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Décisions

Cass. com., 25 février 2003, n° 00-17.000

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Mutualité de Haute-Savoie

Défendeur :

Syndicat des Pharmaciens de Haute-Saboie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Métivet (faisant fonctions)

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Trichet, Me Guinard.

TGI Annecy, du 24 oct. 1996

24 octobre 1996

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches: - Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Chambéry, 4 avril 2000) que par convention du 1er mars 1969, le syndicat des pharmaciens de la Haute-Savoie (le syndicat) s'est engagé à participer aux ressources de l'Union des sociétés mutualistes de Haute-Savoie (l'Union) au moyen du système dit du timbre mutualiste, consistant à lui verser la valeur de timbres émis à l'occasion d'achats de médicaments ; qu'en contrepartie, l'Union s'est engagée à ne pas mettre à la disposition de ses adhérents, directement ou indirectement, des pharmacies non-adhérentes au syndicat et leur accordant des avantages autres que ceux prévus par l'accord ; que par une nouvelle convention du 14 décembre 1987, les parties ont pris l'engagement de signer un accord de tiers-payant à effet du 1er janvier 1988 appelé à se substituer au système des timbres mutualistes moyennant une participation financière ; qu'une convention de tiers-payant a été régularisée le 29 octobre 1988 ; que cependant l'accord de participation financière préparé par l'Union n'a pas été approuvé par le syndicat des pharmaciens ; que se prétendant créancière au titre des timbres mutualistes de l'année 1988 et de la participation financière qui devait s'y substituer, l'Union a fait assigner le syndicat en paiement de différentes sommes ;

Attendu que l'Union fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de la convention du 1er mars 1969 et rejeté par voie de conséquence, la demande de la Mutualité de Haute-Savoie en paiement de la somme de 796 763 francs au titre des timbres mutualistes pour l'année 1988, alors, selon le moyen: 1°) qu'en application de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, sont prohibées les ententes sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, notamment en limitant l'exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; qu'une convention conclue entre un syndicat de pharmaciens départemental et une union de mutuelles départementale, qui permet une participation financière aux dépenses d'intérêt collectif de l'Union sous forme de remise de timbres aux membres des mutuelles adhérentes à l'Union en se fournissant auprès des pharmacies adhérentes au syndicat, n'a pas pour effet de limiter l'exercice de la libre concurrence au sens du texte précité, en procurant un avantage indirect sous forme d'une meilleure couverture complémentaire aux membres des mutuelles adhérentes à l'Union de nature à détourner ces derniers des pharmacies non-adhérentes à ce syndicat dès lors que le prix des médicaments est imposé par les pouvoirs publics, que le taux de remboursement des frais pharmaceutiques des mutualistes est le même que la pharmacie fréquentée par eux soit ou non adhérente au syndicat de pharmaciens, que le remboursement desdits frais n'est pas davantage subordonné à la demande des timbres aux pharmaciens et à leur remise aux mutuelles adhérentes et que le montant des cotisations réclamées aux membres des mutuelles adhérentes à l'Union n'est pas réduit ou le taux des remboursements augmenté en fonction d'un éventuel engagement de ceux-ci à ne fréquenter que les pharmacies adhérentes au syndicat, qu'en retenant que la convention conclue le 1er mars 1969 entre la mutualité de Haute-savoie et le syndicat des pharmaciens de la Haute-Savoie limitait le libre exercice de la concurrence en procurant un avantage indirect aux mutualistes par une meilleure couverture sociale, bien que l'Union n'ait exercé aucune activité d'assurance et que les mutualistes s'adressant aux pharmacies adhérant au syndicat n'aient bénéficié, par rapport aux autres mutualistes, directement ou indirectement d'aucun avantage particulier sur le montant de leurs cotisations ou sur les remboursements de médicaments effectués, de nature à les détourner des pharmacies non-adhérentes au syndicat des pharmaciens, les juges d'appel ont violé les dispositions des textes susvisés ; 2°) qu'en application de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, sont prohibées les ententes sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, notamment en limitant l'exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; qu'en l'espèce, il résulte de l'article 6 de la convention litigieuse conclue le 1er mars 1969 que l'Union s'engageait à ne pas mettre à la disposition des mutualistes, pendant la durée de la convention, directement ou par personne interposée, des pharmacies non-adhérentes au syndicat et leur accordant des avantages autres que ceux prévus par le présent accord ; qu'en affirmant que cette convention interdisait la création de pharmacies mutualistes et limitait ainsi le libre exercice de la concurrence sur le marché concerné, sous prétexte que les pharmacies mutualistes étaient seules en mesure à l'époque de pratiquer le tiers-payant, sans avoir recherché si la pratique du tiers payant, qui constitue certes un avantage pour les assurés sociaux et les mutualistes en particulier, constituait également un avantage et non une contrainte pour les pharmacies mutualistes, au sens de l'article 6 précité, les juges d'appel n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des exigences des textes susvisés ; 3°) qu'en tout état de cause et subsidiairement, qu'en application de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sont prohibées les ententes sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, notamment en limitant l'exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la demande de l'Union de mutuelles porte sur le montant des timbres qui lui sont dus au titre de l'année 1988 et que l'ensemble des pharmacies d'officine ont pu dès le 1er janvier 1988 conclure des conventions de tiers payant ; qu'en retenant néanmoins que la convention du 1er mars 1969 conclue entre l'Union des mutuelles de Haute-Savoie et le syndicat des pharmaciens de la Haute-Savoie interdisait la création de pharmacies mutualistes, seules à pratiquer à l'époque le tiers payant, bien qu'en 1988, toutes les pharmacies pouvaient le pratiquer, les juges d'appel n'ont pas tiré toutes les conséquences légales de leurs propres constatations et ont violé les textes susvisés ; 4°) que seule une atteinte sensible, avérée ou potentielle, au jeu de la concurrence, peut justifier la sanction d'une entente prohibée par l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, reprise à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en relevant que la convention conclue entre le syndicat des pharmacies de la Haute-Savoie et la Mutualité de la Haute-Savoie le 1er mars 1969 contribuait à limiter le libre exercice de la concurrence sans avoir recherché si l'effet potentiel ou avéré de la convention litigieuse était de nature à restreindre de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné, les juges d'appel n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des textes susvisés ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement constaté que l'adhérent mutualiste, à qui l'Union pouvait faire connaître les pharmacies adhérant au syndicat, signataire de la convention, bénéficiait d'un avantage indirect, grâce à la meilleure couverture complémentaire que l'Union était en mesure d'assurer à ses membres en raison de la contribution financière payée par les pharmacies affiliées au syndicat, de nature à le détourner des autres officines, la cour d'appel a pu en déduire que le libre exercice de la concurrence entre officines était faussé par la convention;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'interdiction faite à la mutualité de Haute-Savoie d'ouvrir des pharmacies mutualistes, pratiquant seule à l'époque, avant sa généralisation, le mécanisme du tiers payant était de nature à limiter l'accès au marché par d'autres entreprises, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher l'incidence, pour les pharmacies mutualistes, de la pratique du tiers payant, sans intérêt pour la caractérisation de l'objet anticoncurrentiel de la convention litigieuse, a légalement justifié sa décision;

Attendu, de troisième part, que la généralisation du système du tiers-payant constatée par l'arrêt à partir de 1988 est sans effet sur le caractère anticoncurrentiel de la convention conclue en 1969, et apprécié par l'arrêt également au regard du comportement des adhérents de l'Union; qu'il s'en déduit que la cour d'appel n'encourt pas le grief de la troisième branche du moyen ;

Et attendu, enfin, qu'ayant estimé que le syndicat des pharmaciens, en acceptant de payer une contribution qui n'avait rien de symbolique, a souhaité éliminer une source potentielle de concurrence qu'il considérait comme un risque commercial non négligeable, ce dont il ressort qu'a été appréciée l'affectation sensible portée au jeu de la concurrence par la pratique dénoncée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision;

Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.