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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 27 novembre 2002, n° 2002-03535

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

NRJ (SA)

Défendeur :

Vortex - Skyrock (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland

Avoués :

SCP Fisselier Chiloux Boulay, Me Bolling

Avocats :

Mes Ryterband, Chappuis.

CA Paris n° 2002-03535

27 novembre 2002

La société NRJ et la société Vortex, sous la dénomination Skyrock, produisent et exploitent des programmes radiophoniques musicaux destinés essentiellement à des auditeurs jeunes.

L'ensemble des opérateurs radiophoniques fait appel à l'institut de sondage Médiametrie pour mesurer leur audience. L'enquête réalisée par cet organisme sur les mois de janvier-mars 2000 a placé l'audience de la radio Skyrock en tête de l'ensemble des radios musicales en Ile-de-France,

Du 13 au 19 juin 2000, puis la première semaine du mois d'octobre 2000, la société Vortex, souhaitant exploiter ces résultats d'audience, a lancé une campagne publicitaire par voie d'affichage sur les calandres avant des autobus de Paris et de la banlieue parisienne. Les encarts apposés sur ces emplacements se présentaient sous forme d'affiches rectangulaires de format 110 x 27 sur lesquelles on pouvait lire :

" Skyrock 1re Radio Musicale en Ile de France (*)

Skyrock devant NRJ " (*)

Estimant illicite cette publicité comparative, la société NRJ après avoir saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris qui a rejeté ses demandes, a assigné au fond la société Vortex devant ce même tribunal aux fins d'obtenir réparation de son préjudice.

Par jugement du 25 janvier 2002, le tribunal a :

- dit que la publicité mise en œuvre par la société Vortex dans ses campagnes débutant les 14 juin 2000 et 1er octobre 2000 sur le réseau Métrobus constituent une publicité licite au sens de l'article L. 12 1-8 du Code de la consommation,

- dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société NRJ à payer à la société Vortex la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COUR,

Vu l'appel de cette décision interjeté le 22 février 2002 par la société NRJ ;

Vu les dernières écritures signifiées le 11 avril 2002 par lesquelles la société NRJ, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, prétend à cet effet que la campagne publicitaire mise en œuvre par la société Vortex a pour objet de faire croire au public que la radia Skyrock serait, sur l'ensemble du territoire français " devant NRJ " c'est-à-dire qu'elle bénéficierait d'une audience qui la placerait au premier rang des radios musicales françaises, l'astérisque n'étant pas visible ou lorsqu'elle est vue, il n'est pas possible de prendre connaissance des informations auxquelles elle renvoie, et demande à la cour de :

- dire que les campagnes d'affichage mise en œuvre par la société Vortex à compter du 14 juin 2000, puis du 1er octobre 2000 sur le réseau Métrobus, sont constitutives d'une publicité comparative illicite et génératrice d'un trouble à son préjudice,

- condamner la société Vortex à lui payer la somme de 137 204 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 euros sur le fondement de I'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonner une publication judiciaire dans trois journaux d'audience nationale et cinq magazines de son choix, aux frais avancés par la société Vortex, sur présentation de devis ou de facture pro forma ;

Vu les dernières écritures signifiées le 7 mai 2002 aux termes desquelles la société Vortex sollicite la confirmation du jugement déféré, réclamant en outre l'allocation d'une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur quoi,

Considérant que la société NRJ fait grief à la société Vortex d'avoir délibérément mis en œuvre une campagne publicitaire de nature à induire le public en erreur sur la réalité du message comparatif utilisé en utilisant deux moyens pernicieux tenant à la conception graphique et typographique de l'affiche et au choix d'un support mobile et d'avoir ainsi enfreint les dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ;

Considérant qu'aux termes du texte sus-visé " la publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou de la dénomination sociale, du nom commercial ou de I'enseigne d'autrui n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur. Elle doit être limitée à une comparaison objective qui ne peut porter que sur les caractères essentiels, significatifs, pertinents et vérifiables de biens ou de services de même nature disponibles sur le marché " ;

Considérant s'agissant du graphisme et de la typographie de l'affiche incriminée, que le slogan principal " Skyrock devant NRJ " est inscrit en caractères de 11,5 cm de hauteur, que les mentions auxquelles renvoient l'astérisque sont, pour celles figurant sur la partie haute de l'affiche, inscrites en caractères de 4 cm de hauteur, pour les références d'enquête mentionnées au bas de l'affiche, inscrites en caractères de 1,7 cm ;

Mais considérant que la société NRJ ne saurait reprocher à la société Vortex d'avoir fait figurer les références de l'enquête en caractères moins volumineux que ceux du slogan principal, la seule exigence requise tenant à la lisibilité et à la bonne compréhension du message ;que si les inscriptions de la partie supérieure de l'affiche, qui restreignent le slogan principal, sont apposées en caractères de taille moindre, elles se détachent sur un fond noir en lettres blanches grisées et sont parfaitement lisibles à une distance de 10 mètres environ sur un autobus à l'arrêt et à une distance de cinq à huit mètres environ sur un véhicule en mouvement, comme l'a constaté l'huissier instrumentaire mandaté par la société NRJ dans un procès-verbal de constat du 14 juin 2000 ;qu'il ressort de ce même constat que les références de l'enquête figurant au bas de l'affiche peuvent être lues sur un véhicule à l'arrêt jusqu'à une distance n'excédant pas cinq mètres ;

Que si ces constatations ne sont pas dépourvues de toute subjectivité, elles établissent néanmoins la lisibilité à une distance raisonnable des informations inscrites sur l'affiche litigieuse ; que la lisibilité des affiches est encore corroborée par l'examen des photographies jointes au constat du 9 octobre 2000 ;

Considérant s'agissant de la mobilité du support, que la société Vortex relève pertinemment que les affiches étant placées sur la calandre avant des autobus, elles ont vocation à se rapprocher de l'oeil du passant ou de l'automobiliste qui cheminent en sens inverse et deviennent plus visibles au fur et à mesure que le croisement s'effectue ; qu'il convient de souligner en outre que la vitesse de circulation des autobus, faible en agglomération, facilite la lecture et par là même, la perception du message ;

Que les messages publicitaires choisis par la société Vortex ne sont pas donc de nature à induire en erreur le consommateur qui est parfaitement à même de lire et comprendre leur sens et leur portée et sont ainsi conformes aux dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ;

Qu'il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société NRJ de sa demande de dommages-intérêts ;

Considérant que la société NRJ a pu de bonne foi se méprendre sur la portée de ses droits ; que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Vortex sera donc rejetée ;

Qu'en revanche, les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent lui bénéficier, la somme complémentaire de 10 000 euros devant lui être allouée à ce titre ;

Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée par la société NRJ sur ce même fondement ;

Par ces motifs : Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Vortex ; Condamne la société NRJ à payer à la société Vortex la somme complémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société NRJ aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

(*) Enquête Médiamétrie 75000 + radio IDF janv-mars 2000 AC-PDA Lundi au vendredi 5h00- 24h - Base ensemble 15 ans et +.