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Décisions

CA Angers, 1re ch. A, 6 septembre 1999, n° 97-02577

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BIM Editions (SARL)

Défendeur :

A4 Editions (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chauvel

Conseillers :

M. Lemaire, Mme Lourmet

Avoués :

SCP Chatteleyn, George, SCP Gontier-Langlois

Avocats :

Mes Tuffreau, Boucheron.

T. com. Angers, du 17 sept. 1997

17 septembre 1997

Par acte d'huissier du 25 août 1995 la société BIM Editions a assigné devant le Tribunal de commerce d'Angers, sur le fondement de la concurrence déloyale, la société A4 Editions, pour voir ordonner une expertisé aux fins de détermination de son préjudice à raison du comportement reproché et obtenir l'allocation d'une indemnité provisionnelle de 1 000 000 F ainsi qu'une somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En défense, la société A4 Editions a conclu au débouté et réclamé l'allocation des sommes de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et de 25 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 17 septembre 1997, le Tribunal de commerce d'Angers a débouté la société BIM Editions de ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 10 000 F à la société A4 Editions, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 18 novembre 1997, la société BIM Editions a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 25 mars 1999 et faisant suite à de précédentes conclusions déposées le 2 avril 1998, la société BIM Editions a demandé à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;

- de constater que la société A4 Editions s'était rendue coupable d'actes de concurrence déloyale envers la concluante ;

- de condamner la société A4 Editions à payer à la concluante une indemnité provisionnelle de 1 000 000 F à valoir sur la réparation de son préjudice ;

- d'ordonner une expertise comptable pour évaluer le préjudice global de la concluante et les bénéfices obtenus par la société A4 Editions grâce à ses manœuvres illicites ;

- de condamner la société A4 Editions à payer à la concluante une somme de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- de condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En vertu de ses dernières conclusions déposées le 17 mars 1999 et faisant suite à de précédentes conclusions déposées le 2 février 1999, la société A4 Editions a demandé à la cour :

- de confirmer en son principe le jugement entrepris ;

- de condamner la société BIM Editions à payer à la concluante la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 25 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel ;

- de condamner la même aux dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 1999.

Sur quoi :

Vu les moyens et arguments des parties en leurs conclusions sus-mentionées.

La société BIM Editions, qui indique que, parmi ses associés, Monsieur Stéphane Garson avait un rôle particulièrement actif dans son fonctionnement commercial, voit tout d'abord un acte de concurrence déloyale dans le seul fait de la création de la société A4 Editions, en juillet 1993, par Stéphane Garson.

Il résulte des propres pièces de la société A4 Editions que Monsieur Stéphane Garson était fortement impliqué dans l'entreprise par lui abandonnée (cf. Madame Armelle Dugleux : " ... Le couperet est tombé lorsque Stéphane Garson m'a fait part de sa décision d'abandonner le navire, c'était en avril 1993. [...] Compte tenu de l'investissement de chacun dans le travail, compte tenu du travail d'équipe, son départ se traduisait par un maillon manquant pour le bon fonctionnement de la société...").

En outre, il est clair que les activités de la société BIM Editions et de la société A4 Editions se recoupaient, pour partie au moins. La preuve s'en trouve notamment dans le fait que la " Lettre mensuelle d'information des habitants de Bouchemaine ", éditée en mai 1993 par la société BIM Editions, l'ait été en décembre 1993 par la société A4 Editions.

Aussi, la création par Monsieur Stéphane Garson de la société A4 Editions constituait bien un acte de concurrence déloyale à l'égard de la personne morale dont il était (et restait) associé.

Et cette faute de son fondateur est imputable à la société A4 Editions, qui doit en répondre.

La société BIM Editions reproche aussi à la société A4 Editions d'avoir détourné sa clientèle. De fait, il y a bien eu des détournements de clientèle du seul fait de la création entachée d'irrégularité de la société A4 Editions, ceci dans la mesure où des clients traitaient " intuitu personae ". La preuve s'en trouve dans la déclaration du maire de la commune de Saint-Georges-sur-Loire dans une lettre du 14 mars 1994 en réponse à un courrier du conseil de la société BIM Editions, étant précisé que le magasine de la commune avait été édité par la société A4 Editions après l'avoir été précédemment par la société BIM Editions. En effet, le magistrat municipal avait expliqué que son unique interlocuteur avait toujours été " Stéphane Garson ".

Il est encore acquis aux débats, à travers les propres écritures de la société A4 Editions, qu'une association ADEA était devenue sa cliente pour ce même motif d'intuitu personae.

Ceci étant, force est de constater que la société BIM Editions, si elle les allègue, n'établit pas formellement d'autres détournements de clientèle.

La société BIM Editions reproche encore à la société A4 Editions d'avoir repris pour son compte des maquettes et des logos qu'elle avait créés.

De fait, la preuve est apportée, à l'égard d'un client, le groupement d'artisans AAZ, qu'en éditant pour lui le calendrier 1995, la société A4 Editions avait copié servilement un modèle déposé par la société BIM Editions en 1993.

La Société BIM Editions fait aussi le grief à la société A4 Editions d'avoir opéré le débauchage de trois de ses salariés.

Toutefois, il ne ressort de rien que la société A4 Editions ait " poussé " Monsieur Michel Delaunay, Monsieur Laurent Charrier et Madame Annelle Dugleux à démissionner de leur emploi au sein de la société BIM Editions, ceux-ci ayant au contraire expliqué, dans des écrits versés aux débats, que leur décision avait été personnelle et réfléchie.

La société BIM Editions fait enfin état de faits de vol de matériel et de données informatiques. Toutefois, la preuve n'en est pas apportée, une plainte pénale déposée en septembre 1993 ayant fait l'objet d'un classement sans suite et deux attestations établies par des salariés de la société BIM Editions, tardivement produites et établies, ne pouvant entraîner la conviction.

Si, en définitive des actes de concurrence déloyale auraient dû être retenus à l'encontre de la société A4 Editions, il n'apparaît cependant pas qu'ils aient eu l'ampleur décrite par la société BIM Editions qui, aussi bien, n'aurait pas vu ses résultats progresser en 1994 puis en 1995 si la concurrence " sauvage " de la société A4 Editions avait été telle qu'elle la dénonce.

Ceci étant, la réalité d'un préjudice de la société BIM Editions ne saurait être valablement contesté par la société A4 Editions qui a, à travers la personne de son fondateur, " pris " certains clients à cette dernière.

Sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise préalable, le préjudice de la société BIM Editions sera réparé au vu des éléments du dossier, par l'allocation d'une somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts.

Il lui sera en outre alloué une somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : La cour, statuant publiquement, contradictoirement ; Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau ; Condamne la société A4 Editions à payer à la société BIM Editions la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts pour faits de concurrence déloyale ; Condamne la même à payer à la société BIM Editions la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société A4 Editions aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés, ces derniers, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.