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Décisions

CCE, 14 décembre 1979, n° 80-256

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Matériel hi-fi Pioneer

CCE n° 80-256

14 décembre 1979

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1) et notamment son article 3, vu la demande présentée à la Commission par M. B. Iffli, directeur général des établissements Iffli SA à Metz et président d'un groupement français d'achat de matériel hi-fi (haute fidélité) dénommé " Connexion ", dans sa lettre du 28 février 1976 et dans sa lettre complémentaire du 16 mars 1976, visant à constater des infractions aux règles de concurrence commises par les concessionnaires exclusifs du matériel Pioneer pour la France et la République fédérale d'Allemagne, vu la décision d'engager la procédure au titre de l'article 9 paragraphe 3 du règlement n° 17, arrêtée le 19 juillet 1978, après avoir entendu les entreprises intéressées conformément aux dispositions de l'article 19 du règlement n° 17 et à celles du règlement n° 99-63-CEE du 25 juillet 1963 (2), vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli le 30 octobre 1979, conformément aux dispositions de l'article 10 du règlement n° 17,

1. LES FAITS

considérant que les faits principaux sont les suivants:

A. LA DISTRIBUTION DU MATÉRIEL PIONEER EN REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE, EN FRANCE ET AU ROYAUME-UNI

1) Le groupe Pioneer

I. La Pioneer Electronic Corporation, Tokyo (Japon) figure parmi les principaux producteurs mondiaux d'appareils hi-fi. Son chiffre d'affaires est passé de 530 millions de dollars des États-Unis en 1976 à 843 millions de dollars des États-Unis en 1977. Elle compte plus de vingt filiales dans différentes parties du monde.

2. La plupart des produits Pioneer vendus en Europe sont importés par la filiale Pioneer Electronic (Europe) NV, Anvers (Belgique), ci-après dénommée "Pioneer". Avant 1971, Pioneer avait son siège statutaire à Zurich (Suisse). En 1976, une filiale européenne de production, Pioneer Electronic Manufacturing NV, Mere-Erpe (Belgique), a été créée principalement en vue de la production de haut-parleurs et d'accessoires.

3. Pour l'exercice se terminant le 30 septembre 1976, Pioneer a vendu dans les trois pays concernés des produits hi-fi à ses distributeurs exclusifs pour une valeur globale de (prix ex-Anvers):

- Allemagne (RF) : ...(3) ...francs belges,

- France : ... francs belges,

- Royaume-Uni : ...francs Belges.

d) Pioneer s'engage à ne pas vendre ses produits à des tiers pour la distribution sur ce territoire

2) Le système de distribution exclusive de Pioneer dans la Communauté économique européenne

4. Au moment où se déroulaient les faits relatifs à la présente affaire, Pioneer avait des distributeurs exclusifs indépendants dans sept pays de la Communauté : Belgique, Danemark, république fédérale d'Allemagne, France, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni. Il semble toutefois que, depuis 1978, Pioneer se soit orienté pour l'Europe vers la création au niveau national de filiales de distribution à 100 % ou de filiales communes. En fait, les concessionnaires danois, allemands et britanniques ne sont actuellement plus indépendants.

Le système d'exclusivité de Pioneer se présente de la façon suivante dans les États membres visés dans la présente affaire :

a) République fédérale d'Allemagne.

5. C. Melchers & Co, Brême, ci-après dénommé " Melchers ", a conclu avec Pioneer, le 1er janvier 1966, un accord de distribution exclusive pour le territoire de la République fédérale d'Allemagne et de Berlin-Ouest. Cet accord stipulait notamment à l'article 10, intitulé "autres termes et conditions" :

c) le distributeur s'engage à ne pas vendre, distribuer ou promouvoir les ventes d'une gamme similaire de produits concurrents fabriqués au Japon, à l'exception des produits Sony, et à ne solliciter ni accepter des commandes destinées à être vendues ou livrées hors du territoire concédé ;

d) Pioneer s'engage à ne pas vendre les produits à des tiers pour les distribuer sur le territoire concédé et à mettre tout en œuvre pour que des tiers ne puissent écouler ses produits sur ce même territoire (4).

6. Un nouvel accord a été conclu le 18 juillet 1967 qui stipulait notamment à l'article 12 intitulé "autres termes et conditions" :

c) Le distributeur peut livrer des produits Pioneer dans d'autres pays du Marché commun. Il ne peut cependant solliciter des commandes hors du territoire concédé ;

d) Pioneer s'engage à ne pas vendre ses produits à des tiers pour la distribution sur ce territoire ;

e) Le concédant protège le distributeur en lui transmettant toutes les demandes émanant directement de tiers installés sur le territoire concédé (5).

Cet accord prévoit, en outre, un certain nombre d'obligations, et notamment une obligation d'achat minimal (article 5), l'obligation de faire rapport sur l'état du marché et de soumettre périodiquement des programmes de vente (article 8), l'obligation d'assurer le service après-vente aux utilisateurs des produits sur le territoire (article 10) et l'obligation de faire de la publicité (article 11).

Ce nouvel accord du 18 juillet 1967 montre que Pioneer avait l'intention de respecter les règles communautaires de concurrence et en particulier les dispositions du règlement n° 67-67-CEE (6).

7. A partir du 1er janvier 1978, la distribution des produits Pioneer a été confiée à Pioneer-Melchers GmbH, une nouvelle société dont 40 % du capital autorisé devaient être détenus par Pioneer et 60 % par Melchers. Cette dernière société poursuit des activités commerciales dans d'autres branches.

8. Melchers a constitué un réseau de plus de mille revendeurs et sept représentants locaux, dont M. D. Full (Karlsruhe), qui sont chargés des contacts avec les revendeurs d'une zone déterminée et de la promotion des ventes de produits Pioneer au niveau local. Les ventes de Melchers aux grossistes sont exceptionnelles, cette entreprise n'a traité qu'avec deux d'entre eux:

(1) Brummelhaupt, Cologne, à qui Melchers a commence ses livraisons à partir de 1970

et

(2) Otto Gruoner KG, Rommelshausen, ci-après dénommé Gruoner, qui a commencé à se fournir auprès de Melchers en mars 1976.

En 1975, Melchers a également effectué plusieurs ventes à EVB, Stuttgart, ci-après dénommée EVB, entreprise spécialisée dans l'exportation notamment à destination de la Turquie.

b) France

9. Musique diffusion française, Vélizy-Villacoublay, ci-après dénommé " MDF ", qui existe depuis 1973, est depuis plusieurs années le concessionnaire exclusif de Pioneer en France, sans qu'aucun accord écrit n'ait été conclu entre les deux parties.

c) Royaume-Uni

10. Shriro UK Ltd, Iver, Buckingharnshire, ci-après dénommé 'Shriro', a été désigné comme concessionnaire exclusif pour le Royaume-Uni par lettre datée du 10 septembre 1969.

11. Pioneer avait soumis à Shriro un projet de contrat d'exclusivité daté du 11 septembre 1969 qui comportait à son article 9 les dispositions suivantes:

"Exclusivité

...

Pioneer protège la distribution en communiquant au concessionnaire toutes les demandes relatives aux produits susmentionnés qui émanent du territoire concédé. Le concessionnaire n'est pas autorisé à solliciter des commandes pour les produits du concédant à l'extérieur de son territoire et il communique à Pioneer toute demande ou commande y afférent. Pioneer s'engage à ne pas vendre ses produits à des tiers qui voudraient les vendre ou les distribuer sur le territoire concédé. Pioneer veille à protéger le territoire visé dans le présent accord mais il ne peut pas garantir que des tiers n'expédieront pas de produits fabriqués par lui à destination du territoire concédé et ne pourra en être tenu pour responsable. Le concessionnaire empêche (dans le texte d'origine 'sélectionne") ses agents de vendre hors du territoire (7)".

Conformément à l'article 18 de ce projet d'accord, le concessionnaire doit présenter à Pioneer un rapport périodique sur la situation et les tendances du marché, sur les activités des concurrents de Pioneer, etc. ainsi que sur les prix de détail, les prix portés en compte aux revendeurs et la formation des prix. Toutefois, Shriro n'a pas signé ce projet d'accord.

12. Shriro n'a pas non plus signé la version révisée que lui avait adressée Pioneer le 3 août 1976 et dont l'article 10 comportait les dispositions suivantes:

" Pioneer communique au concessionnaire toutes les demandes relatives aux produits visés à l'article 4 et émanant du territoire concédé. Si Pioneer désire établir des contacts directs dans ce territoire, il ne peut le faire qu'après consultation du concessionnaire et en coopération avec lui. Le distributeur communique à Pioneer toutes les demandes ou commandes relatives à des produits Pioneer qui n'émanent pas de son territoire ". La version révisée comportait également une clause concernant la communication de rapports et d'informations par le concessionnaire à Pioneer (article 14). Le projet devait "entrer en vigueur le 1er octobre 1976 pour une période de trois ans, qui est celle prévue pour tous les concessionnaires Pioneer en Europe. Chaque article a été examiné attentivement par la direction de Pioneer et par nous-mêmes ... "(voir lettre du 3 août 1976 adressée par Pioneer à Shriro).

13. Shriro a constitué un réseau de plus de 260 revendeurs, qui inclut des grands magasins, des magasins à rayons multiples, des magasins spécialisés dans l'éleçtro-acoustique, des magasins "payer - prendre" et des magasins de vente au rabais. On compte environ 480 points de vente des produits Pioneer. Deux revendeurs Pioneer, Comet Radiovision Services Limited, Hull, ci-après dénommé " Comet " , et Audiotionic Group., ci-après dénommé " Audiotronic ", disposaient à eux deux de quelque 160 points de vente et réalisaient ensemble environ ... %, des ventes de produits Pioneer en provenance de Shriro.

14. Dans le courant de 1978, Pioneer a acquis de la société mère de l'époque, Shriro (China) Ltd, Hong-kong, la totalité du capital de Shriro (UK) Ltd et, au cours d'une assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 1978, a transformé la raison sociale de Shriro (UK) Ltd en Pioneer High Fidelity (GB) Ltd.

3) Le système de fixation des prix de Pioneer, Melchers, MDF et Shriro

15. Les ventes de matériel japonais étaient facturées par Pioneer en yens. Pioneer a déclaré que les prix appliqués aux concessionnaires exclusifs en République fédérale d'Allemagne, en France et au Royaume-Uni étaient en substance les mêmes. Alors que Melchers et Shriro payaient des prix similaires, MDF payait des prix quelque peu plus élevés. Cependant, ce dernier bénéficiait de délais de paiements plus longs (de... à .. jours) et recevait de Pioneer une allocation pour la publicité plus importante (entre ... et... 0 %) sous la forme d'une ristourne sur le chiffre d'affaires, versée sur présentation de quittances. Shriro et Melchers recevaient toutefois une allocation pour la publicité qui pouvait aller jusqu'à ... % de leurs achats annuels totaux auprès de Pioneer.

16. Les concessionnaires exclusifs avaient toute liberté pour fixer leurs prix de vente. Toutefois, il ressort de certaines clauses des accords d'exclusivité susmentionnés que Pioneer s'intéresse beaucoup aux conditions et à l'évolution des marchés nationaux et notamment aux prix de gros et aux prix de détail.

17. En ce qui concerne les prix de vente des concessionnaires exclusifs au commerce de détail, on constatait des différences importantes non seulement entre les pays, mais également dans chaque pays selon le type de client et/ou la quantité achetée.

18. Comme il apparaît dans les exemples ci-après, les prix de vente de MDV (taxe sur la valeur ajoutée non comprise) au commerce de détail étaient à la fin de 1975 considérablement plus élevés que les prix (taxe sur la valeur ajoutée non comprise) appliqués par Melchers et Shriro à leurs revendeurs au détail.

EMPLACEMENT TABLEAU

De telles différences de prix rendaient intéressantes les importations parallèles de produits Pioneer.

19. Selon MDF, cet écart de prix s'expliquait par les différences du système de distribution de chaque concessionnaire exclusif. La politique de vente de MDF serait basée sur un service exceptionnel, tant avant qu'après la vente. En l'absence d'une garantie internationale fournie par Pioneer, MDF accordait sa propre garantie de cinq ans sur les produits ayant subi au préalable son contrôle de qualité. MDF a dû faire face à des dépenses supplémentaires occasionnées par la préparation et l'impression du Livre bleu de la haute fidélité. Toutefois, ces dépenses ne peuvent entièrement expliquer la différence de prix qui existait à l'époque.

20. M. Setton, président de MDF, a déclaré à l'audition (8) qu'il avait baissé ses prix de détail lorsque les importations parallèles ont commencé, en supprimant la garantie de cinq ans et le contrôle de qualité. A diverses occasions, lorsqu'il se plaignait au sujet des importations parallèles en France, M. Setton s'était vu conseiller par les autres concessionnaires exclusifs de réduire ses prix. Pendant toute l'année 1976, les fluctuations des taux de change ont rendu les prix allemands peu intéressants pour les acheteurs français, mais les prix du Royaume-Uni restaient avantageux.

4) Le marché de la haute fidélité et la part de marché des produits Pioneer en France, au Royaume-Uni et en Allemagne fédérale

a) Le marché de la haute fidélité

21. Le marché de la hi-fi est un marché très spécialisé proposant des produits qui doivent reproduire, avec autant de précision que possible, les signaux sonores originaux. Compte tenu de cette spécialisation, le marché de la hi-fi est plus restreint que le marché général de l'électro-acoustique qui couvre les radios, les enregistreurs à cassettes, les enregistreurs-radio, les tourne disques et les chaînes stéréo compactes (music centres).

22. Bien qu'il n'existe pas de norme universelle indiquant le degré de précision exigé pour l'appellation hi-fi, la norme allemande DIN 45500, bien que dépassée actuellement, a souvent servi, même hors d'Allemagne fédérale, pour définir les exigences minimales auxquelles un produit doit répondre pour faire partie de la catégorie hi-fi. Le marché que cette norme définit couvre toutes les pièces, c'est-à-dire les composantes de haute qualité des chaînes stéréo qui sont vendues séparément ainsi qu'une partie considérable du secteur des chaînes stéréo compactes (music centres) qui comprennent, dans un même boîtier, un tuner, un enregistreur à cassettes, une platine et un amplificateur vendu avec des haut-parleurs stéréo.

23. Les produits répondant à la norme allemande, tels que les chaînes stéréo compactes peu chères, pourraient ne pas répondre aux critères plus rigoureux appliqués par les experts de la haute fidélité. C'est dans ce secteur de qualité, celui de la véritable hi-fi - par opposition au mid-fi dans lequel se situent la plupart des chaînes stéréo compactes - qui se distingue par sa bonne performance, sa conception avancée, son intérêt pour les utilisateurs avertis et ses prix élevés, que les producteurs japonais occupent la position de tête. Ce secteur comprend les produits basés sur des composantes électro-acoustiques séparées, enregistreur à cassettes ou à bandes, platine, tuner ou récepteur, amplificateur et haut-parleurs. En revanche, les producteurs européen ont plutôt concentré leurs efforts jusque dans ces derniers temps sur les chaînes stéréo compactes (music centres)

24. La gamme de Pioneer comportait deux ou trois chaînes stéréo compactes, mais ses efforts portaient presque exclusivement sur les éléments hi-fi séparés. Bien que Pioneer offre des modèles peu coûteux au bas de la gamme des composantes, comme l'amplificateur SA 5300, ceux-ci seraient pourtant considérés comme faisant partie du secteur de la véritable hi-fi. Pioneer peut être considéré comme un des principaux spécialistes de la hi-fi. Dans sa publicité, Pioneer souligne souvent son classement en tête dans le secteur de la hi-fi.

b) Part de marché des produits Pioneer en France, au Royaume-Uni et en République fédérale d'Allemagne

25. 1. La Commission a affirmé dans sa communication des griefs que Pioneer détenait une part de marché d'environ ...à ... % sur le marché français et d'environ ...à... % sur le marché du Royaume-Uni. Sa part de marché en République fédérale d'Allemagne a été estimée comme moins importante.

2. D'après les concessionnaires exclusifs Pioneer, les parts du marché étaient plutôt les suivantes :

2.1. MDF a déclaré que pour 1977 sa propre part du marché était d'environ ...% du marché "audio" global et qu'une part de ... à ...% de ce marché entrait en France grâce à des importations parallèles. Puisque le marché concerné dans cette affaire est plus restreint que le marché "audio" global, la part de MDF du marché en cause a dû être plus élevée que... %.

2.2. Shriro a déclaré que ses ventes de produits Pioneer ne constituaient que la moitié de la part de marché estimée par la Commission. Cependant, la Commission ne peut pas accepter la déclaration de Shriro pour les raisons suivantes :

a) tous les produits dans la gamme Pioneer, à l'exception des auto-radios, entrent dans le marché de la hi-fi ;

b) les chiffres tirés du Mackintosh Yearbook et cités par Shriro dans ses communications écrites ne se rapportent pas du tout au marché en cause, mais concernaient les systèmes "audio" et hi-fi ensemble.

2.3. Melchers a estimé la part du marché de la hi-fi détenue par les produits Pioneer à ... % en République fédérale d'Allemagne.

3. Sur la base des chiffres concernant le marché de la hi-fi fournis aux services de la Commission par..., ainsi que sur la base du chiffre d'affaires en produits Pioneer des concessionnaires exclusifs de Pioneer, les parts de marchés de ces derniers en 1976 étaient les suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

Puisque ces chiffres sont même plus élevés que ceux cités par la Commission dans sa communication des griefs et puisqu'ils ne tiennent même pas compte des importations parallèles, la Commission maintient que les parts de marché des produits Pioneer en 1976 étaient d'au moins ... à ... en France, ... à ...% au Royaume-Uni et d'à peu près ... % en République fédérale d'Allemagne.

B. LES ENTRAVES AUX IMPORTATIONS PARALLÈLES DE PRODUITS PIONEER EN FRANCE

1. Provenance des importations parallèles de matériel Pioneer en France

26. Le plaignant, M. B. Iffli, est le propriétaire d'une entreprise de vente avec rabais, Iffli SA (ci-après dénomméè "Iffli" à Metz, et qui vend des appareils électroménagers, des téléviseurs et du matériel hi-fi. Ses établissements sont situés à la périphérie de la ville et occupent une surface de vente de 5 000 mètres carrés. Au cours de l'exercice qui a pris fin en juin 1976, Iffli SA a réalisé un chiffre d'affaires de ... francs français, dont un tiers provenait des ventes de produits hi-fi.

27. M. B. Iffli a créé en 1975, en association avec M. M. Debard, directeur général de Auditorium Debard SA, Le Havre, une entreprise dénommée "Connexion" en vue de l'achat en commun de matériel hi-fi. Ce groupe, dont M. B. Iffli était alors le directeur général et M. M. Debard le secretaire, comprenait 23 entreprises individuelles réparties sur l'ensemble de la France, dont certaines présentaient des surfaces de vente considérables. En 1975/1976, les adhérents ont effectué ......% environ de leurs achats de matériel de haute fidélité par l'intermédiaire de Connexion, cette proportion étant passée à ...% en 1976/ 1977.

28. Le groupe Connexion effectuait la plus grande, partie de ses achats auprès des concessionnaires exclusifs en France, mais une part de son approvisionnement était le fait d'importations parallèles réalisées par l'intermédiaire d'une société spécialement créée à cet effet, la société Megaservice, à Lesquin (ci-après dénommée " Megaservice "). Entre septembre 1976 et février 1977, le groupe Connexion a acheté des produits hi-fi pour une valeur de ... francs français, dont les importations parallèles de diverses marques par l'intermédiaire de Megaservice s'élevaient à ... francs français, soit environ ... % des achats totaux du groupe.

29. En novembre 1975, trois adhérents du groupe, Iffli, Debard et Pigache, étaient à même d'offrir divers appareils Pioneer à des prix inférieurs de 26 à 31 % au prix de détail normal, grâce à leurs importations parallèles en provenance notamment de Euro-Electro SPRL à Bruxelles (ci-après dénommée "Euro-Electro"), ce qui leur permit de lancer une campagne publicitaire pour la période de Noël. MDF a riposté en faisant paraître de grandes annonces dans certains journaux régionaux avertissant les amateurs de hi-fi que la garantie illimitée " longue fidélité ", n'était applicable qu'aux appareils contrôlés dans les laboratoires de MDF et que la prétendue garantie internationale Pioneer n'était que du bluff publicitaire.

2. La commande de M. Iffli en Allemagne fédérale

30. Peu de temps après la première commande de Connexion auprès de Euro-Electro en novembre 1975, M. B. lffli prit contact avec M. Weber, directeur de Willi Jung KG, Sarrebruck (ci-après dénommé " Jung "), avec lequel il traitait régulièrement, afin d'obtenir une nouvelle source d'importations parallèles. Jung venait d'être racheté par Gruoner qui avait pour politique de réserver au siège central de Rommelshausen l'organisation de tous les achats importants. M. lffli, qui s'intéressait à plusieurs marques, y compris Pioneer, et M. Weber se rendirent donc à Rommelshausen le 12 décembre 1975 afin de discuter avec les représentants de Gruoner et notamment le chef des achats, M. Schreiber.

31. Le 15 décembre 1975, Gruoner, qui jusqu'alors n'offrait pas de produits Pioneer, adressa à Melchers un télex lui demandant de lui soumettre rapidement une liste de prix également par télex. Melchers répondit le même jour, renvoyant Gruoner à son représentant à Karlsruhe, M. Full. A la suite de négociations avec ce dernier, Gruoner fit à M. Iffli, par lettre du 31 décembre 1975, une première offre pour une partie du matériel, et notamment du matériel Pioneer, dont il avait été question lors de leur réunion du 12 décembre. Gruoner indiqua que, normalement, la livraison pouvait se faire dans le mois suivant la réception de la commande. Plusieurs listes de prix pour différentes marques, et notamment une liste de prix Pioneer, étaient annexées à la lettre adressée à Iffli. Ces prix étaient sensiblement inférieurs à ceux offerts par MDF (jusqu'à 30 % environ) à la fin de 1975 et restaient toujours nettement moins élevés que les prix de MDF après la baisse de janvier 1976.

32. Sur la base des prix offerts par Gruoner les 12 et 14 janvier 1976, Iffli passa deux commandes à Jung, d'une valeur totale d'environ 950 000 marks allemands, pour des produits Pioneer. Jung transmit ces commandes par télex les 12 et 14 janvier 1976 à M. Schreiber, qui réduisit la commande à 550 000 marks allemands, croyant que la nature et l'ampleur de celle-ci donneraient à Melchers l'impression que le matériel commandé était destiné à l'exportation vers la France. Le 20 janvier 1976, M. Schreiber transmit la commande de 550 000 marks allemands par deux télex distincts à Melchers.

33. Le 19 janvier 1976, Iffli effectua la déclaration d'importation à la douane, sur la base de factures pro forma s'élevant au total à 2 233 971 marks allemands (3 797 752 francs français). Cette déclaration, d'un montant nettement supérieur à la commande effectivement passée à Jung, doit être expliquée par le fait qu'Iffli envisageait de procéder à de nouvelles commandes au cours des six mois suivants. Les 21 et 22 janvier 1976, la direction des industries électroniques et de l'informatique, relations internationales, du ministère de l'industrie émit un avis favorable à ces importations. Pioneer a pris connaissance de l'octroi de licences pour l'importation de produits Pioneer par Iffli en provenance d'Allemagne fédérale.

34. Entre-temps, Jung annonça à Iffli, par une lettre datée du 19 janvier 1976, qu'il le tiendrait informé de la date exacte de la livraison de sa commande et que le matériel serait probablement fourni en plusieurs fois. Selon M. Ifli, M. Weber l'aurait informé le même jour par téléphone que la plus grande partie de la commande avait déjà été envoyée à Rommelshausen, fait qu'il a confirmé dans sa lettre du 20 janvier à Iffli. Bien que la version de M. Weber ait été contestée lors de l'audition et que Melchers ait mis en cause sa véracité, la Commission estime que ces faits - bien qu'ils n'aient pas reçu de véritable explication - sont de toute manière hors de propos.

35. Le 20 janvier 1976, Jung transmit la commande de Iffli à Melchers, qui vérifia l'état de ses stocks. Il ressort d'une note interne de Melchers, ainsi que d'une déclaration signée donnée le 6 juin 1976 par MM. von Bonin et Mackenthun aux inspecteurs de la Commission, que Melchers avait su par téléphone le 22 janvier que Hermes Kreditversicherung AG, à Hambourg, était prêt à couvrir la commande de Gruoner pour un montant de 200 000 marks allemands. Bien que Hermes ait confirmé l'octroi de cette assurance-crédit commercial à Melchers seulement le 27 janvier, la Commission ne peut retenir la version de Melchers selon laquelle il a seulement demandé une couverture d'assurance à Hermes le 23 janvier, date à laquelle sa secrétaire intérimaire a confirmé la commande par télex - en réponse à une demande télexée par Gruoner - et a donné le nom de Gildemeister, une entreprise de transport de Brême, comme commissionnaire de transport.

36. Le 27 janvier 1976, Melchers envoya un télex à M. Schreiber en se référant à la commande Pioneer et en l'invitant à s'adresser à M. Full, au lieu de quoi M. Schreiber téléphona au directeur des ventes de Melchers, M. von Bonin, qui, selon la déclaration faite par M. Schreiber aux inspecteurs de la Commission, l'informa que Melchers, ayant appris par Pioneer à Anvers que la livraison était destinée à l'exportation, refusait de livrer à Jung sans avoir reçu l'assurance que le matériel Pioneer ne serait pas exporté. Le télex adressé le 28 janvier par M. Schreiber à M. Weber confirme ainsi cette conversation :

"La conversation téléphonique avec M. von Bonin, directeur des ventes du distributeur Pioneer en Allemagne fédérale, peut se résumer comme suit :

Le siège européen de Pioneer à Anvers est déjà informé de l'octroi d'une licence pour l'importation d'appareils Pioneer. Le représentant allemand a reçu instruction de ne livrer à la société Jung sous aucun prétexte. Nous ne pouvons nous faire livrer que si nous nous engageons à ne pas exporter. En conséquence, Melchers refuse de nous fournir avant cela (9)".

37. Le 29 janvier, M. Weber envoya à M. Iffli une lettre l'informant que la commande de produits Pioneer ne pouvait être exécutée. Il ajoutait que M. von Bonin lui avait dit que Pioneer avait appris de Paris l'octroi de la licence d'importation d'Iffli et que Melchers n'effectuerait de livraison que si Jung prenait d'abord l'engagement écrit que la livraison de matériel Pioneer ne serait en aucun cas exportée à destination de la France. Pendant une conversation, qui a eu lieu à la fin du mois de janvier entre M. Debard et le directeur des ventes de MDF, M. Couadou, ce dernier a dit : "vous n'aurez pas la marchandise".

38. Par lettre du 30 janvier à Jung, M. Iffli menaça d'intenter une action judiciaire pour non-exécution du contrat de vente ; par lettre du 3 février, il fit remarquer à Jung que des produits Pioneer portant les marques commerciales de Melchers et importés par un grossiste belge étaient disponibles sur le marché français et que Jung était donc victime d'une discrimination. Jung informa Melchers des plaintes d'Iffli. Celui-ci se plaignit également auprès de Gruoner dans les mêmes termes qu'à Jung.

39. Certains autres produits achetés auprès de Melchers avaient également été exportés en France. Vers novembre 1975, EVB reçut de quatre entreprises de Paris une importante commande de matériel Pioneer pour une valeur d'environ ... marks allemands. EVB prit contact avec M. Full à ce sujet mais ce dernier le pria de confirmer par télex à Melchers que le matériel Pioneer n'était pas destiné à être revendu dans les pays de la Communauté économique européenne. Cette restriction était motivée par le fait que EVB obtenait des prix très bas qui ne comportaient pas le supplément habituel pour le service technique normalement inclus dans les prix de Melchers. EVB envoya cette confirmation à Melchers après l'avoir déjà informé par télex que les produits étaient destinés à la Turquie. Sur cette base, Melchers fit parvenir la commande à EVB, qui cependant l'expédia en France, car son client turc avait entre-temps annulé une importante partie de sa commande.

40. A la suite des plaintes d'Iffli, M. Schreiber invita, à Rommelshausen, pour en discuter, M. Mackenthun, directeur général chargé de la division Pioneer de Melchers, et M. von Bonin. Lors de cet entretien du 17 février 1976, auquel assista également M. Pull et dont M. Schreiber a conservé des notes, les griefs en question furent répétés. Les représentants de Melchers se défendirent d'avoir exporté eux-mêmes et répétèrent que Melchers ne pouvait donner une suite satisfaisante aux commandes de Gruoner que s'il avait la certitude que Gruoner utiliserait ces produits afin de fournir les détaillants spécialisés allemands. Le 18 février 1976, M. Schreiber envoya à M. Weber un télex résumant les entretiens. Le paragraphe 2 de ce télex est rédigé comme suit :

" Melchers nie absolument avoir jamais exporté lui-même. Cette activité est expressément interdite par les accords conclus entre le siège de Pioneer à Anvers et les distributeurs nationaux. Il est parfaitement légitime de faire transiter les biens par Anvers et Melchers compromettrait sa position s'il ne contrôlait pas les canaux de distribution pour le matériel Pioneer de façon à éviter d'importantes livraisons d'un pays à un autre (9)".

A la suite de ces entretiens, Melchers conclut des accords de livraison à long terme avec Gruoner. Une note interne de Gruoner, datée du 19 février 1976, déclare ce qui suit :

" Après les entretiens avec C. Melchers & Co ... il ne subsiste plus aucun obstacle à une collaboration entre nous " (9).

La commande passée par IffIi fut abandonnée et Iffli ne reçut jamais le matériel commandé. Gruoner passa sa première nouvelle commande à Melchers dans les quelques semaines qui suivirent. Gruoner devint le principal client individuel de Melchers, ses achats pour le reste de 1976 dépassant .. de marks allemands.

3) Les entraves imposées par Shriro aux exportations parallèles du Royaume-Uni à destination de la France

41. Comet était la principale chaîne de magasins de vente au rabais et de magasins de détail à bon marché, vendant essentiellement du matériel électro-acoustique et des appareils électromenagers au Royaume-Uni. En 1976, son chiffre d'affaires global atteignait environ... livres, dont ... % environ provenaient de la vente d'appareils hi-fi. Les ventes de matériel Pioneer représentaient environ ... de ce dernier chiffre. Comet a exporté des appareils hi-fi à divers clients établis dans d'autres pays européens, et notamment en République fédérale d'Allemagne depuis 1974, mais pas en grandes quantités avant décembre 1975. Toutefois, entre le 19 décembre 1975 et le 16 janvier 1976, Comet a vendu du matériel Pioneer à Euro-Electro pour une valeur de ... livres sterling. Bien que comptant parmi les principaux clients de Shriro, Comet ne l'a pas informé de ces activités d'exportation.

42. Audiotronic était propriétaire au Royaume-Uni de la chaîne de magasins Laskys, réputée dans le domaine de la hi-fi. Entre 1975 et 1977, Audiotronic a pris une participation importante dans Allwave BV, à Delft, une chaîne néerlandaise de magasins de matériel hi-fi, ainsi que dans King Musique, qui était à cette époque le principal client de MDF en France. (Audiotronic s'est depuis retiré de King Musique et Laskys).

A partir de février 1976, Audiotronic a vendu à Euro-Electro, en trois mois, du matériel Pioneer pour un valeur d'environ ... livres sterling. Jusqu'à la fin de 1978, Audiotronic avait un département d'exportations ayant un chiffre d'affaires de plus de ... livres sterling. Sa principale activité dans le domaine de l'exportation était surtout avec Allwave. La plus grande partie des produits achetés par Euro-Electro chez Comet et Audiotronic étaient revendus au groupe Connexion.

Audiotronic était un autre client important de Shriro en 1976, il absorba, avec Comet ...% des ventes de matériel Pioneer de Shriro.

43. Au début du mois de décembre 1975, quelques jours avant la première commande de Euro-Electro, le directeur pour l'exportation de Comet reçut de l'Office pour le développement de l'acoustique appliquée SARL, à Rungis, (ci-après dénommé "ODA") qui lui était inconnu, une commande téléphonique portant sur 50 platines Pioneer. Le capital de ODA, qui s'élève à 20 000 francs français, est détenu pour 95 % par MDF lui-même et pour 5 % par M. J. Setton, président de MDF. Comet pensait qu'il s'agissait d'une commande effectuée de bonne foi et, comme il était affirmé que la commande était urgente, Comet expédia les marchandises par avion à Orly.

44. A peu près au même moment, Audiotronic reçut également de ODA une commande de 10 platines du même modèle et les expédia aussi par avion.

45. Presqu'au même moment, ODA passa une troisième commande au groupe Lindair-Henry's (Royaume-Uni), depuis lors dissous.

46. Les commandes de ODA étaient des achats tests destinés à prouver l'existence d'importations parallèles. Lors de l'audition, M. Setton reconnut qu'il s'opposait résolument aux importations parallèles et que ces commandes visaient à établir que la marchandise entrait en France en provenance d'Angleterre ou d'Allemagne fédérale. M. Setton reconnut également qu'il avait apporté cette preuve à la réunion d'Anvers des 19 et 20 janvier 1976 (voir paragraphes 51 et suivants) concernant les produits Pioneer et les importations parallèles et qu'il l'avait montrée aux représentants de Pioneer et à M. Todd, de Shriro.

47. D'après la déclaration de M. Todd, faite par écrit aux inspecteurs de la Commission le 4 mai 1977, "il avait été convenu entre M. Setton et moi-même que je m'efforcerais d'amener mes clients britanniques à cesser les exportations de matériel Pioneer. Je voudrais souligner que ni M. Setton, ni Pioneer n'ont exercé de pression sur moi. Nous considérions cela comme un gentlemens agreement, conclu dans l'intérêt d'une saine concurrence". M. Todd déclara cependant lors de l'audition qu'il avait pris ces mesures "pour se débarrasser de M. Setton" et dans ses lettres à Audiotronic et Comet (voir paragraphes 48 et 49) il écrivit: "nos commettants (Pioneer) nous voyaient d'un très mauvais oeil".

48. Le 28 janvier 1976, M. Todd écrivit à M. Smith, qui était alors directeur général de Audiotronic, dans les termes suivants :

" ...

J'ai récemment été convoqué au bureau de Pioneer à Anvers afin de discuter des doléances du distributeur français au sujet de la pénétration en France de matériel Pioneer provenant du Royaume-Uni. Comme vous nous aviez déclaré antérieurement, ainsi que l'ont fait nos principaux revendeurs, que vous n'effectuiez pas d'exportations, j'ai nié ces affirmations.

Pour montrer qu'il était possible d'exporter du matériel Pioneer à destination de la France, le distributeur a procédé à quelques achats-tests peu importants auprès de plusieurs de nos revendeurs, j'ai été confronté avec la preuve, une facture Lasky LXOS3I9 pour dix platines PL l2D/2 au prix delivres sterling - connaissement aérien Emery air Freight n° LON 15761. La marchandise a été expédiée contre l'accréditif n° 375140.

Je n'ignore pas les dispositions de la Communauté économique européenne relatives aux importations parallèles. Néanmoins, je déplore qu'en dépit de la collaboration étroite qui nous lie depuis de nombreuses années, vous m'ayez mis - avec d'autres sans doute - vis-à-vis de Pioneer dans une situation assez désagréable.

Étant vous-même distributeur d'une marque japonaise connue, je suis sûr que vous comprenez mon point de vue. Je me rends bien compte que la solution serait sans doute que je relève mes prix et que le distributeur français baisse les siens. Malheureusement, la situation économique ne permet pas toujours d'adopter la formule la plus évidente (10).

Le 2 février 1976, M. Smith envoya à Shiro la réponse suivante :

"...

En ce qui concerne le problème des exportations, je vous prie de m'excuser de vous avoir mis en difficulté mais, à la vérité, je n'ai aucune preuve que nous ayons jamais exporté d'importantes quantités de matériel Pioneer et, à ce que nous savons, le matériel Pioneer n'est pas plus cher dans d'autres pays européens. Néanmoins, je demanderai qu'il soit mis fin à cette pratique..."

49. Le 29 janvier 1976, M. Todd écrivit à M. Hollingberry, président de Comet, la lettre suivante:

"...

Au cours des derniers mois, le concessionnaire Pioneer pour la France s'est vivement plaint auprès de Pioneer Electronic (Europe) NV à Anvers que du matériel Pioneer provenant du Royaume-Uni pénétrait sur le marché français. Comme nous avons déjà fait l'objet de telles plaintes par le passé et compte tenu de l'absence de preuves, j'ai purement et simplement rejeté ces affirmations.

Ayant eu connaissance de ces plaintes, je me suis cependant informé auprès de nos principaux revendeurs et, tout en sachant que votre société avait vendu des amplificateurs Pioneer en Hollande, on m'a confirmé qu'il s'agissait d'un envoi isolé. Ayant reçu les mêmes assurances d'autres revendeurs, j'ai à nouveau nié ces allégations.

La semaine dernière, j'ai été convoqué à Anvers pour examiner cette question et j'ai eu l'herbe coupée sous le pied. Pour fournir la preuve que j'avais demandée, le concessionnaire français avait procédé à quelques petits achats tests auprès de plusieurs de nos revendeurs importants.

Dans le cas de Comet, j'ai reçu une copie de votre facture 0945/Export du 10 décembre 1975 pour 50 platines Pioneer PL 12 D Mark II au prix unitaire de ... livres sterling, une liste du matériel emballé et les télex échangés entre votre M. José Ripolles et un certain M. G. Fagueret.

Je n'ignore pas les règles de la Communauté économique européenne concernant les exportations parallèles, mais je vous dirai en toute franchise que j'accorde parfois plus d'importance à ce qui est juste qu'à la loi elle-même.

Je crois ne pas me tromper en disant que nous avons été le premier distributeur de matériel de véritable haute fidélité à vendre à Comet et cette décision que nous avons prise n'a pas manqué de soulever certaines critiques. Elle n'a évidemment pas été prise dans votre seul intérêt. Je pensais que l'importance que vous accordiez au service après-vente, votre programme d'expansion et la possibilité que vous offriez à l'homme de la rue d'obtenir un vrai matériel hi-fi à des prix raisonnables devaient permettre à Pioneer, qui pénétrait avec retard sur le marché du Royaume-Uni, de se tailler rapidement une place importante. Je pense pouvoir dire en toute vérité que Pioneer est actuellement en première position dans le secteur de la véritable haute fidélité au Royaume-Uni et je salue le rôle que votre société a joué à cet égard. C'est pourquoi je regrette que votre société -avec d'autres sans doute - soit responsable de la situation défavorable dans laquelle nous nous trouvons vis-à-vis de Pioneer.

Au fil des années, notre société vous a aidé dans toute la mesure du possible. Récemment, nous vous avons donné la possibilité d'acheter à l'ancien prix après l'introduction d'une nouvelle liste de prix, nous vous avons accordé des délais de paiement supplémentaires et nous avons repris du matériel en stock lorsque le marché n'a pas évolué selon vos provisions.

La solution évidente au problème des exportations à destination de la France serait que j'augmente mes prix et que le concessionnaire français baisse les siens. Malheureusement, il n'est pas toujours possible de retenir dans des climats économiques différents la solution qui s'impose à l'évidence.

Le distributeur français est un homme jeune qui, comme nous, a consacré beaucoup d'argent à faire connaître la marque Pioneer et qui offre un excellent service après-vente.

Vous avez vous aussi dépensé des sommes importantes pour atteindre ces objectifs chez Comet. Peut-être puis-je faire appel à vous pour éviter d'aboutir à une situation de concurrence impitoyable.(10)

Le 30 janvier 1976, M. Hollingberry écrivit à Shriro dans les termes suivants :

"...

Comme suite à notre conversation téléphonique de cet après-midi, j'aimerais confirmer par écrit que mon entreprise n'exportera pas délibérément des produits Pioneer à des clients commerciaux en dehors du Royaume-Uni.

Bien entendu, vous comprendrez que, comme nous sommes souvent établis dans des ports, des clients individuels chercheront à venir au Royaume-Uni pour acheter chez nous et je pense que vous serez d'accord pour que nous continuions à fournir à ces gens "(11).

M. Todd n'a pas écrit à Lindair, puisque cette entreprise avait déjà cessé toute activité.

50. Bien que l'avocat de Shriro ait déclaré pendant l'audition que Comet avait continué d'exporter après cette date par le biais des îles Anglo-Normandes et par celui des ressortissants de la Communauté économique européenne qui se rendaient au Royaume-Uni pour acheter en vue de livrer à l'étranger, il a été établi, lors des visites effectuées par des inspecteurs de la Commission chez Comet et chez son principal client pour l'exportation, Euro-Electro, que l'exportation de matériel Pioneer pour la revente a cessé par suite de l'intervention de Shriro. Ceci est d'ailleurs confirmé par les archives de la société. Audiotronic, en fait, remplaça Comet dans l'approvisionnement d'Euro-Electro, dès que Comet cessa d'exporter du matériel Pioneer. Audiotronic reçut en mars 1976 des commandes d'un montant de plus de ... livres sterling, mais n'en a exécuté effectivement que pour un montant de ... livres sterling. Selon la déclaration d'Audiotronic, Shriro leur fit des difficultés, et, s'ils avaient été libres d'exporter, ils auraient pu réaliser beaucoup plus d'affaires.

4) La réunion d'Anvers des 19 et 20 janvier 1976

51. Des réunions entre concessionnaires européens de produits Pioneer ont lieu deux ou trois fois par an à Anvers. Le but de ces réunions est d'échanger des points de vue et des informations ayant trait à la distribution de produits Pioneer en Europe, y compris le lancement de nouveaux produits, les objectifs de vente et les programmes de marchéage. D'après M. Setton, il y aurait trois types de réunions. Premièrement, celle traitant à proprement parler de la hi-fi, deuxièmement celle portant sur les systèmes stéréos pour automobiles et troisièmement la réunion sur les combinés (music centres). Pioneer a l'habitude d'en informer ses distributeurs quinze jours à l'avance. Pioneer a soumis une liste des réunions qui ne mentionne pas celle du 19 et 20 janvier 1976. D'habitude, un procès-verbal de ces réunions est conservé comprenant au moins la liste des participants invités et l'ordre du jour.

52. Toutefois, il n'a été conservé aucun document compte rendu ni même des notes personnelles concernant la réunion des 19 et 20 janvier l976, laquelle Pioneer convoqua notamment MM. Setton, Todd et Mackenthun. Les déclarations faites par Pioneer et les concessionnaires exclusifs ne permettent pas de déterminer s'il s'agissait d'une réunion normale ou spéciale. Ce qui est certain, c'est que divers problèmes ont été discutés, et notamment les importations parallèles. La Commission note que le concessionnaire exclusif de Pioneer pour les Pays-Bas était également présent à la réunion d'Anvers des 19 et 20 janvier 1976 mais elle ne soutient pas que le concessionnaire néerlandais a pris part aux pratiques concertées.

53. Selon M. Ito, directeur général de Pioneer, M. Setton de MDF a été le premier à soulever la question des importations parallèles au cours d'une conversation téléphonique qui eut lieu à la fin de 1975, et à l'occasion d'autres entretiens téléphoniques au cours desquels il avait déclaré qu'il connaissait le nom de l'importateur et qu'il savait aussi que le matériel exporté provenait de la République fédérale d'Allemagne. Il insista pour que M. Ito prenne les mesures nécessaires afin d'éviter de telles importations. Pioneer a reconnu avoir transmis les plaintes de MDF à Melchers.

54. Lors de la réunion des 19 et 20 janvier 1976, organisée par Pioneer et présidée par M. lto, M. Setton souligna que ces importations parallèles désorganisaient le marché français et fournit la preuve que les exportations provenaient du Royaume-Uni (voir points 43 à 49). Selon M. Mackenthun, il se plaignait également au sujet de livraisons d'Allemagne fédérale en France.

55. Pioneer et Melchers nient avoir pris des mesures la suite des entretiens d'Anvers.

M. Collinot, comptable de MDF, a déclaré aux inspecteurs de la Commission que les représentants de Pioneer, auxquels M. Setton avait demandé de faire en sorte d'empêcher les importations parallèles, ont répondu qu'ils ne pouvaient rien faire en ce domaine "

Voici ce que MM. Mackenthun et von Bonin ont dit aux inspecteurs de la Commission : "Pioneer Electronic (Europe) NV n'a adressé ni essayé d'adresser aucune recommandation ou instruction à Melchers and Co, Brème". (Original en allemand : Pioneer Electronic (Europe) NV hat keine Empfehlung oder Anweisung an C. Melchers & Co, Bremen, erteilt und hat dies auch nicht versucht ").

56. Il y a lieu de souligner que Melchers a reçu la commande de Gruoner le 20 janvier 1976, date à laquelle M. Mackenthun participait à la réunion d'Anvers au cours de laquelle a été discuté le problème des importations parallèles. Aux alentours du 27 janvier 1976, Melchers, apprenant par Pioneer à Anvers que la commande Iffli était destinée à l'exportation, refusa d'exécuter la livraison de Jung si celui-ci ne lui donnait pas par écrit l'assurance que le matériel Pioneer ne serait pas exporté.

57. Lors de la réunion d'Anvers, il fut convenu entre MM. Setton et Todd que ce dernier veillerait à empêcher ses clients britanniques d'exporter du matériel Pioneer, (voir paragraphe 47 ci-dessus). Bien que M. Todd ait déclaré aux inspecteurs de la Commission que "ni M. Setton ni Pioneer n'ont fait pression sur moi", il a affirmé à l'audition que M. Setton "le harcelait depuis des années ..." Une semaine environ après la réunion, M. Todd a écrit à Comet et Audiotronic "dans l'espoir que M. Setton me laisserait en paix".

II. APPRECIATION JURIDIQUE

A. APPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 1 DU TRAITÉ CEE

58. Aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

1) Les entraves aux importations parallèles en France de matériel provenant de la République fédérale d'Allemagne

59. MDF, Pioneer et Melchers sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1.

60. Les entraves aux importations parallèles en France en provenance de la République fédérale d'Allemagne résultaient d'une pratique concertée entre MDF, Pioneer et Melchers.

61. 1.1 . Le comportement de MDF

MDF s'est plaint auprès de Pioneer et de Melchers, les a incités à empêcher les exportations parallèles d'Allemagne fédérale à destination de la France et les a importunés à cet effet. MDF était le principal bénéficiaire des mesures prises par Pioneer et Melchers. Son souci était de maintenir ses prix de vente à un niveau sensiblement plus élevé que ceux pratiqués dans d'autres États membres pour les produits Pioneer.

1.1.1 MDF a intensifié sa campagne publicitaire contre les importations parallèles en France à partir de décembre 1975.

1.1.2 M. Setton a téléphoné à plusieurs reprises à M. Ito de Pioneer au sujet des importations parallèles avant la réunion d'Anvers et lui a demandé d'intervenir.

1.1.3 Lors des réunions des 19 et 20 janvier 1976 à Anvers, M. Setton s'est plaint au sujet des livraisons effectuées du Royaume-Uni et de l'Allemagne fédérale vers la France.

1.1.4 A l'audition, M. Setton a affirmé sans ambages qu'il était tout à fait opposé aux importations parallèles et qu'il n'a jamais caché qu'il avait tout mis en œuvre pour limiter les importations parallèles.

1.1.5 La Commission déduit dc ce fait qu'aussi bien Pioneer que MDF (voir au paragraphe 37 la déclaration de M. Couadou) disposaient de l'information concernant l'autorisation administrative, donnée par la direction des industries électroniques et de l'informatique, relations internationales, les 21 et 22 janvier 1976, concernant l'importation des produits commandés par M. Iffli pour la France et que MDF a fourni cette information à Pioneer.

62. 1.2 Le comportement de Pioneer

Pioneer s'est défendu en affirmant qu'il n'était pas concerné par les arrangements pris par ses concessionnaires et qu'il avait simplement servi de boîte aux lettres pour les griefs entre deux concessionnaires. La Commission n'accepte pas cette interprétation pour les raisons citées ci-dessous, et n'accepte pas davantage que l'initiative prise lors de l'audition ou tout au moins par M. Setton de MDF et M. Todd de Shriro, en vue de disculper Pioneer, puisse décharger Pioneer de sa responsabilité.

1.2.1 La communication par Pioneer à Melchers, avant la réunion des 19 et 20 janvier, des griefs de M. Setton et la transmission ultérieure des renseignements relatifs à la destination des marchandises commandées par M. Iffli doivent être considérées en tenant compte non seulement de la position de Pioneer en tant que représentant du producteur en Europe et en tant que société dont l'intérêt - comme le montrent les projets d'accords d'exclusivité - pour le matériel Pioneer ne cessait pas une fois la facture envoyée, mais en tenant compte également de l'ensemble de la situation.

Donc, loin d'être une simple plaque tournante qui n'attendait qu'à être mise en œuvre pour faire passer des informations, la transmission par Pioneer d'informations à Melchers ne peut être interprétée que comme une intervention active pour faire cesser les importations parallèles en France.

1.2.2 Pioneer organisait régulièrement à Anvers des réunions concernant les ventes et le marchéage, comme ce fut le cas pour la réunion des 19 et 20 janvier 1976. Le président de la réunion était l'administrateur délégué de Pioneer de l'époque. Toutes les informations disponibles confirment que, abstraction faite des autres sujets de discussion (seul M. Setton se rappelait le but avoué de cette réunion, alors que les autres participants se souvenaient des questions discutées lors d'autres réunions à Anvers), les entretiens ont porté principalement sur les entraves aux importations parallèles. De telles discussions - qui ont certainement eu lieu - se sont passées avec la coopération (à tout le moins) du président de la réunion. M. Todd a déclaré, dans ses lettres datées du 28 et 29 janvier 1976 à Audiotronic et Comet (voir paragraphes 48 et 49), qu'il avait été convoqué aux bureaux de Pioneer à Anvers pour discuter des doléances formulées contre les importations parallèles.

1.2.3 Il ne subsiste aucun ordre du jour ni compte rendu de la réunion des 19 et 20 janvier 1976. Lors de l'audition, Pioneer a affirmé qu'aucune trace écrite de ces réunions n'a jamais été conservée. Ceci n'est pas exact. Un inspecteur de la Commission a pu, lors d'une de ses visites, voir dans les dossiers de Pioneer des copies d'ordres du jour ou de convocations à des réunions; il n'y avait que pour la réunion des 19 et 20 janvier 1976 qu'il n'existait aucune trace. Il a également été déclaré lors de l'audition pour le compte de Pioneer que celle-ci était une société japonaise très efficace qui ne perdait pas son temps en paperasseries. Ces deux affirmations sont en contradiction avec le fait que Pioneer a communiqué à la Commission, comme élément de sa défense, une liste des réunions sur les ventes et le marchéage qui avaient eu lieu. L'absence de toute trace de la réunion dans les dossiers de Pioneer s'explique soit par une omission extraordinairement malheureuse de Pioneer en l'occurrence, soit par la décision délibérée de ne conserver aucun document concernant la réunion.

1.2.4 Bien que Pioneer n'ait prétendument pas exercé de pression sur Melchers, il résulte du télex daté du 28 janvier 1976, que la Commission estime être une description exacte de la conversation téléphonique entre MM. von Bonir et Schreiber, que Melchers a refusé de vendre ou de livrer du matériel à Gruoner conformément aux instructions de Pioneer.

1.2.5 Bien que la référence, dans le télex au 18 février 1976, aux termes des accords régissant le système de distribution de Pioneer ne corresponde pas exactement aux termes de l'accord conclu entre Pioneer et Melchers, ce télex donne une indication des doléances qui ont été faites lors de la conversation qui a eu lieu entre Gruoner et Melchcrs sur la façon dont l'accord permettait effectivement de conserver un cloisonnement entre les différents marchés nationaux.

1.2.6 Pioneer connaissait les dispositions du droit communautaire dans ce domaine, ce qui ressorti d'une comparaison entre le premier et second contrat notifiés par Melchers à la Commission. Le premier comportait une restriction territoriale évidente, alors que le second était une tentative faite pour respecter les dispositions du règlement n° 67-67-CEE. Tous deux avaient été soumis par Pioneer à Melchers. Dans les accords concernant l'exclusivité des articles de marque, le statut de concessionnaire représente souvent le principal atout que détient le concessionnaire. C'était certainement le cas avec Melchers et Shriro. Le pouvoir qu'a le producteur de décider du maintien d'un contrat d'exclusivité le met souvent en mesure de faire pencher la balance et tel était le cas de Pioneer (qui représentait le fabricant en Europe). La preuve est clairement établie que l'intervention de Pioneer concorde avec le fait que d'autres concessionnaires avaient précédemment conseillé à M. Setton de réduire ses prix et coïncide avec la mise en œuvre des mesures effectives visant à isoler le marché français.

1.2.7 La présence du concessionnaire exclusif de Pioneer pour les Pays-Bas n'indique pas que la réunion ne concernait absolument pas les importations parallèles, car ce concessionnaire était également préoccupé par de telles importations sur son territoire.

63. 1.3 Le comportement de Melchers

A la suite des griefs de M. Setton au sujet des importations parallèles d'articles en France provenant d'Allemagne fédérale, de la participation de M. Mackenthun à la réunion d'Anvers au cours de laquelle les importations parallèles - mais non la commande Iffli - ont été discutées, ainsi que des instructions de Pioneer, Melchers refusa de fournir le matériel commandé par Gruoner bien que la commande ait été acceptée et confirmée. Même si l'on pouvait considérer que la confirmation constituait une erreur, la Commission est d'avis que la commande n'aurait pas été livrée à Melchers si Gruoner ne s'était pas engagé préalablement par écrit qu'elle ne serait pas exportée. Au cours de l'enquête effectuée par les inspecteurs de la Commission chez Melchers, aussi bien dans leurs observations écrites en réponse à la communication des griefs que lors de l'audition, les représentants de Melchers ont fait les déclarations suivantes au sujet des faits susmentionnés :

64. (1) Melchers n'a jamais accepté la commande de Gruoner et il n'y a par conséquent pas eu de refus de livrer :

a) après réception de la commande, Melchers a contrôlé ses stocks et s'est rendu compte qu'ils n'étaient pas suffisants pour couvrir la commande de Gruoner;

b) la demande d'assurance déposée par Melchers auprès de Hermes n'était qu'une des conditions préalables à l'acceptation de la commande ;

c) l'acceptation de la commande par une employée temporaire, par télex du 23 janvier 1976, sans avoir reçu d'instructions, était une erreur.

65. (2) il est contesté que Melchers s'est enquis de la destination des marchandises commandées et a dit que la commande serait livrée uniquement si Gruoner lui donnait l'assurance écrite qu'elle ne serait pas exportée.

66. (3) S'il y a eu refus de vendre à la France ou préférence pour vendre sur le marché allemand, cette décision s'explique par des considérations normales d'ordre commercial et par des nécessités contractuelles.

67. (4) Après la réunion entre Melchers et Gruoner, ce dernier placa, le 11 mars 1976, une version modifiée de la commande déposée le 20 janvier 1976.

A cet égard, la Commission fait observer ce qui suit :

68. (1) a) Melchers, se rendant compte que ses stocks n'étaient pas suffisants, n'a pas essayé d'obtenir chez Pioneer, dont les stocks étaient importants, le matériel manquant, ou de négocier une réduction de la commande ;

b)la Commission n'a pas conclu dans la communication des griefs et ne conclut pas, dans la présente décision, que la demande d'assurance auprès de Hermes constituait une acceptation de la commande par Melchers ; toutefois, la commande a été confirmée le lendemain du jour où la couverture Hermes avait été reçue par téléphone ;

c) il est permis de s'étonner que, si la commande a été confirmée par erreur par l'employée temporaire sans qu'elle ait reçu d'instructions à ce sujet, ce fait n'ait pas été signalé à Gruoner à l'époque.

69. (2) a) Des éléments de fait recueillis (voir paragraphes 36, 37 et 40), il résulte que Melchers était informé de la destination des marchandises et qu'il a demandé à Gruoner de s'engager à ne pas les exporter ;

b) il n'y pas de raison évidente que M. Schreiber déforme la réalité dans des notes internes de la société ;

c) la déclaration de M. Schreiber, qui est maintenant le principal client de Melchers, a plus de chances d'être vraie, car elle allait contre son intérêt, tandis que M. von Bonin ne pouvait que trouver avantage en présentant a posteriori une interprétation différente des faits.

70. (3) a) A une autre occasion, Melchers avait demandé à EVB (voir paragraphe 39) une déclaration par laquelle cette société s'engageait à ne pas exporter à destination des pays Pioneer, et notamment dans les pays de la Communauté économique européenne ;

b) le refus de Melchers n'est intervenu qu'environ une semaine après la réunion des 19 et 20 janvier à Anvers, à laquelle participèrent un certain nombre de concessionnaires exclusifs de Pioneer pour l'Europe, et notamment MM. Mackenthun et Setton, et au cours de laquelle le problème des importations parallèles a été discuté.

71. (4) Si l'on compare le volume de la commande passée par le groupe Gruoner en mars 1976 avec celui de la commande du 20 janvier 1976, leur disproportion apparaît; il ne peut donc être question d'une "commande modifiée". Les marchandises commandées en mars 1976 n'ont pas été livrées à M. lffli.

72. La Commission considère donc que Melchers a traité, au début, la commande Gruoner comme le ferait une société recevant une commande importante d'un nouveau client mais que Melchers a modifié son comportement lorsqu'il a été informé de la destination du matériel commandé par Gruoner. La Commission ne peut accepter l'argument de Melchers, à savoir que la commande ayant été acceptée par erreur par l'employée intérimaire elle ne devait pas être exécutée. Un tel argument ne cadre pas avec la succession logique et chronologique des faits tels qu'ils ont été établis par la Commission.

73. La conduite des entreprises susmentionnées ne peut raisonnablement s'expliquer par des considérations commerciales normales ou par des nécessités contractuelles et le comportement de chacune de ces entreprises ne peut être considéré comme un fait isolé. Au contraire, les comportements de ces entreprises font partie de la pratique concertée. Chacun d'eux constitue un élément essentiel qui, combiné aux autres, forme une pratique concertée. Ainsi, comme l'a décidé la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires jointes 40 à 48, 5054 à 56, 111, 113 et 114-73 dans Suikcr Unie et autres contre Commission, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1975, point n° 283 des motifs:

" Lorsqu'un opérateur économique fait siennes les plaintes que lui adresse un autre opérateur au sujet de la concurrence que font à ce dernier les produits écoulés par le premier opérateur, le comportement des intéressés Constitue une pratique concertée. "

En l'espèce, Melchers a fait siennes les plaintes adressées par MDF au sujet de la concurrence pour le matériel Pioneer. Le comportement de Melchers et de MDF est étroitement lié au comportement de Pioneer, comme il est indiqué plus haut au paragraphe 62, et en particulier à la transmission de la plainte de MDF et des informations concernant les produits commandés par Gruoner, ainsi qu'à l'instruction donnée à Melchers de ne pas livrer en France.

74. Les participants à la pratique concertée avaient pour but - et ils y réussirent - d'empêcher des exportations de la République fédérale d'Allemagne vers la France afin d'isoler le marché français de telle sorte que les prix relativement élevés sur ce marché soient protégés contre la concurrence étrangère. Ce comportement constitue par essence une restriction de la concurrence puisqu'il tend à isoler une partie du marché exactement comme le fait une interdiction explicite d'exporter. C'est pourquoi, le raisonnement de la Cour de justice des Communautés européennes (voir affaire 19-7 - Miller International contre Commission, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1978, point n° 7 des motifs) peut être appliqué à ce type de comportement. Ce n'est pas la forme de ce comportement qui importe, mais bien son objet et son effet. La pratique concertée entre MDF, Pioneer et Melchers avait pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

75. Les parts de marché pour les produits Pioneer en France et en République fédérale d'Allemagne étaient suffisamment importantes pour que le comportement des entreprises parties à la pratique concertée puisse en principe affecter sensiblement le commerce entre Etats membres. L'importance de la commande que Mekhers a refusé de fournir pour l'exportation vers la France démontre déjà que des échanges appréciables de produits Pioneer auraient pu se développer entre la France et l'Allemagne fédérale. Ainsi, à cause de la pratique concertée, le courant d'échange entre Etats membres pour les produits concertée s'est développé autrement qu'en l'absence de la restriction résultant de la pratique concertée. Le fait que les échanges entre Etats membres auraient pu être affectés de manière plus sensible résulte du fait qu'Iffli avait déjà obtenu de Jung des factures pro forma pour une somme supplémentaire de 1 300 000 marks allemands pour couvrir des commandes renouvelées.

2. Les entraves aux importations parallèles provenant du Royaume-Uni et destinée à la France

76. MDF, Pioneer et Shriro sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1.

77. Les entraves aux importations parallèles provenant du Royaume-Uni et destinées à la France et d'autres pays de la Communauté économique européenne résultaient d'une pratique concertée entre MDF, Pioneer et Shriro.

78. 2.1 Le comportement de MDF

2.1.1. MDF a joué un rôle similaire pour faire obstacle tant aux importations parallèles en prove. nance du Royaume-Uni qu'à celles en provenance de la République fédérale d'Allemagne (voir paragraphe 61 points 1.1.1 à 1.1.4).

2.1.2 En outre, M. Setton a apporté à la réunion d'Anvers la preuve des achats tests passés par ODA, société dans laquelle il détenait une participation importante, et l'a montrée à M. Todd afin d'établir l'existence d'importations parallèles en provenance du Royaume-Uni.

2.1.3 Lors de la réunion d'Anvers des 19 et 20 janvier 1976, présidée par Pioneer, M. Setton a présenté à M. Todd des observations d'une nature telle que celui-ci a entrepris de dissuader ses deux principaux clients britanniques du Royaume-Uni.

2.1.4 M. Todd a déclaré à l'audition que M. Setton l'avait importuné depuis des années et qu'il avait écrit à ses plus gros clients dans l'espoir qu'ainsi on le laisserait en paix.

79. 2.2. Le comportement de Pioneer

2.2.1 Pioneer a organisé la réunion à Anvers les 19 et 20 janvier 1976 présidée par l'administrateur-délégué de Pioneer de l'époque, au cours de la quelle la question des importations parallèles a été l'élément essentiel de la discussion (voir paragraphe 62 point 1.2.2).

2.2.2 Il se subsiste aucun ordre du jour ou procès-verbal de la réunion des 19 et 20 janvier 1976 (voir paragraphe 62 point 1.2.3).

2.2.3 Pioneer connaissait les dispositions du droit communautaire de la concurrence (voir paragraphe 62 point 1.2.6).

80. 2.3. Le comportement de Shriro

2.3.1 A la suite des griefs de M. Setton au sujet des importations parallèles en provenance du Royaume-Uni, M. Todd a tenté, après la réunion d'Anvers de 19 et 20 janvier 1976, d'empêcher ses principaux clients d'exporter vers la France. Peu de temps après la réunion d'Anvers, M. Todd a procédé à un échange de correspondance avec les principaux clients de Shriro, Comet et Audiotronic. Après réception des lettres de M. Todd, les deux sociétés ont accepté de cesser toute exportation de matériel Pioneer.

2.3.2 Shriro a pris ces mesures vis-a-vis de ses deux clients, qui représentent ... % des ventes de matériel Pioneer dc Shriro, pour éviter toute difficulté avec MDF et Pioneer (voir paragraphe 47).

81. La pratique concertée entre MDF, Pioneer et Shriro - qui inclut le gentlemen's agreement conclu entre MDF et Shriro - a eu, pour les mêmes raisons que la pratique concertée entre MDF Pioneer et Melchers, pour objet et pour effet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun (voir le paragraphe 74 ci-dessus).

82. Les parts de marché des produits Pioneer en France et au Royaume-Uni étaient suffisamment importantes pour que le comportement des entreprises participant à cette pratique concertée puisse, en principe, affecter sensiblement le commerce entre Etats membres. Cette pratique concertée a eu pour effet que Comet a cessé également d'exporter du matériel Pioneer pour la revente dans d'autres États membres. Les quantités de produits exportés par Comet vers la France avant l'intervention de Shriro et l'ampleur des exportations entreprises par Audiotronic après l'échange de lettres démontrent qu'une partie importante du commerce dans ce domaine était susceptible d'être affecté. Ainsi, la pratique concertée a eu pour conséquence que le courant des échanges entre états membres pour les produits en question s'est développé d'une manière différente qu'il ne l'aurait fait sans la restriction résultant de la pratique concertée.

B. INAPPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 3 DU TRAITÉ CEE

83. En vertu de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables :

- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises

et

- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

84. Pour qu'une décision d'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 puisse être rendue, la pratique concertée doit avoir été notifiée à la Commission conformément aux dispositions de l'article 4 paragraphe I ou de l'article 5 paragraphe I du règlement n° 17 sauf lorsque cette obligation est supprimée en vertu de l'article 4 paragraphe 2 ou de l'article 5 du paragraphe 2 dudit règlement.

85. Les pratiques concertées entre MDF, Pioneer et Melchers et entre MDF, Pioneer et Shriro n'ont pas été notifiées à la Commission. Ces pratiques concertées ne rentrent pas dans les exceptions prévues à l'article 4 paragraphe 2 et à l'article 5 paragraphe 2 du règlement n° 17.

86. Le 19 décembre 1966, Melchers a notifié un accord d'exclusivité conclu avec Pioneer et en a soumis, le 2 juillet 1967, une version modifiée. Celle-ci prévoit à l'article 12 sous c) l'autorisation de livrer dans d'autres pays membres. Sans tenir compte de cette disposition, Melchers, en concertation avec MDF et Pioneer, a empêché ses clients d'exporter vers des pays de la Communauté économique européenne. Cette pratique concertée n'a pas été notifiée à la Commission.

87. Même si ces pratiques concertées avaient été dûment notifiées, aucune d'entre elles ne pourrait bénélifier de l'exemption prévue à l'article 85 paragraphe 3, étant donné que les interdictions d'exporter aboutissent à un système de répartition des marchés qui est incompatible avec les principes fondamentaux d'un Marché commun. Bien que les accords d'exclusivité permettent une certaine amélioration de la distribution des produits, l'interdiction d'exporter à destination d'autres pays de la Communauté économique européenne n'est pas indispensable à cet effet. Il n'y a pas davantage de preuves démontrant comment les consommateurs pourraient bénéficier de mesures visant à maintenir des écarts de prix.

C. APPLICABILITE DE L'ARTICLE 15 PARAGRAPHE 2 DU REGLEMENT n° 17

88. Conformément à l'article 15 paragraphe 2, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de 1 000 unités de compte au moins et d'un million d'unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.

89. La Commission estime que des amendes importantes doivent être infligées aux entreprises qui ont participé aux pratiques concertées qui ont eu pour effet d'empêcher les importations parallèles en France en provenance de la République fédérale d'Allemagne et du Royaume-Uni.

90. Toutes les entreprises qui ont participé aux pratiques concertées qui font l'objet de cette affaire ont violé de propos délibéré ou tout au moins par négligence l'article 85 paragraphe 1. Toutes les entreprises concernées savaient ou auraient dû savoir que le fait d'empêcher les exportations parallèles est une violation grave de l'article 85 paragraphe 1, comme il a été établi par une série d'arrêts de la Cour de justice des Communautés et par des décisions de la Commission. Par leur participation à ces pratiques concertées, les entreprises concernées ont tenté d'entraver, pour la distribution des produits Pioneer, la réalisation d'un des objectifs essentiels du traité CEE, à savoir la création d'un Marché unique entre les États membres des Communautés, ou tout au moins leur comportement a eu pour effet une telle entrave.

91. Dans le but d'empêcher les importations parallèles de produits Pioneer en France, MDF a pris des mesures spéciales pour découvrir ces importations parallèles, s'est plaint à Pioneer, Melchers et Shriro à ce sujet et a conclu un gentlemen's agreement avec ce dernier, tout en faisant payer les prix les plus élevés pour les produits Pioneer en Europe.

92. Melchers a délibérémment refusé de livrer les produits commandés par un grossiste allemand pour livraison en France à moins que des assurances soient données par écrit que les produits ne seraient pas exportés.

93. M. Todd, de Shriro, qui savait qu'il devrait respecter les dispositions du droit commun de la concurrence, ne l'a pas fait (voir les lettres de Shriro des 28 et 29 janvier 1976 et en particulier l'extrait suivant de la lettre du 29 janvier: " je suis au courant des règles de la Communauté économique européenne concernant les exportations parallèles, mais très franchement il y a des moments où je suis plus concerné par ce qui est juste que par la loi elle-même. Il a également reconnu avoir conclu un gentlemen's agreement avec MDF et avoir pris des mesures pour empêcher ses clients principaux d'exporter des produits Pioneer du Royaume-Uni.

94. Bien que Pioneer n'ait apparemment pas pris l'initiative du cloisonnement illégal du marché, il a transmis les plaintes de MDF ainsi que l'information au sujet de la destination des produits commandés pour Iffli et il a donné des instructions (voir paragraphe 36 : télex du 28 janvier 1976) à au moins un concessionnaire exclusif. Une société établie dans les Communautés ou y faisant des affaires doit respecter le droit de celles-ci et Pioneer, au lieu d'utiliser son influence pour empêcher le cloisonnement du marché, a choisi d'y participer activement; ce comportement, concerté avec celui de certains de ses concessionnaires, était illégal.

95. En ce qui concerne la gravité des infractions, il est clair que les entreprises concernées ont tenté de faire obstacle par le biais de la distribution des produits Pioneer à un des buts principaux dû traité, à savoir la création d'un marché unique. Toutes les entreprises concernées savaient ce qu'elles faisaient. Pour ce qui est de Pioneer, l'infraction est d'autant plus grave que cette société était le partenaire économique dominant, ayant le pouvoir d'insister dans ses contrats de distribution sur une surveillance de ses concessionnaires, ce qui entravait ou pouvait entraver leur indépendance en ce qui concerne la distribution des produits Pioneer. La Commission doute que Shriro et Melchers auraient coopéré aussi complètement avec MDF ai Pioneer n'avait pas participé aussi activement à cette pratique.

MDF a commencé cette activité illégale et a tout entrepris pour qu'elle réussisse. La poursuite persistante de cette activité, directement contraire à un des principaux buts du traité, a été effectuée en connaissance de cause et cet élément ajoute à la gravité des infractions en ce qui concerne MDF.

96. L'isolement du marché français a eu pour effet de maintenir les prix de détail des produits Pioneer en France à un niveau sensiblement plus élevé que dans certains États membres. Une telle situation était très préjudiciable aux consommateurs français.

97. Le refus de Melchers de fournir la commande Gruoner a représenté pour Connexion une perte de chiffre d'affaires d'environ ... francs français (taxe sur la valeur ajoutée comprise) et une perte de profit importante. Il a également empêché les consommateurs français d'acheter des quantités importantes de matériel Pioneer à des prix plus avantageux.

98. Le montant des ventes perdues par Comet, depuis qu'il a cessé d'exporter du matériel Pioneer pour la revente, alors qu'il a continué à exporter d'autres marques, ne peut être déterminé avec précision. A titre d'indication, on notera que Audiotronic a effectué des livraisons à Euro-Electro pour la revente en France jusqu'en 1976 et qu'Euro-Elcctro a vendu en 1976 à des membres du groupe Connexion, pour environ ... francs français du matériel Pioneer, qui provenait essentiellement du Royaume-Uni.

99. En ce qui concerne la durée des infractions, le commencement de la période effective des deux pratiques concertées doit être situé vers la fin de 1975. En raison d'une réglementation spéciale sur les importations (12), d'une part les importations de produits Pioneer en France en provenance d'autres États membres n'ont pas été possibles avant le milieu de 1975 et, d'autre part, d'après les éléments dont la Commission dispose, MDF n'a commencé à se plaindre d'importations parallèles de produits Pioneer que vers la fin de 1975.

100. En ce qui concerne la cessation de la pratique concertée entre MDF, Pioneer et Melchers, il n'a pas pu être établi que cette infraction a continué après le refus de Melchers d'exécuter la commande de Gruoner. D'ailleurs, l'évolution des prix en République fédérale d'Allemagne et en France au cours de l'année 1976 a réduit, voire même enlevé, l'intérêt pour un commerce parallèle de ces produits entre ces deux pays. Par conséquent, cette infraction n'a pas pu être de longue durée.

101. En ce qui concerne la cessation de la pratique concertée entre MDF, Pioneer et Shriro, les entreprises concernées n'ont pris, à la connaissance de la Commission, aucune mesure pour mettre fin à leur arrangement qui entravait les importations parallèles de matériel Pioneer en provenance du Royaume-Uni. D'ailleurs, ces importations parallèles ont été intéressantes pendant longtemps et sûrement pendant 1976 et 1977, puisque les prix sont restés en permanence plus bas au Royaume-Uni qu'en France. Le fait qu'un exportateur parallèle important a virtuellement dû arrêter ses activités d'exportation à un moment particulier parce que son distributeur exclusif devenait plus strict concernant la destination de ses ventes ne veut pas dire que des affaires parallèles n'auraient pas pu être entreprises par des tiers à des conditions favorables. Par conséquent, la durée de cette infraction peut être estimée à deux ans.

102. En ce qui concerne le montant des amendes, la Cour a déclaré au point n° 58 des motifs de l'arrêt du 15 juillet 1970 (affaire 45-69 Boehringer Mannheim contre Commission) que "le caractère grave et conscient des infractions justifie donc une amende élevée". L'avocat général M. J.P. Warner dans ses conclusions dans l'affaire 19-77 - Miller International Schallplattcn GmbH contre la Commission des Communautés européennes (Recueil de la jurisprudence de la Cour 1978-2, page 163) - a déclaré: "Il s'ensuit qu'une amende égale à 10 % du chiffre d'affaires peut être considérée comme adéquate dans le cas d'une infraction commise intentionnellement, de la nature la plus grave et d'une durée considérable. A l'autre bout de l'échelle des peines, l'infraction commise par une simple négligence, d'une nature tout à fait vénielle et uniquement de courte durée, mérite une amende inférieure à 1 % du chiffre d'affaires au cas où les circonstances imposent néanmoins qu'une amende soit infligée ".

103. Il résulte de ce qui est exposé aux paragraphes 91 à 94 que toutes les parties concernées savaient qu'elles agissaient pour empêcher les importations parallèles en vue de restreindre la concurrence.

104. Compte tenu des considérations ci-dessus et en particulier de celles ayant trait au caractère délibéré et à la gravité des infractions, des amendes importantes doivent être infligées aux entreprises qui ont pris part aux pratiques concertées décrites ci-dessus. Il convient, cependant, de différencier le montant des amendes à infliger aux différentes entreprises en tenant compte du rôle distinct de chacune d'elles tel qu'il ressort des considérations émises dans les paragraphes 91 à 94 ci-avant. De plus, il faut tenir compte de la durée des pratiques concertées ainsi que du fait que la durée estimée de la pratique concertée entre MDF, Pioneer et Melchers a été plus courte que celles de la pratique concertée entre MDF, Pioneer et Shriro,

A ARRETÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

La pratique concertée entre Musique diffusion française, Pioneer Electronic Europe NV et C. Melchers & Co, qui a consisté à entraver, de la fin de 1975 jusqu'en février 1976, les importations de matériel Pioneer provenant de la République fédérale d'Allemagne vers la France, constitue une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Article 2

La pratique concertée entre Musique diffusion française, Pioneer Electronic Europe NV et Pioneer High Fidelity (GB) Ltd (anciennement Shriro (UK) Ltd), qui a consisté à entraver de la fin de 1975 jusqu'à la fin de 1977 les importations provenant du Royaume-Uni vers la France, constitue une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Article 3

1. Une amende de huit cent cinquante mille (850 000) unités de compte européennes, soit quatre millions neuf cent quarante-deux mille cinq cent quatre-vingt-dix-sept (4 942 597) francs français, est infligée à Musique diffusion française. Cette amende est à verser à la Société générale Paris, au compte n° 5.770.006.5 de la Commission des Communautés européennes, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision à Musique diffusion française.

2. Une amende de quatre millions trois cent cinquante mille (4 350 000) unités de compte européennes, soit cent soixante-quinze millions quatre cent soixante-seize mille huit cent vingt-cinq (175 476 825) francs beiges, est infligée à Pioneer EIectronic Europe NV. Cette amende est à verser à la Kredietbank, au compte n0 426-4403001-52 de la Commission des Communautés européennes, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision à Pioneer Electronic Europe NV.

3. Une amende de un million quatre cent cinquante mille (1 450 000) unités de compte européennes, soit trois millions cinq cent quatre-vingt-seize mille six cent soixante-sept (3 596 667) marks allemands, est infligée à C. Melchers & Co. Cette amende est à verser à Deutsche Bank Saar, au compte n° 0409979 de la Commission des Communautés européenncs, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision à C. Melchers & Co.

4. Une amende de trois cent mille (300 000) unités de compte européennes, soit cent quatre-vingt-quatorze mille neuf cent ving-cinq (194 925) livres sterling, est infligée à Pioneer High Fidelity (GB) Ltd (anciennement Shriro (UK) Ltd). Cette amende est à verser à la Lloyd's Bank Ltd, Overseas Departement, Po Box 19, 6 East Cheap Londres EC 3-P3AB, au compte n° 108.63.41 de la Commission des Communautés européennes, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision à Pioneer High Fidelity (GB) Ltd.

Article 4

Musique diffusion française, Pioneer Electronic Europe NV, C. Melchers & Co et Pioneer High Fidelity (GB) Ltd (anciennement Shriro (UK) Ltd) sont tenus de mettre fin immédiatement aux pratiques concertées visées aux articles 1er et 2 ci-dessus, pour autant qu il n'y a pas encore été mis fin, ainsi qu'à toute mesure ayant pour objet ou pour effet de cloisonner les marchés nationaux dans la Communauté économique européenne. Il leur est également interdit de prendre à l'avenir toute mesure ayant le même objet ou effet que celui des pratiques concertées visées aux articles 1er et 2.

Article 5

La présente décision forme titre exécutoire, conformément aux dispositions de l'article 192 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Article 6

Musique diffusion française, à Vélizy-Villacoublay (France), Pioneer Electronic Europe NV, à Anvers (Belgique), C. Melchers & Co, à Brême (République fédérale d'Allemagne), et Pioneer High Fidelity (GB) Ltd (anciennement Shriro (UK) Ltd), à Iver Buckinghamshire (Royaume-Uni), sont destinataires de la présente décision.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268163.

(3) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certains chiffres ont été omis, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17-62 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.

(4) Traduit de l'anglais.

(5) Traduit de l'allemand.

(6) Règlement n° 67-67-CEE de la Commission, du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords d'exclusivité (JO n° 57 du 25.3.1967, p. 849/67).

(7) Traduit de l'anglais.

(8)Le terme " audition " dans la présente décision signifie l'audition organisée le 21 novembre 1978 conformément à l'article 19 du règlement n° 17 du 6 février 1962 et aux dispositions du règlement n° 99-63-CEE du 25 juillet 1963.

(9) Traduit de l'allemand.

(10) Traduit de l'anglais.

(11) Traduit de l'anglais.

(12) Voir décision de la Commission, du 12 mai 1971, autorisant les États membres à prendre des mesures conservatoires provisoires en ce qui concerne l'importation de certains produits provenant d'États tiers et mis en libre circulation dans un autre État membre JO n° L 121 du 3.6.1971. (p. 26).