Conseil Conc., 29 janvier 2003, n° 03-D-06
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine de la société Prisma Presse dans le secteur de la presse magazine économique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme de Mallmann, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, M. Nasse, vice-président, Mme Renard Payen, MM. Bidaud, Flichy, Gauron, Ripotot, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III A),
Vu la lettre enregistrée le 14 janvier 1998, sous le numéro 1008, par laquelle la société Prisma Presse a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupe Intermarché ; Vu le livre IV du Code de commerce, relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement, les sociétés ITM Entreprises, Vaural, Adeline, Egly Distribution, Fredec, Lobilak et Symap ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Prisma Presse, ITM Entreprises, Symap et Adeline, entendus lors de la séance du 3 décembre 2002 ; les sociétés Vaural, Egly Distribution, Fredec, Lobilak ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - Constatations
1. Par lettre enregistrée le 14 janvier 1998 sous le numéro F 1008, la société Prisma Presse a saisi le Conseil de la concurrence d'un dossier relatif à des pratiques constitutives, selon elle, de boycott, mises en œuvre par le groupe Intermarché.
A. - LE GROUPE ITM ENTREPRISES
2. La société anonyme ITM Entreprises, créée en 1972, possède toutes les enseignes du groupe Intermarché (Intermarché, Bricomarché, Vétimarché...), lesquelles sont concédées à des sociétés franchisées ayant pour objet l'exploitation d'un point de vente et détenues elles-mêmes par un adhérent personne physique. Le capital de la société ITM Entreprises est détenu par la société civile des Mousquetaires (SCM).
3. La SCM est elle-même détenue par la moitié environ des adhérents du groupe ITM Entreprises. Ces adhérents sont des chefs d'entreprise indépendants qui possèdent, individuellement, au moins la majorité absolue du capital de leur société, laquelle exploite un fonds de commerce sous l'une des enseignes appartenant à ITM Entreprises.
4. En plus de son activité de chef d'entreprise, chaque adhérent participe au titre d'un "tiers-temps" à l'ensemble des fonctions du groupement. Ces fonctions comprennent, notamment, les bases d'approvisionnement, les achats de marchandises, la publicité, l'informatique.
5. La société ITM Entreprises, qui a pour filiale la société ITM Marchandises International, est chargée des achats de marchandises.
B. - LE SECTEUR D'ACTIVITÉ CONCERNÉ PAR LES PRATIQUES
6. Les pratiques, dénoncées dans le cadre de la présente saisine, concernent le secteur des magazines économiques. De 1993 à 1997, l'évolution de la diffusion des magazines économiques (Capital, Challenges, Enjeux Les Échos, L'Entreprise, L'Essentiel du Management, L'Expansion, Le Nouvel Économiste) s'est élevée à près de 40 %.
7. Toujours sur la même période, la part de vente au numéro des magazines économiques a varié comme suit : en 1993 de 46 %, en 1994 de 45 %, en 1995 de 52 %, évolution qui comprend l'intégration du magazine L'Essentiel du Management, en 1996 de 54 % et en 1997 de 54 %.
8. La répartition par titres vendus (vente au numéro et abonnement), exprimée en milliers d'exemplaires, a été, pour 1997, de 422 pour Capital, 209 pour Challenges, 111 pour Enjeux, 114 pour L'Entreprise, 113 pour L'Essentiel du Management, 136 pour L'Expansion, 67 pour Le Nouvel Économiste.
9. Dans ses observations formulées à la suite de la notification des griefs, le commissaire du Gouvernement a indiqué, sans être contesté par les parties, que les parts de marché détenues par la revue Capital étaient passées de 34 % en 1996 à 36 % en 1997, tandis que ses ventes évoluaient de 393 000 à 422 000 exemplaires sur la période.
C. - LES FAITS
Les pratiques dénoncées
10. Dans sa lettre de saisine, la société Prisma Presse, dont l'activité consiste en la publication, l'édition, la production et la diffusion de magazines périodiques, notamment le magazine mensuel Capital, fait valoir que, dans le numéro 67 du mois d'avril 1997 de ce magazine, a été publié un article intitulé "Intermarché : les mousquetaires sont fatigués", faisant état de la situation du groupe Intermarché et des difficultés qu'il rencontre pour s'adapter aux nouvelles exigences du marché, cet article révélant certaines dissensions au sein du groupe, dues à son mode d'organisation qualifié d'opaque et de déséquilibré.
11. La partie saisissante soutient que, dès le dépôt dans les kiosques du numéro de Capital susvisé, la société ITM Entreprises a, "par la plume" d'un de ses dirigeants, diffusé une télécopie indiquant : "Très très urgent !!! Confidentiel à l'attention de l'adhérent
A tous les mousquetaires de la région parisienne.
Je vous avais parlé, lors de la dernière réunion régionale, de l'article que le magazine Capital préparait sur notre groupement et que selon sa teneur, nous ne resterions pas sans réagir.
Il est sorti.
Trop de mensonges nécessite une réaction immédiate de notre part.
On ne peut pas se laisser salir...
On ne peut pas se laisser salir chacun sur sa ville, et chacun dans ses points de vente.
Réagissons !
Rachetez tous les magazines Capital qui peuvent se trouver sur votre ville, ayez une réaction commune et déterminée avec vos collègues...".
12. La demanderesse soutient que ce "mot d'ordre de boycottage" a été suivi d'effet. A l'appui de cette affirmation, elle fournit un communiqué du Syndicat de la presse magazine et d'information et du Conseil supérieur des messageries de presse en date du 9 avril 1997 condamnant "l'attitude d'Intermarché", ainsi que cinq constats d'huissier établis à la requête des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) chargée d'assurer la distribution d'une partie de la presse depuis l'éditeur jusqu'au point de vente.
13. Ces constats, dressés, le 4 avril 1997, dans les magasins Intermarché de Castanet Tolosan, de Lavaur (81500), d'Egly (91500), de Gif-sur-Yvette (91190) et de Gometz-le-Chatel (91940), font état de l'absence du magazine Capital au rayon presse de ces magasins.
14. La société Prisma Presse a, aussi, communiqué des tableaux contenant le pourcentage d'invendus du magazine Capital de certains points de vente situés dans les magasins Intermarché. Ces tableaux concernent, d'une part, des points de vente Intermarché dans lesquels le taux d'invendus est soit proche ou égal à zéro, soit supérieur à la moyenne nationale (29 %) (tableau I), d'autre part, les cinq points de vente Intermarché dans lesquels des constats d'huissier ont été établis (tableau II).
EMPLACEMENT TABLEAU
15. La société Prisma Presse a également joint à sa saisine une lettre du 12 juillet 1997 de la SA Adeline, magasin Intermarché à Saint-Dié (88100), adressée à S.D.P. signée "M.C. Artuso" qui précise : "Je tiens à vous informer qu'à compter de ce jour, nous nous engageons à remettre en vente dans notre point de vente, la revue Capital...".
16. Enfin, elle a fourni une lettre en date du 7 avril 1997 signée par son directeur général et adressée à M. Gourgeon président de la société ITM Entreprises, qui indique : "... Par l'intermédiaire de nos délégués régionaux et également par voie de presse, nous avons appris que votre groupement avait décidé d'interdire le libre-accès des lecteurs au contenu de notre magazine Capital au fait que cette parution numéro 67 contenait un article sur votre groupement qui vous déplaisait. Nous avons d'ailleurs en notre possession copie du fax envoyé par Monsieur Jean-Pierre Meunier aux adhérents de votre groupement.
"Nous nous permettons de vous rappeler qu'il existe des voies juridiques pour intervenir en cas de désaccord avec le contenu d'un magazine ou d'un journal et qu'en aucun cas vous ne pouvez décider, soit de retirer ces publications des linéaires, soit par des rachats massifs, d'en interdire le libre accès aux lecteurs/acheteurs potentiels".
17. En cours d'instruction, la société Prisma Presse a indiqué que le nombre de magasins Intermarché en France disposant d'un point de vente presse distribuant le magazine Capital était de 472 en 1996, 523 en 1997, 569 en 1998.
Les explications fournies par ITM Entreprises
18. Répondant à la lettre précitée du 7 avril 1997, Monsieur Gourgeon a précisé, le 14 avril 1997 :
"J'accuse par la présente réception de votre courrier recommandé en date du 7 avril 1997 et en conteste formellement les termes.
Vous semblez encore une fois mal renseigné.
Le Groupement des Mousquetaires est un Groupement constitué de chefs d'entreprise indépendants.
Ces indépendants sont libres de leurs décisions de chef d'entreprise, et le contrôle de décisions individuelles ne rentre pas dans les pouvoirs d'ITM Entreprises.
Reste qu'en tant qu'adhérent, et comme le plus grand nombre d'entre eux, je me suis senti injustement attaqué. Mais ceci doit relever d'un autre débat. (...)"
19. L'auteur de cette lettre, entendu le 16 mars 1999 par la rapporteure, a déclaré qu'à la suite de la parution dans le magazine Capital de l'article en cause, une réaction très vive s'était produite chez tous les adhérents du groupe ITM Entreprises, qui "se sont sentis personnellement offensés".
20. L'intéressé a précisé, au sujet de la télécopie citée au point 10, que ce document était signé par M. Jean-Pierre Meunier, adhérent de l'enseigne ITM Bricomarché, qui s'occupe dans le cadre de son "tiers-temps" de la région parisienne et aurait diffusé ce message, auprès des magasins de ladite région parisienne, de sa propre initiative. Il a ajouté que si des magazines ont pu être retirés de certains points de vente, cela s'est produit à la suite "d'initiatives personnelles", et que "Capital a assigné ITM Entreprises pour entrave à la liberté de la presse et a été débouté de toutes ses demandes".
21. Enfin, M. Gourgeon a transmis une attestation de M. Meunier en date du 3 mars 1998 dans laquelle ce dernier déclare qu'"En mars 1997, j'ai pris connaissance de l'article du journal Capital intitulé "les Mousquetaires sont fatigués".
"Y découvrant une nuée de mensonges, d'erreurs ou d'oublis, et considérant cet article comme démontrant une volonté de nuire, j'ai de mon propre chef décidé d'adresser à certains de mes collègues chefs d'entreprise de la région parisienne un fax les invitant à réagir".
22. M. Gourgeon a également transmis des courriers adressés à Capital fin mars et courant avril par des adhérents Intermarché faisant part de leurs indignation à l'égard du contenu de l'article paru dans le magazine Capital n° 67 d'avril 1997. Il a précisé que l'installation ou le maintien ou non d'un "Point presse" relève de la seule décision de l'adhérent chez lui ou son point de vente, et qu'il n'existe, à sa connaissance, aucune filiale directe ou indirecte d'ITM Entreprises, ni aucune structure qui serait chargée de l'édition ou de la publication de presse.
D - LES GRIEFS NOTIFIÉS
23. Les griefs suivant ont été notifiés et maintenus au stade du rapport :
- à la société ITM Entreprises pour avoir mis en place une entente généralisée entre les adhérents ITM Entreprises afin que soit retiré ou ne soit pas disponible dans les points de vente presse des magasins Intermarché le magazine Capital n° 67 du mois d'avril 1997, pratique ayant eu pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et qui tombe sous le coup des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
- aux adhérents ITM Entreprises exploitant les magasins Intermarché, SA Symap à Castanet Tolosan (31120), SA Vaural à Lavaur (81500), SA Fredec à Gif-sur-Yvette (91190), SA Lobilak à Gometz-le-Chatel (91940), SA Adeline à Saint-Dié (88100), pour avoir mis en œuvre l'entente organisée par la société ITM Entreprises, pratique ayant eu pour objet et ayant pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et qui tombe sous le coup des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
II. - Sur la base des constatations qui précèdent,
A. - SUR LA PROCÉDURE
En ce qui concerne la régularité de la saisine du Conseil de la concurrence
24. La société ITM Entreprises fait valoir que la saisine est irrecevable au motif que, contrairement aux prescriptions de l'article 6 du règlement intérieur du Conseil de la concurrence, la société Prisma Presse n'a ni mentionné, dans sa saisine, le chiffre d'affaires de ses trois derniers exercices, ni annexé les bilans et comptes de résultat correspondants.
25. L'article 6 du règlement intérieur du Conseil de la concurrence énonce, en effet, que "... lorsque le demandeur est une entreprise, la saisine mentionne le chiffre d'affaires des trois derniers exercices ; elle est accompagnée des bilans et comptes de résultat correspondants...". Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que ces dispositions, d'ordre interne, seraient prescrites à peine d'irrecevabilité ou de nullité de la saisine. En conséquence, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la prescription
26. La société ITM Entreprises, déniant tout effet interruptif de prescription à la saisine de la société ITM en raison de son caractère irrégulier, fait valoir qu'aucun acte d'instruction n'a été accompli dans le délai de trois ans succédant aux faits et que, dès lors, ces derniers sont prescrits. La société Lobilak, soutient, pour sa part, qu'en l'absence de tout acte d'instruction diligenté à son encontre, l'action est prescrite à son égard. Enfin, la société Adeline oppose également que la prescription est acquise en l'espèce, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu depuis la saisine du Conseil de la concurrence en janvier 1998.
27. L'article L. 462-7 du Code de commerce dispose que "Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction". Il convient, à cet égard, de relever que la saisine ayant été, contrairement aux moyens développés par la société ITM Entreprise, régulièrement effectuée, cet acte a valablement interrompu le délai de trois ans commençant à courir à compter de l'accomplissement des faits reprochés. Par ailleurs, il résulte d'une jurisprudence constante et, notamment, d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 9 mars 1999, SA Seco Desquenne et Girel Construction, que "(...) le Conseil étant saisi des pratiques d'entente dans leur ensemble et non marché par marché, l'interruption de la prescription produit un effet à l'égard de toutes les parties qui y sont impliquées, y compris à l'égard de celles qui n'ont pas été entendues dans le délai [de trois ans] (...). En application de ces principes, les procès-verbaux d'audition de M. Axel Ganz, et de M. Gourgeon, établis respectivement le 26 novembre 1998 et le 16 mars 1999, soit à des dates postérieures à la saisine du Conseil, puis, la notification de griefs et le rapport ont interrompu la prescription à l'égard de toutes les parties.
28. En conséquence, les moyens invoqués par les sociétés ITM Entreprises, Lobilak et Adeline doivent être écartés.
B. - SUR LE FOND
29. Sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les moyens de procédure relatifs à la validité des constats d'huissier ;
30. L'article L. 464-6 du Code de commerce dispose que : "Lorsque aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie, le Conseil de la concurrence peut décider, après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure" ;
31. Il est reproché aux entreprises en cause d'avoir mis en œuvre une pratique d'entente anticoncurrentielle consistant à faire retirer de la vente le magazine Capital n° 67 du mois d'avril 1997, pratique mise en œuvre à la suite d'une télécopie adressée par M. Jean-Pierre Meunier, adhérent de l'enseigne ITM Bricomarché, administrateur à tiers-temps d'ITM Entreprise pour la région parisienne et invitant "(...) tous les mousquetaires de la région parisienne" à racheter "tous les magazines Capital qui peuvent se trouver sur votre ville(...)" ;
32. Par un arrêt du 22 octobre 2002, société Vidal, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que "(...) le boycott constitue une action délibérée en vue d'évincer un opérateur du marché ; qu'ayant estimé que les pratiques arguées de boycott (...) ne pouvaient être ainsi qualifiées, dès lors que la volonté d'éviction de la société Vidal par la FFSA n'était pas établie, la cour d'appel (...) a statué à bon droit ; (...)"
33. En l'espèce, le Conseil relève, en premier lieu, qu'aucun élément figurant au dossier ne permet de contredire l'affirmation de M. Meunier selon laquelle ce dernier aurait agi de façon individuelle, de sa propre initiative et sans aucune concertation avec les dirigeants de la société ITM Entreprises. Au contraire, le Conseil relève que le document télécopié en cause a été rédigé sur un papier qui ne comporte aucun en-tête et que M. Meunier n'y fait nullement mention de ses fonctions et ne se réfère à aucune décision du groupe.
34. En second lieu, les termes de ce document, "(...) trop de mensonges nécessite une réaction immédiate de notre part. On ne peut se laisser salir... On ne peut pas se laisser salir chacun sur sa ville, et chacun dans ses points de vente (...)" démontrent que ce message, et l'invitation qu'il comportait, ne concernait qu'un numéro et avait pour seul objectif la défense de l'image de marque du groupe Intermarché.
35. Il résulte de ces éléments qu'aucune volonté d'éviction du magazine Capital ou de la société Prisma Presse, quel que soit le marché retenu, n'est établieet que, dès lors, les entreprises en cause ne peuvent se voir reprocher d'avoir organisé un boycott de ce magazine ou de cette entreprise. Il s'ensuit que l'objet anticoncurrentiel de la pratique n'est pas établi.
36. Par ailleurs, outre le fait que les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que la télécopie en cause a effectivement été adressée et reçue par ses destinataires, il n'est pas non plus démontré que la pratique alléguée aurait eu ou aurait pu avoir un effet sur les ventes de magazines économiques en général, et sur celles de Capital en particulier.
37. En effet, et pour autant que les constats d'huissier produits, dont la validité est contestée, puissent être retenus dans le cadre d'un faisceau d'indices, il convient de relever que ces constats ne concernent que cinq magasins, dont un (Egly) n'est pas un point de vente Intermarché, alors qu'il en existait, au moment des faits dénoncés, 523 établis sur le territoire national, dont 150 en région parisienne. A cet égard, les termes de la lettre adressée le 12 juillet 1997, par la société Adeline, à la société SDP, repris au point 15, sont insuffisants, à eux seuls et faute d'être assortis d'autres éléments, pour établir que cette société aurait, à la suite de la réception de la télécopie de M. Meunier, procédé au retrait du magazine Capital de son point de vente, dans le but d'évincer cette revue du marché.
38. Par ailleurs, s'agissant des invendus, les données, produites par la société saisissante, sont, ainsi que l'avait relevé la notification des griefs, insuffisamment précises quant aux dates en cause, pour contribuer à établir que le magazine n° 67 d'avril 1997 n'a pas été disponible en rayon. Le Conseil relève, à cet égard, que la société Prisma Presse n'a produit aucun élément permettant de corroborer sa démonstration sur ce point.
39. Enfin, ainsi que le démontrent les éléments énoncés au point 9, les parts de marché détenues par le magazine Capital sont passées de 34 % en 1996 à 36 % en 1997, tandis que ses ventes évoluaient de 393 000 à 422 000 exemplaires sur la même période.
40. Dès lors, il résulte de ce qui précède que la preuve n'est pas rapportée que les sociétés ITM Entreprises, Symap, Vaural, Fredec, Lobilak et Adeline ont mis en œuvre une pratique de concertation ayant eu pour objet et/ou pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence, prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Il convient, dans ces conditions, de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce, précité.
DÉCIDE
Article unique - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure à l'encontre des sociétés ITM Entreprises, Symap, Vaural, Fredec, Lobilak et Adeline.