Cass. crim., 17 septembre 2002, n° 01-85.891
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Agostini
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par Denis M, Gérard G contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 21 juin 2001, qui, pour infraction au Code de la consommation et escroqueries, a condamné le premier à 14 mois d'emprisonnement avec sursis et 200 000 francs d'amende, le second à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 80 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; - I. Sur le pourvoi de Gérard G : - Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II. Sur le pourvoi de Denis M : - Vu le mémoire produit ; - Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Denis M coupable de publicité de nature à induire en erreur, pour avoir présenté un crédit différé comme un crédit gratuit (0 F pendant un an) ;
" aux motifs que le message publicitaire indiquant " 0 F pendant un an " était de nature à induire en erreur le consommateur étant précisé qu'il ne s'agissait que de différés de règlement, le plus souvent des loyers d'un leasing ; que, le 23 mars 1998, Gilbert Le Donge souscrivait, dans le cadre de l'opération " 0 F pendant 12 mois " ; le client envisageait de payer sa cuisine au comptant, mais se laissait convaincre par les arguments du vendeur ; ultérieurement, il apparaissait que l'opération s'analysait aux yeux du financeur comme étant une location-vente, alors qu'elle était présentée comme un crédit gratuit pendant un an ; le client était très manifestement trompé sur les caractéristiques du financement proposé ; il apparaissait d'ailleurs que, compte tenu de l'indemnité demandée, l'intérêt sur 12 mois s'établissait à 25,16 % ; que, le 14 octobre 1988, les époux Maline, à la suite d'un achat d'une cheminée par le voisin, étaient démarchés par M. Madec, vendeur de X, dans le cadre de l'opération " 0 F pendant un an " ; un bon de commande était signé le 14 octobre 1988 pour l'achat d'un salon et d'une cheminée sous la forme d'une location-vente ; le prix était ramené de 53 852 F à 48 000 F, avec proposition de différé du remboursement du financement jusqu'au mois de février 1990 (livraison en novembre 1989) ; le financement de 48 000 F était remboursé en 96 loyers de 1 044 F ; toutefois, au moment de solder le comptant en février 1990, V réclamait une somme totale de 59 122,75 F incluant les intérêts sur l'année écoulée, pour un montant de 11 122,76 F (soit un intérêt de 23,17 %) ; il était remarqué que V négociait les rachats de location-vente alors que les contrats ne comportaient aucune clause de rachat en cours de contrat et que les indemnités réclamées étaient fixées unilatéralement par V ; qu'une commande était passée en novembre 1988 par Michelle Lagadec, épouse Lamour, pour un insert de cheminée, en essayant en outre de lui vendre un salon à des conditions de prix et de financement avantageux ; le prix du salon était ramené de 34 964 F à 28 360 F ; on lui proposait également de différer les remboursements du financement à partir du mois d'avril 1990, tout en réservant la possibilité de remboursement par anticipation ; le bon de commande était signé ainsi ce qui s'avérait être une offre de location-vente, avec un différé de remboursement de 12 mois ; le montant du financement de 28 360 F correspondait au prix comptant et la cliente s'engageait pour 72 loyers de 658,83 F, le vendeur précisant qu'il n'y aurait pas d'intérêts à payer en cas de remboursement anticipé ; toutefois, le 12 décembre 1988, la cliente se rendait à Y pour demander que ce point particulier figure sur le bon de commande, qui était complété par M. Garcia, directeur du magasin, Y s'engageant à régler les intérêts éventuels sur la première année ; la cliente était à nouveau recontactée par le magasin, qui indiquait, le 16 décembre 1988, que les mensualités étaient en réalité de 762,29 F ; au moment de la réalisation, V réclamait 5 027,33 F à titre d'indemnité pour remboursement anticipé et le successeur de M. Garcia, M. Muller, indiquait qu'il n'était pas question de respecter la clause figurant sur le bon de commande, dont la validité était contestée par Y pour absence de signature du directeur du magasin ; le litige était toutefois réglé grâce à l'intervention de la DCCRF ; il apparaissait donc que la publicité pratiquée par Y était en fait mensongère puisque la présentation en était de : " 0 F pendant un an ", ce que tous les clients interprétaient comme étant l'absence d'intérêts demandés pour cette période, ce qui leur permettait de faire éventuellement un différé d'un an dans le paiement ; toutefois, Y et la société de financement analysaient l'opération comme étant en réalité une location-vente et que, si les intérêts n'étaient pas réclamés la première année, ils étaient en réalité reportés sur les années suivantes et étaient donc, en tout état de cause, payés ; il y avait là un abus dans la présentation constitutive de publicité mensongère ;
" alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Denis M, analysant la publicité incriminée, faisait valoir qu'à côté du titre " votre cuisine pour 0 F pendant un an ", sur le côté gauche et exactement à la même hauteur, il était mentionné lisiblement une explication commençant par une mention écrite en caractères typographiques épais, donc lisible pour n'importe qui : " location avec option d'achat " ; qu'ainsi, conformément aux dispositions de l'actuel article L. 311-4 du Code de la consommation réglementant la publicité sur le crédit, la nature de l'opération de crédit proposée était parfaitement qualifiée ; que l'on trouvait ensuite : " après acceptation du dossier par V ; aucun paiement pendant un an puis, selon votre choix de 18 à 60 mensualités " ; qu'il était donc parfaitement clair que l'annonceur proposait de ne rien payer pendant un an (" 0 F pendant un an - aucun paiement pendant un an ... versement à la commande 0 F ; 0 F pendant douze mois et 824,42 F pendant 36 mois ; total des loyers : 29 679,12 F ; assurance décès ITT compris "), le prix au comptant de 17 900 F étant mentionné de manière apparente dès le début de l'exemple qui suivait le texte précédent ; qu'il résulte que le coût de l'opération pendant sa durée totale, s'obtenant par simple soustraction du prix au comptant du montant total des loyers était donc de 11 779 F, le prix de vente au comptant étant majoré de 65,80 %, ce qui est déjà considérable et ce qui ne pouvait pas laisser croire à une opération particulièrement avantageuse et qu'ainsi, il résultait clairement des mentions de la publicité elle-même qu'il s'agissait d'un paiement différé et qu'en omettant d'analyser, comme elle y était invitée par les conclusions du demandeur, la publicité qui était soumise à son appréciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Denis M coupable de publicités de nature à induire en erreur en présentant l'attribution d'une remise d'un mois de salaire, alors que cette remise était de fait soumise à des conditions relatives au montant de l'achat ;
" aux motifs, propres ou repris des premiers juges, que les publicités mentionnant une remise d'un mois de salaire étaient, de par la disproportion entre cette annonce alléchante imprimée en très gros caractères et les mentions obscures ou ambiguës écrites en typographie minuscule, de nature à induire le chaland en erreur et à l'attirer de manière à ce qu'il téléphone au magasin ; que cette publicité faite en février 1991 dans le magasin quimpérois, dans certains journaux gratuits et dans les magazines télé stars et télé 7 jours se présentait de la manière suivante : "pour faciliter votre achat de cuisine nous vous offrons 1 mois de salaire" en gros caractère gras, le chiffre 1 portant en surimpression la mention "c'est possible ?" en caractère gras plus petits tandis que, sous le mot "salaire", figure la mention suivante imprimée en petits caractères "à valoir sur votre achat d'une cuisine (valeur meubles) selon barème au magasin (sur justificatif de salaire net)" ; "que telle qu'elle est conçue et rédigée, cette publicité fait croire au consommateur moyen que, s'il achète une cuisine, il lui sera offert un mois de salaire, l'exigence, fût-ce en petits caractères, d'un justificatif de salaire net renforçant cette conviction ; que c'est ainsi que Norbert Moinier, adhérent mosellan de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie (CSCV) s'est présenté au magasin Y de Terville afin de bénéficier de cette offre mais s'est vu répondre que, son salaire étant de 20 000 F net, il ne pouvait pas bénéficier de la promotion, sauf sur l'achat d'une cuisine de 100 000 F alors non disponible (D 309) ; qu'en fait, l'application du barème démontrait que les promesses de la publicité n'étaient pas tenues dès lors qu'il n'était pas tenu compte du salaire du client intéressé mais qu'il s'agissait simplement d'une remise proportionnelle au prix indiqué dans le barème, les vendeurs entendus sur ce point indiquant d'ailleurs que le salaire de référence était de l'ordre de 5 000 F par mois ; que l' emphase et l'hyperbole n' ayant pas leur place dans une publicité faisant une offre quantifiée (1 mois de salaire) et référence à l'application d'un barème avec les caractères de certitude et de rigueur qui s'attachent aux chiffres pour le consommateur, la publicité litigieuse est trompeuse et tombe sur le coup de dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;
" alors que la publicité doit s'apprécier au regard de ce que peut en comprendre un consommateur moyen normalement avisé ; qu'une publicité qui fait suivre en caractère gras la mention " c'est possible ? " après la mention " pour faciliter votre achat de cuisine nous vous offrons un mois de salaire " invite nécessairement le consommateur à se reporter aux conditions qui suivent, fussent-elles indiquées en caractères moins apparents ;
" alors que les juges du fond, qui admettaient expressément que, pour interpréter la publicité incriminée, le consommateur moyen ne pouvait que se reporter à la mention figurant en petits caractères relative à l'exigence d'un justificatif de salaire net, ne pouvaient, sans se contredire, refuser de considérer que le même consommateur moyen ne pouvait que prendre en compte la mention figurant dans les mêmes caractères relative à la référence au barème du magasin, mention complétant d'évidence la mention en caractères gras " c'est possible ? " ;
Les moyens étant réunis : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société "X" exploite, directement ou en franchise, de nombreux magasins vendant des éléments d'équipement de cuisines, de salle de bains et de cheminées ; que Denis M, dirigeant, et Gérard G, directeur commercial titulaire d'une délégation de pouvoir, ont notamment été poursuivis pour avoir effectué deux campagnes de publicité trompeuse ;
Attendu que, pour retenir que l'annonce " 0 F pendant un an " était de nature à induire en erreur, les juges d'appel, par motifs propres et adoptés, relèvent que plusieurs consommateurs ont interprété ce message comme les déchargeant du paiement d'un an d'intérêts, alors qu'il ne s'agissait que d'un simple différé de paiement d'échéances de crédit ou de location-vente ;
Attendu par ailleurs que, pour retenir que l'annonce de l'attribution de la remise d'un mois de salaire sur le prix d'achat d'un bien était également de nature à induire en erreur, l'arrêt retient que cette annonce alléchante, imprimée en très gros caractère, au contraire des mentions obscures, ambiguës, et écrites en typographie minuscule " A valoir sur votre achat d'une cuisine selon le barème au magasin - sur justificatif de salaire net ", attirait le consommateur qui se voyait en définitive offrir une simple remise proportionnelle au prix de vente indiqué sur le barème ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui relèvent de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions des parties, a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 112-1 du Code pénal, 512 et 524 du Code civil, 1er de la loi n° 172-1137 du 22 décembre 1972, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Denis M coupable d'infraction aux règles de démarchage ou de vente à domicile ;
" aux motifs que les effets mobiliers ne deviennent immeubles par destination, aux termes des articles 524 et 525 du Code civil, que si le propriétaire de I'immeuble les immobilise et les affecte au service de l'immeuble ; tel ne peut être le cas de meubles de cuisine ou d'éléments de cheminées acquis par des locataires ou pris en location avec option d'achat dite "leasing" où lesdits objets restent propriété du loueur finançant l'opération ; de plus, en cas d'achat véritable, les crédits à la consommation dont s'agit sont tous des contrats V relatifs à des achats d'objets mobiliers ; il ne peut donc être argumenté sérieusement que les règles relatives au démarchage à domicile ne s'appliquaient pas à l'espèce, d'autant que des éléments préfabriqués de cuisine ne peuvent être compris parmi les meubles attachés à perpétuelle demeure, même s'ils ont été acquis par un propriétaire et fixés par lui avec des crampons dans un mur, car celui qui les emporte peut facilement et sans altérer la substance de l'immeuble, les détacher en effectuant au besoin de légers travaux de replâtrage sur le mur auquel ils étaient attachés ; de plus, le fait que la loi, en sa rédaction du 23 juin 1989 s'applique expressément aux opérations sur les immeubles par destination, ne change rien à la question, d'autant que ce texte prenait acte d'une jurisprudence antérieure ;
" alors que, selon l'article 1er de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 applicable à l'époque des faits, seuls des "marchandises ou objets quelconques", c'est-à-dire interchangeables, étaient soumis à la législation sur le démarchage et que par conséquent, ainsi que le faisait valoir Denis M dans ses conclusions régulièrement déposées et de ce chef délaissées, des cuisines non standard parce qu'elles sont commandées spécialement aux mesures données par le client n'étaient pas soumises à cette loi ;
" alors que, si des équipements ménagers constituant des meubles standard peuvent ne pas recevoir la qualification d'immeubles par destination, tel n 'est pas le cas de cuisines commandées aux mesures du client qui constituent d'évidence des immeubles par destination ;
" alors que la cour d'appel qui, ainsi qu'elle y était invitée à le faire par les conclusions du demandeur compte tenu de sa saisine, ne s'est pas expliquée sur la nature juridique des cheminées, a privé sa décision de base légale " ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 du Code pénal, L. 121-26, L. 121-28, L. 311-27 et L. 311-28 du Code de la consommation, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Denis M coupable d'infraction aux règles du démarchage à domicile en obtenant le jour du démarchage la signature d'autorisation de prélèvement bancaire ;
" aux motifs que l'autorisation de prélèvement bancaire, même si elle peut être révoquée par le signataire, est une contrepartie, quelle que soit la suite donnée au contrat qui lui a servi de fondement, en effet, la loi entend protéger le consommateur démarché et empêcher que soit obtenu de lui quelque engagement ; les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, codifiant la loi du 10/01/78 dite " Scrivener " et dont il sera observé qu'ils ne concernent pas le financement des " immeubles ", ne sont pas en contradiction avec les dispositions de l'article L. 121-26 du même Code ainsi précisées ; en effet, l'article L. 311-27 ne concerne pas les ventes lors d'un démarchage à domicile et l'article L. 311-28 ne fait que rappeler les règles posées par l'article L. 121-26 ;
" alors que le principe de sécurité juridique implique qu'un prévenu ne se voit pas pénalement condamné sur le fondement d'un texte qui lui interdit un acte tandis que selon un autre texte, cet acte est licite ; que les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation ne peuvent être interprétées comme interdisant à peine de sanction pénale la signature par la personne démarchée à domicile en vue de l'achat d'un bien ou d'un service d'une autorisation de prélèvement bancaire avant l'expiration du délai de réflexion prévu par l'article L. 121-25, parce qu'une telle interprétation vient contredire les dispositions des articles L. 311-27, alinéa 22 et L. 311-28 du même Code, d'où il résulte clairement que la signature d'une autorisation de prélèvement pendant le délai de réflexion est parfaitement licite " ;
Les moyens étant réunis : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Denis M a également été poursuivi pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile ;
Attendu que, pour dire ces délits constitués, les juges d'appel énoncent que la vente d'éléments préfabriqués de cuisine ou de cheminées entre dans les prévisions de l'article 1er de la loi du 22 décembre 1972, devenu l'article L. 121-21 du Code de la consommation ; qu'ils en déduisent que le vendeur ne peut, avant l'expiration du délai de réflexion, obtenir du client une autorisation de prélèvement ; qu'ils ajoutent que cette interdiction, qui résulte de l'article L. 121-26 du Code précité, n'est pas en contradiction avec les dispositions de l'article L. 311-27 du même Code, qui ne concernent pas les ventes à domicile ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ; que les moyens ne peuvent, dès lors, être admis ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 405 de l'ancien Code pénal, L. 121-1 et suivants et L. 122-8 du Code de la consommation, 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Denis M coupable des faits d'escroquerie, infractions aux règles du démarchage à domicile et abus de faiblesse poursuivis pour la période postérieure au 21 juin 1989 ;
" aux motifs que Gérard G a accepté et reçu le 21 juin 1989 une délégation de responsabilité avec pour fonctions :
- d'embaucher le personnel du centre " X " de Quimper,
- de licencier si nécessaire,
- de donner toutes instructions,
- de veiller au respect de la réglementation,
- de participer à la formation,
- d'expliquer les campagnes promotionnelles et publicitaires,
- de coordonner l'ensemble des services des trois magasins et de les animer ;
" les employés, notamment vendeurs, ont indiqué qu'ils ont reçu régulièrement de Gérard G, dès avant cette délégation d'ailleurs, les directives et techniques de vente ;
" divers consommateurs l'ont eu comme correspondant au téléphone au titre de la direction du magasin ;
" s'il a débuté comme vendeur, son parcours professionnel et sa rémunération d'environ 40 000 F par mois à l'époque permettaient de considérer qu'il avait tant les aptitudes que l'autorité et les moyens d'exercer ces responsabilités ;
" il résulte de la procédure et d'un article publié en avril 1991 dans la revue " Armor Magazine " que Denis M est à l'origine de la politique commerciale en cause, a toujours revendiqué la paternité des "concepts" et méthodes employés qui lui ont permis, à partir de rien, de hisser sa société parmi les plus brillantes du palmarès de l'époque avec un chiffre d'affaires de deux milliards de francs pour 1989 et la création de nombreux points de vente nouveaux chaque année ;
" cette délégation de responsabilité, si elle permet de rechercher Gérard G pour la période postérieure au 21 juin 1989, n'exclut pas la responsabilité du dirigeant de l'entreprise pour toute la période objet des poursuites ;
" alors que le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction et qui a rapporté la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, ne saurait être condamné pénalement ; que l'arrêt attaqué a expressément constaté que Denis M rapportait la preuve qu'il avait, le 21 juin 1989, délégué ses pouvoirs comprenant l'obligation notamment de veiller au respect de la réglementation à Gérard G qui bénéficiait de la compétence, de l'autorité et des moyens pour exercer ses responsabilités et qu'en l'état de ses constatations, en retenant la responsabilité pénale de Denis M au titre des infractions poursuivies postérieures au 21 juin 1989, en se référant à la considération générale que ces infractions constituaient un élément de la politique commerciale suivie par lui et génératrice des profits réalisés par la société X, cependant qu'elle ne constatait pas la participation personnelle de Denis M à ces infractions, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;
" alors que méconnaît le principe de la présomption d'innocence, la décision des juges répressifs qui retient la responsabilité pénale d'un chef d'entreprise responsable d'un réseau de franchise de 110 établissements au titre d'une série d'infractions ponctuelles perpétrées dans un de ces établissements en se référant de manière générale à sa politique commerciale et aux " concepts " dégagés pour la conduire tout en constatant expressément qu'il a délégué ses pouvoirs à un salarié dans les conditions prévues par le droit interne " ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 405 de l'ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Denis M coupable d'escroqueries ;
" aux motifs que les méthodes utilisées sous les enseignes " X " ont pris parfois le caractère de manœuvres et avaient toujours pour objet d'obtenir d'un client la souscription d'une commande et des engagements financiers ; si la pseudo-intervention, peut-être pré-enregistrée, d'une animatrice de télévision n 'apparaît pas déterminante dans la remise de fond ou d'un engagement et relève plutôt d'un abus de faiblesse à l'égard de la personne handicapée visée au dossier, les crédits présentés comme " gratuits " alors qu'il n'y avait qu'un différé de remboursement ou de paiement des loyers du " leasing ", les exposés pseudo-techniques avec étude thermique ou calorifique et les méthodes de passage de relais décrites plus haut étaient en réalité des manœuvres dolosives, imaginées, conçues, mises au point et mises en œuvre pour abuser une clientèle " ciblée " comme vulnérable et obtenir indûment des commandes qui, sans celles-ci, n'auraient pas été passées ; il s'agit donc bien là d'escroqueries, mises en œuvre par celui qui revendique dans l'interview déjà citée d'avril 1991 la paternité des " concepts " et méthodes utilisés ; elles ont été ensuite mises en application par Gérard G qui formait les commerciaux après leur recrutement ; Denis M doit donc être déclaré coupable pour toute la période objet des poursuites et Gérard G pour celle postérieure à la délégation de responsabilité du 21 juin 1989 ;
" alors que le délit d'escroquerie suppose l'usage par le prévenu de l'un des moyens énumérés par l'article 405 de l'ancien Code pénal ; que les manœuvres frauduleuses visées par ce texte ne sauraient se confondre avec la seule formulation d'idées mais suppose des actes aux contours précis et que l'arrêt, qui est entré en voie de condamnation à l'encontre de Denis M, président directeur général de la société X exploitant de très nombreux commerces en France sans constater sa participation personnelle aux escroqueries poursuivies, lesquelles concernent seulement quelques clients d'une entreprise qui en comptent des milliers, mais en se référant exclusivement à la considération " que Denis M revendique la paternité des concepts et méthodes utilisés, lesquels ont pris " parfois " le caractère de manouvres ", n'a pas, par ce motif vague et général, caractérisé le délit d'escroquerie retenu à son encontre " ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, alinéa 1er du Code pénal, 7 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 décembre 1992, 485, 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Denis M coupable d'abus de faiblesse ;
" aux motifs que les clients dont s'agit, étaient manifestement, et pour des raisons diverses, fragilisés face à la politique commerciale et aux pratiques agressives mises en œuvre sur les " concepts " de Denis M ; les démarcheurs ont largement abusé de situations sociales, psychologiques ou médicales précaires pour faire souscrire à tout prix des commandes hors de proportions avec les besoins et les possibilités financières des clients ; ceux-ci n'ont manifestement pas été en situation de mesurer la portée des engagements qui leur étaient demandés et qu'ils ont finalement souscrits ; les " commerciaux " agissaient ainsi en fonction des directives reçues et motivées par le système d'intéressement au chiffre d'affaires ; ce concept mis en œuvre et encouragé par Denis M accompagné par Gérard G après juin 1989 doit entraîner la responsabilité de ceux-ci ;
" alors que le délit d'abus de faiblesse est un délit intentionnel ; que, pour déclarer un prévenu coupable d'abus de faiblesse, les juges doivent constater que celui-ci connaissait la situation d'ignorance ou de faiblesse de la victime ou sa particulière vulnérabilité et que les motifs du juge du fond, d'où il ne résulte pas que Denis M ait eu le moindre contact avec les prétendues victimes de faiblesses, ait connu leur situation particulière et ait donné la moindre directive aux vendeurs pour se conduire ainsi qu'ils l'ont fait à leur égard, ne permettent pas de justifier la décision de condamnation qui a été prononcée à son encontre ;
" alors que le système d'intéressement des vendeurs au chiffre d'affaires est un système tout à fait licite et que l'instauration d'un tel système par un chef d'entreprise ne permet pas à lui seul de faire présumer sa participation à une quelconque infraction " ;
Les moyens étant réunis : - Attendu que pour déclarer Denis M, coupable des infractions poursuivies, les juges d'appel relèvent que le prévenu participait directement à la mise au point des campagnes publicitaires dont le lancement n'avait lieu qu'avec son accord et qu'il agissait directement sur leur organisation ; que les juges ajoutent que Denis M revendique lui-même les concepts et les méthodes de la politique commerciale agressive mise en œuvre, sur ses directives, par des commerciaux encouragés par lui et motivés par un système d'intéressement ; qu'ils soulignent le caractère dolosif des manœuvres, imaginées et mises en œuvre par le prévenu pour abuser une clientèle ciblée, et constituées par l'annonce de crédits faussement gratuits, d'exposés pseudo-techniques ou de l'intervention successive de plusieurs vendeurs ; que les juges en déduisent que la délégation de responsabilité consentie à Gérard G, directeur commercial, le 21 juin 1989, n'exclut pas la responsabilité pénale du prévenu ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a souverainement constaté l'implication personnelle de Denis M dans la commission des infractions, a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme : - Rejette les pourvois.