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Décisions

TPICE, 6 juillet 1993, n° T-12/93 R

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Comité central d'entreprise de la société anonyme Vittel, Comité d'établissement de Pierval

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cruz Vilaça

Avocats :

Mes Nativi, Rousseau, Bienayme-Galaz, May.

TPICE n° T-12/93 R

6 juillet 1993

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Faits à l'origine du litige

1 Les faits essentiels qui sont à l'origine du litige dont le Tribunal est saisi, tels qu'ils résultent des mémoires déposés par les parties et des explications orales données au cours de l'audience, peuvent être résumés comme suit.

2 Le 25 février 1992, Nestlé SA (ci-après "Nestlé") a notifié à la Commission, conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L. 395, p. 1, ci-après "règlement n° 4064-89"), une offre publique d'achat portant sur les actions de Source Perrier SA (ci-après "Perrier"). Après avoir procédé à l'examen de la notification, la Commission a décidé, le 25 mars 1992, en application de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89, d'engager la procédure, au motif que l'opération de concentration notifiée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

3 Le 22 juillet 1992, au vu notamment des engagements pris par Nestlé à son égard, la Commission a adopté une décision déclarant l'opération de concentration compatible avec le Marché commun (ci-après "décision"). La décision est assortie de conditions et charges visant à assurer que Nestlé respecte les engagements qu'elle a pris. Parmi ces conditions, la décision prévoit que Nestlé doit vendre à un concurrent soumis à l'approbation de la Commission, et dans un délai fixé par la décision elle-même, les marques et les sources Vichy, Thonon, Pierval, Saint-Yorre et un certain nombre d'autres sources locales, ainsi que les capacités d'embouteillage afférentes à ces sources.

4 Le 26 janvier 1993, Nestlé a présenté à la Commission un acquéreur, le groupe Castel, déjà présent dans le secteur des boissons. Cet acquéreur s'est déclaré intéressé par la reprise de trois des grandes sources que Nestlé s'est engagée à revendre (Vichy, Thonon, Saint-Yorre), ainsi que d'un certain nombre de sources de moindre importance. La Commission ayant considéré que cette cession ne satisfaisait pas en totalité aux termes de la décision, les groupes Nestlé et Castel ont conclu, le 18 février 1993, un nouvel accord portant également, outre sur les sources déjà mentionnées, sur la cession de la source Pierval.

5 Le 3 mars 1993, la Commission a publié un communiqué de presse, dans lequel elle a fait savoir que la proposition de rachat faite par le groupe Castel constituait un élément décisif dans la satisfaction de l'ensemble des conditions prévues et a annoncé qu'elle procéderait au réglement définitif de cette affaire dès que les obstacles à la cession effective des sources seraient levés, notamment en ce qui concerne le transfert au groupe Castel des droits d'exploitation de Vichy et de Thonon, détenus respectivement par l'État français et la ville de Thonon-les-Bains.

Procédure

6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 février 1993, le comité central d'entreprise de la sociéte anonyme Vittel, le comité d'établissement de Pierval et la Fédération générale agroalimentaire-CFDT ont introduit, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, un recours visant à l'annulation de la décision.

7 Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le 2 mars 1993, le comité central d'entreprise de la sociéte anonyme Vittel et le comité d'établissement de Pierval (ci-après "requérants") ont également introduit, en vertu des articles 185 et 186 du traité CEE, une demande visant à obtenir, à titre principal, le sursis à l'exécution de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, que le Tribunal ordonne la suspension de la décision, en ce que celle-ci exige la cession de Pierval, jusqu'à l'issue de la procédure au fond.

8 La Commission a déposé ses observations écrites sur la demande en référé le 17 mars 1993. Les parties ont été entendues en leurs explications orales le 23 mars 1993.

9 Par ordonnance du 2 avril 1993, CCE Vittel et CE Pierval/Commission (T-12-93 R, Rec. p. II-449), le président du Tribunal a ordonné à la Commission d'informer le Tribunal, dès qu'elle serait en possession des éléments y relatifs, de ce que l'ensemble des conditions relatives à la cession des actifs prévues dans la décision se trouvent réunies et, en particulier, de ce que les obstacles au transfert des droits d'exploitation de Vichy et de Thonon ont été levés. Par la même ordonnance, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l'exécution de la décision, en ce qu'elle subordonne la déclaration de compatibilité de l'opération de concentration notifiée au respect de la condition relative à la cession de Pierval, jusqu'à ce que le juge des référés puisse se prononcer, à la lumière des informations qui lui seraient fournies par la Commission, sur les demandes dont il a été saisi.

10 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 1993, la Commission a informé le Tribunal qu'elle avait reçu communication, le 27 mai 1993, de l'accord de cession des actifs en question entre Nestlé et Castel, ainsi que des agréments donnés tant par l'État français, en ce qui concerne l'acquisition par Castel de la Compagnie fermière de Vichy, titulaire de la licence d'exploitation de la source Vichy-Célestins, que par la ville de Thonon-les-Bains, pour ce qui est de l'octroi d'une nouvelle concession pour l'exploitation de la source Thonon. A cette occasion, la Commission a transmis au Tribunal un communiqué de presse du ministère français du Budget, du 5 mai 1993, faisant état de ce que le ministre du Budget avait approuvé l'accord intervenu entre les groupes Nestlé et Castel relatif à la concession thermale de Vichy, ainsi qu'une télécopie du secrétaire général de la mairie de Thonon-les-Bains, du 25 mai 1993, indiquant que le conseil municipal avait adopté "l'avenant au traité de concession liant la SEMT et la Commune".

11 Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 30 juin 1993, la Commission a communiqué au Tribunal une copie du procès-verbal de la réunion du 24 mai 1993 du conseil municipal de la ville de Thonon-les-Bains, au cours de laquelle celui-ci a adopté l'avenant au traité de concession de l'exploitation de l'eau minérale de Thonon.

12 Après avoir pris connaissance des informations transmises par la Commission en exécution de son ordonnance du 2 avril 1993, précitée, le juge des référés constate que l'ensemble des conditions relatives à la cession des actifs prévues dans la décision se trouvent, à première vue, désormais réunies et s'estime suffisamment éclairé pour pouvoir se prononcer sur le bien-fondé de la demande en référé.

En droit

13 En vertu des dispositions combinées des articles 185 et 186 du traité et de l'article 4 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes, le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

14 L'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les demandes relatives à des mesures provisoires visées aux article 185 et 186 du traité doivent spécifier les circonstances établissant l'urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l'octroi de la mesure à laquelle elles concluent. Les mesures demandées doivent présenter un caractère provisoire en ce sens qu'elles ne doivent pas préjuger de la décision sur le fond (voir, en dernier lieu, l'ordonnance du 2 avril 1993, précitée).

15 Pour l'exposé des moyens et arguments des parties, il est renvoyé à l'ordonnance du 2 avril 1993, précitée. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement du juge des référés.

Sur l'objet de la demande et la mise en balance des intérêts en présence

16 Il convient de rappeler que la présente demande en référé a pour objet d'obtenir, à titre principal, le sursis à l'exécution de la décision par laquelle la Commission a autorisé la prise de contrôle de Perrier par Nestlé et, à titre subsidiaire, que le Tribunal ordonne la suspension de la décision, en ce que celle-ci exige la cession de Pierval, jusqu'à l'issue de la procédure au fond.

17 S'agissant, tout d'abord, de la demande de sursis à l'exécution de la décision, il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu'un tel sursis reviendrait à suspendre, pendant toute la durée de la procédure contentieuse, l'autorisation accordée par la Commission à l'opération de concentration notifiée et, par conséquent, l'exercice, par Nestlé, de ses droits de vote au sein du groupe Perrier, ce qui serait de nature à entraver gravement le fonctionnement même des entreprises du groupe.

18 S'agissant, ensuite, de la demande de mesures provisoires, tendant à ce que le Tribunal ordonne la suspension de la décision, en ce qu'elle exige la cession de Pierval, jusqu'à l'issue de la procédure au fond, il convient d'observer qu'une telle mesure reviendrait à suspendre, ne serait-ce que partiellement, l'exécution des engagements, évoqués ci-dessus au point 3, pris par Nestlé à l'égard de la Commission et, par là même, à prolonger une situation qualifiée, par la décision, de position dominante susceptible d'entraîner des conséquences irréversibles sur la concurrence dans le secteur concerné, situation à laquelle les conditions et charges imposées par la décision visent précisément à mettre fin. En effet, le respect de l'ensemble de ces engagements, dans le délai fixé dans la décision, constitue la condition sur laquelle repose l'autorisation donnée par la Commission à la réalisation de l'opération de concentration notifiée.

19 En présence d'une telle situation de fait et de droit, il incombe au juge des référés de mettre en balance non seulement l'intérêt particulier des requérants à obtenir un sursis à l'exécution de la décision litigieuse et l'intérêt général qu'a la Commission à rétablir une concurrence effective, mais également les intérêts de tiers comme Nestlé et Castel, de façon à éviter, tout à la fois, la création d'une situation irréversible et la survenance d'un préjudice grave et irréparable dans le chef d'une des parties au litige ou d'un tiers, ou encore pour l'intérêt public (voir l'ordonnance du président du Tribunal du 15 décembre 1992, CCE Grandes Sources e.a./Commission, T-96-92 R, Rec. p. II-2579).

20 A cet égard, il y a lieu de rappeler que dans une situation comme celle de l'espèce, où les mesures demandées au juge des référés peuvent avoir une incidence grave sur les droits et les intérêts de tiers, lesquels ne sont pas partie au litige et n'ont donc pas pu être entendus, de telles mesures ne sauraient se justifier que s'il apparaissait qu'en leur absence les requérants seraient exposés à une situation susceptible de mettre en péril leur existence même (voir l'ordonnance du président de la Cour du 22 mai 1978, Simmenthal/Commission, 92-78 R, Rec. p. 1129; voir, en dernier lieu, l'ordonnance CCE Grandes Sources e.a./Commission, précitée).

21 C'est à la lumière de ces considérations qu'il appartient au juge des référés d'analyser si les conditions permettant, en droit, l'octroi des mesures provisoires sollicitées se trouvent réunies en l'espèce.

Sur l'existence d'un préjudice grave et irréparable

22 Il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour que le caractère urgent d'une demande en référé doit être apprécié par rapport à la nécessité qu'il y a de statuer provisoirement afin d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. C'est à la partie qui sollicite le sursis à exécution qu'il appartient d'apporter la preuve qu'elle ne saurait attendre l'issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice qui entraînerait des conséquences graves et irréparables dans son chef (voir, en dernier lieu, l'ordonnance du président de la Cour du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil, C-280-93 R, Rec. p. I-3667, point 22).

23 Sur ce point, les requérants font valoir que la cession de l'établissement Pierval provoquera dans leur chef un préjudice grave et irréparable, imminent et certain. Selon les requérants, la cession des actifs de Pierval porte atteinte à l'intérêt des salariés de cet établissement, en particulier, et à ceux de la société Vittel, en général, en ce qu'une telle cession constitue une atteinte à leur droit au maintien du patrimoine de l'entreprise, alors surtout que, dans les conditions de l'espèce, la contrepartie financière de cette cession serait dérisoire. En outre, les requérants soulignent que, du fait de la cession, les salariés de Pierval ne seront plus en mesure de bénéficier des avantages sociaux importants qui leur sont reconnus soit par leur contrat individuel, soit par l'accord collectif en vigueur au sein de la société Vittel. De l'avis des requérants, un tel préjudice présente un caractère irréparable, dans la mesure où la cession, si elle intervient, produira des effets juridiques sur lesquels il sera impossible de revenir, nonobstant l'existence de conditions suspensives ou résolutoires. Ce préjudice, ajoutent-ils, découle directement de la décision de la Commission qui a imposé comme condition à la déclaration de compatibilité avec le Marché commun de l'opération de concentration entre Nestlé et Perrier la cession de diverses sources, dont Pierval.

24 La Commission estime, à cet égard, que les requérants n'ont pas démontré l'existence dans leur chef d'un préjudice certain et imminent qui résulterait de la décision. La partie défenderesse fait valoir, en particulier, que la cession d'une partie du patrimoine d'une entreprise ne saurait constituer, en elle-même, un préjudice pour ses salariés que s'il devait en résulter nécessairement pour eux la remise en cause d'un intérêt qui leur est spécifique, comme la perte de leur emploi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Pour ce qui est de l'argument tiré du préjudice que subiraient en particulier les salariés de Pierval du fait de la cession, la Commission souligne qu'il n'est pas certain que la cession de l'entreprise entraîne nécessairement la remise en cause de l'accord collectif et que, en tout état de cause, un tel accord continue de s'appliquer pendant une année ou jusqu'à l'entrée en vigueur d'un accord de substitution, étant entendu que si aucune convention n'est conclue pendant l'année qui suit la cession de l'entreprise, les salariés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de l'accord conclu antérieurement à la cession. Au surplus, la Commission relève que les accords collectifs auraient pu tout aussi bien faire l'objet d'une dénonciation par la direction de Vittel, y compris dans l'hypothèse où l'établissement Pierval n'aurait pas été vendu. Il en résulte, selon la Commission, que la dénonciation de ces accords n'est pas une conséquence inhérente à la cession de Pierval, le préjudice pour les salariés de cette entreprise n'étant, par conséquent, ni certain, ni imminent.

25 A cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, ainsi que le président du Tribunal l'a déclaré dans son ordonnance du 15 décembre 1992, précitée, une décision d'autorisation de concentration ne saurait, en principe, avoir des conséquences sur les droits des salariés d'une entreprise ayant fait l'objet d'un transfert de propriété suite à une opération de concentration. Il convient, toutefois, d'analyser, en l'espèce, si le préjudice grave et irréparable allégué par les requérants est, d'une part, suffisamment certain pour justifier l'adoption des mesures provisoires demandées et présente, d'autre part, un lien de causalité direct avec la décision.

26 S'agissant du préjudice que subiraient les salariés de la société Vittel, en général, en ce que la cession de l'établissement Pierval constituerait une atteinte à leur "droit au maintien du patrimoine de l'entreprise", il y a lieu d'observer que les requérants n'ont pas établi en quoi la diminution du patrimoine de Vittel, du fait de la cession de Pierval, serait, à première vue, de nature à entraîner un risque de préjudice grave et irréparable pour le maintien de l'emploi au sein de la société. A cet égard, les requérants, qui n'ont évoqué aucune circonstance particulière permettant de qualifier de certain et d'imminent le risque de préjudice que subiraient les salariés de Vittel du fait de la cession, se limitent à invoquer le caractère dérisoire de la contrepartie financière de la cession. Or, il est constant que le prix de cession de l'établissement Pierval, à supposer même qu'il puisse être qualifié de dérisoire, ne découle pas de la décision, mais n'est que le résultat des négociations que Nestlé a menées avec Castel sur la cession de l'ensemble des actifs que Nestlé s'est engagé à vendre.

27 S'agissant du préjudice qui résulterait du fait que les salariés de Pierval ne seront plus en mesure de bénéficier des avantages sociaux importants qui leur sont reconnus soit par leur contrat individuel, soit par l'accord collectif en vigueur au sein de la société Vittel, il y a lieu d'observer, en premier lieu, qu'en vertu des articles 3 et 4 de la directive 77-187-CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (JO L. 61, p. 26), les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert sont transférés au cessionnaire.

28 Il y a lieu de souligner, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 132-8 du Code du travail français, évoqué par les parties au cours de la procédure, toute convention ou tout accord collectif de travail à durée indéterminée peut être dénoncé par les parties signataires, dans les conditions prévues dans la convention ou accord. En ce qui concerne, en particulier, la mise en cause d'une convention ou d'un accord dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession ou d'une scission, le même texte prévoit que la convention ou l'accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle convention ou d'un nouvel accord ou, à défaut, pendant une durée minimale d'un an, étant entendu que les salariés concernés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis si la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé dans les délais.

29 Il ressort des éléments versés au dossier, en particulier de l'intervention du président du comité central d'entreprise de Vittel lors de la réunion tenue par ce dernier le 26 février 1993 (annexe 4 à la demande en référé), que la convention collective continuera à s'appliquer dans la nouvelle société. En ce qui concerne les accords collectifs, ceux-ci continueront à s'appliquer dans les conditions définies par l'article L. 132-8 du Code du travail, précité.

30 Au vu de l'ensemble de ce qui précède, il convient de constater, en premier lieu, que la possibilité de dénoncer une convention ou un accord collectif est ouverte à tout signataire et, en second lieu, que, en cas de cession d'une entreprise, comme tel est le cas en l'espèce, aucune disposition légale ou autre n'impose la dénonciation ou une quelconque modification de la convention ou de l'accord en vigueur. Il y a lieu de relever également que, si, néanmoins, l'application d'une telle convention ou d'un tel accord est mise en cause, les dispositions de la loi française (article L. 132-8, septième alinéa, du Code du travail) prévoient un régime identique à celui applicable à la dénonciation par une ou plusieurs des parties signataires.

31 Il en résulte que, à supposer même que le préjudice allégué, c'est-à-dire la perte, par les salariés de l'établissement Pierval, des avantages contenus dans l'accord collectif en vigueur dans l'entreprise Vittel, présente un caractère suffisamment certain, un tel préjudice ne saurait, toutefois, résulter directement de la décision. En effet, pas plus que la décision n'impose la mise en cause, par les nouveaux employeurs, de l'accord collectif applicable aux salariés de Pierval, l'éventuelle suspension de la cession de Pierval n'assurerait une quelconque protection contre la possibilité de dénonciation, dans les termes prévus dans la loi, de l'accord collectif en vigueur.

32 Dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'analyser les moyens invoqués par les requérants à l'appui du bien-fondé prima facie de leur demande dans la procédure au principal, il y a lieu de constater que les conditions permettant, en droit, l'octroi des mesures provisoires sollicitées ne sont pas satisfaites et que la demande doit être rejetée.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne:

1) La demande en référé est rejetée.

2) Les dépens sont réservés.