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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 20 novembre 2002, n° 2001-03612

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Merniz

Défendeur :

9 rue de Clignancourt (SCI), Trésor Public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclaud

Conseillers :

Mmes Imbaud-Content, Provost-Lopin

Avoués :

SCP Regnier-Bequet, SCP Bommart-Forster

Avocats :

Mes Ramoul, Louzier, Astier.

TGI Paris 18e, 2e ch., du 26 oct. 2000

26 octobre 2000

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Monsieur Abdelkader Merniz à l'encontre du jugement rendu le 26/10/2000 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

- dit que le contrat de location-gérance intervenu entre Monsieur Merniz et la SA Barbes Viandes constituait en réalité une sous-location déguisée non autorisée par le bailleur ;

- ordonné, en conséquence, la résiliation du bail commercial consenti le 19/7/1993 par la SCI du 9 rue de Clignancourt à Monsieur Merniz et concernant les locaux sis 9 rue de Clignancourt à Paris 18e ;

- ordonné l'expulsion de Monsieur Merniz et de tous occupants de son chef desdits lieux et sous astreinte définitive de 500 F par jour de retard à compter du jour où la décision pourrait être exécutée ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné Monsieur Merniz au paiement d'une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le coût de l'état des inscriptions de privilège ;

Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit :

Par acte en renouvellement de bail du 19/7/1993, la SCI 9 rue de Clignancourt a donné à bail à Monsieur Merniz des locaux à usage commercial situés à Paris 18e, 18 rue de Clignancourt, ce pour une durée de 3, 6 ou 9 ans à compter du 01/7/l 992 moyennant un loyer annuel principal de 38 970 F et pour y exercer le commerce de triperie, boucherie, volailles "exclusivement" ;

Ce bail ne prévoyait pas la possibilité de sous-location ;

Le 18/9/1998, la SCI 9 rue de Clignancourt a fait délivrer à son locataire commandement d'avoir à régler une somme de 15 012,82 F au titre du loyer exigible en juillet 1998, et d'avoir à justifier de la souscription d'une assurance contre les risques locatifs, ce commandement visant la clause résolutoire, puis a fait assigner Monsieur Merniz en référé aux fins de constat de l'acquisition à son profit de cette clause ;

Le juge des référés a, par ordonnance du 12/2/1999, constaté que le défendeur avait justifié de la souscription d'un contrat d'assurance multirisques professionnels et avait remis à la barre un chèque de 13 041 F et a accordé délais à celui-ci, pour se libérer du solde avec suspension, durant le cours dudit délai, des effets de la clause résolutoire ;

Monsieur Merniz a respecté les délais octroyés;

Le 5/5/1999, la SCI du 9 rue de Clignancourt a adressé à Monsieur Merniz un courrier par lequel elle indiquait qu'elle venait d'apprendre que d'importants travaux avaient été entrepris dans les locaux sans son accord et que le fonds serait, d'autre part, exploité par une tierce personne sous l'enseigne Barbes Viandes à qui le fonds aurait été sous-loué sans son accord et qu'elle entendait, pour ces faits et les nombreux manquements au contrat, dont l'absence de justificatif d'une assurance incendie pour la période antérieure à 1999 et faute de justification des travaux prescrits par l'administration, poursuivre la résiliation judiciaire du bail;

Antérieurement à ce courrier, la Direction des services vétérinaires de Paris avait effectué un contrôle dans l'établissement en cause, le 23/7/1998, et constaté de graves nuisances et dysfonctionnements susceptibles de présenter un danger pour la sécurité publique, proposant la fermeture administrative du commerce jusqu'à réalisation des travaux préconisés, rappel étant par ailleurs fait à l'exploitant de ne pas faire sécher de viande de boeuf sur le toit en zinc jouxtant la fenêtre du premier étage ;

Donnant suite à son courrier susvisé du 5/5/199, la SCI du 9 rue de Clignancourt a fait assigner Monsieur Merniz devant le Tribunal de grande instance de Paris les 12 et 15 juillet 1999 pour voir prononcer la résiliation du bail pour absence de justificatif d'assurance, défaut d'entretien du local et défaut de réalisation des travaux prescrits par l'administration, réalisation de travaux sans autorisation et sous-location, sans autorisation, déguisée sous une location-gérance ;

Monsieur Merniz qui avait été assigné à mairie n'a pas constitué avocat devant le tribunal;

C'est dans ces conditions que le jugement déféré a été rendu ;

La procédure de première instance ainsi que la procédure d'appel ont été dénoncées au Trésor Public, créancier inscrit sur le fonds de commerce en cause, le Trésor Public ne s'étant pas constitué sur ces dénonciations;

Monsieur Merniz, appelant, demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'existence d'une sous-location déguisée et a résilié le bail ;

- le confirmer pour le surplus de ses dispositions ;

- condamner la SCI du 9 rue de Clignancourt au paiement d'une indemnité de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

La SCI du 9 rue de Clignancourt, intimée, demande à la cour de :

- confirner le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner Monsieur Merniz au paiement d'une somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que Monsieur Merniz soutient à l'appui de son appel que le contrat de location-gérance du 18/2/1999 ne constitue pas une sous-location non autorisée par le bailleur ;

Qu'il fait valoir à cet égard que :

- l'objet social de la SARL Barbes Viandes, bénéficiaire dudit contrat est conforme à l'activité prévue au bail pour l'exploitation de son fonds de commerce et qu'il n'y a eu qu'une extension habituelle et normale de l'activité de ce commerce ;

- qu'il n'est pas justifié d'un changement de nom commercial ;

- que la SARL Barbes Viandes n'a jamais contesté qu'elle soit simple locataire gérante ;

- que celle-ci a depuis quitté les lieux et le fonds redonné en location-gérance à une autre société en date du 28/7/2000 ;

Mais considérant que l'activité afférente au fonds de commerce de Monsieur Merniz exploitant sous l'enseigne "Boucherie de l'Atlas" et autorisée au bail est celle uniquement de "commerce de détail de triperie, boucherie, volailles, vente au détail" alors que celle exercée par la société Barbes Viandes, selon l'extrait Kbis, la concernant est celle de "boucherie islamique, bovine, triperie, volailles, charcuterie, achat, vente, import, export de tous produits alimentaires liés au domaine de la boucherie, salaisons, produits alimentaires divers et, de prés ou de loin, tout ce qui peut se rattacher à l'objet social"

Considérant que la société Barbes Viandes s'étant constituée concomitamment à la conclusion du contrat de location-gérance litigieux, ayant commencé son activité le 2/3/1999 et n'ayant pour seul établissement que celui situé au 9 rue de Clignancourt dans les locaux loués à Monsieur Merniz, il doit être considéré que l'activité exercée dans les lieux est celle afférente à son objet social et non à l'objet social du fonds de Monsieur Merniz ;

Considérant que Monsieur Merniz pour contredire cette analyse ne saurait valablement prétendre que l'activité plus étendue exercée dans les lieux par la société Barbes Viandes et afférente, notamment, à la vente de plats préparés et de légumes en conserve et à l'import export de tous produits alimentaires liés au domaine de la boucherie, salaisons, produits alimentaires divers, serait incluse dans l'activité de "triperie, boucherie, volailles", cette activité étant, en fait, une activité différente;

Que Monsieur Merniz ne saurait davantage faire état, à cet égard, de l'absence de justificatif quant à un changement de l'enseigne commerciale puisque la SCI du 9 rue de Clignancourt s'était livrée à des recherches suite à un courrier du 15/3/1999 de l'huissier de justice par elle mandaté lui indiquant n'avoir pas trouvé sur place la débitrice "Boucherie de l'Atlas", et qu'aux termes de ces recherches, ainsi qu'il ressort de son courrier du 5/5/1999 adressé à Monsieur Merniz et visé à l'exposé des faits, elle fait référence à l'activité exercée par un tiers dans les lieux loués, "sous l'enseigne Barbes Viandes";

Considérant, au vu de ce qui précède, que le jugement déféré doit être confirné en ce qu'il retenu que le contrat de location-gérance consenti par Monsieur Merniz à la société Barbes Viandes était une sous-location déguisée;

Considérant que la sous-location consentie à la SARL Barbes Viandes alors que le bail ne prévoyait pas une telle possibilité et sans obtention de l'accord du bailleur constitue en soi un manquement grave de la part de Monsieur Merniz aux obligations découlant du bail, peu important que cette sous-location ait actuellement pris fin ;

Considérant dès lors que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a prononcé, pour ce manquement, la résiliation du bail aux torts du locataire et ordonné l'expulsion de celui-ci et de tous occupants de son chef des lieux ;

Sur les demandes des parties au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Considérant que Monsieur Merniz qui devra supporter la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, ne saurait solliciter indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, demande dont il sera donc débouté;

Considérant, concernant la demande du même chef de l'intimée, qu'il serait inéquitable de laisser à charge de celle-ci les frais exposés, une somme globale de 1 219,59 euros (8 000 F) lui étant allouée à cet égard pour les frais de première instance et d' appel, somme au paiement de laquelle Monsieur Mermiz sera condamné;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirne le jugement déféré en toutes ses dispositions, Condamne Monsieur Merniz à payer à la SCI du 9 rue de Clignancourt la somme de 1 219,59 euros (8 000F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ; Déboute Monsieur Merniz de sa demande du même chef formulée contre la SCI du 9 rue de Clignancourt, Condamne Monsieur Merniz aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour les dépens d'appel, au profit de la SCP Regnier-Bequet.