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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 19 mars 1997, n° 95-08858

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Publicités Régies Edition et Communication (SARL)

Défendeur :

Canalcar (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Poumarède, Letourneur-Baffert

Avoués :

Me Bourges, SCP Castres, Colleu & Perrot

Avocats :

Mes Berthault, Le Moine.

CA Rennes n° 95-08858

19 mars 1997

FAITS ET PROCEDURE

Statuant sur la demande de la SARL Canalcar en exécution de parutions publicitaires sous astreinte et en paiement d'une provision de 20 000 F à valoir sur son préjudice commercial et financier, dirigée contre la SARL Publicité Régies Edition et Communication dite " Précom ", et sur la demande reconventionnelle de celle-ci en paiement d'une facture de 4 945,62 F contre la première nommée,

Le Président du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire, par ordonnance de référé du 18 juillet 1995, a :

- condamné la société Précom à exécuter les ordres de parution de publicités reçues de la société Canalcar dans le journal Ouest France à paraître après l'ordre de commande et ce à peine d'une astreinte non comminatoire de 10 000 F par infraction constatée,

- débouté la société Canalcar de sa demande de dommages-intérêts et recevant la société Précom en sa demande reconventionnelle, la condamne à lui payer la somme de 40 945,62 F montant de la facture du 30 avril 1995 et ce à titre de provision,

- condamné la société Précom à payer à la société Canalcar la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

La Précom a interjeté appel de cette ordonnance, la société Canalcar a relevé appel incident ;

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Appelante, la société Précom fait grief au juge des référés d'avoir ainsi statué aux motifs que, société commerciale, prestataire de services, elle devait, sauf à se livrer à une pratique discriminatoire, exécuter les demandes d'insertion dans le journal Ouest France, sans pouvoir s'arroger des prérogatives de puissance publique l'amenant à se substituer dans l'appréciation de la qualité de la publicité, soit au Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) lui-même, soit à l'autorité compétente et que l'avis du BVP, versé aux débats, était inopérant car dépourvu de date et d'adresse,

ALORS

que le refus d'insertion était légitimement fondé tant sur les recommandations du BVP, proscrivant la publicité de prix par les entreprises dépourvues de stocks, pour des produits non disponibles à la vente, et la publicité de type comparatif en citant les marques les modes et le prix catalogues, que sur l'article 5 de l'arrêté publié au Bulletin Officiel des services des prix le 6 Septembre 1977, interdisant une telle publicité de prix sur des articles indisponibles à la vente ;

Que l'intimée, interrogée sur ce point, n'ayant jamais justifié de l'existence de stocks, contrairement aux autres clients mandataires automobiles, s'est vue opposer un refus d'insertion, sans aucune discrimination ;

Que le caractère légitime d'un tel refus, relevait en toute occurrence de l'appréciation exclusive du juge du fond ;

La Précom demande en conséquence à la cour de :

- mettre à néant l'ordonnance du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 18 juillet 1995,

- statuant à nouveau, condamner la société Canalcar à verser à la société Précom la somme de 5 000 F à titre de procédure abusive et injustifiée,

- condamner la société Canalcar à verser à la société Précom la somme de 8 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Intimée, la SARL Canalcar conclut à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a prescrit l'insertion refusée à tort par la Précom, mais à sa réformation e qu'elle a rejeté sa demande d'une provision sur la réparation son dommage, elle fait siens les motifs de la décision sur le principe de l'insertion, mais ajoute :

- que la publicité requise était conforme à la réglementation européenne précisée notamment par la communication " 91.C.32906 ",

- que l'ordonnance de référé a été exécutée, sans aucune réserve,

- elle demande en conséquence à la cour de :

condamner la société Précom à exécuter les ordres de parution sous une astreinte non comminatoire de 10 000 F par infraction constatée,

réformer ladite décision et s'entendre condamner la société Précom à payer à la société Canalcar la somme de 50 000 F à titre de provision à valoir sur le préjudice commercial et financier,

condamner la société Précom à payer à la société Canalcar la somme de 10 000 F application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

débouter la société Précom de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions autres ou contraires ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision et aux conclusions déposées ;

MOTIFS

Considérant que la société Canalcar, mandataire européen dans le négoce automobile, et la société Précom, professionnelle de la publicité, étaient en relations d'affaires début 1995, lorsqu'à compter du 26 mai 1995, la seconde nommée a cessé la diffusion d'annonces publicitaires pour sa cliente ;

Que, selon l'article 14 du Code des usages en publicité " le support se réserve toujours le droit de refuser un ordre en publicité sans avoir à en indiquer les motifs il peut aussi, en cour d'exécution du contrat, refuser de publier les textes ou dessins qui, soit par eux-mêmes, soit par les opérations qui découlent de cette publicité, provoquent des réclamations de ses lecteurs ou de sa clientèle de publicité, comme aussi les textes qui donnent lieu à des poursuites ou dont les pouvoirs publics réclament la suppression " ;

Qu'en l'espèce, le texte dont l'insertion était commandées ne faisait l'objet d'aucune réclamation au sens des dispositions ci-dessus rappelées, ni de poursuites, ni de demande de suppression de la part des pouvoirs publics,qu'une réglementation contraire, de portée générale, ne saurait constituer, au sens desdits usages, une demande de suppression de l'insertion litigieuse ;

Considérant que le BVP est une association régie par la loi de 1901, qu'il a pour but, aux termes de ses statuts " s'inspirant du Code International de pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de Commerce Internationale et de tous usages et règles de déontologie des professions intéressées de mener une action en faveur d'une publicité loyale, véridique et saine dans l'intérêt de ces professions, des consommateurs et du public " ; qu'il s'agit d'un organisme interprofessionnel d'autodiscipline, représentant l'ensemble des professionnels concernés par la publicité ; que les avis du BVP, même s'ils sont d'une façon générale respectés par les professionnels à la discipline desquels il contribue, constituent de simples recommandations ;

Considérant qu'il n'est pas établi, au cas présent, que les parties aient entendu subordonner l'exécution du contrat publicitaire au respect de la réglementation économique ou à l'absence d'avis défavorable du BVP qu'au surplus, il n'est produit aucun avis de cet organisme visant les publicités litigieuses ;

Considérant qu'il n'appartenait pas à la société Précom de faire respecter la réglementation économique et, à cet effet d'exiger de son client la justification de son stock de véhicules; qu'elle ne pouvait davantage opposer à ce dernier l'arbitrage du BVP non prévu contractuellement, ni a fortiori un avis de cet organisme traitant d'une façon générale, à une date d'ailleurs non précisée, de ce type de publicité, sans référence spécifique à l'insertion contestée ;

Que, ne justifiant d'aucun des événements, survenus en cours d'exécution du contrat, visés à l'article 14 déjà évoqué, la société Précom ne pouvait, comme elle reconnaît l'avoir fait, "cesser la diffusion des annonces" commandéesqu'elle avait, en effet, antérieurement, accepté le principe et les modalités de ces insertions, qu'elle les avait exécutées sans user, au moment de la conclusion du contrat, de la faculté, ouverte par les usages codifiés, de refuser de tels ordres, sans avoir à en indiquer les motifs, qu'au surplus, dans le temps même où elle opposait un refus à la société Canalcar, la société Précom, diffusait les annonces d'autres mandataires européens concurrents,qu'elle opérait dès lors une discrimination certaine, constitutive elle-même d'un abus dans l'exercice de cette faculté ;

Que l'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a prescrit, sous astreinte, les insertions refusées à tort ;

Considérant qu'en l'état de la réglementation, la société Canalcar, ne justifie pas, en tout cas au stade du référé, de la réalité de son préjudice, les insertions ayant été, au demeurant réalisées en exécution de l'ordonnance déférée ;

Considérant que la facture de 6 487,42 F n'est pas sérieusement discutée, qu'elle constitue une créance certaine, liquide et exigible, qu'elle ne saurait se compenser, en l'état, avec une indemnité pour trouble commercial, dont le principe même fait l'objet d'une contestation sérieuse ; que l'ordonnance condamnant la société Canalcar a payer une provision de ce montant, conformément aux dispositions de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, sera en conséquence confirmée également sur ce point ;

Considérant que la société Précom, qui succombe pour l'essentiel, supportera les dépens ; qu'elle ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ni prétendre à dommages intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

Que l'équité commande, en revanche, de faire droit à la demande de la société Canalcar, fondée sur ce texte ;

Par ces motifs : Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions frappées d'appel ; Y ajoutant, Déboute la société Précom de ses demandes en dommages intérêts, et au titre des fiais non répétibles ; Condamne la société Précom à payer à la société Canalcar la somme de 10 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Précom aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.