital

(132) Si des tiers demandent à bénéficier des prestations de services de BetaDigital et qu'aucun accord ne puisse intervenir sur les conditions de fourniture de ces services, BetaDigital s'en remettra aussi à une instance d'arbitrage, qui tranchera définitivement.

2. Appréciation

a) Droits de diffusion

(133) Il est improbable qu'un diffuseur potentiel de télévision payante s'implante sur le marché sur la base de l'offre de 25 % des droits de diffusion payante qui découlent des accords d'acquisition anticipée. En effet, tout tiers intéressé devrait payer le même prix que Premiere. Or, ce prix étant calculé sur la base du nombre d'abonnés de Premiere (avec la garantie d'un nombre d'abonnés minimal), un nouvel arrivant prendrait un risque considérable, qui augmenterait au fur et à mesure de la croissance rapide et prévisible du nombre d'abonnés de Premiere. Les parties souhaitent qu'un tiers intéressé décide chaque année, dans un délai déterminé, et ce deux ans avant la période considérée, quelle quantité de droits il compte acquérir. Un tiers pourrait ainsi acquérir des droits pour la première fois en l'an 2000. Or, à cette date, Premiere escompte cependant, comme le prévoit son plan d'entreprise, environ [...] millions d'abonnés, chiffre sur la base duquel le prix sera fixé. Un tiers devrait alors payer environ 2,3 millions de dollars des Etats Unis par film. Il convient de garder à l'esprit, dans ce contexte, que dans l'engagement, les studios d'Hollywood eux-mêmes sont exclus en tant qu'acquéreurs des droits (réacquisition). Ce faisant, les parties ont exclu d'emblée les seuls acquéreurs potentiels qui pourraient assumer le risque que représente l'acquisition des droits. En outre, l'engagement est limité à 2002, ce qui ne permet, de toute façon, d'accorder les droits que pour une période de trois ans. Il convient également de ne pas perdre de vue que l'engagement est limité aux accords d'acquisition anticipée conclus avec les grands studios hollywoodiens. Les droits de diffusion d'événements sportifs, qui représentent, à côté des films d'appel, des programmes indispensables pour les chaînes d'appel, ne sont pas couverts. L'engagement n'est donc pas de nature, en définitive, à donner la possibilité de créer une deuxième plate-forme de programmes.

b) Structure des bouquets

(134) Les parties affirment que les diffuseurs potentiels de bouquets de base et de programmes sportifs accéderont plus facilement au marché si les abonnés ne sont pas obligés, pour pouvoir s'abonner aux chaînes de films d'appel et aux chaînes sportives de Premiere, de s'abonner d'abord au bouquet de base de cette chaîne. Peut-être cet engagement permettrait-il effectivement à une plate-forme de programmes concurrente d'acquérir plus facilement des abonnés à un bouquet de base en concurrence avec Premiere, mais il ne saurait toutefois contribuer à la naissance d'un diffuseur concurrent, car celui-ci ne pourrait se développer que sur la base de chaînes d'appel (anchor channels).

c) Câblodistributeurs

(135) Les parties n'ont proposé qu'une coopération au niveau de la distribution avec les câblodistributeurs, ce qui exclut que ceux-ci commercialisent eux-mêmes Premiere et, partant, établissent une relation propre avec la clientèle et procèdent au dégroupage et au regroupage de programmes. La création d'une plate-forme de programmes concurrente par les câblodistributeurs nécessiterait cependant au moins, outre une coopération avec Telekom vu la structure actuelle du réseau, qu'ils puissent acquérir eux-mêmes les bouquets du catalogue de Premiere, en particulier les films d'appel et les chaînes sportives, en vue de les grouper avec les chaînes d'autres diffuseurs et de les proposer à leurs abonnés au câble.

d) Droits de diffusion payante et de diffusion gratuite

(136) La formulation de cet engagement permet à Premiere d'acquérir les droits dont elle a besoin non seulement auprès d'autres fournisseurs, mais également auprès de Kirch et de CLT-UFA. Cela donne cependant la possibilité à ces deux entreprises d'acquérir à la fois des droits de diffusion payante et de diffusion gratuite. L'engagement n'a donc aucune valeur.

e) BetaResearch

(137) La création proposée d'un comité technique d'experts par Telekom se résume en fait à l'ouverture à des entreprises tierces du comité d'experts existant, auquel participent ARD et ZDF. Il convient de noter que, d'après l'accord conclu avec ces deux chaînes, le conseil d'experts a certes vocation à discuter de questions liées au développement technique, mais que ses recommandations n'ont aucune force contraignante.

(138) L'offre de participation de tiers à BetaResearch faite par les parties pourrait créer une certaine transparence dans les décisions relatives au développement de la technologie. Cependant, cette participation extérieure étant limitée à 25 % et les éventuels preneurs de participation ne disposant pas d'un droit de veto, Bertelsmann et Kirch, en tant que diffuseurs dominants de télévision à péage, et Telekom, en tant que câblodistributeur dominant, conservent le contrôle conjoint de BetaResearch et, partant, la maîtrise du développement de la technique.

(139) L'introduction d'une licence obligatoire de contrôle d'accès et d'une procédure d'arbitrage pour la résolution de litiges relatifs aux conditions, en particulier le montant des redevances de licence pourrait effectivement contribuer, dans une certaine mesure, à ce que les tiers ne fassent pas l'objet de discriminations en ce qui concerne la concession des licences, mais cet engagement ne modifie en rien le fait que l'évolution de la technologie pour laquelle les licences sont accordées est contrôlée par Bertelsmann, Kirch et Telekom. L'engagement pris par BetaResearch de mettre à la disposition du public, avant la fin de 1998, l'interface API du réseau d-box et de s'en remettre, en cas de litige en matière de concession de licences, à une instance d'arbitrage, ainsi que de compléter l'API d'origine par l'interface qui sera normalisée dans le cadre du projet DVB dès que la norme sera adoptée constitue, pour l'essentiel, la confirmation des intentions déjà déclarées des parties. L'engagement pris par BetaResearch, d'une part, de concéder, à des conditions types, des licences de fabrication à tout producteur de décodeurs intéressé et, d'autre part, de s'en remettre à une instance d'arbitrage en cas de litige pourrait certes contribuer à garantir le jeu de la concurrence en ce qui concerne la production de décodeurs. Toutefois, elle ne change rien au fait que Bertelsmann et Kirch, d'un côté, et Telekom, de l'autre, contrôlent le développement de la technique du décodage grâce à la position dominante occupée par les premiers sur le marché de la fourniture de services de télévision payante et par la seconde sur celui de la câblodistribution.

f) BetaDigital

(140) Cet engagement, en ce qui concerne le fait que BetaDigital, en cas de litige, s'en remet également à une instance d'arbitrage statuant de manière définitive, n'enlève rien au fait que BetaDigital détiendra un monopole durable sur le marché des services techniques pour la télévision à péage par satellite.

g) Appréciation générale

(141) Les parties, par les engagements qu'elles proposent de prendre, instituent certes, dans le domaine technique, une certaine transparence et une garantie d'accès à la technologie d-box; elles ne sont cependant pas disposées à renoncer au contrôle exclusif qu'elles exercent sur cette technologie, et en particulier sur son évolution future. En ce qui concerne la télévision à péage, les engagements proposés ne sont pas de nature à donner une possibilité réaliste de créer une plate-forme de programmes et de commercialisation concurrente. Premiere continuera donc d'être en mesure de dicter les conditions d'accès au marché pour les tiers. De même, sans la possibilité de voir se créer une plate-forme de programmes concurrente, les engagements dans le domaine technique, au moins en ce qui concerne la concession de licences pour le contrôle d'accès, perdent encore de leur valeur, car en l'absence de concurrence au niveau de la diffusion de programmes, il ne saurait y avoir création d'une plate-forme technique concurrente.

3. Autres engagements

(142) Le 13 et le 19 mai 1998, les parties ont complété et élargi les propositions qu'elles avaient faites jusque-là de la manière suivante.

a) Les câblodistributeurs

(143) Outre la coopération en matière de distribution déjà proposée, Premiere permettra aux câblodistributeurs de commercialiser ses programmes et, ainsi, d'établir leurs propres relations avec la clientèle, à certaines conditions. Les diffuseurs de programmes de télévision en clair, de télévision payante et de programmes à la carte payables à la séance sont en principe exclus de cette commercialisation. Celle-ci n'est pas exclusive, ce qui signifie que Premiere et les câblodistributeurs se font concurrence auprès des clients pour commercialiser la chaîne. En principe, chacun a des relations avec la clientèle d'abonnés qu'il a lui-même prospectée. Les informations relatives aux clients démarchés par les câblodistributeurs doivent toutefois être mises à la disposition de Premiere dans son SMS pour permettre à cette dernière de leur proposer des offres et des services supplémentaires (tels que des programmes à la carte payables à la séance) ainsi que des informations générales. La commercialisation par les câblodistributeurs des programmes à la carte payables à la séance de Premiere est exclue.

(144) La combinaison des bouquets de programmes offerts par les câblodistributeurs doit être la même que celle de Premiere. Il ne leur est pas permis de dégrouper les programmes au sein d'un même bouquet, pas plus qu'au sein de la structure globale des bouquets de Premiere. Ils peuvent toutefois enrichir les bouquets de leurs propres offres complémentaires. En outre, ils peuvent commercialiser les bouquets de programmes et les programmes d'autres diffuseurs. La renonciation par Premiere au couplage du bouquet de base avec les bouquets d'appel (considérant 125) permet aux clients des câblodistributeurs de s'abonner à leur propre bouquet de base en plus des bouquets de programmes offerts par la chaîne. La fourniture de ce bouquet de base ne saurait cependant devenir la condition préalable à un abonnement aux programmes de la chaîne. Le prix des bouquets de Premiere pour les câblodistributeurs est fixé en fonction du prix de cession de Premiere sur le marché du câble, déduction faite des coûts dont Premiere fait l'économie grâce à la commercialisation de ses programmes par des tiers. Les câblodistributeurs doivent, comme Premiere, offrir le décodeur numérique d-box en location et se fournir auprès de Nokia jusqu'à épuisement de son contingent (un million de décodeurs).

(145) Les câblodistributeurs ne doivent pas abuser de la liberté qui leur est donnée dans l'occupation du câble en réduisant la capacité de vente des programmes de Premiere: autrement dit, ils doivent se charger de vendre le bouquet de programmes de la chaîne dans son intégralité. Sinon, il n'y a aucune obligation de céder le programme de Premiere en vue de sa commercialisation. En cas de contraintes en matière de capacité, Premiere et les câblodistributeurs sont liés par les mesures arrêtées par les offices de l'audiovisuel des Länder ou s'entendent sur une autre manière de procéder objective pour répartir les capacités.

b) Les réseaux câblés

(146) Le 20 mai 1998, Telekom a en outre déclaré avoir l'intention de mettre à disposition deux chaînes de télévision numériques sur l'hyperbande jusqu'au 31 décembre 1999 au plus tard, en vue de leur utilisation par un diffuseur tiers potentiel. Elle est en outre disposée à étendre les capacités du câble à la bande IV, en commun avec les distributeurs du niveau 4 du réseau, mais uniquement là où un refinancement est possible pour les câblodistributeurs (niveaux 3 et 4 du réseau).

c) BetaResearch

(147) En ce qui concerne l'offre de participation d'entreprises tierces dans BetaResearch par le biais d'une holding intermédiaire (considérant 128), tous les associés, c'est-à-dire Bertelsmann, Kirch, Telekom et la holding intermédiaire doivent avoir les mêmes droits. Les réglementations légales en vigueur sont applicables pour déterminer quelle sera la majorité lors des votes (pas de quorum particulier). Les droits spéciaux accordés jusqu'à présent aux associés sont supprimés.

4. Appréciation

a) Les câblodistributeurs

(148) Les nouveaux engagements proposés par les parties ne sont pas propres à créer les conditions permettant la création d'une nouvelle plate-forme de programmation et de commercialisation, pas plus que d'une nouvelle plate-forme technique dans le domaine de la câblodistribution. Les parties elles-mêmes indiquent, dans leur lettre d'accompagnement, que les partenaires d'une mise en œuvre économiquement rationnelle de ces formes de commercialisation n'existent pas à l'heure actuelle sur le marché allemand ou, à tout le moins, ne se sont jusque-là pas montrés prêts à effectuer les investissements indispensables à la réalisation des infrastructures nécessaires. De fait, la structure actuelle des réseaux câblés ne permet pas aux câblodistributeurs privés d'ériger une plate-forme de programmation et de commercialisation, pas plus que leur propre plate-forme technique.

(149) Comme exposé au considérant 63, les câblodistributeurs privés sont surtout actifs uniquement au niveau 4 du réseau (but domestique, îlots câblés). Les réseaux du niveau 3 (acheminement des signaux des stations de tête jusqu'à la limite du bien-fonds) appartiennent quasi exclusivement à Telekom. Les câblodistributeurs privés sont donc, à l'heure actuelle, généralement tributaires des prestations préalables de Telekom dans le domaine du niveau 3 du réseau. Or, s'ils ne peuvent utiliser le niveau 3 du réseau, les câblodistributeurs privés ne peuvent créer de nouvelles plates-formes de programmation. Du fait du morcellement de la câblodistribution en Allemagne et de la position de quasi-monopole que détient Telekom dans l'exploitation des réseaux d'alimentation du niveau 3, les câblodistributeurs privés ne sont pas en mesure d'offrir une autre plate-forme de programmation faisant concurrence à celle de Premiere.

(150) Dans la présente affaire, Telekom ne s'est nullement montrée disposée à coopérer avec les câblodistributeurs privés en vue de créer une nouvelle plate-forme câblée ni, à tout le moins, à les laisser utiliser le niveau 3 du réseau. Certes, le 22 mai 1998, en réponse à la question de savoir comment surmonter l'obstacle de la séparation des niveaux 3 et 4 du réseau, elle a expliqué que, en ce qui concernait la demande de prestations qu'elle devait elle-même fournir pour construire une plate-forme câblée et une plate-forme de commercialisation numériques, elle conclurait des contrats individuels avec ceux qui voudraient en bénéficier (diffuseurs de programmes et câblodistributeurs du niveau 4 du réseau). Si les câblodistributeurs du niveau 4 le souhaitaient, il était également possible, d'après elle, de surmonter l'obstacle constitué par la séparation des niveaux 3 et 4 du réseau, tant sur le plan technique que sur celui de l'exploitation, en combinant les prestations des câblodistributeurs des niveaux 3 et 4 du réseau. Toutefois, Telekom a donné ces explications d'une manière tellement vague et générale qu'elles ne sauraient suffire à convaincre de la possibilité de surmonter l'obstacle de la séparation entre les niveaux 3 et 4 du réseau, de manière à permettre aux câblodistributeurs du niveau 4 de bâtir une plate-forme de programmation et de commercialisation. En ce qui concerne notamment la combinaison des prestations des câblodistributeurs des niveaux 3 et 4 du réseau, la nature des prestations que peuvent fournir Telekom et les câblodistributeurs du niveau 4 n'est pas expliquée, pas plus que la manière dont les prestations des câblodistributeurs des niveaux 3 et 4 peuvent être combinées sur le plan technique et économique. La question de savoir si les câblodistributeurs du niveau 4 auront un accès propre au niveau 3 du réseau reste entière, ainsi que celle, notamment, de savoir s'ils peuvent aussi exploiter le système de contrôle d'accès et comment cela peut être rendu techniquement faisable. Sur la base des explications de Telekom, il convient donc de continuer à considérer qu'en dernière analyse, Telekom compte être la seule à fournir les services techniques nécessaires et que les câblodistributeurs du niveau 4 du réseau dépendront donc d'elle. Il ne serait donc très probablement possible de surmonter l'obstacle que constitue la séparation entre les niveaux 3 et 4 du réseau qu'après la restructuration et la privatisation des réseaux câblés de Telekom, une fois ceux-ci exploités, après la séparation, par des sociétés régionales, avec la participation des câbloditributeurs privés. Telekom n'a toutefois fait aucune déclaration contraignante quant à la date de cette restructuration ou à la forme qu'elle prendrait. La restructuration et la privatisation n'auront donc probablement lieu que lorsque Premiere aura déjà acquis une telle avance, grâce au portefeuille d'abonnés qu'elle se sera alors constitué, qu'il sera difficile à de nouvelles plates-formes de se faire une place.

(151) De plus, les engagements proposés ne permettront pas non plus aux câblodistributeurs d'offrir des programmes de télévision payante assortis des mêmes possibilités concurrentielles que Premiere. En effet, ils n'ont pas le droit d'agir en qualité de diffuseurs de programmes de télévision payante et d'offrir, par exemple, des programmes régionaux qu'ils auront eux-mêmes mis sur pied. Au contraire, leur offre de programmes supplémentaires se limite exclusivement à la commercialisation de chaînes tierces. De plus, les câblodistributeurs privés n'ont pas le droit de commercialiser les offres de Premiere en matière de programmes à la carte payables à la séance, ni de faire leurs propres offres de tels programmes. Du fait de l'absence d'exclusivité des droits de diffusion attachés à ces programmes, les offrir serait cependant le moyen le plus simple de permettre la diffusion indépendante de programmes de télévision payante. En outre, la combinaison des bouquets de programmes de Premiere qu'ils offrent doit être la même que celle de la chaîne. Ils dépendraient donc entièrement d'elle en ce qui concerne le groupage des programmes, leur principal moyen d'action.

(152) En outre, les câblodistributeurs doivent fournir à Premiere les données de leur fichier clientèle sans que Premiere soit soumise à aucune obligation réciproque. La cession d'un fichier clientèle est pourtant chose totalement inhabituelle dans cette branche et confère à la chaîne un avantage concurrentiel important. La fixation des prix en fonction du prix de cession de Premiere, déduction faite des économies que lui vaut la commercialisation de ses programmes par des tiers, présente le risque pour les câblodistributeurs de ne pas pouvoir commercialiser ses programmes d'une manière rentable. La question de savoir qui détermine les économies de coûts et selon quels critères celles-ci sont définies reste entière.

b) Les réseaux câblés

(153) La mise en réserve de deux chaînes numériques dans l'hyperbande en vue de leur utilisation par des diffuseurs tiers potentiels peut certes théoriquement contribuer, grâce à la capacité supplémentaire ainsi mise à disposition, à la diffusion de programmes concurrents. Toutefois, en soi, cela ne saurait permettre de créer une nouvelle plate-forme de programmation dans le domaine de la câblodistribution, ne serait-ce que parce que cette mise en réserve est limitée dans le temps. Il semble exceptionnellement difficile, en seulement un an et demi, de mettre sur pied une nouvelle plate-forme de programmation. Etant donné qu'au reste, les câblodistributeurs privés ne sont pas autorisés à diffuser eux-mêmes des programmes de télévision payante s'ils veulent commercialiser les programmes de Premiere, ils sont limités à l'offre de chaînes d'autres diffuseurs et voient ainsi leurs possibilités de bâtir une plate-forme de programmation susceptible d'utiliser les deux chaînes considérablement réduites. Par ailleurs, un diffuseur qui souhaiterait construire une plate-forme de programmation sur le principe de 25 % de droits de diffusion cryptée ne pourrait exercer ces droits avant l'an 2000. De plus, il devrait, s'il voulait utiliser les deux chaînes, conclure un contrat de dix ans, même s'il n'a accès aux 25 % de droits de diffusion cryptée offertes par les parties en vertu des accords d'acquisition passés que jusqu'à la fin de l'an 2002. La création de capacités supplémentaires grâce à l'aménagement de la bande IV, également prévue par Telekom, ne s'est aucunement concrétisée et ne doit donc être considérée que comme une déclaration d'intention de portée générale.

c) BetaResearch

(154) L'engagement d'accorder les mêmes droits à tous les associés de BetaResearch, y compris la holding intermédiaire, pourrait en principe résoudre le problème du contrôle de la technique par les diffuseurs de programmes. Si les diffuseurs de télévision à péage CLT-UFA et Kirch ne disposent plus d'aucun droit de veto et si tous les associés ont les mêmes droits, des changements de majorité au sein des organes de la société sont, formellement parlant, possibles. Il faut toutefois tenir compte du fait que les associés de BetaResearch ne sont que quatre, puisque les entreprises tierces ne pourront y détenir une participation que par le biais d'une holding intermédiaire. Les décisions à la majorité ne peuvent donc être prises qu'avec l'accord d'au moins trois des quatre associés, ce qui signifie que CLT-UFA et Kirch peuvent toujours bloquer conjointement de décisions et, donc, continuer de défendre en commun leurs intérêts en empêchant la prise de toute décision qui leur serait contraire. Les entreprises tierces détenant une participation dans l'entreprise ne pourraient en revanche défendre leurs intérêts face aux diffuseurs de télévision à péage que sont CLT-UFA et Kirch qu'avec l'appui de Telekom, si les deux associés votent en commun contre CLT-UFA et Kirch pour, ainsi, empêcher la prise d'une décision à la majorité. Il est cependant facile de concevoir que les intérêts de Telekom concordent avec ceux de CLT-UFA et de Kirch plutôt qu'avec ceux des entreprises tierces détenant une participation dans BetaResearch, puisqu'elle fournira des services techniques de télévision à péage fondés sur la technique du décodeur d-box. Cela signifie que les possibilités offertes à CLT-UFA et à Kirch, en tant que diffuseurs de programmes de télévision à péage ayant une position dominante sur le marché, et à Telekom en tant que câblodistributeur ayant également une position dominante, de contrôler en commun cette technique et son développement, bien que formellement limitées, peuvent perdurer dans la pratique.

d) En résumé

(155) Il ressort de ce qui précède que les engagements proposés sont insuffisants, même sous leur forme élargie, pour résoudre les problèmes posés en matière de concurrence. En effet, en ce qui concerne plus particulièrement la télévision à péage, ils ne sauraient raisonnablement permettre aux câblodistributeurs privés de créer une nouvelle plate-forme de programmation et de commercialisation. Premiere conservera ainsi la possibilité de dicter les conditions régissant l'accès de tiers au marché. Certes, l'ouverture de BetaResearch à d'autres associés et l'abandon concomitant des droits de veto et des droits spéciaux accordés aux anciens associés représentent une concession importante, étant donné que se trouve ainsi supprimé le contrôle de la technique et de son développement, qui était auparavant assuré structurellement. Cependant, du fait que l'impossibilité d'une nouvelle plate-forme de programmation rend également impossible une nouvelle plate-forme technique, cet engagement, en ce qui concerne BetaResearch et en liaison avec les autres engagements déjà offerts par les parties du point de vue de la licence CA, de l'API et de la licence de fabrication, est insuffisant pour empêcher Premiere et BetaDigital d'occuper durablement une position dominante.

VII. CONCLUSION

(156) Pour les raisons qui précèdent, on peut considérer que l'opération de concentration envisagée créera ou renforcera des positions dominantes ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans une partie substantielle de la Communauté. Il convient, par conséquent, de déclarer l'opération de concentration incompatible avec le Marché commun en vertu de l'article 8, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations.

A ARRÊTE LA PRÉSENTE DECISION:

Article premier

L'opération de concentration notifiée, qui résulte de l'acquisition du contrôle conjoint par les entreprises CLT-UFA SA et Taurus Beteiligungs-GmbH et Co. KG, des entreprises Premiere Medien GmbH et Co. KG, BetaDigital Gesellschaft für digitale Fernsehdienste mbH et BetaResearch Gesellschaft für Entwicklung und Vermarktung digitaler Infrastrukturen mbH, est déclarée incompatible avec le Marché commun et le bon fonctionnement de l'accord EEE.

Article 2

CLT-UFA SA, 45, boulevard Pierre-Frieden, L-2850 Luxembourg

Taurus Beteiligungs-GmbH et Co. KG (KirchGruppe), Robert-Bürkle-Strasse 2, D-85737 Ismaning

sont destinataires de la présente décision.

(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1. JO L 257 du 21.9.1990, p. 13 (rectificatif).

(2) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3) JO C 57 du 26.2.1999.

(4) Donnée enlevée avant publication. Pour des raisons de confidentialité, dans le reste du texte, toutes les indications relatives, entre autres, aux parts de marché et aux chiffres sont remplacées par des ordres de grandeur mis entre crochets ([...]). Les passages comportant des informations confidentielles sont également remplacés par des crochets ([...]).

(5) Décision 94-922-CE de la Commission, MSG Media Service (JO L 364 du 31.12.1994, considérants 32 et 33).

(6) Note 5 de bas de page, considérant 46 et décision 96-346-CE de la Commission concernant l'affaire RTL/Veronica/Endemol (JO L 134 du 5.6.1996, p. 32, considérant 25).

(7) Note 5 de bas de page et considérant 51.

(8) Note 5 de bas de page et considérants 52, 53 et 54.

(9) Note 5 de bas de page et considérant 76.

(10) JO L 202 du 30.7.1997, p. 60.

(11) Note 5 de bas de page et considérant 71.

(12) Décision 94-449-CE de la Commission (JO L 186 du 21.7.1994, p. 38), considérants 70 et suiv., et arrêt rendu le 31 mars 1998 par la Cour de justice dans les affaires C-68-94 et C-30-95, République française contre Commission (Recueil 1998, p. I-1375).

(13) Note 12 de bas de page.

(14) Süddeutsche Zeitung du 25 février 1998, p. 2.

(15) Note 14 de bas de page.