Conseil Conc., 31 mars 2003, n° 03-D-17
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques sur le marché de la distribution des carburants sur autoroutes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Wibaux par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, Mme Renard-Payen, MM. Flichy, Gauron, Robin, membres.
Le Conseil de la concurrence (section II),
Vu la lettre enregistrée le 25 août 2000 sous le numéro F 1262, par laquelle le ministre chargé de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence d'un dossier relatif à la situation de la concurrence sur le marché des carburants routiers ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, pris pour son application ; Vu les décisions de secret d'affaires du 6 juillet 2001 et du 11 juillet 2002 ; Vu les observations présentées par les sociétés Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France, Pétroles Shell, BP France, Esso Saf et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Total Fina Elf Sa, Total Fina Elf France, Pétroles Shell, BP France, Esso Saf entendus lors de la séance du 15 janvier 2003 ; Adopte la décision suivante :
I. - CONSTATATIONS
A. - Le marché
1. La distribution au détail des carburants
1. L'activité concernée par la présente décision est celle de la distribution des carburants au stade du détail. Les carburants vendus aux automobilistes sont principalement le gazole et l'essence, dont les parts respectives en volume, pour l'année 1999, s'établissaient à 62 % pour le gazole et à 38 % pour l'essence. Ce dernier terme regroupe le super plombé, le super sans plomb 95 et le super sans plomb 98, dont les volumes de vente respectifs se répartissaient comme suit : 11 % pour le SSP 95 ; 15 % pour le SSP 98 et 11 % pour le supercarburant. (source UFIP, rapport annuel 1999).
2. La distribution des carburants sur autoroutes
2. La distribution du carburant sur autoroute est effectuée dans des stations-service, implantées sur un réseau qui appartient à l'État, lequel peut exploiter directement ce réseau ou en accorder la concession à des sociétés d'économie mixte ou à des sociétés privées.
3. L'État ou les sociétés privées ou d'économie mixte concèdent ensuite à des détaillants de carburants le droit de s'installer sur une portion d'autoroute, en vertu d'un contrat d'exploitation comportant un cahier des charges qui fixe les obligations des parties et le montant de la redevance due soit à l'État soit à la société d'autoroute. Les détaillants de carburants sur autoroute sont principalement des salariés ou des mandataires des compagnies pétrolières pour la vente des carburants. Ceci veut dire que les compagnies pétrolières sont propriétaires des carburants, vendus sous leurs marques et aux prix qu'elles fixent.
4. Sur autoroute, il existe cependant des stations n'appartenant pas à des compagnies pétrolières. A l'époque de l'enquête, il n'existait qu'une station de ce type, la station Leclerc. C'est une station bi-directionnelle, située de part et d'autre de l'A31. Elle appartient à une filiale à 100 % du groupement coopératif Leclerc, la société Sodiplec. Cette dernière société achète le carburant, par l'intermédiaire d'une centrale d'achat, la Siplec, aux compagnies pétrolières qu'elle met en concurrence et le vend sous la marque Leclerc.
5. Depuis l'enquête mais préalablement à la saisine du ministre, le groupe Carrefour a acquis 17 stations-service autoroutières à l'occasion de la fusion Total Fina/Elf et des engagements demandés par la Commission européenne dans sa décision du 9 février 2000. Quatre de ces stations appartenaient à Total-Fina et 13 à Elf. L'ouverture de ces stations sous l'enseigne Carrefour est effective depuis le 17 mars 2001. Au total, sur l'ensemble du réseau routier, ce sont 70 stations Total Fina ou Elf qui ont été cédées.
6. Fin 2000, il existait environ 400 stations autoroutières, sur un nombre total de 17 000 stations, dont 10 000 à l'enseigne des compagnies pétrolières. Le tableau ci-après présente la répartition des stations entre les différents opérateurs et leur part dans le volume des ventes, postérieurement à la fusion Total Fina/Elf.
EMPLACEMENT TABLEAU
Nombre des stations autoroutières et part des volumes distribués
7. En volume, la vente de carburants sur autoroutes représentait, en 1998, 7 % des ventes totales de carburants hors autoroute et sur autoroute. Pour les compagnies pétrolières, en revanche, les carburants vendus sur autoroute représentent de 10 à 15 % de leurs ventes totales de carburants, puisque les GMS n'étaient pas présentes sur autoroute et que les ventes d'une station sur autoroute (5 millions de litres en moyenne) sont environ le double de celle d'une station hors autoroute (2,5 millions de litres pour les stations de ville). Le chiffre moyen de 5 millions de litres vendu annuellement est très largement dépassé dans certaines stations situées sur des grands axes. A titre d'exemple, la station Total St Rambert, sur l'A 7, a vendu en 1999 19,8 millions de litres.
3. Le marché de la distribution des carburants sur autoroute
8. L'existence d'un marché spécifique de la distribution du carburant sur autoroute a été affirmée à deux reprises par la Commission européenne (Exxon/Mobil du 29 septembre 1999 et Total Fina/Elf du 9 février 2000) et dans l'avis du conseil du 16 mai 2000. Elle résulte de plusieurs facteurs :
L'existence de différences de prix sensibles entre les carburants vendus sur autoroutes et hors autoroutes
9. Les prix des carburants vendus par les compagnies pétrolières, sur autoroute, sont plus élevés que les prix hors autoroute. Ainsi, les relevés de prix sur l'A 7, effectués par la société d'autoroute Autoroute du Sud de la France, comparés aux relevés de prix du 1er janvier au 30 juin 2000, d'une station Shell située non loin de l'autoroute sur la RN 7, ont permis de constater que, pour le gazole, la différence entre les prix sur autoroute et les prix hors autoroute était de 56 centimes, pour un prix moyen du carburant de 5,40 F soit une différence de 10 % du prix TTC. Cette différence de prix entre les deux réseaux ne peut s'expliquer que parce que les stations-service sur autoroutes ne sont pas sur le même marché que les stations-service hors autoroute. En effet, comme l'indique la Commission européenne dans la décision Total Fina Elf précitée : "si le consommateur avait un choix réel entre les deux possibilités alternatives de ravitaillement, les prix s'aligneraient à un prix unique du marché, qui refléterait tant l'offre de stations sur autoroutes que hors autoroutes".
Le deuxième facteur est lié à une différenciation de la demande
10. En effet, la demande de carburants sur autoroutes obéit à d'autres paramètres que la demande de carburants hors autoroutes. Les automobilistes empruntent l'autoroute afin de bénéficier de la rapidité du trafic, ainsi que de tout autre service intégré à la structure d'exploitation d'une autoroute, tels que le ravitaillement en carburants, la restauration, le repos, etc. Par ailleurs, la nature distincte de la demande de carburant est liée à sa saisonnalité : les deux mois de juillet et août représentent à eux seuls 30 % des ventes. En y ajoutant les mois d'avril et de mai, on constate que ces quatre mois concentrent environ 50 % des ventes de l'année (contre 20 % pour les stations hors autoroutes). Enfin, la demande présente un caractère captif : une fois sur l'autoroute, l'automobiliste n'est pas incité à en sortir pour éventuellement s'approvisionner auprès d'une station service située hors autoroute, où le prix du carburant est moins élevé. En revanche, les stations se succédant tous les 30 kms environ et compte tenu de la capacité des réservoirs, l'automobiliste n'est pas captif d'une station autoroutière.
Le troisième facteur est relatif aux conditions d'entrée et de fonctionnement qui sont différentes de celles du marché de la distribution des carburants hors autoroute
11. L'accès des nouveaux entrants sur ce marché est soumis à la condition de l'obtention d'une autorisation d'exploiter une station service soit auprès de l'Etat, soit auprès d'une société d'autoroute. Or, ces autorisations sont de longue durée (au minimum 20 ans) et leur nombre est limité, puisque cantonné aux autoroutes existantes et il ne progresse que très faiblement car on construit peu de nouvelles autoroutes. Ainsi, en 1998, le taux de croissance du nombre des stations-service sur autoroutes a été de moins de 1,5 % du nombre total. Par ailleurs, un accord intervenu en novembre 1992 entre l'Union Française des Industries Pétrolières (UFIP) et l'Union des sociétés d'autoroutes à péages (USAP, devenue depuis AFSA, Association française des sociétés d'autoroute) avait prévu la possibilité pour les exploitants en titre de stations sur autoroutes de proroger leur contrat d'exploitation en contrepartie d'engagements concernant l'aménagement des sites exploités. Cette disposition a conduit à pérenniser quelques concessions, dont certaines ont une durée d'environ quarante ans, et à limiter encore davantage l'accès de nouveaux entrants sur ce marché. Depuis mai 2000, cependant, à la suite de la demande de la Direction des transports, autorité de tutelle des sociétés d'autoroutes, le président de l'USAP s'est engagé à remettre en concurrence les contrats arrivés à échéance. Cet engagement concerne une période postérieure aux faits dénoncés.
4. La dimension géographique du marché
12. Le maillage du territoire français par de nombreuses autoroutes, ainsi que la présence sur celles-ci de nombreuses stations-service proches les unes des autres, contribue à former une chaîne continue de stations. La Commission européenne, dans la décision Total-Fina/Elf, relève un "effet de chaîne".
13. Il existe, par ailleurs, une substituabilité entre les stations-service autoroutières parce que le carburant vendu dans les stations est un bien fongible (ou indifférencié). Cette substituabilité des stations-service, combinée à l'effet de chaîne, produit un "effet de domino" qui a également été relevé par la Commission européenne dans la décision précitée.
14. Il en résulte que les autoroutes françaises constituent le périmètre géographique du marché de la distribution du carburant dans les stations-service autoroutières. Ce marché forme un ensemble, dans la mesure où il existe une continuité entre toutes les autoroutes françaises, comme le précise la décision de la Commission européenne précitée.
B. - Les entreprises
15. TotalFina et Elf sont décrits séparément, puisqu'à l'époque des faits, la fusion n'était pas devenue effective. Le groupe TotalFina résulte de la fusion de Total et de Fina, opérée en 1998. Il exploite un réseau de près de 7 800 stations dans le monde, dont près de 3 000 en France. En 2001, après l'absorption d'Elf, le groupe, devenu Total Fina Elf, se situe désormais au 4e rang des compagnies pétrolières mondiales.
16. Le groupe Elf est l'une des principales compagnies pétrolières mondiales, mais est également présent dans la chimie par sa filiale Elf-Atochem ainsi que dans la santé et beauté à travers sa filiale Sanofi-Synthelabo. Sur le marché de la vente au détail des carburants, Elf dispose de 5 000 stations-service dont environ 2 800 en France.
17. Shell France est la filiale en France du 2e groupe pétrolier mondial, anglo-néerlandais. En France, il existe 1 400 stations-service de marque Shell.
18. Filiale française d'Exxon Corporation, 1er groupe pétrolier mondial, Esso SA France possède environ 1 000 stations-service.
19. British Pétroleum (BP), de nationalité anglo-néerlandaise, est le 3e groupe pétrolier mondial. BP France a un réseau d'environ 1 360 stations-service en France.
20. Agip Française est la filiale française du groupe italien Agip Petroli, elle-même filiale à 100 % d'Eni (Ente Nazionale di Idrocarburi), société appartenant à l'État, qui ne détient plus aujourd'hui que 30 % du capital. Agip Française disposait en France de 96 stations dont 7 sur autoroute, chiffre auquel il faut ajouter 21 stations, acquises après la fusion TotalFina/Elf.
21. Le Groupe Dyneff est spécialisé dans l'importation, le stockage et la distribution des produits pétroliers. Cette distribution s'effectue à travers 26 stations-service, dont deux stations autoroutières, l'une sur l'A64 (Bayonne-Toulouse), bi-directionnelle et l'autre sur l'A 7, entre Montélimar et Valence.
22. Avia Autoroute est une société détenue à 50 % par la société Thévenin Ducrot Distribution et à 50 % par la société Picoty SA, entreprise familiale créée en 1920. La marque est distribuée à travers 8 stations autoroutières. Comme Agip, Avia a racheté 21 stations à Total Fina Elf.
23. Il n'existait, à l'époque de l'enquête, qu'une seule station sur autoroute de marque Leclerc. Toutefois, en 1999, Leclerc a répondu à un appel d'offres pour deux stations au nord de Niort sur l'A83, qu'elle a remporté, mais ces stations n'étaient pas encore en service à l'époque de l'enquête. Hors autoroute, il existe 492 stations à l'enseigne Leclerc.
C. - Les pratiques relevées
1. Des échanges d'informations sur les prix
Les modalités de recueil des informations sur les prix
24. De nombreux gérants de stations-service ont fait état, lors de leur audition par les enquêteurs, d'échanges réguliers d'informations sur les prix avec leurs concurrents :
25. "Tous les matins, avant 10 heures, nous adressons au siège social d'Elf à Courbevoie les prix des carburants des stations environnantes, c'est-à-dire Total aire de Sarge-les-Mans (A11), Shell à la Ferté-Bernard (A11), Esso à St-denis d'Orques (72) direction Laval sur A81. Les stations mentionnées nous ont été désignées par le pétrolier. Ces informations sont recueillies par nos soins, tous les jours, par téléphone auprès des collègues concurrents à la demande du pétrolier Elf. (...) Si, pour une raison quelconque, nous omettions de transmettre les informations tarifaires avant 10 heures à notre pétrolier, nous aurions de sa part un rappel à l'ordre sur notre minitel nous demandant de faire le nécessaire" (Station Elf de l'aire de Sarge-lès-Le Mans, le 1er juin 1999, autoroute A11, annexe C, cote 1234).
26. "Nous effectuons des relevés téléphoniques ou visuels des prix pratiqués par nos concurrents : station BP aire de Dardilly, Auchan qui sont dans le sens nord-sud et Fina aire de les Chères ainsi que la station Esso aire de la porte de Lyon sens nord-sud. Ces relevés sont obligatoirement faits trois fois par semaine : lundi, mercredi et vendredi et communiqués directement à Elf France par minitel." (Station Elf de l'aire de la Dardilly, autoroute A6, le 2 février 1999, annexe C, cote 1171).
27. "Nous contactons par téléphone nos concurrents pour obtenir leurs prix : Esso à Brou (sens province-Paris) Total Chantereine, (sens province-Paris mais après barrière de péage St Arnould située sur l'A10). On ne se téléphone que pour obtenir des informations tarifaires. A ma connaissance, cette manière de faire a toujours existé dans le secteur d'activité sur autoroute. Je téléphone trois fois par semaine aux concurrents (lundi, mercredi et vendredi). Je remonte les informations par minitel au siège social. Il me renvoie les prix à appliquer." (Station Elf de l'aire de Bois Paris, Gasville, autoroute A11, le 1er juin 1999, annexe C, cote 1215).
28. "Les prix sont fixés par Elf qui me demande de me renseigner sur les prix des carburants de leurs concurrents. Je téléphone à la station d'en face (Esso Varades la Genetais) tous les deux jours. Je transmets ces renseignements par minitel Code 3614 à Elf France. Tous les jours, je consulte le minitel qui indique les prix à pratiquer décidés par le pétrolier. Nous sommes appelés par des concurrents extérieurs mais je ne peux pas vous préciser lesquels." (Station Elf de l'aire de Varades la Bédoire, le 2 juin 1999, autoroute A11, annexe C, cote 1248).
29. "A la demande d'Elf, nous relevons les prix de nos concurrents, à savoir, BP Giberville et Total Bosgouet dans le sens province-Paris et la station BP Beuzeville (située en fait sur l'autre voie de l'A13, sens Paris-province). Les relevés sont adressés à Elf par minitel les lundi, mercredi et vendredi avant 10 H." (Station Elf, aire de Beuzeville, autoroute A13, le 1er décembre 1999, annexe C, cote 1330).
30. "Elf nous demande de communiquer les prix de la concurrence les lundi, mercredi et vendredi avant 10 h. Les relevés se font généralement par téléphone en raison des distances importantes sur autoroute. Nous relevons les prix de Fina Morainvilliers, Shell Vironvay, Total Bosgouet (sens province-Paris) Les prix remontent à Elf par minitel. Les nouveaux prix nous parviennent par minitel également, le soir, vers 19 h 45. Nous affichons les nouveaux prix le matin vers 6 h". (Station Elf de l'aire de Rosny sur Seine, autoroute A13, le 2 décembre 1999, annexe C, cote 1367).
31. "Total nous demande de relever par téléphone les prix de la concurrence que nous leur transmettons par minitel, les lundis et jeudis dans la matinée. Il s'agit des cinq stations figurants sur les documents 'prix de la concurrence' [Elf Giberville, BP Giberville, BP Beuzeville, Elf Beuzeville, Shell Bosgouet], dont je vous remets une copie. Les prix déterminés par Total nous sont faxés, via Parinordis, à chaque changement de tarif." (Station Total de l'aire de Bosgouet, autoroute A13, le 1er décembre 1999, annexe C, cote 1344).
32. "Le pétrolier nous demande de nous renseigner sur les prix de vente des carburants pratiqués par la concurrence. Il s'agit des stations Shell à Parce-sur-Sarthe (sens province-Paris) et Fina les portes d'Angers (les deux stations sont dans chaque sens). Les prix sont recueillis les plus souvent par téléphone, deux fois par semaine, le lundi et le jeudi à 14 heures. Une fois les renseignements recueillis, je les transmets par serveur minitel Code 3614 TRD au siège social de la Défense à Paris. Si Total décide de changer les prix, on reçoit un fax de Loiredis qui nous indique le jour et l'heure de la modification. Je vous communique un exemplaire vierge d'un tableau de relevé de prix de la concurrence. Les stations Esso et Elf à Varades y figurent également. Les numéros indiqués au-dessous de chaque station sont des abrégés téléphoniques et la signature doit être celle de la personne qui prend les prix. Nous leur indiquons forcément nos prix lorsque nous les appelons [à nos concurrents], mais souvent ils nous rappellent en fonction de leurs impératifs pour remonter les prix à des pétroliers. Cette manière de procéder existe depuis de nombreuses années. En cas d'oubli de notre part, notre pétrolier nous rappelle à l'ordre pour lui fournir des informations". (Station Total de l'aire de Parcé-sur-Sarthe, le 2 juin 1999, autoroute A11, annexe C, cote 1240).
33. "Concernant les prix de la concurrence, nous faisons des relevés, tous les lundis et jeudis avant 14 heures auprès des stations BP aire de Paisy autoroute A6 sens sud-nord, Fina les Chères sens nord-sud, et Elf aire de Dardilly A6 sens nord-sud. Ces relevés se font par téléphone, par une demande de notre part". (Station Total de l'aire des Chères, le 2 février 1999, autoroute A6, annexe C, cote 1155)
34. "Par ailleurs, nous sommes chargés de relever les prix des carburants de la station Shell, aire de Taponas, autoroute A6, (sens sud-nord) ; cela se fait les lundis et les jeudis avant 16 heures, puis nous communiquons les prix par minitel directement à la société Total ; concrètement, les relevés de prix sont réalisés par téléphone." (Station Total de l'aire de Dracé, autoroute A6 (sens nord-sud), le 2 février 1999. annexe C, cote 1164).
35. "Total demande verbalement aux responsables de stations-service de relever les prix des concurrents environ une ou deux fois par semaine (lundi, jeudi, mercredi ou vendredi). Ils sont recueillis par téléphone ou directement par mes soins. Les stations où sont pris les renseignements sont : Elf à Sarge (Paris-province) ; Elf La Ferté-Bernard (province-Paris); Shell La Ferté-Bernard (Paris-province). Il s'agit du secteur géographique qui nous touche le plus. Les prix sont relevés aussi bien le matin que l'après-midi". (Station Total de l'aire de Sarge-les-Le Mans, autoroute A11, le 1er juin 1999, annexe C, cote 1206).
36. "Tous les lundis et jeudis, avant 16h, nous téléphonons au deux stations suivantes, dans le sens Paris -province Shell Rosny et Esso Vironvay, ainsi que les trois stations dans l'autre sens ; Shell Vironvay, Esso Rosny et Fina Morainvillers ; Nous communiquons ces prix à Total par le serveur minitel. En fonction des décisions prises par Total (service prix, contrôle et service carburant), nous recevons de Parisnordis (qui transmet l'ordre) les nouveaux prix à appliquer. Ces prix nous sont adressés par télécopie." (Station Total de l'aire de Morainvilliers, autoroute A13, le 30 novembre 1999, annexe C, cote 1275).
37. "Tous les deux jours, nous appelons les concurrents pour connaître leurs prix. Il s'agit de Total, aire de Fraze, à Brou (sens Paris-province), Esso, aire de Bois Paris à Chartres (Paris-province) et Elf (aire de la Ferté-Bernard (province-Paris), Nous rentrons les informations recueillies dans le serveur minitel shell Auto Code accès 3613 pour les transmettre au service 'pricing' dont le responsable est M., siège social Tour Albert 1er à Rueil-Malmaison." (Station Shell de la Ferté-Bernard, autoroute A11, annexe C, cote 1224).
38. "Shell nous demande de les informer des prix de la concurrence, tous les matins, entre 7 et 9 heures. Nous téléphonons à la station Total à Morainvilliers (sens Paris-province) et à la station Esso de Vironvay. (même sens). Nous faisons remonter les prix au siège de Shell à Rueil Malmaison. Ces prix sont analysés par les chefs de secteur (1 à 2 départements) en fonction de différents paramètres. Les prix à appliquer nous sont communiqués par minitel, le matin pour le soir même du relevé." (Station Shell de l'aire de Rosny sur Seine, autoroute A13, le 30 novembre 1999, annexe C, cote 1281).
39. "A la demande de Shell, je téléphone à mes concurrents pour connaître leurs prix de détail, tous les matins avant 12 heures. Il s'agit de Shell Rosny, Esso Vironvay, BP Beuzeville dans le sens Paris-province et la station Total Bosgouet sur l'autre voie dans le sens province-Paris. Les informations sont transmises par minitel au service des prix-carburants au siège social de Shell, à Rueil Malmaison. Le soir même ou le lendemain matin, Shell nous adresse les prix à afficher, le cas échéant. En ce moment, les prix changent souvent, en raison du contexte économique. (...) En règle générale, c'est la station Total de Morainvilliers qui modifie ses prix, à la baisse ou à la hausse, en premier. Les autres stations suivent le mouvement". (Station Shell de l'aire de Bosgouet, le 30 novembre 1999, autoroute A13, annexe C, cote 1291).
40. "Shell nous demande d'observer les prix de la concurrence. Sur autoroute, les relevés se font par téléphone, afin d'éviter de longs déplacements. Pour ce qui me concerne, je relève les prix des stations Total Bosgouet et Elf Rosny dans le sens province-Paris et Esso Vironvay dans le sens Paris-province. Les relevés sont transmis par minitel, tous les jours avant midi." (Station Shell de l'aire de Vironvay, autoroute A13, le 2 décembre 1999, annexe C, cote 1359).
41. "Tous les jours, je fais une remontée des prix des concurrents : station Elf aire de Dardilly sens nord-sud ; station service Auchan Dardilly en bordure de l'A6 accessible dans les 2 sens de circulation, station Esso, aire de la porte de Lyon accessible dans les 2 sens de circulation, station Total, aire des chères A6 sens nord-sud (...) Le relevé des prix se fait physiquement, soit par téléphone. On ne s'appelle que quand on change. La directive impose que cette remontée soit faite avant 15 heures. Cette remontée se fait directement à BP sans passer par la SNC Gesmin (...) Ce mode de fonctionnement m'a été transmis oralement lors de ma formation initiale. Elle se fait par minitel.(...) A l'inverse de ces remontées, je reçois par minitel les prix des carburants que je dois pratiquer. En général je suis avertie la veille pour un changement le lendemain". (le 1er février 1999, station BP de l'aire de Paisy, La Dardilly, autoroute A6, annexe C, cote 1148).
42. "A la demande de BP, nous relevons les prix de nos concurrents, tous les jours, le matin, vers 9 heures. Il s'agit des stations Esso Vironvay, Shell à Bosgouet et Elf à Giberville, dans le sens province-Paris. (...) En ce qui concerne la station de Beuzeville, la politique de BP semble être de s'aligner sur la station Elf de Giberville (sens Paris-province)". (Station BP de l'aire de Beuzeville, autoroute A13, le 1er décembre 1999, annexe C, cote 1301).
43. "A la demande verbale du pétrolier Esso, on relève les prix des concurrents deux fois par semaine. Une fois les prix relevés, je les mets au minitel pour leur adresser. Tous les jours après 18 h, nous devons consulter le minitel pour voir si les prix ont été modifiés. Je recueille les prix des concurrents suivants : Elf à La Ferté-Bernard (sens province-Paris) ; Elf à Chartres (sens province-Paris) ; Total à Fraze (sens Paris-province en face). La consultation s'effectue par téléphone et à cette occasion mes concurrents me demandent mes prix. Chaque mois Esso m'envoie un récapitulatif des accusés de réception des changements de prix." (Station Esso de l'aire de Brou-Dampierre, le 1er juin 1999, autoroute A11, annexe C, cote 1211).
44. "A la demande d'Esso, nous les informons des prix pratiqués par la concurrence, les lundi, mercredi et vendredi, sauf cas particuliers comme c'est le cas actuellement avec les hausses du prix du pétrole (où les relevés sont quotidiens). Nous transmettons ces relevés à Esso par minitel avant 11 h du matin. Il s'agit des stations Total à Morainvilliers, Shell à Rosny, Shell Bosgouet et BP Beuzeville dans le sens Paris-province et Shell Vironvay dans le sens province-Paris ". (Station Esso de Vironvay, autoroute A13, annexe C, cote 1288).
45. "Les prix de vente du carburant sont fixés par le pétrolier qui nous demande de regarder les prix de la concurrence. Je regarde les prix de la station Elf située en face de la mienne. Shell Ganvry aire de Limours m'appelle de temps en temps lorsqu'il y a d'importants mouvements de prix. Demeurant à Brou, je vois les prix de chez Total lorsque je passe sur autoroute. Lorsque les prix des concurrents ont changé, je les passe sur le minitel pour les adresser à notre chef de secteur (...). En fait, on utilise le serveur Esso. Tous les soirs de chaque jour, je me connecte sur le serveur Esso pour voir s'il y a des modification de prix décidées par le siège social à Rueil Malmaison. Nous effectuons les relevés de prix de la concurrence 2 fois par semaine". (Station Esso de l'aire de Chartres, Gasville, autoroute A11, le 1er juin 1999, annexe C, cote 1220).
46. "Tous les soirs, je me connecte sur minitel pour une éventuelle modification des prix décidée par le pétrolier. Une à deux fois par semaine, je vais à Angers et je regarde les prix de la station Elf à Beaucouzé, à la sortie d'Angers (direction Nantes). Il m'arrive de l'appeler en semaine pour savoir si les prix ont bougé. Il est très rare que d'autres concurrents m'appellent, cela peut se produire de temps à autre." (Station Esso de l'aire de Genetais-Varades, le 2 juin 1999, autoroute A11, cote 1244).
47. "En ce qui concerne les prix des concurrents, nous les relevons par téléphone environ une fois par semaine. Nous sommes également appelés plusieurs fois par semaine. Les stations concurrentes sont : Total aire de Dracé, A6 nord-sud, Elf aire de Dardilly sens nord-sud et Total aire de les Chères A6 sens nord-sud (...). Nous communiquons par minitel ces prix tous les jours (en principe le matin) directement à Fina Rueil. Pour les prix de vente, je fais des propositions à la société Bisontine qui me donne son accord ou pas". (Station Fina de l'aire des Chères, autoroute A6, le 2 février 1999, annexe C, cote 1168).
L'utilisation par les compagnies pétrolières de ces informations sur les prix
48. Les déclarations des dirigeants des compagnies pétrolières précisent la façon dont les informations sur les prix des concurrents sont utilisées.
49. Comme l'indique le directeur du réseau d'Elf Antar : "Nous fixons nos prix à partir des cotations du produit et du niveau des prix de la concurrence. Les exploitants des stations-service relèvent les prix de la zone de concurrence, nous les communiquent par minitel, normalement trois fois par semaine et à chaque changement de prix des concurrents. Le relevé de prix est censé être quotidien. C'est à partir de ces informations que nous fixons le prix qui sera pratiqué dans la station service. Nous renvoyons ce prix aux exploitants des stations-service par minitel (...). Sur l'autoroute, le système de référence ne prend en compte que les pétroliers et s'ajuste de la même façon, en observant les prix de nos concurrents, les volumes vendus". (annexe C, cotes 1024 et 1027).
50. De même le directeur "prix réseau stations-service" de BP a déclaré : "La décision de fixation des prix est centralisée au siège de BP France, à partir des données de 'veille concurrentielle' remontées par les exploitants de stations-service. Les exploitants de stations-service remontent les prix pratiqués par les stations concurrentes, quotidiennement et à partir d'un système qui se trouve sur le site BP via un modem. Les changements éventuels de prix sont renvoyés par le même canal. On change les prix au maximum une fois par jour. Les modifications de prix sont décidées toujours dans le contexte de la stratégie prix, en fonction du cours du Platt's, du cours du dollar, et pour le local, en fonction des concurrents locaux." (...) "Pour les stations-service autoroutières, l'écart de prix est lié aux charges d'exploitation plus importantes." (annexe C, cote 979).
51. Le directeur des ventes réseau de la société Esso a également expliqué : "Chaque responsable de station pour lesquelles nous fixons les prix doit regarder les prix de la concurrence dans sa zone d'attraction. L'échantillon est prédéfini par les responsables locaux, chefs de secteur Esso. Les prix relevés concernent les quatre types de produit, essence SSP 98 et 95, essence super plombé et gazoil et ils sont entrés dans un fichier national sur minitel, chaque jour, avant onze heures. Ces prix sont exploités chaque jour par ma direction à Rueil, et en retour, avant 18 heures, les nouveaux prix Esso sont communiqués par le minitel. La saisie des nouveaux prix est réalisée par l'exploitant. Les prix pratiqués par les hypermarchés constituent la première référence pour établir nos prix et pour un certain nombre de stations-service, des écarts ont été définis, que l'on essaie de respecter. Cet ajustement, fait principalement par rapport aux prix des hypermarchés, constitue une politique pour limiter les pertes de volume. Pour les stations qui ne sont pas concurrencées par les hypermarchés [comme les stations autoroutières], les prix des stations concurrentes servent de référence." (annexe C, cotes 1044 et 1045).
Il a ajouté, sur les écarts de prix qui peuvent exister par rapport au positionnement décidé, au niveau du réseau, en matière de prix :
"Plus généralement, les écarts par rapport au positionnement sont dus à un décalage d'un jour entre le relevé de prix des concurrents et l'application des prix Esso et au fait que les chefs de secteur responsables sur ce terrain n'ont pas appliqué les positionnements approuvés par la direction (les causes peuvent être : non connexion au système minitel tous les jours...). Depuis le 20 juin, les politiques particulières sont traitées au siège, avec comme objectif d'éliminer les écarts versus la politique de positionnement." (annexe C, cote 1050).
52. Le directeur du réseau France de la société Total Raffinage Distribution SA a indiqué : "Les responsables des stations-service doivent relever les prix pratiqués dans les stations-service de leur zone de concurrence, une à [? mot manquant] fois par semaine. Ces prix sont transmis par minitel. Ils servent à me donner une vision globale de la concurrence sur le marché et permettent au délégué de modifier les prix quotidiens. Les changements de prix à la pompe ne sont pas quotidiens car ils nécessitent une manipulation qui dure entre 1/4 d'heure et une heure (stations d'autoroute). Les changements n'interviennent que lorsque les modifications sont au moins 3 centimes de F." (annexe C, cote 069).
Il a, par ailleurs, ajouté, à propos de la fixation des prix sur autoroutes : "Je détermine personnellement les prix pratiqués dans les stations-service d'autoroute. Mon critère est la rentabilité maximum. L'autoroute nous coûte relativement cher du fait de ses contraintes du cahier des charges. Je fixe les prix en fonction du niveau d'un investissement que nous avons à rentabiliser. Nos prix reflètent une rentabilité économique". (annexe C, cote 1070).
53. Enfin, le directeur des ventes réseau de la société des pétroles Shell a déclaré : "Les chefs de secteur déterminent, site par site, la zone de chalandise des stations-service et ils décident, pour les mandataires ou les commissionnaires, par rapport aux prix pratiqués par les concurrents, du prix qui leur semble meilleur pour la station service. Les concurrents peuvent être des stations pétrolières, mais aussi des stations de la grande distribution. Les chefs de secteur ont un objectif de développement des volumes. Ils analysent et mesurent les besoins de la clientèle sur chaque zone de chalandise pour fixer au mieux les prix. Ils ont, comme outils, les relevés de prix effectués, contractuellement, tous les jours, par l'exploitant et l'évolution des volumes." (annexe C, cote 1062).
54. Le rapport d'enquête note, par ailleurs, que d'une manière générale, les augmentations de prix sont décidées lorsque, sur une période de quelques jours, la valeur produit (qui prend en compte le Platt's et la parité F/dollar) a plus augmenté que le prix d'affichage. La décision intervient lorsque la différence atteint au moins 5 ct/litre.
L'affichage des prix
55. L'affichage des prix à l'entrée de l'autoroute par les sociétés d'autoroute est incomplet. En effet, les sociétés d'autoroute n'ont pas connaissance des prix de tous les carburants pour toutes les stations autoroutières : en premier lieu, toutes les stations-service sur autoroutes ne figurent pas sur le panneau d'affichage, et en second lieu, les prix de tous les carburants ne sont pas affichés, puisque le prix du super sans plomb 95 ne figure pas sur la liste des carburants dont les prix doivent être mentionnés. L'affichage réglementaire prévu par l'arrêté du 8 juillet 1988, modifié par les arrêtés du 10 avril 1990 et du 12 juillet 2001, n'assure donc pas une publicité totale des prix.
2. Les relevés de prix
56. Le ministre, à l'origine de la saisine, a diligenté une enquête administrative. Les investigations ont porté sur les modalités de la fixation des prix de détail des carburants distribués dans les stations de service autoroutières. L'enquête a porté sur la période février à mai 1999 pour la BIE de Lyon, juin-juillet 1999 pour la BIE de Nantes, novembre-décembre 1999 pour la BIE de Paris, et sur la période juin-juillet 2000, pour la DNEC. Les conclusions de cette enquête sont les suivantes :
57. Pour la région normande : "En période de stabilité du prix du brut, comme ce fut le cas pour les carburants sans plomb durant la 1ère quinzaine de novembre, les prix pratiqués par les différentes stations sont le plus souvent identiques ou présentent des écarts minimes (1 à 2 centimes par litres), exception faite de la station BP, première station de l'A13 dans le sens province-Paris, qui pratique des prix inférieurs." Selon le rapport d'enquête, cette situation particulière résulterait de la présence, à l'entrée de l'autoroute, à environ trois kilomètres de cette station, d'un hypermarché continent qui pratique des prix bas;
"en période d'augmentation; comme ce fut le cas durant la seconde quinzaine de novembre, les tableaux ne font pas apparaître de hausses véritablement simultanées. la fréquence, le montant et les dates des ajustements tarifaires varient selon les marques et les stations. En raison de ces ajustements successifs, les écarts de prix entre les différentes stations apparaissent plus importants qu'en période de stabilité. La tendance demeure toutefois à l'alignement des prix".
58. Pour la région nantaise : "Les déclarations des responsables de stations-service font apparaître des échanges d'informations réguliers sur les prix des carburants avec leurs concurrents ; les éléments recueillis sont systématiquement transmis à la demande des compagnies pétrolières au service compétent de leur siège social ou à un responsable du secteur qui les répercute. Autrement dit, ces agissements laissent présumer l'existence de pratiques diffuses de fixation concertée des prix dans le secteur de la distribution des carburants sur autoroutes. Ces pratiques organisées par les compagnies pétrolières sont susceptibles d'opérer un rapprochement de leur politique commerciale face à une clientèle captive. Le fort alignement des prix en est la parfaite illustration".
59. Pour la région lyonnaise : "Les alignements [de prix] se font de manière non simultanée mais dans un délai très variable. Par contre, il n'est pas observé de comportement identique le même jour. Dans certains cas, même, l'initiateur de la baisse des prix n'est pas suivi par les autres sociétés et réajuste ses prix à leur niveau initial après un certain temps. Les mouvements (hausses ou baisses) sont généralement liés aux tendances du marché et notamment aux prix pratiqués pour les carburants raffinés à Rotterdam. Les investigations ont mis à jour un parallélisme de comportement très marqué sur l'autoroute du Sud et, dans une moindre mesure, sur l'autoroute Rhône Alpes."
Les éléments recueillis lors de l'instruction
60. Les relevés de prix décrits ci-dessus ont été complétés pour l'année 1999 et le premier semestre de l'année 2000, pour quinze stations autoroutières situées sur quatre autoroutes à grand trafic, soit un groupe de cinq stations, un groupe de quatre stations et deux groupes de trois stations.
61. La comparaison des prix journaliers entre des stations voisines d'une même portion d'autoroute (l'A 7), pour laquelle les données étaient complètes, a mis en évidence une identité des prix sur le long terme (dix-huit mois) :
s'agissant du gazole, les prix ont été identiques au centime près tous les jours, en avril, mai, juin 1999. Par ailleurs, s'agissant de la durée et l'amplitude de l'écart de prix observé d'une station à l'autre, le prix du gazole, dans une station service donnée, n'a jamais été supérieur ou inférieur de 5 centimes à celui d'une autre station service voisine plus de 5 jours consécutifs. La seule exception ayant été observée en juillet 1999 où la station Esso pont de l'Isère maintient une différence de prix de 10 centimes avec l'un de ses concurrents pendant 8 jours consécutifs.
. s'agissant du SSP 98 et concernant la durée et l'amplitude de l'écart de prix observé d'une station à l'autre, le prix du SSP 98 dans une station service n'a jamais été supérieur ou inférieur de plus de 6 centimes à celui de ses concurrents plus de sept jours consécutifs. Les seules exceptions ayant été observées en mai 1999, où la station BP St Rambert maintient son prix à 6,83 F pendant 32 jours consécutifs, alors que ses concurrents sont au moins dix centimes plus cher et en janvier et février 2000, où le carburant vendu dans la station BP St Rambert est 10 centimes plus cher du 1er janvier au 16 février que celui vendu par Total, Shell et Esso.
62. Par ailleurs, la comparaison des moyennes mensuelles a permis de constater :
. que le niveau moyen mensuel des prix sur autoroute est supérieur de 50 centimes à celui du niveau des prix des stations hors autoroute ;
. que l'écart entre les prix mensuels des différentes stations de l'A 7, en 1999, n'a pas dépassé, en moyenne, 2 centimes pour le gazole, 5 centimes pour le SSP 95 et le SSP 98 ;
. que ces moyennes mensuelles ont connu une évolution identique sur 18 mois pour toutes les stations des échantillons retenus.
63. Quant à la comparaison des moyennes annuelles (ou semestrielles pour l'année 2000), elle a permis de vérifier :
- que les écarts, pour le gazole, entre les prix moyens annuels des stations situées sur une même portion d'autoroute ont été au maximum de 4 centimes en 1999 (2 centimes en 2000) ;
- que les écarts, pour le SSP 98, entre les prix moyens annuels des stations situées sur une même portion d'autoroute, ont été au maximum de 4 centimes en 1999 (5 centimes en 2000) ;
- que les écarts pour le SSP 95, ont été au maximum de 4 centimes en 1999 comme en 2000.
D. - Les griefs notifiés
Les griefs suivants ont été notifiés :
64. Il est fait grief aux sociétés Total Fina Elf, BP France, Esso Saf et Pétroles Shell d'avoir consciemment et volontairement aligné les prix de leurs carburants vendus sur autoroute. Cet alignement des prix ne se justifie pas au regard de coûts de distribution différents selon les compagnies et il est incohérent avec la politique commerciale des compagnies pétrolières sur l'ensemble de leur réseau, qui conduirait au contraire à une différenciation des prix. Cet alignement volontaire des prix entre les différentes compagnies pétrolières a été facilité par l'échange d'informations entre les gérants des stations-service autoroutières et traduit l'accord tacite des sociétés pétrolières de renoncer à se faire concurrence et à suivre une politique commerciale autonome sur le réseau autoroutier. Ce comportement a eu pour objet et pour effet de porter atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution des carburants routiers sur autoroute, et il est prohibé par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 81 alinéa 1er du traité.
65. Il est fait grief aux sociétés Elf Antar France et Total Raffinage Distribution d'avoir consciemment et volontairement aligné les prix de leurs carburants vendus sur autoroute. Cet alignement des prix ne se justifie pas au regard de coûts de distribution différents selon les compagnies et il est incohérent avec la politique commerciale des compagnies pétrolières sur l'ensemble de leur réseau, qui conduirait au contraire à une différenciation des prix. Cet alignement volontaire des prix entre les différentes compagnies pétrolières a été facilité par l'échange d'informations entre les gérants des stations-service autoroutières et traduit l'accord tacite des sociétés pétrolières de renoncer à se faire concurrence et à suivre une politique commerciale autonome sur le réseau autoroutier.
Ce comportement a eu pour objet et pour effet de porter atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution des carburants sur autoroute, et il est prohibé par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
II. - DISCUSSION
A. - Sur la procédure
66. La société BP France conteste la validité du procès-verbal d'audition de la gérante de la station BP de l'aire de Paisy, dressé le 2 février 1999, au motif que l'objet de l'enquête n'a pas été indiqué à la personne entendue avant son audition, contrairement au texte pré-imprimé figurant en première page du procès-verbal.
67. Cependant, la Cour de cassation a jugé dans son arrêt Bec frères, en date du 20 novembre 2001, que la mention pré-imprimée sur le procès verbal selon laquelle l'objet de l'enquête a été porté à la connaissance de la personne entendue suffit à justifier, jusqu'à preuve du contraire, de l'indication de cet objet. La société BP ne produit aucun élément de nature à apporter la preuve que les déclarations transcrites auraient été obtenues au moyen de manœuvres déloyales, auxquelles les enquêteurs se seraient livrés, et qui auraient conduit la personne entendue à se méprendre sur la portée de ses propos. Le procès-verbal d'audition du 1er février 1999 n'a donc pas à être écarté du dossier.
68. La société Pétroles Shell fait valoir que "les éléments joints à la saisine permettent de douter de sa recevabilité. En effet, d'une part, plusieurs rapports administratifs, notamment ceux de Lyon et de Paris, écartent explicitement toute concertation entre les entreprises concernées, et d'autre part, le rapport de la DNEC du 28 juillet 2000, qui n'a pas apporté d'éléments complémentaires concernant les réseaux des compagnies pétrolières, indique au surplus 'chaque société a adopté une politique spécifique de fixation de ses prix de vente'". Elle en déduit que, dès lors que plusieurs enquêtes constatent l'absence de pratiques anticoncurrentielles, la saisine du ministre doit être déclarée irrecevable.
69. Cependant, aux termes de l'article L. 462-5 du Code de commerce, le conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé de l'économie de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 dudit Code. De plus, le Conseil a rappelé à de nombreuses reprises qu'il n'est pas lié par les conclusions des rapports administratifs d'enquête. En l'espèce, la saisine était appuyée par suffisamment d'éléments probants pour que le moyen de la société Pétroles Shell soit écarté.
B. - Sur la définition du marché pertinent
70. Les sociétés Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France et BP France contestent l'existence d'un marché de la distribution du carburant sur autoroutes. Les sociétés Pétroles Shell, Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France, BP France, Esso Saf font, de plus, valoir que la définition géographique du marché serait opaque et que les contours n'en seraient pas précisément cernés. Par ailleurs, la société BP oppose que la station BP St Rambert, située sur l'A 7, n'appartiendrait pas au marché pertinent.
71. Cependant, l'existence d'un marché distinct de la distribution du carburant sur autoroutes a été déjà affirmée dans deux décisions de la Commission européenne (Exxon/Mobil du 29 septembre 1999 et TotalFina/Elf du 9 février 2000) et dans l'avis du conseil du 16 mai 2000. Aucun des éléments apportés par les parties ne justifie la remise en cause, au cas d'espèce, des décisions citées ci-dessus, motivées, notamment, par l'existence de différences de prix sensibles entre les carburants vendus sur autoroutes et hors autoroutes, le caractère captif de la demande et, enfin, les contraintes particulières qui pèsent sur les conditions de création et de fonctionnement des stations-service sur autoroutes.
72.Les décisions susmentionnées ont également établi qu'il existe un marché géographique unique de la vente de carburants sur autoroutes en France. Cette unité s'explique par le maillage du territoire français par de nombreuses autoroutes, interconnectées entre elles, ainsi que par la présence sur celles-ci de nombreuses stations-service proches les unes des autres, ce qui contribue à former une chaîne continue de stations.
C. - Sur la qualification des pratiques
Sur les échanges d'information sur les prix
73. Il résulte de l'enquête réalisée auprès d'un échantillon de stations-service autoroutières réalisées par les BIE de Lyon, Nantes, et Paris que nombre de stations-service échangeaient téléphoniquement plusieurs fois par semaine, avec leurs concurrents les plus directs, des informations sur les prix qu'elles pratiquaient pour les différents types de carburant.
74. Ainsi, il ressort des déclarations des gérants de stations-service auditionnés au cours de l'enquête que, sur l'autoroute A 6, la station BP de l'aire de Paisy communique ses prix, tous les lundis et jeudis, à la station Total de l'aire des Chères, et, le lundi, le mercredi et le jeudi, à la station Elf de La Dardilly. Cette dernière transmet ses prix, les lundis et jeudis, à la station Total des Chères, tous les matins, à la station BP de l'aire de Paisy et, une fois par semaine, à la station Fina des Chères. La station Esso de la Porte de Lyon communique ses prix à la station Elf de La Dardilly, le lundi, le mercredi et le vendredi, et à la station BP de l'aire de Paisy, tous les matins. La station Fina de l'aire des Chères transmet également ses prix, tous les lundis, mercredis et vendredis, à la station Elf de la Dardilly et, tous les lundis et jeudis, à la station Total des Chères. Celle-ci, en retour, répond aux demandes qui lui sont faites, tous les matins, par la station BP de l'aire de Paisy, et une fois par semaine par la station Fina de l'aire de chères. Le lundi et le jeudi, la station Shell de l'aire de Taponas communique ses prix à Total, aire de Dracé, qui lui même les transmet, une fois par semaine, à la station Fina de l'aire des Chères.
75. De même, sur l'A 11, il résulte des déclarations des gérants que la station Elf de l'aire de Chartres communique ses prix, deux fois par semaine, à la station Esso, située à Brou-Dampierre, qui reçoit également, deux fois par semaine, les prix de la station Elf à La Ferté-Bernard. Celle-ci communique ses prix à la station Shell à La Ferté-Bernard, tous les deux jours, et à la station Total de Sarge-les-Le Mans, une ou deux fois par semaine, qui reçoit également, les mêmes jours, communication des prix de la station d'Elf de Sarges-les-Le Mans qui elle-même lui demande ses prix tous les matins. La station Shell à La Ferté-Bernard donne ses prix aux stations Elf et Total de Sarge-les-Le Mans, tous les matins, pour la première et, une à deux fois par semaine, pour la seconde. La station Esso de l'aire de Bois-Paris communique ses prix, tous les deux jours, à la station Shell de La Ferté-Bernard et la station Esso de St Denis sur Orques donne ses prix, tous les matins, à la station Elf de Sarge-les-Le Mans. La station Esso située à Varades communique ses prix, tous les deux jours, à la station Elf située dans la même localité. La station Fina des Portes d'Angers répond aux demandes de la station Total de Parcé-sur-Sarthe, le lundi et le jeudi, et, les mêmes jours, cette dernière station reçoit les prix du Shell situé dans la même localité. La station Total de l'aire de Fraze donne ses prix à la station Shell de La Ferté-Bernard, tous les deux jours, et à la station Esso de l'aire de Brou-Dampierre, deux fois par semaine. Cette dernière et la station Total de Chantereine communiquent leurs prix, le lundi, mercredi et vendredi à la station Elf de l'aire de Bois Paris.
76. Par ailleurs, toujours sur l'A 11, il arrive à la station Elf à la sortie d'Angers de donner ses prix par téléphone à la station Esso de l'aire de La Genetais-Varades et la Station Esso de l'aire de Chartres est en contact, de temps en temps, avec la station Shell de l'aire de Limours. La station Esso de l'aire de Brou-Dampierre déclare, quant à elle, consulter par téléphone, deux fois par semaine ses plus proches concurrents, soit la station Elf de La Ferté-Bernard, celle de l'aire de Chartes, et la station Total de l'aire de Fraze, et à cette occasion, donner les siens. De même, la station Total de Parcé-sur-Sarthe indique, en parlant de ses concurrents, "Nous leur indiquons forcément nos prix lorsque nous les appelons". Il s'agit des stations Shell de la même localité et Fina des Portes d'Angers, qu'elle appelle tous les lundis et jeudis.
77. Enfin, les déclarations des gérants entendus sur l'A 13 font également état d'un système généralisé d'échanges d'information. La station BP de Beuzeville communique ses prix tous les matins à la station Shell de Bosgouet, et le lundi et le jeudi, à la station Total de Bosgouet, laquelle reçoit, les mêmes jours, les prix de la station BP de Giberville, ceux de la station Elf de Beuzeville, ceux de la station Shell de Bosgouet, et ceux de la station Elf de Giberville. La station Esso, située aire de Rosny sur Seine, donne ses prix, les lundis et jeudis, au Total de Morainvilliers, tout comme la station Esso de Vironvay. Cette même station communique, de plus, ses prix, tous les matins, aux stations Shell situées à Rosny sur Seine, Bosgouet et Vironvay. La station Fina de Morainvilliers donne ses prix le lundi, mercredi et jeudi, à la station Elf de Rosny sur Seine, et le lundi et le jeudi, à la station Total de Morainvilliers. La station Shell de Rosny sur Seine communique ses prix à la station Total de Morainvilliers, les lundis et jeudis, et à la station Shell de Bosgouet, tous les matins. La station Shell de Vironvay communique ses prix le lundi, le mercredi et le vendredi à la station Elf de Rosny, ainsi que, le lundi et le jeudi, à la station Total de Morainvilliers. La station Total de Bosgouet communique ses prix tous les matins, aux stations Shell de Bosgouet et de Vironvay, et, le lundi, le mercredi et le jeudi, à la station Elf de Rosny sur Seine qui, pour sa part, communique ses prix tous les matins à la station Shell de Vironvay. Tous les matins, la station Total de Morainvilliers donne ses prix à la station Shell de Rosny sur Seine.
Sur la portée et l'utilisation des informations échangées par les gérants libres et les salariés des compagnies pétrolières
78. Les sociétés BP France, Pétroles Shell, Total Raffinage distribution, Elf Antar France et Esso Saf allèguent que l'échange d'informations sur les prix ne porterait que sur des informations parfaitement publiques puisqu'il s'agit de prix déjà pratiqués et affichés. Ils soutiennent également que la transparence des prix des carburants sur autoroutes est favorisée, à titre principal, par les pouvoirs publics, l'affichage des prix à l'entrée des autoroutes étant imposé par l'arrêté du 8 juillet 1988, modifié par les arrêtés du 10 avril 1990 et du 12 juillet 2001. En outre, en annexe à ses observations en réponse au rapport, Total Fina Elf SA produit une étude économique dans laquelle on peut lire : "Les prix étant décidés dans chaque entreprise au niveau national, les conversations entre gérants de stations ne pouvaient en aucun cas donner lieu à des négociations sur les prix futurs. Quant aux fonctions 'informationnelles' des contacts en cause, elles sont nécessairement nulles puisque l'information en question était de toute façon publique et facile à obtenir sans communication. Enfin, les contacts portaient sur des prix déjà appliqués et ne constituaient donc pas une information sur des prix futurs".
79. Cependant, les informations affichées par les panneaux d'affichage des prix disposés à l'entrée des autoroutes sont incomplètes, puisque toutes les stations-service n'y figurent pas, que l'actualisation de l'affichage est irrégulier et que les prix affichés sont ceux du gazoil, du super, et du super sans plomb 98, à l'exclusion du super sans plomb 95, qui est pourtant aussi vendu que les autres.
80. Par ailleurs, il convient de relever que les affirmations selon lesquelles les informations recueillies avaient une fonction "informationnelle nulle" sont démenties tant par la pratique des compagnies que par les déclarations de leurs responsables commerciaux.
81. Ainsi, le directeur du réseau France de la société Total Raffinage Distribution SA a déclaré :"Les responsables des stations-service doivent relever les prix pratiqués dans les stations-service de leur zone de concurrence, une à [? mot manquant] fois par semaine. Ces prix sont transmis par minitel. Ils servent à me donner une vision globale de la concurrence sur le marché et permettent au délégué de modifier les prix quotidiens. Les changements de prix à la pompe ne sont pas quotidiens car ils nécessitent une manipulation qui dure entre 1/4 d'heure et une heure (stations d'autoroute). Les changements n'interviennent que lorsque les modifications sont au moins 3 centimes de F". (annexe C, cote 1069).
82. De même, le directeur du réseau d'Elf Antar affirme : "Nous fixons nos prix à partir des cotations du produit et du niveau des prix de la concurrence. Les exploitants des stations-service relèvent les prix de la zone de concurrence, nous les communiquent par minitel, normalement trois fois par semaine et à chaque changement de prix des concurrents. Le relevé de prix est censé être quotidien. C'est à partir de ces informations que nous fixons le prix qui sera pratiqué dans la station service. Nous renvoyons ce prix aux exploitants des stations-service par minitel (...). Sur l'autoroute, le système de référence ne prend en compte que les pétroliers et s'ajuste de la même façon, en observant les prix de nos concurrents, les volumes vendus". (annexe C, cote 1024 et 1027).
83. De même, le directeur "prix réseau stations-service" de BP a indiqué : "Les exploitants de stations-service remontent les prix pratiqués par les stations concurrentes, quotidiennement et à partir d'un système qui se trouve sur le site BP via un modem. Les changements éventuels de prix sont renvoyés par le même canal. On change les prix au maximum une fois par jour. Les modifications de prix sont décidées toujours dans le contexte de la stratégie prix, en fonction du cours du Platt's, du cours du dollar, et, pour le local, en fonction des concurrents locaux." (...)". (annexe C, cote 979).
84. Le directeur des ventes réseau de la société Esso Saf a, pour sa part, déclaré : "Chaque responsable de station pour lesquelles nous fixons les prix doit regarder les prix de la concurrence dans sa zone d'attraction. L'échantillon est prédéfini par les responsables locaux, chefs de secteur Esso. Les prix relevés concernent les quatre types de produit, essence SSP 98 et 95, essence super plombé et gazoil et ils sont entrés dans un fichier national sur minitel, chaque jour, avant onze heures. Ces prix sont exploités chaque jour par ma direction à Rueil, et en retour, avant 18 heures, les nouveaux prix Esso sont communiqués par le minitel. La saisie des nouveaux prix est réalisée par l'exploitant. (.) Pour les stations qui ne sont pas concurrencées par les hypermarchés, les prix des stations concurrentes servent de référence." (annexe C, cotes 1044 et 1045).
85. Enfin, le directeur des ventes réseau Pétroles Shell a déclaré : "Les chefs de secteur déterminent, site par site, la zone de chalandise des stations-service et ils décident, pour les mandataires ou les commissionnaires, par rapport aux prix pratiqués par les concurrents, du prix qui leur semble meilleur pour la station service. Les concurrents peuvent être des stations pétrolières, mais aussi des stations de la grande distribution. Les chefs de secteur ont un objectif de développement des volumes. Ils analysent et mesurent les besoins de la clientèle sur chaque zone de chalandise pour fixer au mieux les prix. Ils ont comme outils les relevés de prix effectués, contractuellement, tous les jours, par l'exploitant et l'évolution des volumes." (annexe C, cote 1062).
86. Il est ainsi établi que les contacts entre les gérants libres ou les employés des compagnies pétrolières leur permettaient, en échange d'une information sur les prix pratiqués dans leur station, de recueillir des informations sur les prix pratiqués dans les stations concurrentes. Ces informations étaient transmises aux responsables des réseaux qui les utilisaient pour réviser plusieurs fois par semaine les prix dans chacune des stations-service, en fonction des prix pratiqués par les autres compagnies dans les stations voisines.
Sur la responsabilité des compagnies pétrolières dans les échanges d'informations sur les prix entre leurs salariés ou gérants libres
87. La société Pétroles Shell indique, dans ses observations en réponse à la notification de griefs, qu'il n'est pas établi que "c'est elle qui aurait demandé de solliciter les prix des autres stations par téléphone", mais elle ajoute que "certains gérants de stations, dont celui de la station Shell cité dans la notification de griefs, pour éviter d'effectuer plusieurs dizaines de kilomètres de distance tous les jours pour le relevé des prix, au demeurant public, ont pu s'informer en direct auprès d'autres stations autoroutières des prix pratiqués, qui sont, en tout état de cause, affichés à l'entrée de la station et à l'entrée de la section d'autoroute.". Dans ses observations en réponse au rapport, elle "affirme qu'elle n'a jamais recommandé à ses gérants de procéder à des appels téléphoniques pour s'informer du prix de ses concurrents".
88. La société Esso Saf observe, dans son mémoire en réponse, que "à supposer même que, contre les instructions existant au sein du réseau Esso, un gérant ne relève pas lui-même les prix mais téléphone à la station concurrente, il ne peut indiquer que ce qu'il connaît, c'est-à-dire les prix publics et affichés. S'ils décrochaient le téléphone, les gérants Esso le feraient de leur propre initiative, pour des raisons de commodité, pour s'éviter des déplacements, avec le temps et les risques que cela implique". La société Esso Saf précise également qu'elle a fait diffuser une circulaire, à compter du 10 août 2000, par laquelle elle proscrit les échanges téléphoniques.
89. Dans son mémoire en réponse, la société Total Fina Elf indique: "aucune consigne de pratiquer des relevés de prix par téléphone n'a été donnée, ni par Total raffinage Distribution ni par Elf Antar France comme le reconnaît le rapport. Les relevés téléphoniques n'étaient d'ailleurs pas systématiques puisque de nombreux exploitants pratiquaient, quant à eux, des relevés visuels". Elle précise également : "afin de dissiper les éventuelles ambiguïtés que les appels téléphoniques pouvaient susciter, la société Cofiges, chargée de coordonner l'exploitation des stations-service autoroutières de Total raffinage Distribution, a adressé le 21 août 2000 une instruction leur rappelant que les remontées de prix des carburants pratiqués par la concurrence ne devaient concerner que les prix des stations-service pouvant être contrôlées visuellement. Elf Antar France a procédé de même".
90. Pour sa part, le gérant de la station-service Elf, aire de Bois Paris, a déclaré sur procès-verbal : "On ne se téléphone que pour obtenir des informations tarifaires. A ma connaissance, cette manière de faire a toujours existé dans ce secteur d'activité sur autoroute".
91. L'assistant en boutique de la station Elf de Sarge-les-Le Mans indique : "Ces informations sont recueillies par nos soins tous les jours par téléphone auprès des collègues concurrents à la demande du pétrolier Elf."
92. Le manager de la station Total de Bosgouet a précisé : "Total nous demande de relever par téléphone les prix de la concurrence que nous leur transmettons par minitel les lundi et jeudi dans la matinée".
93. Le manager de la station Total de Parcé/Sarthe a déclaré : "Je vous communique un exemplaire vierge d'un tableau de relevé de prix de la concurrence ; les stations Esso et Elf à Varades y figurent également. Les numéros indiqués au dessous de chaque station sont des abrégés téléphoniques et la signature doit être celle de la personne qui prend les prix. Nous leur indiquons forcément nos prix lorsque nous les appelons, mais souvent ils nous rappellent en fonction de leurs impératifs pour remonter les prix à leurs pétroliers. Cette manière de procéder existe depuis de nombreuses années".
94. Le responsable d'exploitation de la station-service Shell Bosgouet a indiqué lors de son audition : "A la demande de Shell, je téléphone à mes concurrents pour connaître leurs prix de détail, tous les matins avant 12 h".
95. Enfin, le manager de la station-service BP de l'aire de Paisy, à La Dardilly, sur l'autoroute A6, a déclaré, selon le procès-verbal établi lors de l'enquête : "Le relevé de prix se fait soit physiquement, soit par téléphone. On ne s'appelle que quand on change. La directive impose que cette remontée soit faite avant 15 h 00. Cette remontée se fait directement à la BP (...). Ce mode de fonctionnement m'a été transmis oralement lors de la formation initiale. La remontée se fait par minitel".
96. Il résulte de ce qui précède, en premier lieu, que les affirmations de la société Pétroles Shell, qui prétend n'avoir jamais demandé à ses employés ou ses gérants de recueillir des prix par téléphone (ce qui implique que réciproquement ils donnent leurs prix à leurs interlocuteurs si ceux-ci les leur demande), sont directement contredites par la déclaration sur procès-verbal du responsable d'exploitation de la station Shell Bosgouet. En outre, la société Pétroles Shell ne soutient pas avoir ignoré les pratiques litigieuses ou les avoir interdites.
97. En deuxième lieu, la société Esso Saf, qui se borne à produire des instructions postérieures à l'enquête, ne justifie nullement que ses employés ou ses gérants auraient, à l'époque des faits couverts par l'enquête, agi contre les instructions existant au sein du réseau Esso Saf. Pour le reste, elle ne soutient pas qu'elle aurait ignoré l'existence d'échanges d'informations entre certains de ses employés ou gérants de stations-service et ceux de ses concurrents et les justifie, comme la société Pétroles Shell, par le souci de limiter le coût de la transparence du marché.
98. En troisième lieu, les affirmations de la société Total Fina Elf, selon lesquelles "aucune consigne de pratiquer des relevés de prix par téléphone n'a été donnée, ni par Total Raffinage Distribution ni par Elf Antar France", doivent être interprétées à la lumière des déclarations de certains gérants selon lesquelles "Total nous demande de relever par téléphone les prix de la concurrence." (station Total de Bosgouet) ou que "Ces informations sont recueillies par nos soins tous les jours par téléphone auprès des collègues concurrents à la demande du pétrolier Elf." (station Elf de Sarge-lès-Le Mans).
99. Enfin, et à supposer même qu'en dépit des éléments de preuve ci-dessus rapportés, on considère que les compagnies pétrolières n'ont pas imposé la pratique d'échange d'information entre leurs gérants, elles ne soutiennent pas avoir ignoré l'existence de cette pratique qui, selon un des gérants interrogés, "existe depuis de nombreuses années" (station Total de Parcé/Sarthe), qui, selon un autre gérant, à sa connaissance "a toujours existé dans ce secteur d'activité sur autoroute" (station service Elf, aire de Bois Paris) et dont, selon un troisième gérant, l'existence lui aurait "été transmis oralement lors de la formation initiale." (station-service BP située à Dardilly). Au demeurant, les compagnies pétrolières ont soutenu, lors de la séance du conseil, que les informations obtenues téléphoniquement par les employés ou les gérants risquant d'être peu fiables car, n'ayant pas été constatées visuellement, elles étaient contraintes d'engager des frais "importants" pour vérifier leur exactitude. Ainsi, les compagnies pétrolières ont admis qu'elles étaient parfaitement informées des conditions dans lesquelles leurs employés et gérants s'échangeaient téléphoniquement des informations sur les prix qu'ils pratiquaient. Bien que manifestement au courant des échanges d'informations entre les gérants, les compagnies pétrolières n'ont rien fait, pendant la période des faits sur lesquels a porté l'enquête, pour interdire à leurs employés ou gérants de transmettre aux gestionnaires des stations concurrentes des informations concernant les prix qu'elles pratiquaient.
Sur la portée des pratiques mises en œuvre
100. Les échanges d'information relevés ont, pour origine, la demande faite par les compagnies pétrolières à leurs employés ou à leurs gérants de station service de relever les prix de la concurrence afin de traiter cette information pour leur permettre d'établir les prix qu'ils demandent à ces gérants de pratiquer.
101. Les compagnies pétrolières font valoir que cette "veille concurrentielle" n'est pas en soi contraire au droit de la concurrence. Il appartient, en effet, à chaque concurrent de mettre en œuvre les moyens qu'il estime nécessaires pour recueillir, hors concertation ou échange d'informations, les éléments d'environnement propres à lui permettre de déterminer en toute indépendance ses prix.
102. En revanche, cette pratique, légitime et favorable au développement de la concurrence, peut être dévoyée lorsque chaque compagnie pétrolière, loin de se contenter de mettre en œuvre les moyens qu'elle estime nécessaires au recueil d'informations utiles pour la détermination de ses propres prix, accepte que ses employés ou les gérants de ses stations-service aident ses concurrents à établir leurs prix en leur transmettant des informations sur les prix pratiqués dans ses propres stations. Dans un tel cas, la pratique peut avoir pour objet ou pour effet de restreindre le jeu normal de la concurrence par les prix entre les compagnies pétrolières.
103. Dans les zones où les employés ou les gérants de chaque compagnie pétrolière peuvent facilement, et sans coût, constater les prix pratiqués par les stations des sociétés concurrentes, toute tentative d'une compagnie pétrolière de baisser ses prix par rapport à ceux de ses concurrents dans une station pour développer sa clientèle sera immédiatement détectée par les gérants ou employés des stations des compagnies concurrentes, ce qui permettra à ces compagnies de réagir sans retard à l'attaque concurrentielle en alignant leurs prix à la baisse. Toute compagnie initiant une baisse concurrentielle de prix sera ainsi confrontée à une réplique immédiate et ne pourra tirer avantage de son initiative. Sur un marché oligopolistique du type de celui visé par la présente décision, dans les zones dans lesquelles la transparence est grande, la concurrence entre les compagnies sera donc faible, même en l'absence d'échange d'informations entre les compagnies.
104. En revanche, dans les zones où il est relativement coûteux de réunir fréquemment l'information sur les prix des stations concurrentes en raison, notamment, du temps et des frais de transport nécessaires à ce recueil, une certaine concurrence par les prix sera possible car chaque compagnie pourra espérer qu'une baisse de ses prix dans sa station ne sera pas immédiatement détectée par ses concurrents. Dans ces zones, le fait qu'une compagnie tolère que ses employés ou ses gérants indiquent par téléphone les prix qu'ils pratiquent aux employés ou gérants des stations des compagnies concurrentes a pour effet d'accroître artificiellement la transparence du marché. Les coûts liés à un relevé visuel régulier des prix affichés sont sensiblement supérieurs à ceux d'échanges téléphoniques, comme le confirme certaines déclarations des gérants de stations : "Les relevés se font généralement par téléphone en raison des distances importantes sur autoroute." (Station Elf, Rosny, autoroute A13) ; "Sur autoroute, les relevés se font par téléphone, afin d'éviter de longs déplacements." (Station Shell, Vironvay). La distance moyenne entre deux stations est, en effet, estimée à environ 30 kilomètres. Par rapport aux relevés visuels, les échanges d'information sur les prix par téléphone accroissent la transparence des prix sur le marché concerné puisqu'ils permettent de réduire les coûts d'accès à l'information sur les prix, coûts qui sont la mesure du degré de transparence.
105. Lorsqu'une compagnie incite ses employés ou gérants de station service à informer ses concurrents des prix pratiqués ou lorsqu'elle tolère qu'ils se livrent à une telle pratique, toute tentative de sa part de faire une concurrence par les prix aux stations concurrentes est vouée à l'échec puisqu'elle permet aux compagnies concurrentes de réagir immédiatement et de s'aligner sur ses prix.
106. Une compagnie n'a pas intérêt à mettre en œuvre une telle pratique si elle n'est pas assurée que ses concurrents font de même. En effet, en organisant ou en permettant la divulgation des prix qu'elle pratique dans une station service à ses concurrents, elle offrirait à ses concurrents une information que ceux-ci en retour ne lui offriraient pas et qu'elle serait obligée de recueillir (ou de faire recueillir) à titre onéreux plusieurs fois par semaine, se mettant ainsi dans une situation désavantageuse vis-à-vis de ses concurrents. Ce n'est donc que si la pratique est collective qu'elle sera mise en œuvre.
107. Cet échange d'informations sur les prix pratiqués dans les stations-service concurrentes n'est pas destiné à améliorer l'information des consommateurs puisque l'information reçue par le gestionnaire de chaque station service est transmise au responsable commercial de son réseau et non pas aux automobilistes clients de la station service. Il a, au contraire, pour objet et peut avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence entre les compagnies pétrolières en décourageant chacune d'entre elle de faire jouer la concurrence par les prix.
108. Il résulte de ces éléments que les sociétés BP France, Pétroles Shell, Total Raffinage Distribution, Elf Antar France et Esso Saf ont mis en œuvre un système d'échange d'informations sur les prix sur un marché oligopolistique structurellement peu concurrentiel, comme il a été déjà observé dans l'avis du 16 mai 2000 et dans la décision de la Commission européenne TotalFina/Elf du 9 février 2000.
109. Les juridictions communautaires ont, à plusieurs reprises, dénoncé l'atteinte à la concurrence résultant d'un échange d'informations entre des opérateurs intervenant sur un marché oligopolistique. Le TPICE a ainsi considéré dans l'affaire "Fiatagri" (Aff T. 34-92 du 27 octobre 1994) : "la généralisation, entre les principaux offreurs et (...) au seul profit de ceux-ci, et par suite, à l'exclusion des autres offreurs et des consommateurs, d'un échange d'informations précises et selon une périodicité rapprochée, concernant l'identification des véhicules immatriculés et le lieu de leur immatriculation, est de nature, sur un marché oligopolistique fortement concentré, tel le marché en cause, et où, par la suite, la concurrence est déjà fortement atténuée et l'échange d'informations facilité, à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques. En effet, dans une telle hypothèse, la mise en commun régulière et rapprochée des informations relatives au fonctionnement du marché a pour effet de révéler périodiquement et à l'ensemble des concurrents, les positions sur le marché et les stratégies des différents concurrents.". De même, la Cour de justice a, dans l'affaire "John Deere" (AFF C. -7-95 du 28 mai 998 John Deere c/ Commission des communautés européennes) condamné la société John Deere pour un tel échange d'informations, en considérant, d'une part, que "Tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun et les conditions qu'il entend réserver à sa clientèle" et, d'autre part, que, "Sur un marché oligopolistique fortement concentré, un accord prévoyant un système d'échange d'informations entre des entreprises de ce marché, atténue ou supprime le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché et, est de nature à altérer la concurrence entre les opérateurs".
Sur les explications avancées par les sociétés mises en cause pour justifier la faible concurrence par les prix et leur niveau
110. En premier lieu, les sociétés mises en cause font valoir que la faible concurrence par les prix observée sur le marché des carburants sur autoroutes et le niveau de prix plus élevé que dans les stations hors autoroutes qui y est constaté s'expliquent par les caractéristiques particulières de ce marché, et notamment son caractère oligopolistique, et non par les échanges téléphoniques d'informations sur les prix entre les sociétés de distribution du carburants. La société Pétroles Shell soutient ainsi que le marché en cause est un marché sur lequel intervient un nombre réduit d'acteurs, avec des barrières à l'entrée et où, selon la Commission et le conseil lui-même (dans son avis du 16 mai 2000), les coûts de distribution sont relativement homogènes et sont donc facilement estimés par les concurrents, ce qui expliquerait l'alignement des prix. Elle fait, de plus, valoir, comme la société Esso Saf, que le niveau des prix sur le marché des carburants dépend principalement des cotations internationales du Platt's à Rotterdam et du cours du dollar, ce qui favorise une transparence du marché de nature à justifier l'alignement des prix. De plus, sur autoroutes, cette transparence serait encore accrue par l'affichage des prix à l'entrée. Enfin, les sociétés Esso Saf, BP France, Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France et Pétroles Shell soulignent que la Commission a également relevé l'inélasticité de la demande par rapport au prix, ce qui explique le niveau élevé des prix par rapport aux stations hors autoroutes et la faible concurrence par les prix, aucune station n'ayant intérêt à effectuer une baisse de prix qu'elle ne pourrait rentabiliser par une hausse des volumes vendus. La société Esso Saf fait valoir la rationalité de son comportement, conforme à son intérêt individuel, ce qui interdirait que l'on puisse la condamner.
111. Les sociétés BP, Total Fina Elf et Pétroles Shell apportent, au soutien de ces arguments, des études économiques qui font état de plusieurs modèles de comportement des prix dans un marché oligopolistique qui expliquent, selon elles, l'alignement des prix observé et le niveau de ces prix, sans qu'une entente sur les prix entre les distributeurs de carburants soit nécessaire. Selon l'étude fournie par Total Fina Elf, le fait que les prix soient alignés localement et, qu'en revanche, les prix de stations éloignées ne le soient pas, démontre l'absence d'entente. Les études annexées aux observations de Shell et BP insistent, par ailleurs, sur le fait que le modèle de collusion tacite semble peu adapté pour expliquer l'alignement des prix, puisqu'il suppose un mécanisme de représailles peu vraisemblable sur le marché concerné, compte tenu de la faible élasticité des prix et, donc, du peu d'efficacité d'une guerre des prix.
112. En second lieu, les sociétés BP France, Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France et Pétroles Shell indiquent que les prix pratiqués sur autoroute, qualifiés d'élevés, s'expliquent par les surcoûts, supportés par la compagnie pour l'exploitation des stations autoroutières, qui correspondraient à l'écart de prix moyen d'environ 35 centimes observé entre les stations autoroutières et les stations hors autoroute de son réseau.
113. En troisième lieu, les sociétés BP France, Pétroles Shell, Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France soutiennent que la référence à la station autoroutière Leclerc sur l'A 31 n'est pas pertinente et ne peut remettre en cause les conclusions présentées ci-dessus relatives à l'inélasticité de la demande et aux surcoûts d'exploitation des stations sur autoroutes. Elles allèguent, en effet, que cette station ne paie pas l'intégralité des redevances à la société d'autoroute et n'inclut pas l'amortissement de la station dans le calcul de ses coûts. Elles ajoutent que les hypermarchés commercialisent les carburants avec des marges extrêmement faibles et s'autoriseraient même à revendre à perte.
114. Cependant, même si les caractéristiques du marché des carburants sur autoroutes induisent un jeu concurrentiel peu agressif et un niveau de prix plus élevé que celui qui est constaté sur le marché hors autoroutes, il n'en demeure pas moins que les sociétés mises en cause ont ajouté à ces caractéristiques en mettant en place un système d'informations sur les prix qui accroissait artificiellement la transparence. Les études économiques fournies par les sociétés BP France, Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France et Pétroles Shell insistent toutes sur l'importance de la transparence de l'information parmi les caractéristiques favorisant la convergence des prix. La transparence en matière de prix peut se définir en référence aux coûts en temps et en argent qu'il faut supporter pour découvrir les prix. Or, l'accès à l'information sur les prix pratiqués sur les concurrents, en l'absence d'échanges téléphoniques, a, comme il a déjà été relevé au paragraphe 104 ci-dessus, un coût non négligeable, compte tenu du caractère partiel de l'affichage des prix à l'entrée et des distances entre stations-service.
115. En ce qui concerne l'incidence des coûts des stations autoroutières sur le niveau des prix, la Commission européenne, dans les décisions Exxon/Mobil et TotalFina/Elf, a relevé une différence de prix entre les stations autoroutières et les stations hors autoroute de l'ordre de 25 à 30 % du prix HT. Elle a précisé que cette différence de prix était la plus importante de tous les pays de l'Union européenne et ne correspond pas aux coûts des stations autoroutières qui sont les plus bas de toute l'Union européenne. Elle a ajouté : "cette évaluation [des coûts par TotalFina/Elf] n'explique cependant toujours pas l'ampleur de la différence de prix de l'ordre de 40 centimes entre la station autoroutière Leclerc, qui est profitable, et les autres stations gérées par les pétroliers de l'A 31".
116. Enfin, cet exemple des prix pratiqués par la station Leclerc sur l'A 31, comme celui des prix pratiqués par Carrefour, implanté sur l'autoroute depuis mai 2001, démontrent qu'une baisse de prix peut entraîner une augmentation très importante des volumes vendus (61,2 % pour le SSP 95, 37,4 % pour le SSP 98, 29,6 % pour le gazole, de décembre 2000 à décembre 2001, pour les stations reprises par Carrefour), et relativisent les mesures fournies sur la faible élasticité prix de la demande de carburants sur autoroute. Plusieurs déclarations contredisent les affirmations selon lesquelles il ne serait pas rationnel de pratiquer des prix plus bas. Le directeur général du groupe Dyneff déclare ainsi : "je dirais que les prix élevés sur autoroute sont le résultat d'une 'mauvaise tradition' des compagnies pétrolières, qui pensent que l'automobiliste est captif et qu'elles peuvent en abuser. (...) Il me semble que les compagnies pétrolières font un mauvais calcul. Elles devraient baisser le prix des carburants, et l'automobiliste s'arrêterait plus volontiers dans la station, irait dans la boutique et consommerait plus" ; le directeur général adjoint d'Agip affirme également : "Si la situation était normale, une politique de recherche de volumes entraînerait des baisses de prix sur l'autoroute" (PV d'audition du 20 mars 2001) ; de même le président de la société Avia Autoroutes assure : "Depuis quelques mois, nous avons réduit volontairement notre marge brute, qui est aujourd'hui de 55 centimes par litres, et nous avons donc baissé nos prix. L'année dernière, au début de l'année, notre marge était de 80 centimes. Je pense que la marge est plus ou moins identique pour toutes les compagnies pétrolières. Seul, Leclerc a des marges plus faibles, mais on ne peut pas dire que sa station ait beaucoup d'impact sur la concurrence. Une seule station ne suffit pas pour faire bouger les choses. En revanche, il me semble qu'avec les 17 stations cédées à Carrefour, la situation va changer. Les pétroliers vont devoir baisser leur marge avant l'arrivée de Carrefour qui a annoncé d'ores et déjà qu'il serait 40 centimes moins cher." (annexe C, cote 208). Quant à la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle la vente des carburants dans les stations de la grande distribution se ferait à perte, elle est sans incidence sur la constatation d'une hausse importante des volumes de carburants vendus dans les stations citées ci-dessus, corrélativement à une baisse des prix.
117. Il y a également lieu d'observer qu'il résulte des déclarations des responsables commerciaux des compagnies pétrolières que chacun établissait les prix à pratiquer dans les stations-service de son réseau, notamment en fonction du prix pratiqué dans les stations-service concurrentes, ce qui justifiait la demande de recueil d'informations sur la concurrence faite, dans chaque réseau, aux exploitants de stations-service. Une telle pratique révèle que le volume des ventes d'une station service était fonction du différentiel entre les prix pratiqués dans cette station et les prix pratiqués par les stations concurrentes.
118. De plus, dans l'étude annexée aux observations de Total Fina Elf, les conclusions sur l'absence de rentabilité d'une baisse des prix du carburant ne prennent pas en compte l'impact d'une hausse de la fréquentation de la station sur les ventes de produits annexes. Par exemple, la station BP de Beuzeville (A 13) a réalisé, en septembre 1999, 317 000 francs de chiffres d'affaires en carburants et 291 000 francs en ventes annexes, (cote 1304).
Sur l'alignement des prix
119. Les sociétés BP France, Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France et Pétroles Shell font valoir que le rapporteur aurait dû utiliser les relevés de prix effectués par les brigades interrégionales d'enquête (BIE), ce qui l'aurait conduit à constater qu'il n'existait pas d'alignement des prix. Les sociétés Total Fina Elf SA et Total Fina Elf France soutiennent qu'il a été procédé à une "sélection arbitraire et artificielle d'un échantillon prétendument représentatif de quinze stations-service situées sur quatre tronçons d'autoroutes, l'A 6, l'A 7, l'A 11 et l'A 13 pour comparer les prix pratiqués par les quatre compagnies pétrolières visées". Elle ajoutent que les stations retenues dans l'échantillon constituent des cas particuliers. Pour sa part, la société Pétroles Shell fait valoir qu'un échantillon de quinze stations, sur une population totale de quatre cents, n'est pas suffisamment représentatif et souligne que la part de sa marque dans cet échantillon est de 27 %, alors qu'elle ne dispose que de 15 % de parts de marché. La société Esso Saf dénonce également l'arbitraire du choix de la période d'observation. Par ailleurs, les sociétés Esso Saf, BP, Total Fina Elf SA, Total Fina Elf France et Pétroles Shell soutiennent que l'utilisation de moyennes annuelles, semestrielles et mensuelles lissent les écarts réels et ne permet pas d'établir l'alignement des prix.
120. Cependant, si la démonstration du caractère parfait de l'alignement faite au cours de l'instruction fait l'objet d'objections d'ordre méthodologique de la part des sociétés mises en cause, les études économiques fournies par trois d'entre elles à l'appui de leurs observations permettent par elles-mêmes de conclure à un alignement remarquable. L'étude fournie par la société BP examine, en particulier, la distribution des écarts de prix journaliers entre stations-service voisines sur un tronçon de l'autoroute A 7, sur une période allant du 1er janvier 1999 au 30 juin 2000, pour le super sans plomb 95. Elle conclut que, dans 49 % des cas, l'écart de prix est nul, que, dans 62 % des cas, il est compris entre 0 et 4 centimes de franc, et que, dans 13 % des cas, il est supérieur à 10 centimes de franc. Ainsi, deux jours sur trois, l'écart de prix est nul ou très faible comparé au prix total de vente de l'essence, puisque, pour un prix moyen du super sans plomb 95, un écart de prix de 4 centimes de francs représente 0,5 % du prix total. L'étude fournie par Shell utilise des moyennes glissantes sur 30 jours et conclut au "parallélisme apparent des prix à la pompe pratiqués sur un segment routier".
121. Surtout, ces études nient d'autant moins qu'un certain alignement des prix soit observable qu'elles insistent sur le fait que les caractéristiques particulières qui prévalent sur le marché des carburants sur autoroutes favorisent une absence de concurrence par les prix et donc un certain alignement. Ainsi, l'étude fournie par la société Total Fina Elf précise, page 33 : "la proximité des prix constatée s'explique par les caractéristiques du marché". De même, l'étude fournie par la société Pétroles Shell indique, page 35, que "le processus de convergence vers un niveau d'équilibre explique l'observation d'un certain alignement des prix". En ce qui la concerne, la société Esso Saf précise, page 4 de son rapport : "On ne peut donc pas nier l'existence d'un alignement relatif puisque, précisément, la politique d'Esso consiste à prendre en compte les prix pratiqués par les stations concurrentes de chacune de ses propres stations".
Sur les différences de prix entre les stations situées sur et hors autoroute
122. La société Pétroles Shell fait valoir que la différence de prix entre stations hors autoroutes et sur autoroutes est beaucoup plus réduite que ce qui a été indiqué dans la notification de griefs, les prix relevés au 1er semestre 2000 dans la station Shell à Bourg les Valence (RN 7) n'étant pas représentatifs des prix pratiqués par le réseau Shell hors autoroute, car cette station est située dans un environnement très concurrentiel, à 500 m d'un important centre Leclerc.
123. Cependant, la station Shell hors autoroute, située sur la RN 7, est utilisée comme référence par la société d'autoroute du Sud de la France (ASF) pour la comparaison des prix hors autoroute et sur autoroute. En outre, l'écart de prix entre les différents types de réseau, mesuré en prenant d'autres stations-service, notamment les stations Elf à Lançon, Total à Lançon, et Agip sur l'A 50 et celles de Leclerc (hors autoroute) à Les Milles, qualifié par Shell de "raisonnable", est très important, puisqu'il peut dépasser 80 centimes pour le SSP 98, et 79 centimes pour le SSP 95. Les observations de la société Pétroles Shell ne remettent donc pas en cause la constatation d'un écart de prix important entre les stations hors autoroute et sur autoroute, déjà observé par la Commission européenne dans les décisions Exxon/Mobil et TotalFina/Elf précitées.
124. Au total, il ne peut être déduit des explications avancées par les sociétés mises en cause que le comportement observé des prix des carburants sur autoroutes résulte de la convergence des prix vers un niveau d'équilibre non concerté, fonction des coûts des stations-service et de l'élasticité prix de la demande sur ce marché.
125. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les compagnies pétrolières mises en cause ont, jusqu'en 1999 et par l'intermédiaire des salariés ou gérants libres responsables d'un certain nombre de leurs stations-service, procédé à des échanges d'information sur les prix qu'elles pratiquaient une ou plusieurs fois par semaine. Le fait que chaque compagnie fournissait des informations sur les prix qu'elle pratiquait en échange d'informations sur les prix pratiqués par ses concurrents établit l'accord de volonté entre elles pour accroître artificiellement la transparence des prix sur un marché oligopolistique. Cet accroissement artificiel de la transparence des prix se faisait à leur seul profit puisque les consommateurs n'étaient pas destinataire de l'information obtenue. Bien que l'effet de ces échanges d'information sur la rapidité d'alignement des prix et sur le niveau de ceux-ci ne puisse être mesuré avec précision, ils ont nécessairement favorisé un niveau plus élevé que celui qui aurait prévalu en l'absence de cette pratique collective. En effet, chaque compagnie pétrolière voyait son incitation à baisser ses prix dans une station service par rapport aux prix pratiqués dans les station-service concurrentes diminuer puisque, par le jeu de l'échange d'information, elle devait informer ces autres stations de cette baisse de prix, leur donnant de ce fait la possibilité de réagir à sa baisse initiale plus rapidement que si l'échange d'information n'avait pas existé. Il est, en effet, établi que chaque compagnie modifiait une ou plusieurs fois par semaine, et dans certains cas quotidiennement, les prix dans chacune de ses stations en fonction, notamment, de l'information reçue sur les prix de ses concurrents. Comme l'indique la note de référence établie pour la table ronde de l'OCDE sur la transparence des prix de 2001 : "la capacité des vendeurs à s'entendre sur un niveau mutuellement acceptable de prix supra concurrentiels pourrait être sensiblement renforcée par un accroissement de la transparence des prix. En effet, comme le droit de la concurrence impose généralement de lourdes sanctions aux entreprises qui communiquent directement entre elles pour parvenir à un accord anticoncurrentiel, il est beaucoup plus sûr pour elles d'avoir recours à des ajustements interactifs, dont l'efficacité dépend en fait largement du degré de transparence des prix.". Au cas d'espèce, la pratique collective d'échange d'informations destinée à accroître artificiellement la transparence sur les prix mise en œuvre par les sociétés Total Raffinage Distribution, Elf Antar France, BP France, Esso Saf et la société des Pétroles Shell, avait pour objet et pouvait avoir pour effet de restreindre la concurrence sur le marché de la distribution des carburants sur autoroute et est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
D. - Sur l'imputabilité des pratiques
126. La société Total Fina Elf SA conteste les griefs qui lui ont été notifiés, au motif qu'elle n'est qu'une holding et que les activités de distribution étaient, à l'époque des faits, exercées par sa filiale, Total Raffinage Distribution, et par Elf Antar France, filiale d'Elf Aquitaine. Elle fait valoir que ces deux filiales disposaient d'une autonomie de décision et déterminaient leurs propres stratégies industrielles et commerciales, et notamment les prix. Elle souligne, de plus, l'autonomie financière de ces deux sociétés qui sont bénéficiaires et auxquelles les prestations telles que l'achat du pétrole brut, les activités de recherche et de communication étaient facturées par la maison mère au prix de marché. Par ailleurs, elle précise que les administrateurs des sociétés-mères n'étaient pas membres des conseils d'administration des deux filiales et que la holding détermine le taux de rentabilité de l'ensemble de la branche raffinage dans le monde entier, sans préciser celui de la distribution sur les autoroutes françaises.
127. Selon une jurisprudence constante (notamment Cour de cassation, 4 juin 1996), les pratiques mises en œuvre par une société filiale sont imputables à celle-ci pour autant qu'elle soit en mesure de définir sa propre stratégie commerciale, financière et technique, et de s'affranchir du contrôle hiérarchique du siège de la société dont elle dépend. Il ressort des éléments fournis par la société Total Fina Elf SA, qu'à l'époque des faits, les filiales Total Raffinage Distribution et Elf Antar France disposaient d'une autonomie suffisante dans la détermination de leur politique commerciale, le contrôle hiérarchique exercé par les maisons mères étant trop global pour que l'autonomie des filiales s'en trouve limitée en ce qui concerne la fixation des prix des carburants sur les autoroutes françaises.
128. Par ailleurs, la société Total Fina Elf SA signale l'absorption, à compter du 2 avril 2002, de Elf Antar France, par Total Raffinage distribution, devenue Total Fina Elf France. La disparition de la société Elf Antar France implique que la pratique soit imputée à la société absorbante, Total Fina Elf France.
E - Sur les sanctions
129. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et, par suite, les dispositions introduites par cette loi dans l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles prévoient des sanctions plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.
130. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence.... peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs.".
131. La gravité des pratiques doit être appréciée en tenant compte du fait qu'il s'agit d'échanges d'information visant à restreindre la concurrence par les prix. La gravité de la pratique ressort également du fait que les consommateurs de carburants sur autoroutes sont captifs et que les sociétés mises en cause ont mis à profit cette caractéristique pour arrêter leur conduite. De plus, le caractère généralisé du système d'échanges d'informations et le fait que "cette manière de procéder existe depuis de nombreuses années", selon les termes d'un gérant de Total, témoigne du caractère délibéré de la pratique. En revanche, il convient de tenir compte du fait que des instructions ont été données par les sociétés afin qu'il soit mis fin aux échanges téléphoniques d'information sur les prix.
132. Le dommage à l'économie doit être apprécié au regard de la taille du marché atteint, estimé à environ 2,5 Mds de francs en 2000, ainsi que du nombre d'automobilistes qui empruntent chaque année l'autoroute, soit environ 7 millions d'automobilistes. De plus, il s'agit d'un marché très concentré, sur lequel l'entrée est difficile, et sur lequel l'élasticité-prix de la demande est faible, éléments de nature à renforcer l'effet de la pratique sur les prix.
133. La société Total Fina Elf France a réalisé un chiffre d'affaires au 31 décembre 2001, dernier exercice connu, de 12 milliards 371 millions d'euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 12 millions d'euros.
134. La société Pétroles Shell a réalisé un chiffre d'affaires au 31 décembre 2001, dernier exercice connu, de 4 milliards 788 millions d'euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 5 millions d'euros.
135. La société Esso Saf a réalisé un chiffre d'affaires au 31 décembre 2001, dernier exercice connu, de 5 milliards 371 millions d'euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 5 millions d'euros.
136. La société BP France a réalisé un chiffre d'affaires au 31 décembre 2001, dernier exercice connu, de 5 milliards 259 millions d'euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 5 millions d'euros.
Décision
Article 1er : Il est établi que les sociétés Total Fina Elf France, Pétroles Shell, Esso Saf et BP France ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81-1 du traité de Rome.
Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
. à la société Total Fina Elf France, une sanction de 12 millions d'euros ;
. à la société Esso Saf, une sanction de 5 millions d'euros ;
. à la société Pétroles Shell, une sanction de 5 millions d'euros ;
. à la société BP France, une sanction de 5 millions d'euros.