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Décisions

Cass. crim., 19 février 2003, n° 02-81.422

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme de la Lance

Avocat général :

M. Commaret

Avocats :

Mes Hemery, Jacoupy, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

TGI Paris, 31e ch., du 16 janv. 2002

16 janvier 2002

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par X Roger, prévenu, Sciardis Michel, Sciardis Ghislaine, la société Sciardis, Delepierre Jean, Delepierre Nicole, la société Sodivec, Mathieu Alain, la société Alain Mathieu, Berthod Marie-Thérèse, Me Crozat, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Fashion Shop, Defontaine Girardin Pierrette, parties civiles, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 16 janvier 2002, qui, dans la procédure suivie contre le premier des chefs d'imposition d'un prix de revente minimum et octroi de prêts usuraires, a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - I - Sur les pourvois formés par Ghislaine Sciardis, la société Sciardis, Nicole Delepierre, la société Sodivec, Alain Mathieu et la société Alain Mathieu : - Attendu qu'aucun moyen n'est produit;

II - Sur le pourvoi formé par Marie-Thérèse Berthod : - Vu le mémoire personnel produit ; - Sur sa recevabilité : - Attendu que ce mémoire, qui émane d'un demandeur non condamné pénalement par l'arrêt attaqué, n'a pas été déposé au greffe de la juridiction qui a statué, mais a été transmis directement à la Cour de cassation, sans le ministère d'un avocat en ladite Cour ;

Que, dès lors, ne répondant pas aux exigences de l'article 584 du Code de procédure pénale, il ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir;

III - Sur les pourvois formés par Michel Sciardis, Jean Delepierre, Pierrette Defontaine Girardin et Me Crozat, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Fashion Shop : - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Michel Sciardis, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale et 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir condamné Roger X à payer une somme de 1 525 euros à Michel Sciardis, l'a débouté du surplus de ses demandes;

"aux motifs qu'en substance les préjudices allégués par les représentants des parties civiles portent principalement sur l'ensemble des résultats commerciaux et financiers des entreprises qu'ils dirigeaient, voire sur le passif de la procédure de liquidation, également sur l'incidence sur leur patrimoine en raison de cautions personnelles accordées, voire même sur la perte de biens immobiliers et d'éléments de leur patrimoine sans rapport avec leurs activités commerciales ; que dans ces conditions c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté l'absence de lien de causalité entre l'infraction et les préjudices dont il est demandé réparation;

"alors que trouve son origine dans l'infraction d'imposition de prix de revente minimum commise par un franchiseur, le préjudice financier subi par la caution et associé du franchisé acculé à la ruine du fait de cette imposition, que la cour ne pouvait d'un côté admettre que cette infraction dont Roger X avait été déclaré coupable, avait causé un préjudice moral à Michel Sciardis et l'indemniser, et, d'un autre, refuser de reconnaître, sans aucune recherche, que cette même infraction avait été à l'origine du préjudice financier subi par le demandeur contraint d'engager ses biens propres pour combler les pertes subies par la société franchisée du fait de l'infraction ; que ce faisant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en violation des articles susvisés";

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Jean Delepierre, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale et 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir condamné Roger X à payer une somme de 1 525 euros à Jean Delepierre, l'a débouté du surplus de ses demandes;

"aux motifs qu'en substance les préjudices allégués par les représentants des parties civiles portent principalement sur l'ensemble des résultats commerciaux et financiers des entreprises qu'ils dirigeaient, voire sur le passif de la procédure de liquidation, également sur l'incidence sur leur patrimoine en raison de cautions personnelles accordées, voire même sur la perte de biens immobiliers et d'éléments de leur patrimoine sans rapport avec leurs activités commerciales ; que dans ces conditions c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté l'absence de lien de causalité entre l'infraction et les préjudices dont il est demandé réparation;

"alors que trouve son origine dans l'infraction d'imposition de prix de revente minimum commise par un franchiseur, le préjudice financier subi par la caution et associé du franchisé acculé à la ruine du fait de cette imposition ; que la Cour ne pouvait d'un côté admettre que cette infraction dont Roger X avait été déclaré coupable, avait causé un préjudice moral à Jean Delepierre et l'indemniser, et, d'un autre, refuser de reconnaître, sans aucune recherche, que cette même infraction avait été à l'origine du préjudice financier subi par le demandeur contraint d'engager ses biens propres pour combler les pertes subies par la société franchisée du fait de l'infraction; que ce faisant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en violation des articles susvisés";

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Pierrette Defontaine Girardin et Me Crozat ès-qualité, pris de la violation des articles 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré Roger X coupable d'avoir imposé à ses franchisés des prix de revente des produits qu'il leur vendait et qui l'a condamné à payer à Pierrette Defontaine Girardin une somme de 1 525 euros en réparation de son préjudice moral, a débouté Pierrette Defontaine Girardin et Me Crozat ès-qualité de mandataire liquidateur de la société Fashion Shop, franchisée, du surplus de leurs demandes;

"aux motifs que les préjudices allégués par les représentants des parties civiles portent principalement sur l'ensemble des résultats commerciaux et financiers des entreprises qu'ils dirigeaient, voire sur le passif de la procédure de liquidation, également sur l'incidence sur leur patrimoine en raison de cautions personnelles accordées, voire même sur la perte de biens immobiliers et d'éléments de leur patrimoine sans rapport avec leurs activités commerciales ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté l'absence de lien de causalité entre l'infraction et les préjudices dont il est demandé réparation;

"alors qu'il existe un lien de causalité direct entre le délit de vente avec imposition d'un prix minimum par le franchiseur à son franchisé et les pertes réalisées par le franchisé lorsqu'elles sont consécutives à l'impossibilité dans laquelle celui-ci s'est trouvé, du fait de cette pratique illicite, de mener une politique de prix et de marge compatible avec son environnement concurrentiel; que, dans leurs conclusions d'appel, les parties civiles exposaient qu'il résultait des rapports d'expertise comptable que les difficultés de la société Fashion Shop, qui l'avaient amenée au dépôt de bilan, étaient dues à l'insuffisance du chiffre d'affaires résultant de l'impossibilité de modïfier les prix de revente pour les rendre plus compétitifs à la concurrence ; qu'ainsi, en déboutant les parties civiles de leurs demandes sans rechercher si les pertes de la société Fashion Shop n'étaient pas, pour partie au moins, la conséquence des prix imposés par le franchiseur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision";

Les moyens étant réunis; - Attendu que, pour rejeter les demandes des parties civiles en réparation de leurs préjudices matériels et financiers résultant du délit d'imposition d'un prix de revente minimum dont le prévenu a été déclaré coupable, les juges du second degré prononcent par les motifs repris aux moyens;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent l'absence de causalité directe entre l'infraction retenue et les préjudices économiques invoqués, ces préjudices trouvant leur fondement non dans l'infraction pénale mais dans l'exécution d'engagements contractuels, la cour d'appel a justifié sa décision; que les moyens ne sont donc pas fondés;

IV - Sur le pourvoi formé par Roger X : - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 4, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Roger X, président directeur général de la SA Groupe X et déclaré coupable d'infractions aux articles 34 et 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 interdisant la pratique des prix de revente minimum imposés, à des réparations civiles au profit de personnes physiques ayant la qualité de franchisés ou de responsables de sociétés franchisées;

"alors que, d'une part, la cour, qui s'est totalement abstenue de répondre à l'argument péremptoire des conclusions de Roger X contestant que puisse être retenue la responsabilité civile personnelle d'un dirigeant social à raison d'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions, a, de ce seul chef, privé sa décision de toute base légale;

"alors que, d'autre part, la responsabilité personnelle d'un dirigeant ne se trouvant engagée à l'égard des tiers que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement, le fait que Roger X ait, dans le cadre de ses fonctions de PDG du groupe du même nom, enfreint les dispositions des articles 34 et 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 incriminant l'imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale, ne pouvait, dans la mesure où ces agissements n'étaient pas séparables de l'exercice du mandat social de l'intéressé, légalement justifier que soient mises à sa charge des réparations civiles au profit de tiers";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Roger X, président de la société Groupe X a été déclaré coupable, notamment, pour avoir imposé à ses franchisés un prix de revente minimum des produits qu'il leur vendait, infraction prévue par l'article L. 442-5 du Code de commerce, et condamné à indemniser de leur préjudice moral les franchisés, personnes physiques ou sociétés, constitués parties civiles;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que le prévenu, devant répondre des conséquences dommageables de l'infraction dont il s'est personnellement rendu coupable, ce délit eût-il été commis dans le cadre de ses fonctions de dirigeant social, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice, la cour d'appel a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Roger X à payer à titre de dommages et intérêts une somme de 1 525 euros à chacune des parties civiles : Jean Delepierre, Michel Sciardis, Mme Bethancourt-Bensamoun, Alain Mathieu, Pierrette Defontaine Girardin, MM. Pech, Deslandes et Veau;

"aux motifs qu'en substance, les préjudices allégués par les représentants des parties civiles portent principalement sur l'ensemble des résultats commerciaux et financiers des entreprises qu'ils dirigeaient, voire sur le passif de la procédure de liquidation, également sur l'incidence de leur patrimoine en raison de cautions personnelles accordées, voire même sur la perte de biens immobiliers et d'éléments de leur patrimoine sans rapport avec leurs activités commerciales ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté l'absence de lien de causalité entre l'infraction et les préjudices dont il est demandé réparation ; que, néanmoins, par décision définitive, Roger X a été déclaré coupable du délit d'imposition d'un prix de revente imposé; que cette infraction porte atteinte à l'ordre public économique en ce qu'il est de nature à perturber la liberté de la concurrence et, par voie de conséquence, les intérêts des consommateurs ; que, dans ces conditions, force est de constater que les personnes physiques qui ont été amenées, sous la pression du Groupe X, à participer par leur signature à cette pratique illégale et économiquement nuisible, ont subi à titre personnel un préjudice moral; qu'au vu des éléments du dossier, la cour condamnera Roger X à payer à chacune des personnes physiques constituées parties civiles la somme de 1 525 euros à titre de dommages-intérêts;

"alors que, d'une part, les parties civiles MM. Pech, Deslandes et Veau n'ayant, dans leurs courriers adressés aux juges du fond, demandé que la réparation de préjudices à caractère strictement économique, la Cour, qui, après avoir rejeté ces demandes à raison de leur absence de lien de causalité avec l'infraction retenue à l'encontre de Roger X, a décidé, en l'absence de toute demande de leur part sur ce point, de les indemniser de leur préjudice moral, a, en statuant ainsi ultra petita, entaché sa décision d'excès de pouvoir;

"alors que, d'autre part, la cour qui, tout en constatant que les parties civiles avaient participé à une pratique illégale, retient qu'elles ont subi un préjudice moral en prétendant se fonder sur la pression exercée par le Groupe X, sans aucunement justifier par des éléments de fait de cet élément de contrainte, lequel ne ressortait aucunement des énonciations des premiers juges sur l'action publique, n'a pas, en l'état de cette insuffisance de motifs, légalement justifié sa décision, une personne ayant participé en connaissance de cause à une action illicite étant irrecevable à invoquer un préjudice à raison de cette participation";

Sur le moyen pris en sa seconde branche : - Attendu que, pour condamner le prévenu, déclaré coupable d'imposition d'un prix de revente minimum, à payer des dommages-intérêts à plusieurs parties civiles au titre du préjudice moral subi du fait de cette infraction, les juges du second degré prononcent par les motifs repris au moyen;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'aucune disposition de la loi ne permet de déclarer irrecevable, en raison d'une éventuelle faute de la victime, la demande de dommages-intérêts de celle-ci à l'encontre de l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens, tenu à la réparation intégrale du préjudice, la cour d'appel a justifié sa décision;

Mais sur le moyen pris en sa première branche : - Vu les articles 1382 du Code civil, 2 et 3 du Code de procédure pénale; - Attendu que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis;

Attendu que les juges du second degré ont condamné Roger X à payer une somme de 1525 euros à Guy Pech, Franck Deslandes et Roger Veau au titre de leur préjudice moral subi en raison de l'infraction dont le prévenu a été déclaré coupable;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, dans leurs conclusions, ces parties civiles ne sollicitaient une indemnisation qu'au titre de préjudices matériels et économiques, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef;

Par ces motifs, - Sur les pourvois des parties civiles : Les Rejette ; II - Sur le pourvoi de Roger X : Casse et annule, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 16 janvier 2002, mais en ses seules dispositions ayant condamné Roger X à payer à Guy Pech, Franck Deslandes et Roger Veau la somme de 1525 euros au titre de leur préjudice moral, toutes autres dispositions étant expressément maintenues; Dit n'y avoir lieu à renvoi.