Cass. crim., 3 septembre 2002, n° 01-86.760
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Béraudo
Avocat :
Me Ricard.
LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par le GIE X, Y Alain, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 15 mars 2001, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le second à 100 000 F d'amende et a ordonné la publication de sa décision ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 121-2 du Code pénal, L. 121-1 et L. 121-5 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel n'a pas prononcé la mise hors de cause du GIE X poursuivi pour publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
" alors que, aux termes de l'article L. 121-5 du Code de la consommation, "l'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée est responsable, à titre principal, de l'infraction commise. Si le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants" ; qu'en l'espèce, la cour d'appel aurait dû constater l'irresponsabilité pénale du GIE X, poursuivi pour publicité trompeuse et prononcer sa mise hors de cause " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 121-1, L. 121-2 du Code pénal, L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, article préliminaire, 550 et suivants, 593, 706-43 et suivants du Code de procédure pénale, violation de la loi, excès de pouvoir ;
" en ce que la cour d'appel a, en infirmant le jugement entrepris, déclaré Alain Y coupable de l'infraction de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, l'a condamné à 100 000 F d'amende et ordonné la publication de cette décision ;
1°) alors qu'en application du principe de la personnalité des poursuites et des peines, nul ne peut être déclaré responsable pénalement d'une infraction et condamné à une peine s'il n'a pas été informé au préalable de l'accusation portée contre lui, ni cité personnellement devant le tribunal ; qu'en l'espèce, viole ce principe et excède ses pouvoirs la cour d'appel qui, saisie d'une citation dirigée contre le GIE X, représenté par Alain Y déclare ce dernier seul coupable de l'infraction visée à la prévention et le condamne à une peine d'amende ;
2°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré Alain Y coupable de l'infraction de publicité de nature à induire en erreur, reprochée à l'annonceur le GIE X, sans relever aucun fait, aucune négligence qui lui serait personnellement imputable ; que de ce fait l'arrêt méconnaît le principe susvisé ;
3°) alors que, subsidiairement l'article L. 121-5 du Code de la consommation qui énonce que " l'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée est responsable, à titre principal, de l'infraction commise. Si le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants", ne saurait, sans violer l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, autoriser une cour d'appel à substituer de plein droit la responsabilité pénale de l'annonceur, personne morale, seul poursuivi devant le tribunal, à celle de son dirigeant social, seul condamné ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme " ;
Les moyens étant réunis : - Attendu qu'aucune condamnation n'ayant été prononcée contre lui, le GIE X est sans intérêt à reprocher à l'arrêt de ne l'avoir pas expressément mis hors de cause ; que, s'étant défendu au fond sans exciper de ce que la citation n'aurait visé que la personne morale, Alain Y ne saurait, par application de l'article 385 du Code de procédure pénale, être admis à le faire pour la première fois devant la Cour de cassation ; d'où il suit que les moyens sont irrecevables ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Alain Y coupable de l'infraction d'usage de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur sur l'origine et les qualités substantielles d'oeufs commercialisés sous la marque " Z " ;
" aux motifs que le service verbalisateur estime que la signature Z, la représentation graphique du Mont Saint-Michel, la mention portée sur les emballages Courrier consommateurs les oeufs Z <adresse>, le mot tradition inclus dans la dénomination de vente, la représentation graphique de blé et de maïs constituaient une publicité trompeuse en ce qu'elle apparaissait liée à une personne et un site prestigieux alors que les oeufs commercialisés sous cette marque ne présentent aucune originalité, proviennent de lieux de production sans aucun rapport avec le Mont Saint-Michel ;
" il apparaît que les termes employés pour la commercialisation de ces oeufs par exemple " Depuis 100 ans la fameuse omelette de Z est préparée selon un rite immuable... " ; aujourd'hui, la Z transmet sa longue expérience à travers la nouvelle gamme d'oeufs frais : Le journal Actualité revue du pâtissier (cote 6 du dossier annexe 9) indique une origine et une qualité particulière ont pour objectif de créer un lien direct à cette personne ;
" le service de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes estime que les mentions décrites ci-dessus sont de nature à faire croire aux consommateurs que les oeufs ont été produits dans des conditions d'élevage traditionnel, dans lesquelles résiderait le savoir faire ancestral de Z et au moyen d'une alimentation essentiellement de blé et maïs, ce qui constitue une qualité substantielle pour le consommateur ;
" le service verbalisateur constate que la charte de Z ne comporte pas d'exigences plus contraignantes que ce que prévoit la réglementation pour ce type de produit (règlement CEE n° 1274-91 article 18 et annexe II § b) ;
" l'alimentation des poules est faite au moyen d'aliments élaborés et produits industriellement avec des matières premières comportant notamment des tourteaux oléagineux et des additifs à but nutritionnel ;
" le GIE X avait été avisé par lettre du 17 juillet 1996 du service de la consommation de l'interdiction d'utiliser l'image des épis de blé et de maïs ;
" la cour retient que la renommée de Z est incontestable tant au plan national qu'international, que cette tradition : l'omelette de Z, fait nécessairement référence aux oeufs, élément essentiel dans la confection de ce mets ; cette référence est significative d'une rigueur certaine dans la qualité de l'oeuf ; le caractère unique du personnage, son implantation dans un site particulier conduit le consommateur a considérer qu'il s'agit d'une garantie d'origine et de qualité particulière, voire exceptionnelle ; d'ailleurs, la cour a pu constater, à la lecture des courriers adressés au service consommateur de la société exploitant la marque, que le choix du produit a bien été déterminé par la marque Z, attachée pour ces consommateurs à une très grande qualité, au point qu'ils ont été très déçus de constater qu'ils avaient pu être trompés sur cette qualité (oeufs brisés, non frais, dégageant une odeur nauséabonde) ;
" ces oeufs produits dans les conditions générales des élevages de plein air, ne présentent aucune originalité ; l'emploi de l'image de Z, son implantation régionale, l'emploi des mots " tradition ", " comme autrefois ", le symbole de l'épi de blé et de maïs, impliquent une origine et une production limitée ; les conditions de commercialisation des oeufs ne répondent pas à cette image et sont de nature à induire le consommateur en erreur sur la qualité exceptionnelle véhiculée par le personnage historique de Z. Le caractère intentionnel de l'infraction résulte de l'interdiction de l'emploi du dessin d'un épi de blé et de maïs qui avait été signifiée au prévenu et qu'il n'a pas respectée ;
1°) alors que nul ne peut être condamné pour un délit constitué par la violation d'un interdit qui n'est pas défini précisément ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir que le délit de publicité trompeuse sur les qualités substantielles des oeufs vendus par le GIE X était constitué au prétexte que les oeufs de qualité "plein air" ou "biologique" commercialisés ne répondaient pas à la qualité exceptionnelle véhiculée par le personnage historique de Z, sans définir ni caractériser à quelle qualité particulière ou supérieure doivent répondre les oeufs commercialisés ;
2°) alors qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu le délit constitué par les conditions de commercialisation des oeufs " qui sont de nature à induire le consommateur en erreur sur la qualité exceptionnelle véhiculée par le personnage historique de Z, et par un message paru dans la revue Actualité du Pâtissier ; qu'en ne relevant pas que les conditions de commercialisation étaient visées par la publicité litigieuse, en ne caractérisant pas en quoi la commercialisation influait sur l'origine et la qualité des oeufs, en ne relevant pas que les consommateurs acheteurs lisaient la revue du pâtissier, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
3°) alors qu'il en est de même s'agissant de l'utilisation d'un épi de blé et de maïs reproduit sur les boites d'oeufs, dès lors que la cour d'appel n'a pas relevé qu'il y avait une erreur ou un mensonge sur la nourriture donnée aux poules pondeuses ;
4°) alors que n'établit pas le caractère volontairement mensonger ou de nature à induire en erreur le consommateur, la cour d'appel qui se borne à retenir que "l'interdiction de l'emploi du dessin d'un épis de blé et de maïs avait été signifiée au prévenu et qu'il n'a pas respecté" sans caractériser en quoi cette interdiction caractérisait un message trompeur ou mensonger pour le consommateur et sans même vérifier si la lettre du 17 juillet 1996 visée par la cour d'appel concernait bien les oeufs vendus sous la marque " Z " ;
Attendu que, pour déclarer Alain Y coupable de publicité mensongère, la cour d'appel relève que les oeufs commercialisés par le GIE X sous la marque " Z " dans un emballage représentant le Mont Saint-Michel avec la mention d'une adresse dans cette localité, le dessin d'épis de blé et de maïs, l'emploi des expressions " tradition ", " comme autrefois ", " selon un rite immuable " constituent une publicité trompeuse en ce qu'ils apparaissent liés à une personne et à un site prestigieux, alors que les lieux de production n'ont aucun rapport avec le Mont Saint-Michel et que les poules pondeuses ne sont pas nourries au grain mais au moyen d'aliments élaborés industriellement ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des énonciations procédant de leur appréciation souveraine, les juges du second degré ont justifié leur décision;d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
Rejette les pourvois.