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Décisions

Cass. com., 19 novembre 2002, n° 00-15.542

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Francis viande (SARL)

Défendeur :

Somedipra

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Copper-Royer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin.

T. Com. Nice, du 5 avr. 1996

5 avril 1996

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 23 mars 2000), que la Société Méditerranéenne de Distribution de Produits Alimentaires (la Somedipra) a donné un fonds de commerce en location-gérance à la société Francis viande ; que ce contrat a été dénoncé après la mise en liquidation judiciaire du bailleur survenue le 4 novembre 1993, la dénonciation ayant été effectuée le 26 septembre 1994 pour une prise d'effet au 1er janvier 1995 ; que M. Ferrari, mandataire à la liquidation de la société Somédipra, a assigné la société Francis viande sur le fondement de l'article 10 de la loi du 20 mars 1956 en remboursement d'indemnités de licenciement versées aux salariés de la société Somédipra :

Attendu que la société Francis viande fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Ferrari ès qualités la somme de 515 755,54 francs, alors, selon le moyen : 1°) qu'en application du principe de la liberté du commerce et de concurrence, les clients d'une entreprise concurrente sur lesquels celle-ci ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif peuvent être démarchés sous réserve que ne soit commis aucun acte constitutif d'une manœuvre déloyale ; que la cour d'appel a constaté qu'après avoir quitté les locaux dans lesquels elle exerçait sa gérance, la société Francis viande s'était réinstallée à Nice et avait fait connaître à sa clientèle ses nouvelles coordonnées ; qu'en en déduisant que cette manœuvre caractérisait une captation de clientèle et par voie de conséquence un manquement du locataire-gérant à son obligation de restitution du fonds, quand le fait pour la société Francis viande de prévenir ses clients de sa nouvelle installation ne constituait aucune manœuvre déloyale et ne s'accompagnait d'aucun procédé constitutif d'une captation de clientèle, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi du 20 mars 1956 et l'article 1382 du Code Civil ; 2°) que la société Francis viande exposait dans ses conclusions d'appel que M. Ferrari n'avait trouvé aucun locataire pour reprendre le fonds de commerce et qu'en conséquence, et du fait de la liquidation judiciaire de la société Somedipra, il avait dû procéder au licenciement du personnel et au paiement des indemnités de ce chef ; qu'en mettant ces indemnités à la charge de la société Francis viandes aux motifs qu'elle aurait procédé à une captation de clientèle, sans répondre à ce moyen de nature à établir que le licenciement du personnel était dû à la non reprise du fonds et à la liquidation judiciaire de la Somédipra et non pas à une captation de clientèle commise par la société Francis viande, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) qu'en statuant, comme elle l'a fait sans expliquer en quoi la "captation de clientèle" par la société Francis viande avait un lien direct de cause à effet avec les licenciements opérés par M. Ferrari, étant observé que ce dernier n'avait pas trouvé un autre locataire gérant pour le fonds de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 20 mars 956 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu en premier lieu, que si en l'absence de clause de non-rétablissement le locataire-gérant peut se rétablir dans une activité concurrente de celle exercée dans le fonds donné à bail, il doit s'abstenir de détourner la clientèle attachée au fonds; que l'arrêt constate qu'étaient donnés en location à la société Francis viande la clientèle, "l'enseigne la bonn' viande", le matériel, l'outillage, les mobiliers et agencements servant à l'exploitation, le droit à la jouissance des locaux et de façon générale l'universalité du fonds à l'exclusion du stock de marchandises et de fournitures; que l'arrêt relève que la société Francis viande a diffusé un "fax" du 29 décembre 1994 rédigé à l'enseigne "la bonn' viande" faisant connaître qu'à partir du 2 janvier 1995, elle transférait son service commercial et son service "commandes" en donnant pour références ses propres numéros de téléphone et de fax; que l'arrêt qui en déduit qu'en faisant ainsi savoir aux clients attachés au fonds qu'ils devaient s'adresser à elle en d'autres lieux, la société Francis viande a réalisé une manœuvre caractérisant une captation de clientèle et un manquement à l'obligation de restitution du fonds, a pu statuer comme elle a fait;

Et attendu, en deuxième lieu, qu'ayant retenu que les salariés de la société Somedipra avaient été licenciés à la suite de la disparition de l'élément essentiel du fonds constitué par la clientèle, faisant ainsi ressortir que les licenciements résultaient de la faute commise par la société Francis viande ayant entraîné la perte du fonds et l'impossibilité de le donner à nouveau à bail, la cour d'appel a répondu, en les écartant aux conclusions prétendument omises et a légalement justifié sa décision; qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.