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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 18 octobre 2001, n° 01-00566

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie

Conseillers :

Mme Sorin, M. Fournier

Avocat :

Me Febvay

TGI Lille, 8e ch., du 7 juilL. 2000

7 juillet 2000

La SA X effectue entre autres activités du commissionnage de transport.

Un procès-verbal d'infraction à l'article 31 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 est notifié à son directeur général, Monsieur Michel L, le 19 octobre 1998.

A la suite de quoi la société est condamnée par jugement du Tribunal correctionnel de Lille à une amende délictuelle de 20 000 F dont 15 000 F avec sursis, sur la prévention d'avoir, courant 1996 et courant 1997, étant vendeur de matériaux de travaux publics et commissionnaire de transport et commissionnaire en matériaux, établi des factures ne comportant pas la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des produits et des services rendus car mentionnant uniquement un prix forfaitaire ne distinguant pas le transport effectué et la commission prélevée.

D'une façon plus précise, le procès-verbal des inspecteurs de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Nord, avait incriminé la délivrance en 1996 par X de 18 factures pour un montant de 2 655 018,57 F, et de 3 factures en 1997 pour un montant de 548 500 F, dont aucune ne distinguait entre le prix du transport effectué et le coût de la commission prélevée.

X a relevé appel du jugement le 17 juillet 2000, suivi le même jour à titre incident par le ministère public.

X ne conteste pas la matérialité des constatations des inspecteurs, mais l'analyse juridique qui a conduit à sa condamnation.

Elle expose que cette analyse, qui repose sur l'obligation qui aurait été la sienne de distinguer entre coût du transport et coût de la commission, traduit la méconnaissance des agents de la répression des fraudes de la réglementation spécifique en matière de commission de transport; que si la loi ne fournit aucune définition du contrat de commission de transport, la jurisprudence le définit comme la " convention par laquelle le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d'une marchandise d'un lieu à un autre ", qui " se caractérise non seulement par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et les moyens de son choix sous son nom et sous sa responsabilité, mais aussi par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout " (Cour de cassation, chambre commerciale, 16 février et 8 mars 1988); qu'il se noue ainsi deux séries de rapports contractuels, d'une part entre le commettant, qui est en général l'expéditeur de marchandises, et le commissionnaire de transport, et d'autre part entre ce dernier et d'autres auxiliaires de transport, le commissionnaire n'effectuant pas lui-même le transport; que dès lors le commissionnaire de transport n'agit pas comme mandataire de son client et qu'il n'y a donc pas lieu de faire figurer sur ses factures une distinction entre le montant du transport net et le coût de la commission; que soutenir le contraire aurait pour effet, par exemple, d'obliger chaque prestataire de service quel qu'il soit à faire apparaître, lorsque les travaux sont sous-traités, d'une part le coût réel de la prestation sous-traitée et d'autre part la commission que l'entreprise générale se serait réservée; qu'il s'agit là d'une obligation supplémentaire qui n'a pas été imposée par la loi.

Elle n'a pas comparu à l'audience sur l'appel du 6 septembre 2001, mais a demandé par courrier à être jugée contradictoirement en son absence. Son avocat a été entendu. Il sera statué contradictoirement à son égard par application des dispositions de l'article 411 du Code de procédure pénale.

MOTIFS

Aux termes de l'article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 :

"Tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation.

La facture doit mentionner le nom des parties, ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus...".

X prétend qu'elle ne relève pas au titre de son activité de commissionnaire de transport, du champ d'application de ces dispositions, en faisant porter son analyse sur la nature des contrats qui la lie tant au commettant qu'au transporteur (qui, d'un côté, ne serait pas un contrat de mandat, et qui, de l'autre, serait ou s'apparenterait à un contrat de sous-traitante).

Mais les dispositions ci-dessus rappelées énoncent une incrimination qui a vocation à s'appliquer sans distinction à toute vente de prestation de service à caractère professionnel, quelle que soit par ailleurs la nature contractuelle spécifique de cette prestation.

La seule question qui importe au regard de l'incrimination pénale énoncée par ce texte est de savoir si la prestation facturée en l'espèce a comporté un seul service rendu, ou au contraire plusieurs services rendus, distinguables en quantité, en nature ou en prix.

X soutient qu'il n'y a eu fourniture de sa part que d'un seul service rendu, à savoir une opération de transport, dont elle a maîtrisé en toute indépendance l'accomplissement "de bout en bout".

Mais en premier lieu, X n'étant pas elle-même transporteur, l'objet du contrat passé avec son donneur d'ordre a été double: d'abord rechercher un transporteur, et puis assurer la bonne fin du transport.

En second lieu, le coût relatif à chacun de ces deux services est distinguable, dans la mesure notamment où la fixation du prix du transport était nécessairement dépendante en amont de la facturation du transporteur, elle-même établie suivant des modalités de calcul externes à X.

Il s'ensuit que l'infraction reprochée à X sera jugée constituée, et le jugement entrepris confirmé, tant sur la culpabilité que sur la peine, qui a été justement appréciée par les premiers juges.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement. Reçoit les appels de la société X et du Ministère Public. Confirme le jugement entrepris tant sur la culpabilité que sur la peine. Constate que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable tout condamné.