CA Metz, 1re ch., 25 avril 2002, n° 00-02705
METZ
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Rezki
Défendeur :
Rezki
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dory
Conseillers :
Mmes Claude-Mizrahi, Duroche
Avocats :
Mes Faravari, Rozenek & Monchamps.
Par acte du 1er décembre 1999, Monsieur Rabah Rezki a assigné devant la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz, monsieur Achour Rezki aux fins de voir juger que le contrat de location gérance que celui-ci lui a consenti le 28 octobre 1997, afférent au fonds de commerce de restauration sis à Boulay, 1 rue des Juifs, moyennant une redevance mensuelle de 2 500 F, s'analyse en un contrat de bail soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et l'entendre condamner à lui payer une somme de 146 042,40 F à titre d'indemnité d'éviction majorée des intérêts au taux légal outre les sommes de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Exposant, au soutien de ses prétentions, que le contrat litigieux, conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, a pris effet le 18 novembre 1997, date à laquelle la licence IV lui a été attribuée;
qu'il y a été mis fin par le défendeur par congé du 17 juillet 1998 à effet au 20 novembre 1998, les clefs du local commercial lui étant restituées le 23 décembre, le demandeur a prétendu que le contrat de location gérance est nul pour absence d'objet, par application de l'article 1108 du Code civil, le fonds de commerce exploité précédemment par Monsieur Achour Rezki ayant été fermé au public dès le 16 juillet 1997 soit pendant plus de quatre mois avant la conclusion du contrat de location gérance; qu'en tout état de cause, la clientèle ayant disparu du fait de la radiation du défendeur du Registre du Commerce et des Sociétés, seule la jouissance du local commercial lui a été conférée, à l'exclusion de toute clientèle de sorte que le contrat ne peut s'analyser en un contrat de location gérance qui suppose que soient conférée la jouissance à la fois du local d'exploitation et de la clientèle;
que la location, soumise au statut des baux commerciaux, ne pouvant être inférieure à neuf années aux termes de l'article 3-l du décret du 30 septembre 1953, le congé qui lui a été délivré est nul.
Monsieur Rabah Rezki a ajouté que le montant qu'il réclame au titre de l'indemnité d'éviction correspond à la perte du fonds de commerce qu'il venait de créer, calculée sur la base de 70 % du chiffre d'affaires réalisé.
Soulevant in limine litis, d'une part, la nullité de l'assignation qui mentionne une adresse erronée du demandeur, d'autre part la prescription de l'action, de caractère biennal conformément aux dispositions de l'article 33 du décret du 30 septembre 1953, le défendeur a conclu à titre subsidiaire au rejet de la demande et sollicité reconventionnellement une indemnité de 10 000 F du chef des frais irrépétibles.
En fait valoir qu'il a mis fin au contrat de location gérance en raison du manquement à ses obligations contractuelles par Monsieur Rabah Rezki qui n'a payé que cinq redevances mensuelles pour le fonds de commerce, et aucun loyer au titre de l'appartement situé au premier étage, et s'est refusé à établir l'inventaire prévu à l'article 5.4 du contrat de location gérance.
Prétendant que la présente procédure s'inscrit dans un cadre contentieux qui a opposé les parties durant plusieurs mois et qui a pour seul but de permettre au demandeur d'éluder le paiement de ses dettes, Monsieur Achour Rezki a précisé à cet égard qu'il a dû introduire une action aux fins d'obtenir la remise des clés et le paiement d'une provision sur les redevances impayés, suite à laquelle Monsieur Rabah Rezki n'a plus contesté la résiliation du contrat de location gérance; qu'enfin, il a dû engager une procédure en expulsion et en paiement des loyers et charges arriérés à laquelle le Tribunal d'instance de Boulay, par jugement en date du 11 février 1999 frappé d'appel, a fait droit, prononçant la résiliation du bail et condamnant Monsieur Rezki au paiement des loyers dus.
Le défendeur a fait valoir en outre que Monsieur Rabah Rezki qui a restitué les clés du fonds de commerce sans discuter la régularité de la résiliation du contrat devant le juge saisi de la demande de restitution des clés, ne saurait sérieusement prétendre aujourd'hui qu'il était titulaire d'un bail commercial au sens du décret du 30 septembre 1953 ; qu'enfin, c'est au vu du contrat de gérance libre qu'il a été autorisé à exploiter les deux licences dont lui-même était propriétaire.
Par dernières écritures du 12 mai 2000, Monsieur Rabah Rezki, qui a repris au fond, les moyens déjà développés, en fait valoir, concernant la nullité de l'assignation, qu'il appartient au défendeur de rapporter la preuve d'un grief, conformément aux dispositions des articles 112 et 114 du nouveau Code de procédure civile, ce qu'il ne fait pas; concernant la fin de non recevoir tirée de la prescription, que la prescription est trentenaire ainsi qu'en dispose l'article 2262 du Code civil, la présente action n'étant pas une action née du décret du 30 septembre 1953 mais tendant à faire requalifier le contrat faussement qualifié de location gérance en contrat de bail commercial.
Par jugement en date du 3 octobre 2000, la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz, déclarant l'assignation, qui mentionne en dernière page la nouvelle adresse du demandeur conformément aux dispositions de l'article 648 du nouveau Code de procédure civile, régulière, et rejetant l'exception de prescription soulevée par le défendeur, la prescription biennale résultant du décret du 30 septembre 1953 ne s'appliquant pas en l'espèce, s'agissant d'un contrat de location gérance, a, au fond, débouté Monsieur Rabah Rezki de sa demande et l'a condamné, outre aux entiers dépens, au paiement d'une indemnité de 3 000 F du chef des frais irrépétibles.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont notamment énoncé que la fermeture du commerce pendant un peu plus de trois mois ne saurait être assimilée à une fermeture définitive, en l'absence de preuve de la disparition du fonds; qu'en outre, plusieurs décisions relatives à ce contrat de location gérance ont été rendues et l'une d'elles est devenue définitive sans que la nullité du contrat soit soulevée; qu'enfin, le demandeur qui, dans le cadre de la procédure de résiliation du contrat de location gérance, à remis les clés avant qu'une décision soit intervenue, a ainsi accepté la résiliation du contrat de sorte qu'il doit être débouté de sa demande.
Suivant déclaration reçue le 26 octobre 2000, Monsieur Rabah Rezki a régulièrement relevé appel de ce jugement dont l'a sollicité l'infirmation.
Reprenant les demandes formulées en première instance tendant à voir juger sur le fondement des articles 1108 du Code civil, du décret du 30 septembre 1953, de la loi du 20 mars 1956 et de l'article 1382 du Code civil, que le contrat intitulé " contrat de location gérance " conclu avec Monsieur Achour Rezki est nul pour absence d'objet et s'analyse en un contrat de bail commercial et entendre condamner Monsieur Achour Rezki à lui payer, outre 10 000 F du chef des frais irrépétibles, la somme de 146 042,40 F majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, à titre d'indemnité d'éviction, il a maintenu les moyens développés devant les premiers juges, en ajoutant notamment qu'il ne peut y avoir lieu à contrat de location gérance qu'autant que le loueur est propriétaire du fonds de commerce, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, résultant des pièces qu'il produit que Monsieur Achour Rezki avait été radié du Registre du Commerce et des Sociétés le 31 mai 1997 suite à la " disparition du fonds ".
Monsieur Achour Rezki a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Monsieur Rabah Rezki à lui verser 10 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
sur ce :
Vu les dernières écritures déposées par Monsieur Rabah Rezki le 6 septembre 2001 et par Monsieur Achour Rezki le 28 mai 2001
Attendu que suivant contrat conclu par acte sous seing privé en date du 28 octobre 1 997, Monsieur Achour Rezki a donné à bail à Monsieur Rabah Rezki, son neveu, le fonds de commerce de restauration sous l'enseigne " Au Roy du Couscous" sis 1 rue des Juifs à Boulay, comprenant, ainsi qu'expressément mentionné, l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage y attachés, le mobilier commercial et le matériel d'exploitation, le droit à l'exploitation et la licence IVe catégorie attachée aux locaux dans lesquels le fonds et exploité ainsi que la jouissance desdits locaux;
Attendu que Monsieur Rabab Rezki soulève la nullité de ce contrat pour début d'objet au motif que le fonds de commerce non exploité depuis le 31 mai 1997 avait disparu au jour de sa conclusion, se prévalant à cet égard de la mention de la radiation du registre du commerce de Monsieur Achour Rezki, datée du 16 juillet 1997 à effet au 31 mai 1997 pour " cessation d'activité";
Mais attendu que la loi n'attache pas d'autre conséquence aux mentions d'inscription ou de radiation du registre du commerce qu'une présomption simple souffrant la preuve contraire;
Qu'il résulte par ailleurs de la jurisprudence constante que la disparition du fonds de commerce est subordonnée à l'abandon de la clientèle, sans esprit de reprise, et qu'il convient de prendre en compte à côté du critère objectif de la disparition de la clientèle, un critère subjectif lié à l'intention réelle de l'exploitant.
Or attendu, qu'il ne saurait être sérieusement contesté en l'espèce, compte tenu de la nature et de la localisation du fonds de commerce litigieux, que la fermeture du café restaurant de couscous, que Monsieur Achour Rezki a exploité personnellement jusqu'au 31 mai 1997, date à laquelle il a dû cesser son activité en raison de problèmes de santé, soit pendant une période de cinq mois y compris la période de vacances d'été, n'a pu avoir pour effet d'entraîner la disparition du fonds pour dispersement de la clientèle;
Que Monsieur Rabah Achour ne s'y est d'ailleurs pas trompé lorsqu'il a pris le fonds de commerce en location gérance alors qu'il est expressément mentionné dans le contrat qu'il a signé le 28 octobre 1997 que Monsieur Achour Rezki a été radié du Registre du Commerce pour le fonds litigieux, le 16 juillet 1997 à compter du 31 mai 1997:
Attendu que le moyen tiré de la nullité de la convention pour défaut d'objet est dès lors non fondé et qu'il n'y a pas lieu, étant rappelé que la convention de location gérance est définie par l'article 1er de la loi du 20 mars 1956 devenu l'article L. 144-1 alinéa 1er du Code du commerce, comme la convention par laquelle le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce en concède partiellement ou totalement la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls, suppose que le loueur procureur au preneur la jouissance du fonds ainsi que la jouissance du local dans lequel il est exploité - ce qui est le cas en l'espèce, de requalifier le contrat litigieux en contrat de bail commercial;
Qu'il sera ajouté en tout état de cause, que Monsieur Rezki qui n'a pas été immatriculé au Registre du Commerce ne pourrait se prévaloir du statut des baux commerciaux;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris et de condamner en outre Monsieur Rabab Rezki au paiement d'une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; qu'il apparaît en effet inéquitable, eu égard aux circonstances de la cause, et notamment au fait que l'appelant n'a jamais contesté la qualification de location gérance à la convention litigieuse dans le cadre de procédures antérieures tendant notamment à la résiliation du contrat, de laisser à la charge de l'intimé la totalité des frais exposés par lui et non compris dans les dépens;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Reçoit Monsieur Rabah Rezki en son appel contre le jugement rendu le 3 octobre 2000 devant la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz ; Confirme ce jugement en toutes ses dispositions ; Condamne en outre Monsieur Rabah Rezki à payer à Monsieur Achour Rezki une indemnité de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Rabah Rezki aux entiers dépens.