Livv
Décisions

Cass. com., 29 janvier 2002, n° 99-18.213

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Interformation Woippy 2000 (Sté)

Défendeur :

Centre de formation de moniteur de la région Lorraine (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Bouzidi, Me Bouthors.

TGI Metz, ch. com., du 30 janv. 1996

30 janvier 1996

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 17 mars 1999), que par actes des 6 et 10 octobre 1995, la société Interformation Woippy 2000 (la société Woippy) a fait assigner la société Auto école Sainte-Thérèse et la société Centre de formation de moniteurs de la région Lorraine (le Centre de formation) sur le fondement de la concurrence déloyale en faisant valoir que ces sociétés se prévalaient fautivement dans des annonces publicitaires du caractère exclusif de leur activité de formation de moniteurs d'enseignement de la conduite automobile qu'elles n'avaient plus en outre l'autorisation d'exercer, alors qu'elle-même était titulaire de l'autorisation d'exploiter un établissement assurant la formation de candidats au brevet pour l'exercice de la profession d'enseignement de la conduite automobile et de la sécurité routière ; que le tribunal a rejeté cette demande ; qu'en cause d'appel, la société Woippy s'est également prévalu des dénonciations calomnieuses auprès de différentes autorités, qui auraient émané du Centre de formation ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Woippy reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes fondées sur les dénonciations calomnieuses imputées au Centre de formation, alors, selon le moyen : 1°) qu'elle faisait valoir les fautes commises à son préjudice par le Centre de formation qui avait dénoncé au Parquet des actes qui lui étaient imputés, invitant la cour d'appel à constater que de tels faits étaient constitutifs de concurrence déloyale ; qu'ayant constaté la réalité des dénonciations puis retenu que celles-ci ne pouvaient être qualifiées de calomnieuses dès lors que si un classement sans suite était intervenu, c'était après avertissement et après avoir donné lieu à une décision du préfet de la Moselle qui, après contrôle effectué, a également infligé un avertissement à ;a société Woippy avec mise en demeure de se conformer à la réglementation, puis que cette décision avait été annulée par le Tribunal administratif de Strasbourg, la cour d'appel, qui cependant décide que cette annulation ne saurait pour autant conférer à l'attitude du Centre de formation un caractère téméraire et abusif fondé sur un défaut de vérification ou une intention de nuire, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la société Woippy faisait valoir les fautes commises à son préjudice parle Centre de formation qui avait dénoncé au parquet des actes qui lui étaient imputés, invitant la cour d'appel à constater que de tels faits étaient constitutifs de concurrence déloyale ; qu'ayant constaté la réalité des dénonciations puis retenu que celles-ci ne pouvaient être qualifiées de calomnieuses dès lors que si un classement sans suite était intervenu, c'était après avertissement et après avoir donné lieu è une décision du préfet de la Moselle qui, après contrôle effectué, a également infligé un avertissement à la société Woippy avec mise en demeure de se conformer è la réglementation, puis que cette décision avait été annulée par le Tribunal administratif de Strasbourg, sans préciser en quoi cet acte de dénonciation ne constituait pas une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que la société Woippy faisait valoir qu'à la suite des actes de dénonciation parle Centre de formation adressés à l'ANPE, celle-ci avait annulé les inscriptions prises, qu'en ne statuant pas sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les dénonciations faites auprès de diverses administrations par le Centre de formation étaient articulées sur des faits précis, que le " fonctionnement douteux " de la société Woippy a fait l'objet d'un classement sans suite du procureur de la République mais après avertissement et qu'il a donné lieu à une décision du préfet de la Moselle qui, après contrôle effectué par un groupe d'experts de la section spécialisée de la commission départementale de la sécurité routière, a également infligé un avertissement à la société Woippy avec mise en demeure de se conformer à la réglementation; que l'arrêt retient que le fait que cette décision ait été annulée par le Tribunal administratif de Strasbourg, ne saurait pour autant conférer à l'attitude du Centre de formation un caractère téméraire et abusif fondé sur un défaut de vérification ou une intention de nuire; qu'en l'état de ces appréciations, dont il ressort que le Centre de formation disposait d'éléments apparemment sérieux sur le fonctionnement non conforme à la réglementation de la société Woippy, la cour d'appel, qui a ainsi exclu que le comportement critiqué du Centre de formation soit constitutif d'une faute et n'avait pas à statuer sur le moyen inopérant tiré de l'existence d'un préjudice, a, justifiant légalement sa décision, pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1383 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Woippy fondé sur l'exercice illicite, par le Centre de formation, de son activité, l'arrêt retient qu'en l'absence de tout élément intentionnel pouvant être relevé à son encontre, cette société ne saurait être tenue à une quelconque responsabilité civile relevant de la concurrence déloyale envers la société Woippy en raison d'errements de l'administration qui rie lui sont nullement imputables ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère intentionnel de la faute n'est pas une condition de mise en œuvre de la responsabilité pour concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, casse et annule, mais seulement en ce qu'il a écarté la faute alléguée tirée de l'exercice illicite de son activité par le Centre de formation de moniteurs de la région Lorraine, l'arrêt rendu le 17 mars 1999, entre les parties, par la Cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy.