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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 19 juin 2002, n° 2000-15722

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Guynemer (SCI)

Défendeur :

Pintor Alcade (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclaud

Conseillers :

Mmes Cobert, Imbaud-Content

Avoués :

Me Thevenier, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller. Avocats : Mes Feddal, Toledano.

TGI Bobigny, 5/2e ch., du 29 mars 2000

29 mars 2000

LA COUR statue sur l'appel formé par la SCI Guynemer d'un jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 29 mars 2000 qui a :

- débouté la SCI Guynemer de toutes ses demandes,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SCI aux dépens.

Les faits et la procédure pourront être résumés ainsi qu'il suit.

Par acte sous seing privé du 15 février 1992, la SCI Guynemer a consenti aux consorts Mania-Kodikine aux droits desquels se trouvent les époux Pintor Alcade le renouvellement d'un bail commercial sur des locaux sis à Dugny (93) 23 rue Guynemer, à usage de bar-brasserie.

Les locataires ont par acte du 17 mai 1999 donné leur fonds en location-gérance.

Par acte extra-judiciaire du 6 mai 1999, la SCI Guynemer a fait délivrer aux époux Pintor Alcade un commandement d'avoir à payer la somme en principal de 71 998,50 F à titre de loyers et charges impayés selon un décompte arrêté au 30 avril 19999.

Ce commandement reprenait la clause résolutoire insérée au bail.

Par acte du 1er juillet 1999, la SCI bailleresse a fait assigner les locataires en constatation de la clause résolutoire, subsidiairement en résiliation du bail.

Les époux Pintor Alcade ont soutenu avoir acquitté les sommes visées dans le commandement.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement attaqué.

La SCI Guynemer, appelante, demande à la cour de :

- constater l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire,

- subsidiairement, prononcer la résiliation aux droits du preneur,

- ordonner en conséquence l'expulsion des locataires avec toutes conséquences de droit,

- fixer l'indemnité d'occupation à 8 000 F par mois à compter du 6 juin 1999 jusqu'à parfaite libération des lieux et condamner les époux Pintor Alcade à payer cette indemnité,

- les condamner à payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour le risque causé par le comportement fautif et réitéré du locataire et par le risque encouru par le bailleur de voir le fonds fermé en raison de l'exploitation illicite d'appareils à jeux d'argent,

- les condamner au paiement de la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les époux Pintor Alcade, intimés demandent à la cour de:

- confirmer le jugement,

- dire que la SCI Guynemer sera tenue d'effectuer les travaux indispensables à la colonne d'eau, sous astreinte de 500 F par jour de retard,

- la condamner au paiement de la somme de 2 131 F au titre de remboursement des frais d'huissier, au paiement de la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Ceci étant exposé, LA COUR,

- Sur l'appel principal :

Considérant que la SCI Guynemer soutient, premièrement, que la cession aux époux Pintor Alcade du 3 septembre 1992 a été faite en contravention des clauses du bail, le bailleur n'ayant pas été expressément appelé à l'acte; deuxièmement, que le bail prévoit la résiliation de plein droit en l'absence de paiement des loyers et charges un mois après une mise en demeure; que le bailleur a adressé aux locataires un commandement de payer le 6 mai 1999 d'avoir à payer la somme de 73 232,26 F; que les époux Pintor Alcade ont réglé le 7 mai 1999 la somme de 61 648,50 F, puis 5 350 F le 18 mai 1999 et enfin 6 225 F le 13 juin 1999 soit plus d'un mois après la délivrance du commandement; troisièmement, que le locataire exploite des appareils à jeux automatiques malgré mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 14 mai 1998; que cette activité est contraire aux clauses du bail s'agissant d'appareils à jeux d'argent; enfin, quatrièmement, que le contrat de location-gérance, à la société Malya ne fait pas état de ce que le locataire-gérant sera tenu, au même titre que le loueur du fonds, au paiement des loyers et charges; que de plus, le contrat de location-gérance fait mention d'une activité de " bar-restaurant " alors que le bailleur prévoit seulement celle de " bar-brasserie " ; que, pour tous ces motifs, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du bail ;

Mais considérant que le commandement du 6 mai 1999 vise la clause résolutoire, pour non-paiement des loyers et charges; qu'ainsi, sur les autres chefs de résiliation, la cour doit apprécier la gravité des infractions;

Considérant ainsi que la cession du fonds emportant celle du droit au bail est intervenue le 3 septembre 1992 et que c'est seulement en cause d'appel, soit huit ans plus tard que le bailleur invoque l'infraction de l'absence de convocation à la passation de l'acte de cession ; la cession du fonds ayant été signifiée au bailleur par huissier de justice le 29 septembre 1992 ; dans ces conditions particulières, le bailleur ne peut sérieusement soutenir que cette infraction soit suffisamment grave pour entraîner la résiliation judiciaire du bail;

Considérant ensuite que dans le procès-verbal de constat d'huissier du 6 mai 1999 diligenté à la requête de la SCI Guynemer, autorisé par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Bobigny du 14 avril 1999, Monsieur Pintor Alcade a déclaré qu'il possédait dans l'établissement quatre jeux automatiques possédant un tiroir-caisse cadenassé; que l'huissier de justice a pu ensuite constater que dans la salle de café-bar étaient installés deux billards électriques, un jeu vidéo et un "juke-box"; que ces jeux ne sont pas pénalement sanctionnés et qu'il est admis, comme l'a relevé le premier juge que des équipements électroniques et divertissements constituent pour un bar des activités complémentaires et ne sont pas soumises à autorisation, qu'aucune infraction ne saurait être reprochée aux époux Pintor Alcade de ce chef ;

Considérant encore que le contrat de bail destine les lieux à l'activité de "bar-brasserie avec faculté d'adjoindre à cette activité des activités connexes et complémentaires", la SCI Guynemer ne peut prétendre dans ces conditions que l'exploitation d'appareils de jeux automatiques devait être autorisée puisqu'il s'agit d'une activité connexe ;

Considérant que par ailleurs, le contrat de location-gérance fait référence au contrat de bail du 15 février 1992 (prod. n° 4 SCI Guynemer page 6 " énonciation du droit au bail "); que l'omission de la garantie du locataire-gérant dans le contrat de location-gérance à l'égard du bailleur ne constitue pas une infraction grave justifiant la résiliation judiciaire du bail;

Considérant par ailleurs que quant au jeu de la clause résolutoire, les époux Pintor Alcade rapportent la preuve qu'ils étaient redevables, lors de la délivrance du commandement visant la clause résolutoire, de la somme de 66 998 F et non de celle de 73 232,26 F; qu'en réglant les 7 et 18 mai 1999 les sommes de 61 648,50 F et 5 350 F, ils ont apuré leur dette dans le délai d'un mois;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la clause résolutoire ne saurait être constatée, et la résiliation judiciaire prononcée;

2 - Sur l'appel incident :

Considérant que les époux Pintor Alcade soutiennent que depuis plusieurs mois, ils subissent des dégradations dans les locaux notamment dans les sanitaires dues à des fuites de la descente d'eaux pluviales et de la colonne d'eaux usées; que malgré une lettre au bailleur le 22 juillet 1998, aucune réparation n'a été effectuée ;

Mais considérant, qu'aucune demande de condamnation des bailleurs en réparation sous astreinte n'a pas été présentée devant le tribunal; qu'il ne s'agit pas d'une demande entrant dans le champ d'application des articles 564 et 565 du nouveau Code de procédure civile; que dès lors, la demande est nouvelle et comme telle irrecevable;

Considérant encore que la demande en remboursement des frais d'huissier de justice afin de faire constater les dommages n'a aucun fondement ainsi que l'a retenu le premier juge ;

Considérant que la SCI Guynemer qui succombe en son appel sera condamnée à verser aux époux Pintor Alcade la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et supportera la charge des dépens d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR : Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déclare irrecevable la demande de condamnation à faire effectuer des travaux sous astreinte des époux Pintor Alcade, Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties, Condamne la SCI Guynemer à payer aux époux Pintor Alcade la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SCI Guynemer aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Bebnabe-Chardin-Cheviller, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.