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Décisions

CA Rouen, ch. corr., 2 décembre 1999, n° 99-00276

ROUEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Catenoix

Conseillers :

MM. Massu, Bisot

Avocats :

Mes Thieffry, Aguera.

TGI Le Havre, du 30 sept. 1998

30 septembre 1998

RAPPEL DE LA PROCEDURE

PREVENTION

Annette R et Serge C ont été cités à la requête du Ministère public par exploit délivrés respectivement les 17 avril 1998 à personne et 31 mars 1998 à domicile, devant le Tribunal correctionnel du Havre à l'audience du 23 septembre 1998 sous la prévention d'avoir :

- Au Havre, en avril 1995 et en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les propriétés d'un bien ou d'un service, en l'espèce en indiquant de façon erronée sur un prospectus publicitaire que le bateau proposé à la vente était insubmersible.

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation.

- dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, trompé ou tenté de tromper Monsieur Dupuis, contractant sur les qualités substantielles et sur les risques inhérents à l'utilisation du produit, d'une marchandise vendue, en l'espèce un navire présenté comme insubmersible.

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.

JUGEMENT

Le tribunal par jugement contradictoire en date du 30 septembre le dispositif suivant :

SUR L'ACTION PUBLIQUE

- Relaxe Serge C des fins de la poursuite ;

- Relaxe Annette R des poursuites du chef de tromperie ;

- Déclare Annette R coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur ;

- En répression la condamne à 30 000 F d'amende ;

SUR L'ACTION CIVILE

- Déclare Monsieur et Madame Dupuis irrecevables dans leur constitution de partie civile ;

- Reçoit la constitution de partie civile de l'association de consommateurs CSCV ;

- Condamne Annette R à payer à cette association la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

APPELS

Par déclarations au greffe du tribunal ont interjeté appel de ce jugement :

- Annette R le 30 septembre 1998 sur les dispositions pénales et civiles ;

- Le Ministère public le 1er octobre 1998 à l'encontre de Annette R sur les dispositions pénales ;

- Monsieur et Madame Christian Dupuis et l'Association Confédération Syndicale du cadre de Vie (CSCV) le 9 octobre 1998 à l'encontre de Annette R sur les dispositions civiles.

DECISION

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.

En la forme

Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure les appels interjetés par Annette R, le Ministère public, les époux Dupuis et l'Association CSCV dans les formes et délais des articles 498 et suivants du Code de procédure pénale sont réguliers ; ils sont donc recevables.

Annette R, citée devant la cour par exploit délivré à sa personne le 11 mai 1999, est présente et assistée.

Les époux Dupuis, régulièrement cités le 4 mai 1999, sont présents et assistés ; l'Association de Consommateurs CSCV, régulièrement citée le 29 juin 1994, est représentée.

Il sera donc statué par arrêt contradictoire à l'égard des parties.

Au fond

Des pièces de la procédure résultent les faits suivants :

Monsieur et Madame Christian Dupuis, le 14 avril 1995, ont fait l'acquisition d'un bateau neuf, de type X 5.50, millésime 95, sous l'approbation n° 7920, auprès du concessionnaire B du Havre, Monsieur C, conçu et mis au point par la société B, sise à [adresse], dont la présidente est Madame Annette R. Ce bateau allait être immatriculé auprès des affaires maritimes du Havre sous le nom et numéro Chrisland LH 859973. Les faits, objet de la présente procédure, font suite à une avarie survenue sur ce bateau en mai 1995.

Christian Dupuis avait effectué la commande de ce bateau le 20 décembre 1994, à l'occasion du salon nautique tenu à Paris, sur la base d'un prospectus publicitaire daté de décembre 1994 qui lui avait été remis lors d'une première visite à ce salon par le constructeur B et qui portait notamment comme indication la mention " Insubmersible Homologation Marine Marchande Française ".

Ce prospectus, produit aux débats et libellé " X - B ", était constitué notamment de deux feuillets, l'un intitulé " X 5.50 - Présentation Générale " avec deux schémas du bateau et une énumération de ses caractéristiques (longueur HT, longueur de flottaison, puissance moteur maxi etc ...) et, à ce titre, y figurait la mention " insubmersible (homologation marine marchande française) ", le second mentionnant en titre notamment " X 5.50 - Equipement général provisoire décembre 94 " avec un nouveau rappel des caractéristiques précitées du bateau mais aussi des indications sur la nature de la construction, sous la rubrique de laquelle figurait à nouveau la mention " insubmersible (selon les normes de la marine marchande française) ", et sur le matériel équipant le bateau sous les rubriques suivantes : " Pont - Timonerie - Cabine avant - Motorisation - Electricité - Options ".

Des pièces versées aux débats il ressort que la série des bateaux B " X 5.50 " a fait l'objet d'une approbation du ministre chargé de l'équipement et des transports en deux temps après examen par la commission Nationale de Sécurité de la Navigation de Plaisance (CNSNP) conformément aux articles 17 et 19 du décret 84-810 du 30 août 1984 pris pour l'application de la loi 83-581 du 5 juillet 1983 :

- après avis de la CNSNP du 19 janvier 1995, le ministre a pris une première décision d'approbation en date du 14 février 1995, conférant aux navires appartenant à la série " X 5.50 " le numéro d'approbation 7920, pour une navigation en 5° et 6° catégorie avec six personnes embarquées portant la mention " insubmersibilité : non ".

- après nouvel avis de la CNSNP du 18 mai 1995, le ministre a pris une seconde décision d'approbation en date du 10 juillet 1995 concrétisant un changement de catégorie et conférant désormais aux navires appartenant à la série X 5.50 le numéro d'approbation 8237, pour une navigation en 4° et nécessairement en 5° et 6° catégorie avec respectivement 4, 5 et 6 personnes embarquées portant la mention " insubmersibilité : oui (épreuve du 25 avril 1995) ".

Il est à noter que, dans son rapport daté du 18 mai 1995, la CNSNP, au vu des résultats du second essai d'insubmersibilité effectué le 25 avril 1995 par le Centre de Sécurité des Navires des Pays de Loire consécutivement à sa demande formulée près du constructeur le 23 mars 1995, avait estimé que ce type de navire pouvait être reconnu insubmersible et classé en 4e catégorie avec quatre personnes maximum à bord et que, dans son rapport daté du 25 avril 1995, la commission d'Essai composée de trois personnes avait donné un avis favorable à une approbation comme navire insubmersible, en 4e catégorie, avec quatre personnes à bord sous réserve au préalable " de reprendre et augmenter le volume de flottabilité au niveau du tableau arrière ".

Les deux parties de la série de bateaux, portant respectivement les numéros d'approbation 7920 et 8237 ont conservé le même nom : X 5.50. Le bateau acheté par Christian Dupuis le 14 avril 1995 ayant été construit le 27 mars 1995 (construction n° 55) et ayant une attestation de construction et de jauge indiquant l'appartenance à la série approuvée sous le numéro 7920, ce dernier, dans son audition du 11 janvier 1996 par les gendarmes, estimait avoir été trompé lors de l'achat du bateau par le prospectus publicitaire le mentionnant faussement comme insubmersible et qualifiait cette publicité de mensongère, des déclarations que par son avocat il réitère devant la cour.

A l'audience et dans des conclusions développées par son avocat, Annette R, qui excipe de sa bonne foi, sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a relaxée du chef de tromperie et son infirmation en ce qu'il l'a condamnée au titre de la publicité mensongère.

A l'appui de ses prétentions, Annette R, fondant son argumentation sur des pièces par elle produites aux débats, soutient et fait plaider :

- que l'X 5.50, fabriqué par la société B à la fin de l'année 1994, a été soumis à l'approbation de la CNSNP par demande de la société du 8 novembre 1994, cette demande d'homologation précisant : " catégorie de navigation demandée : 5 - Emplacement du radeau de sauvetage insubmersible ".

- que, le 13 décembre 1994, Monsieur Malcos, inspecteur de la sécurité des navires et du travail maritime de la direction Nantes, a établi à l'issue des tests un procès-verbal de visite de l'X 5.50 avec avis favorable en cinquième catégorie conformément à la demande de la société B ;

- que les essais pratiqués par Monsieur Malcos étaient des tests non pas de simple flottabilité exigés pour la catégorie 5, mais d'insubmersibilité répondant aux exigences de la réglementation figurant à l'article 224-2-27 du règlement annexé à l'arrêté du 23 novembre 1997 et permettant en réalité le classement du bateau en 4e catégorie pour laquelle, à la différence de la 5e catégorie, l'insubmersibilité est requise ;

- qu'en dépit de ce test d'essai pratiqué par Monsieur Malcos, l'insubmersibilité n'a été refusée que pour des raisons purement formelles et administratives tenant au fait que la catégorie demandée par la société B était la 5e et n'exigeait pas l'insubmersibilité et à la présence lors des essais d'un seul inspecteur au lieu de trois prévus par la réglementation en matière d'insubmersibilité ;

- que le Centre de Sécurité des Pays de Loire, tout en proposant à la CNSNP l'homologation de l'X 5.50 pour une navigation en catégorie 5 et 6, avait cependant mentionné l'insubmersibilité du bateau.

- que les deux rapports d'expertise de Monsieur Rose, désigné à la demande de B en qualité d'expert par le Président du Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon, démontrent que le bateau était insubmersible et que les essais effectués par Monsieur Malcos le 13 décembre 1994, ont été réalisés avec les masses et dans les conditions (tests de stabilité longitudinale et transversale) désignées et imposées pour un essai d'insubmersibilité et que les résultats répondaient aux normes exigées ;

- que la prescription imposée par la commission d'Essai dans son rapport du 24 avril 1995 comme condition préalable à son avis favorable à une approbation de l'X 5.50 comme bateau insubmersible n'était pas justifiée, la commission n'ayant pas précisé la quantité de mousse à ajouter et n'en ayant pas contrôlé l'exécution, ce qui confirme que l'augmentation du volume de flottabilité demandée n'avait aucune incidence sur la sécurité du navire ni sur sa qualification d'insubmersible.

Au terme de cette argumentation fondée sur une analyse des pièces produites aux débats, l'avocat de la prévenue, rappelant que la juridiction de jugement est saisie par les seuls termes de la citation à l'exclusion de tout autre élément puisé dans la procédure,

- soutient que la saisine du tribunal était donc limitée en l'espèce à la mention prétenduement mensongère " insubmersible " figurant dans le prospectus et expressément retenue par le Procureur de la république dans la citation ;

- reproche au tribunal, seul le caractère insubmersible du bateau étant en cause, d'avoir tiré de la mention " Homologation Marine Marchande Française " ou encore " norme de la marine marchande française " un élément de preuve pour caractériser le délit de publicité mensongère ;

- estime que la preuve de l'insubmersibilité du bateau lorsqu'il fut présenté au salon en décembre 1994, puis vendu aux époux Dupuis étant rapportée, il n'y a pas eu ni de publicité mensongère, ni de tromperie à l'égard de Monsieur et Madame Dupuis.

Dans des conclusions déposées par leur avocat, les parties civiles estiment au contraire au moins constitué le délit de publicité mensongère et concluent à la confirmation du jugement déféré sur la culpabilité d'Annette R de ce chef de poursuite.

Dans des conclusions additionnelles, l'avocat d'Annette R demande à la cour que lui soit donné acte des réserves que celle-ci entend exprimer sur la violation du contradictoire par l'avocat des parties civiles au motif que les conclusions communiquées par celui-ci le 29 septembre à 19h45 par fax l'auraient été tardivement en violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Ceci étant exposé,

I. SUR LA VIOLATION DU CONTRADICTOIRE

La cour relève que les conclusions des parties civiles ont été déposées à l'audience de la cour dans les conditions visées par l'article 459 du Code de procédure pénale, qu'aucune disposition légale n'impose à la partie civile de communiquer à la personne prévenue avant les débats les conclusions qu'elle entend déposer à l'audience, qu'en l'espèce, celles-ci ont été discutées par la prévenue dans des conclusions additionnelles déposées et développés à l'audience par son avocat et dans ces conditions, en l'absence de toute violation du contradictoire, celle-ci n'est pas fondée à se plaindre de ne les avoir reçues en communication que la veille au soir de l'audience et il n'y a donc pas lieu de lui donner acte des réserves sollicitées.

II. Sur le délit de publicité mensongère

L'article 224-2-24 du règlement annexé à l'arrêté du 23 novembre 1987 stipule que " tout navire de plaisance monocoque ... n'est reconnu insubmersible par le ministre chargé de la marine marchande après avis de la commission nationale de sécurité de la navigation de plaisance que s'il a fait l'objet du dépôt des documents prévus à l'article 224-2-25 " ; de ces dispositions il se déduit nécessairement que seule cette autorité a compétence pour reconnaître à un bateau de plaisance le caractère insubmersible et que cette caractéristique ne peut être conférée au bateau par le constructeur qu'après l'approbation de cette autorité.

Il est établi et non contesté par Annette R que la société B a diffusé, à partir du salon nautique à Paris en décembre 1994, une brochure concernant le bateau X 5.50 mentionnant son insubmersibilité alors que le modèle en cause n'avait encore obtenu aucune approbation du ministre compétent, la première décision datant du 14 février 1995 et de surcroît indiquant " insubmersibilité : non ", la seconde approbation du 10 juillet 1995, qui reconnaît à ce bateau le caractère insubmersible, ne lui conférant que pour la suite de la série et non rétroactivement.

Contrairement aux prétentions de l'appelante, la mention " Equipement général provisoire " ne pouvait concerner que le matériel équipant le bateau de plaisance à l'exclusion des caractéristiques de ce bateau qui ne relèvent par de l'équipement général et, en l'absence dans cette brochure de toute indication avisant qu'une procédure d'approbation tendant à faire reconnaître à ce bateau le caractère insubmersible était en cours, Annette R n'est pas fondée à soutenir que la mention susvisée conférait à l'insubmersibilité du bateau annoncée dans le prospectus un caractère provisoire.

La mention " insubmersible " apposée à deux reprises par la société B sur le prospectus, alors que seul le ministre chargé de la marine marchande était habilité à homologuer insubmersible un bateau de plaisance et que cette insubmersibilité ne lui avait pas encore été reconnue, caractérise une indication fausse sur les qualités substantielles et propriétés du bateau et la diffusion de ce prospectus antérieurement à l'approbation du 10 juillet 1995 une publicité interdite entrant dans les prévisions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

A supposer établie l'insubmersibilité du bateau comme le prétend la prévenue, celle-ci est sans conséquence sur le délit de publicité mensongère, dont l'élément matériel réside dans le seul fait que le bateau a été présenté par le constructeur B dans le prospectus publicitaire diffusé à partir de décembre 1994 comme insubmersible alors que cette caractéristique ne lui avait pas encore été reconnue par l'autorité compétente.

Ce faisant, en sa qualité de présidente de la société B, Annette R, qui ne pouvait ignorer que l'insubmersibilité d'un bateau de plaisance était conditionnée par l'approbation du ministre compétent sans laquelle celle-ci n'existe pas et que seule cette approbation conférait au constructeur le droit de s'en prévaloir, a bien sciemment effectué une publicité comportant une indication fausse entrant dans les prévisions des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation et s'est donc bien rendue coupable du délit de publicité mensongère.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité de ce chef de poursuite.

SUR LE DELIT DE TROMPERIE

S'il est établi que l'approbation du 10 juillet 1995 reconnaissant au bateau X 5.50 le caractère insubmersible n'est intervenue qu'après qu'une prescription de la commission d'Essai, énoncée dans son rapport du 25 avril 1995 et consistant " à reprendre et augmenter le volume de flottabilité au niveau du tableau arrière ", ait été exécutée par l'ajout de mousse à bâbord et tribord, il n'est cependant pas démontré que l'augmentation du volume de flottabilité ait eu une incidence déterminante pour que soit reconnue à ce bateau la qualification d'insubmersible.

La cour, au vu de l'analyse par elle effectuée des pièces produites aux débats, relève à cet égard, comme l'a fait remarquer la prévenue, que la société B a sollicité le 8 novembre 1994 l'homologation de l'X 5.50 en " catégorie de navigation 5 " avec la mention suivante : " emplacement du radeau de sauvetage : insubmersible ", alors que pour cette catégorie l'insubmersibilité n'était pas requise, que le choix de ce classement peut expliquer que M. Malcos, inspecteur de la sécurité des navires et du travail maritime de la direction de Nantes, ait réalisé seul les essais et non pas à trois conformément à la réglementation en matière d'insubmersibilité et qu'il ait émis un avis favorable au classement du bateau en cinquième catégorie, que le centre de sécurité des Pays de Loire dans sa proposition adressée à la CNSNP tendant à l'homologation de l'X en catégorie 5 a au surplus mentionné " insubmersibilité : oui " et qu'il n'est pas établi que l'exécution de la prescription imposée par la commission d'Essai dans son rapport du 25 avril 1995 ait été vérifiée avant que ne soit accordée l'approbation le 10 juillet 1995.

Dans ces conditions, au vu de ces éléments conférant une incertitude sur les motifs ayant justifié la décision du ministre compétent en date du 14 février 1995 et des rapports d'expertise de M. Rose, désigné à la demande de B en qualité d'expert par le Président du Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon, concluant que le navire de série X 5.50 a été conçu pour pouvoir être insubmersible au sens défini par l'article 224-2-24 du règlement annexe à l'arrêté du 23-11-1987, et attestant que les essais pratiqués par M. Malcos étaient un test d'insubmersibilité dont les résultats répondaient aux normes exigées, il ne peut être affirmé, en l'absence de tout élément de preuve contraire de la part de l'accusation, que le navire de série X 5.50 et en particulier celui construit le 27 mars 1995 et acquis par les époux Dupuis, n'était pas insubmersible.

La preuve que la prévenue ait trompé ou ait eu l'intention de tromper les époux Dupuis lors de l'achat du bateau sur une qualité substantielle ou encore l'aptitude à l'emploi de ce dernier n'étant pas rapportée, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a relaxé la prévenue de ce chef de poursuite.

L'amende délictuelle prononcée par le tribunal en répression du délit de publicité mensongère est adaptée au degré de gravité de l'infraction commise et aux renseignements recueillis sur la personnalité et la situation de la prévenue.

La cour la confirmera donc et ordonnera en outre la publication de la présente condamnation comme indiquée au dispositif du présent arrêt en application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation.

SUR LES DISPOSITIONS CIVILES

L'association Confédération Syndicale du Cadre de Vie (CSCV), agréée par arrêté du 23 avril 1990, puis du 16 août 1995 pour exercer sur le plan national les droits reconnus aux associations de consommateurs et dont la constitution de partie civile est fondée dans son principe, sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne ses intérêts et la condamnation de Annette R au paiement d'une somme de 8 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Au vu des éléments soumis à son examen, la cour ne trouve aucun motif à modifier l'exacte appréciation faite par le tribunal du préjudice certain subi par la partie civile et résultant directement du délit de publicité mensongère dont Annette R est déclarée coupable ni l'équitable application faite par les premiers juges à son profit des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions civiles la concernant.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de celle-ci l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle fut contrainte d'exposer en cause d'appel et il lui sera alloué sur le fondement de l'article précité une somme complémentaire de 3 000 F.

Dans des conclusions développées par leur avocat, Monsieur et Madame Dupuis sollicitent une infirmation du jugement déféré sur les dispositions civiles les concernant et demandent à la cour de les recevoir en leur constitution de partie civile et de condamner Annette R à leur rembourser les frais d'emplacement portuaire et d'assurance de l'année 1998 et à leur payer une somme de 5 000 F au titre de l'article 4751 du Code de procédure pénale.

Annette R, reprenant son argumentation développée devant les premiers juges, expose que c'est à bon droit que le tribunal a déclaré leur constitution de partie civile irrecevable devant la juridiction répressive en application des dispositions de l'article 5 du Code de procédure pénale, ces derniers ayant assigné le 10 juillet 1996 la société B devant la juridiction commerciale du Havre et obtenu l'annulation de la vente par jugement du 30 janvier 1998, jugement auquel ils ont acquiescé et que la société B, condamnée à leur payer la somme de 110 000 F en principal augmentée des intérêts de droit à compter du 10 juillet 1996, la somme de 36 306,05 F au titre des frais exposés et la somme de 40 000 F en réparation du préjudice d'agrément, a exécuté.

Monsieur et Madame Dupuis, à l'appui de leur appel, prétendent qu'il n'y a pas identité d'objet et des parties et, à ce titre, soutiennent que l'action qu'ils ont engagée devant le tribunal de commerce ne portait nullement sur le préjudice dont ils demandent réparation devant la juridiction pénale, s'agissant de frais portuaire et d'assurance nés postérieurement à la procédure commerciale plaidée en octobre 1997 et non réclamés devant la juridiction consulaire, et que l'action commerciale était dirigée contre la société B et non contre Annette R.

La cour relève que les deux demandes portées devant la juridiction civile et la juridiction pénale n'opposent pas les mêmes parties et que les époux Dupuis, s'ils ne sont pas fondés à réclamer à Annette R, qui est relaxée du délit de tromperie, le remboursement des frais portuaires et d'assurance de l'année 1998 qui relèvent du contentieux contractuel les ayant opposés à la société B, sont en revanche autorisés, étant victimes du délit de publicité mensongère commis par Annette R et même s'ils ne formulent aucune demande de dommages et intérêts à ce titre, à se constituer partie civile au seul soutien de l'action publique.

La cour, infirmant le jugement déféré, les déclarera donc recevables en leur constitution de partie civile.

Il serait inéquitable de laisser à leur charge les sommes exposées par eux dans leur action venant au soutien de celle du Ministère Public et il leur sera alloué une somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; En la forme ; Déclare les appels recevables ; Au fond, Statuant dans la limite des appels ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales ; Y ajoutant ; Ordonne la publication dans le journal Paris-Normandie (Editions de Rouen et du Havre) et dans le journal Ouest-France (Editions de Vendée), aux frais de la condamnée dans les conditions fixées par l'article 131-35 du Code pénal et sans que le coût de ces publications ne puissent excéder le montant de l'amende prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation, du communiqué suivant : " Par arrêt en date du 2 décembre 1999, la Cour d'appel de Rouen a condamné Annette R, présidente de la société anonyme B, dont le siège social est situé à [adresse], à une amende délictuelle de 30 000 F pour avoir à partir de décembre 1994 et courant 1995, antérieurement au 10 juillet 1995, effectué au sujet du bateau de plaisance X 5.50 une publicité comportant une indication fausse sur les qualités substantielles de ce bateau en le présentant dans un prospectus publicitaire diffusé à partir du salon nautique de décembre 1994 comme un bateau insubmersible alors que cette insubmersibilité, conditionnée par l'approbation du ministre chargé de la marine marchande, n'avait pas encore été homologuée par cette autorité " ; Dit qu'il pourra être recouru, s'il y a lieu dans les formes de droit à la contrainte par corps pour le recouvrement de l'amende ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles concernant l'Association Confédération Syndicale du Cadre de Vie ; Y ajoutant ; Condamne Annette R à payer en cause d'appel à cette association la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Infirmant le jugement déféré en ses dispositions civiles concernant Monsieur et Madame Dupuis ; Les déclare recevables en leur constitution de partie civile ; Condamne Annette R à leur payer une somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Les déboute du surplus de leurs demandes ; Condamne Annette R aux dépens de l'action civile ; La présente procédure est assujettie à un droit fixe de huit cents francs (800 F) dont est redevable Annette R.