Cass. crim., 15 octobre 2002, n° 01-87.673
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Gailly
Avocat :
SCP Gatineau.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par D Jean-Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 20 septembre 2001, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 25 000 F d'amende ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, 121-3, 122-3 du Code pénal, 339 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt a déclaré le prévenu coupable du délit de publicité mensongère et l'a condamné à une amende de 25 000 francs ;
" aux motifs que la prévention est fondée, en particulier, sur un encart " A " proposant, pour 2 blocs de foie gras achetés au prix unitaire, 4 blocs de foie gras gratuits et un cadeau, sur deux annonces parues dans Télé Z et Télé 7 jours entre le 22 et 28 août 1998, et proposant la même offre, sur un mailing " B " d'août 1998 et un mailing " C " proposant le même genre d'offres et portant essentiellement sur des blocs de foie gras ; qu'il était précisé pour toutes ces offres qu'elles étaient valables 3 mois ; que ces offres promotionnelles présentées comme limitées dans le temps pour donner l'illusion d'offres exceptionnelles, étaient en réalité répétées (six diffusions publicitaires en six mois), pouvant ainsi être considérées comme systématiques ; que la multiplicité de ces offres commerciales qui s'étaient succédées sur des périodes voisines (offre " B ", offre " C ") ôtait tout caractère d'offres spéciales pour les consommateurs ; qu'en effet, ces publicités, répétées, par les mentions qu'elles comportaient (réduction de prix, gratuit, cadeaux), leur présentation, leur montage, visaient manifestement à induire les consommateurs en erreur sur le caractère spécial des offres promotionnelles proposées, alors qu'en réalité, il s'agissait du procédé de vente habituel et non pas occasionnel de la société, la vente par lots constituant une activité essentielle et permanente pour cette entreprise et la vente à l'unité représentant seulement 0,4 % du chiffre d'affaires global au regard des documents comptables ; que le caractère trompeur de la présentation était lié à la comparaison artificielle de deux logiques de prix : le prix unitaire et le prix par lot, alors que les prix de base mis en avant dans ces publicités n'étaient pratiqués que très occasionnellement, de sorte que les économies annoncées ou suggérées étaient fictives ; que ces offres très attractives visaient à susciter des achats spontanés chez les consommateurs et étaient de nature à les induire en erreur sur lesdites économies ; que, quant à l'erreur de droit alléguée, Jean-Claude D ne rapportait pas la preuve que les publicités dont il avait usé avaient reçu l'approbation expresse de l'administration, le fait que le service des fraudes n'aurait élevé aucune objection au regard de publicités de même type communiquées par sa société ou son conseil de 1996 et 1997, période demeurant antérieure aux faits reprochés, étant inopérant ;
" 1°) alors que les annonces publicitaires litigieuses ne se présentaient pas comme des offres promotionnelles ou spéciales ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ces annonces publicitaires ;
" 2°) alors qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les documents publicitaires litigieux ont été diffusés, pour l'essentiel en août 1998 ; qu'en retenant que les six diffusions publicitaires s'étaient étalées sur six mois de sorte que les offres contenues dans ces messages publicitaires pouvaient être considérées comme systématiques, sans indiquer les dates précises de diffusions de chacune de ces publicités, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 3°) alors que le caractère fictif du prix unitaire d'un produit annoncé dans une publicité doit s'apprécier au regard des ventes à l'unité du produit considéré ; qu'en retenant, pour affirmer le caractère fictif du prix unitaire annoncé dans les publicités litigieuses, que la vente à l'unité correspondait à seulement " 0,4 % du chiffre d'affaires global" de la société, quand il ressortait de ses constatations que les publicités litigieuses portaient exclusivement ou presque sur des blocs de foie gras et que la vente à l'unité de ces produits représentait " 9 % des ventes totales de blocs de foie gras " (cf. arrêt attaqué, page 5, alinéa 7), la cour d'appel s'est contredite ;
" 4°) alors que la preuve est libre en matière pénale ; qu'en l'espèce, le prévenu produisait, pour faire la preuve de son erreur sur le droit, son échange de correspondances avec l'administration des Fraudes, et, notamment, un courrier dans lequel il prenait acte de la position favorable prise oralement par cette dernière à propos de publicités diffusées au second semestre de l'année 1996 et quasiment identiques à celles faisant l'objet du litige ; qu'en déclarant " inopérant " ce mode de preuve et en exigeant du prévenu la preuve d'une " approbation expresse " de l'administration, la cour d'appel, qui a subordonné la preuve de l'erreur sur le droit à la production d'un document écrit émanant de l'administration, a méconnu les textes visés au moyen ;
" 5°) alors que l'information erronée fournie par l'administration au prévenu sur une question identique à celle pour laquelle ce dernier est poursuivi, constitue une erreur sur le droit au sens de l'article 122-3 du Code pénal, peu important que la question ait concerné une période antérieure aux faits litigieux ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une erreur sur le droit, que les publicités à l'encontre desquelles l'administration n'avait formulé aucune objection, concernaient une période antérieure aux faits reprochés, quand il résultait de ses constatations que ces publicités étaient " de même type " que celles faisant l'objet du litige, la cour d'appel a déduit un motif inopérant et ainsi privé sa décision de base légale ;
" 6°) alors que le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur étant un délit non intentionnel réprimé par un texte antérieure à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu qu'autant qu'elle constatait expressément que ce dernier avait agi par imprudence ou négligence ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point et de rechercher, en particulier, si les démarches effectuées par le prévenu auprès de l'administration n'établissaient pas, à tout le moins, l'accomplissement de diligences exclusives de toute imprudence ou négligence de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que Jean-Claude D, président de la société X, spécialiste de la vente par correspondance de préparations à base de foie gras, a diffusé au cours du second semestre 1998 des offres promotionnelles consistant en un prix forfaitaire réduit pour un lot de boîtes, dont une ou plusieurs étaient annoncées comme gratuites par rapport au prix de vente du tarif à l'unité, plus la fourniture gratuite d'articles accessoires ; qu'il est poursuivi du chef de publicité de nature à induire en erreur sur les prix et les conditions de la vente ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de cette infraction, l'arrêt infirmatif relève, notamment, que le caractère trompeur de ces offres présentées comme promotionnelles était lié à la comparaison artificielle entre le prix unitaire et le prix par lot, alors que le prix de base mentionné n'était pratiqué que très occasionnellement par cette entreprise, dont 0,4 % seulement du chiffre d'affaire était constitué par des ventes à l'unité, de sorte que les économies annoncées ou suggérées étaient fictives ;qu'il ajoute, pour écarter l'erreur de droit alléguée, que le prévenu ne rapporte pas la preuve que les publicités poursuivies ont reçu l'approbation expresse de l'administration et qu'il ne saurait opposer l'absence d'objection de cette dernière à la communication de publicités du même type pour des périodes différentes ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs relevant de son appréciation souveraine, qui établissent le caractère mensonger des publicités incriminées, et dès lors que le prévenu, en sa qualité de dirigeant de la personne morale, est tenu de prendre les précautions propres à assurer la véracité des campagnes de publicité, la cour d'appel a caractérisé, en tous ses éléments, le délit dont elle a déclaré Jean-Claude D coupable; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
Rejette le pourvoi.