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Décisions

CCE, 15 décembre 1975, n° 76-172

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Bayer/Gist-Brocades

CCE n° 76-172

15 décembre 1975

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 4, 6 et 8, vu la procédure que la Commission a engagée d'office le 18 décembre 1974, en application de l'article 3 du règlement n° 17, en ce qui concerne les accords relatifs à la fabrication et à la livraison de pénicilline brute et d'acide-6-amino-penicillanique, que Bayer AG à Leverkusen, Allemagne, et Gist-Brocades NV, Delft, Pays-Bas, ont conclus en 1969 et 1971, vu la notification que ces entreprises ont présentée le 5 mai 1975 à la Commission relativement aux accords susvisés, après avoir entendu les entreprises intéressées conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et à celles du règlement n° 99-63-CEE (2), vu la publication du contenu essentiel des accords effectuée, conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, au Journal officiel des Communautés européennes n° C 198 du 29 août 1975, vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes recueilli, conformément à l'article 10 du règlement n° 17, le 21 octobre 1975,

I

Les faits

Considérant que les faits sont les suivants :

1. Objet de la procédure

La présente procédure à pour objet plusieurs accords conclus entre Bayer et Gist-Brocades au cours des années 1969 et 1971 et modifiés au cours des années 1973 et 1975, relatifs à la production de pénicilline brute dans les installations de Gist-Brocades et à la livraison de ce produit à Bayer, ainsi qu'à la production d'acide-6-amino-penicillanique (6-AAP) dans les installations de Bayer, production effectuée partiellement en sous-traitance pour Gist-Brocades.

2. Les produits concernés

a) La pénicilline brute est le produit naturel du métabolisme des cultures de champignons génératrices de pénicilline. Elle constitue le produit de base utilisé pour la fabrication des pénicillines G ET V, qui sont des sels stériles, et de plus en plus pour la fabrication du 6-AAP, produit intermédiaire qui est lui-même transformé en pénicillines semi-synthétiques (ampicillines, etc.) par un procédé chimique. La pénicilline brute est aussi utilisée pour la fabrication de l'acide-7-désacétoxy-amino-céphalosporanique (7-ADCA), qui sert de produit intermédiaire pour la préparation de spécialités à base de céphalosporine.

La fabrication de pénicilline brute n'est plus protégée par des brevets depuis la fin des années soixante. Elle exige toutefois des connaissances particulières dans le domaine des techniques de fermentation utilisées pour cultiver et développer les souches de champignons à haut rendement. La construction de nouvelles installations implique des investissements relativement importants. Le coût de fabrication de la pénicilline brute représente 50 à 70 % du coût des spécialités à base de pénicillines semi-synthétiques qu'elle permet de préparer.

b) le 6-AAP à été découvert en 1957 par Beecham ; Beecham est titulaire de brevets portant sur le produit et de brevets portant sur le procédé. Les brevets relatifs au produit, existant encore dans quelques pays du Marché commun, expirent en juillet 1978.

Bayer à découvert en 1960 un procédé biologique distinct du procédé de Beecham et à concédé, entre autres à Beecham, une licence de brevets portant sur ce procédé ainsi que le droit d'accorder des sous licences. De son côté, Beecham à concédé une licence portant sur le produit lui-même à Bayer et d'autres licences et sous licences à de nombreuses entreprises dont certaines situées dans le Marché commun.

Gist-Brocades a mis au point en 1966 un nouveau procédé chimique de fabrication de 6-AAP distinct du procédé de Bayer et a concédé une licence portant sur ce procédé, d'une part, en ce qui concerne le Marché commun, à Bayer et, d'autre part, à un grand nombre de producteurs à l'extérieur de la CEE, surtout aux Etats-Unis. Dans les pays ou les produits pharmaceutiques ne sont pas brevetables (Italie, pays de l'Est), c'est le plus souvent le procédé de Gist-Brocades qui est utilisé parce que, étant un procédé chimique, il peut être plus facilement reconstitué à partir des publications de brevets.

Récemment, d'autres procédés ont été mis au point ; les plus importants, qu'il est des à présent possible d'exploiter industriellement, sont ceux de Bayer (nouveau procédé enzymatique), de Beecham (nouveau procédé enzymatique distinct de celui de Bayer), d'Astra (Suède), de SNAM-Progetti (Italie) et d'Ishimaru (Japon).

La fabrication du 6-AAP n'est pas aussi coûteuse que celle de la pénicilline brute. Lorsqu'on utilise un procédé chimique, le 6-AAP peut aussi être fabriqué dans d'autres installations chimiques sans qu'il soit nécessaire de les modifier substantiellement.

Le 6-AAP est un produit intermédiaire dont les fabricants transforment eux-mêmes une partie en pénicillines semi-synthétiques et livrent le reste à d'autres fabricants aux fins de transformation. Cette dernière est effectuée selon divers procédés protégés par des brevets que détiennent un grand nombre de fabricants. Ces pénicillines semi-synthétiques sont soit utilisées par le fabricant lui-même pour préparer des spécialités pharmaceutiques, soit revendues en vrac comme substances actives à des entreprises de l'industrie pharmaceutique qui ne produisent pas elles-mêmes de 6-AAP.

Il faut donc distinguer des niveaux de marché différents : celui de la pénicilline brute, celui du 6-AAP en tant que produit intermédiaire, celui des pénicillines semi-synthétiques en vrac et celui des produits finis, à savoir les pénicillines G et V sous forme de sels stériles et les différentes spécialités à base de pénicillines semi-synthétiques qui sont revendues aux établissements hospitaliers et aux pharmacies sous la marque des différents fabricants.

c) Les céphalosporines ne font pas partie des produits visés par les accords mais leur sont étroitement apparentées. Elles sont fabriquées en partie à partir de pénicilline brute en passant par le stade intermédiaire du 7-ADCA, et en partie à partir de la céphalosporine C, qui est brevetée au profit de la national Research Development Corporation britannique, le produit intermédiaire étant alors l'acide-7-amino-céphalosporanique (7-ACA). Gist-Brocades détient un brevet de procédé aussi bien pour le 7-ADCA que pour le 7-ACA. D'autres procédés sont protégés par des brevets détenus par Glaxo, Ciba et Lilly.

Les préparations à base de pénicilline et de céphalosporine font partie des substances bactéricides au sens large, qui comprennent également les antibiotiques à spectre large et moyen comme les sulfamides, le chloramphénicol et la tétracycline. Il existe toutefois des différences considérables entre les divers produits en ce qui concerne les indications, leur tolérance par l'organisme, leurs effets secondaires, leur prix et les habitudes de prescription des médecins.

3. Les entreprises concernées par la procédure

a) Bayer est l'une des plus importantes entreprises de l'industrie pharmaceutique européenne. Elle possède des entreprises de production, de transformation et de distribution dans l'ensemble du Marché commun. Son chiffre d'affaires mondial dans le secteur des produits pharmaceutiques s'élevait en 1974 à environ 1,6 milliard de marks allemands, dont 550 millions de marks allemands pour le marché allemand ; les ventes en dehors de l'Allemagne étaient en majeure partie destinées à des pays tiers.

Les ventes de pénicilline représentent environ 14 % du chiffre d'affaires total, les ventes en Allemagne s'élevant à 133 millions de marks allemands et les ventes en dehors à 100 millions de marks allemands, dont 80 % réalisées outre-mer. L'importance principale de Bayer réside dans la vente de produits finis à base de pénicillines semi-synthétiques, surtout d'ampicillines, et de préparations combinées. Bayer ne vend du 6-AAP qu'à Farmitalia et à l'entreprise belge Recherches et industries thérapeutiques (RIT) et ne vend de l'ampicilline et de la phénéticilline en vrac qu'à Pfizer, Merck et Hoechst. Dans le Marché commun, Bayer n'offre des spécialités à base de pénicillines semi-synthétiques qu'en Belgique et en Italie. Elle n'est pas représentée sur le marché apparenté de la céphalosporine

b) Gist-Brocades est surtout spécialisée dans les techniques de fermentation (enzymes, levures, alcool). Son importance particulière réside dans la vente de produits intermédiaires (6-AAP et ampicilline en vrac) ainsi que dans la production de 7-ADCA et sa transformation en préparations à base de céphalosporine. La part des produits finis dans les ventes de Gist-Brocades est sensiblement inférieure à ce qu'elle représente dans les ventes de Bayer. Gist-Brocades possède des centres de production au Portugal (Mycofabril), des sociétés de distribution au Royaume-Uni, en Italie, en Belgique et en France et, en ce qui concerne l'Allemagne, elle est liée à Grünenthal par des contrats de coopération. En 1974, son chiffre d'affaires total dans le secteur des produits pharmaceutiques élevait à 400 millions de florins, les ventes de pénicilline représentant 135 millions.

c) Avant la conclusion des contrats qui font l'objet de la présente procédure aussi bien Gist-Brocades que Bayer produisaient de la pénicilline brute. La production de Gist-Brocades (560 méga en 1970) était toutefois sensiblement plus importante que celle de Bayer (100 méga en 1970). De plus, le rendement était sensiblement plus élevé chez Gist-Brocades grâce à l'utilisation d'une meilleure souche de champignon et d'une technique de fermentation plus évoluée. Pour couvrir ses besoins supplémentaires en pénicilline brute, Bayer s'approvisionnait chez Rhône-Poulenc et - dans une mesure croissante - chez Gist-Brocades.

Aussi bien Bayer que Gist-Brocades produisaient du 6-AAP dans leurs propres installations : en 1969, Bayer en produisait 65 tonnes suivant son propre procédé biologique, alors que Gist-Brocades en produisait 70 suivant son propre procédé chimique dans une installation qui avait servi auparavant à la production de chloramphénicol.

L'extension prise par les ventes de pénicilline nécessitait un accroissement des capacités de production. Pour Bayer, il s'agissait, d'une part, de savoir s'il fallait assurer l'approvisionnement en pénicilline brute à partir d'une installation nouvelle entraînant des investissements très élevés ou bien à l'aide de contrats d'achat à long terme et, d'autre part, d'augmenter les capacités de production de 6-AAP. Pour Gist-Brocades, il s'agissait, d'une part, d'augmenter les capacités de production de pénicilline brute et, d'autre part, de savoir s'il convenait d'accroître les capacités existantes de 6-AAP ou de les convertir à la production du 7-ADCA, auquel cas il aurait fallu couvrir les besoins en 6-AAP par des contrats de livraison à long terme.

4. Teneur des accords

Les accords communiqués à la Commission en 1971, notifiés officiellement le 5 mai 1975 et modifiés le 14 mars 1973 et le 5 juin 1975, prévoient ce qui suit.

Les deux contrats de livraison conclus le 7 mai 1969 partent du principe que Bayer n'a pas l'intention d'agrandir ses installations de production de pénicilline brute et que Gist-Brocades n'a pas l'intention d'agrandir ses installations de production de 6-AAP. Gist est disposée à agrandir ses installations de production de pénicilline brute à la condition que Bayer lui accorde une aide financière et s'engage à approvisionner chez elle à long terme. Les mêmes conditions valent pour Bayer en ce qui concerne les installations qui lui permettent de produire du 6-AAP en partie selon son propre procédé et en partie - sur la base du contrat de licence conclu également le 7 mai 1969 - selon le procédé de Gist-Brocades. L'engagement de livraison de 6-AAP pris par Bayer vis-à-vis de Gist-Brocades a été transformé en régime de sous-traitance par le contrat du 14 mars 1973.

Bayer et Gist-Brocades se sont accordé mutuellement des prêts successifs en vue d'agrandir leurs installations (Bayer 25,6 millions de marks allemands, Gist-Brocades 14,9 millions de marks allemands). Dans les deux cas, les prêts sont consentis pour dix ans, ils sont productifs d'intérêts et remboursables par tranches égales dont la première est due deux ans après l'octroi du prêt.

Les contrats prévoient une planification quantitative à long terme pour des périodes de cinq ans. La planification quantitative à court terme consiste pour Bayer et Gist à se communiquer, au plus tard trois mois avant le début de chaque année, les quantités définitives qui leur seront nécessaires pour année. Chaque partie contractante est tenue de livrer les quantités demandées dans la mesure où la fraction des capacités financée par l'autre partie contractante le lui permet. Au cours de année, les quantités commandées peuvent être augmentées ou réduites de 5 ou 10 %.

Au cas ou l'une des parties contractantes passe commande pour une quantité excèdent la capacité de la fraction des installations financée par lui, et ou l'autre partie contractante décide d'agrandir de ce fait ses installations, la première est tenue de fournir à l'autre une aide financière proportionnelle. Il n'existe toutefois aucune obligation d'agrandir les installations.

En cas de refus d'agrandir, la partie cocontractante peut - comme en cas de cessation du contrat - exiger que lui soit accordée une licence sur les droits de propriété industrielle existants, que lui soient communiquées les informations techniques les plus récentes et - en ce qui concerne la pénicilline brute - que lui soient transmis la souche mère nécessaire à la fabrication de la pénicilline ainsi que les renseignements sur les méthodes de maintien de la culture.

La qualité des produits à livrer est fixée par contrat. Le prix à payer se compose :

- des coûts de fabrication calculés, d'après une méthode fixée d'un commun accord, sur la base de la production totale, soit de pénicilline brute, soit de 6-AAP selon la partie concernée,

- des intérêts afférents aux capitaux propres et empruntés,

- des intérêts et des annuités afférents au prêt accordé par l'autre partie,

- du supplément pour dépenses de recherche (au cas ou un accord particulier le prévoit),

- du supplément dit de " coproducteur ", consistant en un montant fixe par unité livrée, échelonné en fonction de la quantité achetée,

- d'une adaptation aux éventuelles variations de change,

- d'un ajustement pour baisse éventuelle des cours mondiaux, consistant à réduire le supplément de coproducteur lorsque les cours mondiaux tombent au-dessous du prix calculé sur la base des éléments ci-dessus.

Les deux parties sont autorisées à faire vérifier par des experts les documents nécessaires à l'appréciation des éléments de calcul des coûts.

En ce qui concerne la recherche, les deux parties conservent leur entière liberté. Il est prévu que Gist-Brocades entreprendra un vaste effort de recherche dans le domaine de la pénicilline brute et Bayer dans celui du 6-AAP, puisque les deux parties se communiqueront les résultats de leurs recherches.

En cas d'accroissement des dépenses de recherche, une participation financière de l'autre partie au prorata de ses achats est prévue. Gist-Brocades est tenue d'informer Bayer de l'évolution des techniques de fermentation pour lui permettre de connaître aussi bien l'état d'avancement de ces techniques que si elle effectuait ces travaux elle-même. Bayer est tenue de tenir secrets tous les renseignements et documents communiques.

Par le contrat de licence conclu concomitamment, Gist-Brocades accorde à Bayer une licence simple et incessible sur son procédé chimique et transmet à Bayer le savoir-faire nécessaire à la fabrication de 6-AAP dans la République fédérale d'Allemagne. Bayer obtient en outre une licence simple et incessible pour l'exploitation et la commercialisation dans le monde entier du 6-AAP ainsi fabrique. Les deux partenaires sont tenus de s'informer mutuellement des améliorations apportées au procédé et de s'accorder des licences sur les inventions de perfectionnement. Ceci vaut également pour l'invention éventuelle d'un nouveau procédé de fabrication du 6-AAP. Tant que Bayer approvisionnera Gist-Brocades en 6-AAP, la licence sera gratuite. En cas de cessation de l'obligation de livrer, le paiement d'une redevance " adéquate " est prévu. L'obligation antérieurement incluse de reconnaître la validité des brevets existants ou futurs a été annulé par un accord du 5 juin 1975.

Les contrats de livraison, de sous-traitance et de licence susvisés étaient complétés par un accord-cadre du 19 mai 1971. Cet accord réglait le financement de la construction ou de l'agrandissement des installations de production de pénicilline brute de Gist-Brocades et de 6-AAP de Bayer, l'apport de ces installations à deux filiales communes, la création d'un comité paritaire pour la coordination de la coopération et de l'échange de renseignements et de résultats dans le domaine de la recherche. A cet effet avaient été crées la " Penicillin-Chemie GmbH Elberfeld " et la " Penicilline-Chemie Delft BV ", dans lesquelles Bayer et Gist-Brocades détenaient chacune une participation de 50 % et étaient représentées par un nombre égal de dirigeants. Les terrains sur lesquels étaient sises les installations de production de pénicilline brute et de 6-AAP devaient être mis à la disposition des filiales communes par des contrats leur octroyant un droit de superficie, et des bâtiments et installations devraient être loués au partenaire produisant le produit concerné.

La Commission ayant fait objection à la création de ces filiales communes, au motif qu'elle constituait un moyen de contrôle en commun de la production et des investissements et était considérée comme incompatible avec les dispositions de l'article 85, les parties contractantes sont convenues le 5 juin 1975 de mettre fin à l'accord-cadre et, notamment, de ne pas inclure les filiales communes dans leur coopération - c'est-à-dire, soit de les mettre en liquidation, soit d'en céder les parts à l'autre partenaire - et de dissoudre le comité paritaire, mais de porter par contre de 10 à 30 ans la durée des contrats de livraison et de sous-traitance ; ceux-ci sont valables jusqu'en 2001, à moins que le dernier emprunt ne soit pas encore remboursé à cette date. La Penicillin-Chemie GmbH Elberfeld a été mise en liquidation ; les parts de Bayer dans pénicilline Delft BV ont été cédées à Gist.

5. Evolution depuis la conclusion des accords

En application de ces accords, les capacités de production de pénicilline brute de Gist-Brocades et les capacités de production de 6-AAP de Bayer ont été agrandies. La production de pénicilline brute est actuellement concentrée chez Gist-Brocades et celle de 6-AAP chez Bayer.

Gist-Brocades livre à Bayer la pénicilline brute dont celle-ci à besoin, tandis que le reste est vendu à des tiers ou est transforme par Gist-Brocades en dérives (pour une faible part en pénicilline V). Bayer transforme la pénicilline brute pour moitie environ en 6-AAP pour le compte de Gist-Brocades en sous-traitance, en utilisant le procédé chimique dont la licence lui a été concédée par Gist ; Bayer transforme le reste en 6-AAP en utilisant son propre procédé enzymatique récemment mis au point, principalement dans le but d'en effectuer elle-même la transformation en pénicilline semi-synthétiques. La part des ventes de 6-AAP à des tiers, faible chez Bayer, est en revanche considérable chez Gist-Brocades. Entre 1971 et 1974, les ventes de Gist-Brocades à des tiers ont pratiquement triple.

La pénicilline brute et le 6-AAP sont vendus dans le monde entier. Les frais de transport ne jouent qu'un rôle très accessoire.

Grâce à cette extension de ses installations de production de pénicilline brute, Gist-Brocades est devenue l'un des plus grands producteurs mondiaux de pénicilline brute (16 % de la production mondiale) ; toutefois Pfizer et Beecham sont des producteurs d'importance comparable : la production de Pfizer représente quelque 13 % du marché mondial, tandis que la part de Beecham se situera, après l'extension envisagée de ses installations de production de pénicilline brute, aux environs de 12 %. Glaxo, Bristol, Wyeth, Rhône-Poulenc et Hoechst sont également des producteurs d'envergure qui produisent non seulement pour couvrir leurs propres besoins mais aussi pour la vente aux tiers.

A la suite de l'accroissement des capacités de production de 6-AAP de Bayer, celle-ci et Gist-Brocades sont avec Beecham et Bristol (Etats-Unis) les plus importants producteurs mondiaux de 6-AAP : la quantité que Bayer transforme pour le compte de Gist-Brocades et celle qu'elle produit pour ses besoins propres représentent chacune approximativement 15 % de la production mondiale. Ses principaux concurrents sont Beecham et Bristol qui produisent respectivement 20 % et 12,5 % de la production mondiale. La production des entreprises Italiennes représente environ 15 %. Ces chiffres ne tiennent toutefois pas compte de la production de 6-AAP récemment entreprise sur la base des nouveaux procédés de Beecham, Astra et Ishimaru.

Les pays du Marché commun occupent une place de tout premier plan quant à la production de pénicilline brute et de 6-AAP : leur production totale représente environ 60 % de la production mondiale, alors que la consommation de produits finis transformes y est sensiblement moins élevée et peut être estimée à 25 à 30 % de la consommation mondiale. Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte de la production et de la consommation des pays de l'Est en raison du manque de données sures les concernant.

Sur le marché des pénicillines et de la céphalosporine, produit apparente fabrique en partie à base de pénicilline brute, les spécialités à base de pénicillines semi-synthétiques interviennent pour environ 48 %, la céphalosporine pour 32 % et les pénicillines classiques G et V pour environ 20 %.

Dans le domaine des spécialités à base de pénicillines semi-synthétiques, Bayer occupe une position de premier plan en Allemagne et de second plan seulement dans les autres Etats membres. Dans ces pays les principaux producteurs sont Rhône-Poulenc en France, Farmitalia en Italie, Beecham et Glaxo au Royaume-Uni et en Irlande, Astra au Danemark et Bristol, Beecham, RIT et Mycofarme (Gist-Brocades) dans le Benelux.

Dans le domaine de la céphalosporine, Gist-Brocades occupe une position non négligeable grâce à des brevets qu'elle détient et portant sur les produits intermédiaires. Ses principaux concurrents sont Glaxo, Lilly et Ciba-Geigy ; Bayer n'exerce aucune activité dans ce secteur.

Dans le domaine de la pénicilline V, Bristol, Lilly, l'entreprise danoise novo et l'entreprise autrichienne " Biochemie " appartenant au groupe Sandoz sont les principaux producteurs.

6. Les prix moyens annuels de la pénicilline brute et du 6-AAP, si l'on compare les années 1970 et 1974, accusent une tendance à la baisse. Les prix de gros des préparations d'ampicilline (la plus vendue des spécialités à base de pénicillines semi-synthétiques) ont diminue de 15 % en 1971 et de 10 % en 1974 ; les prix des autres pénicillines semi-synthétiques ont baissé dans certains cas, légèrement augmenté dans d'autres. Les prix des pénicillines G et V sont restes pratiquement inchangés au cours des dix dernières années.

7. Aucune observation n'a été communiquée à la Commission par des tiers à la suite de la publication du contenu essentiel des accords notifiés, effectuée conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17.

II

Applicabilité de l'article 85 paragraphe 1

Considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 1, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun ;

Considérant que les accords en cause sont visés par ces dispositions pour les raisons suivantes :

1. Bayer et Gist-Brocades sont des entreprises au sens de l'article 85.

2. Les accords conclus entre elles sont des accords au sens de cette disposition.

3. Les accords ont pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

a) La concurrence entre les parties contractantes dans le domaine de la recherche est restreinte par l'obligation qui leur est faite dans le contrat de licence de se concéder mutuellement des licences portant non seulement sur les perfectionnements apportes aux procédés actuels, mais aussi sur les nouveaux procédés de fabrication de 6-AAP distincts des anciens. Aucune des deux entreprises intéresses ne peut de ce fait, pendant la durée des contrats, s'assurer un avantage concurrentiel sur l'autre par des travaux de recherche ou par une utilisation individuelle et exclusive des résultats de ceux-ci.

b) de plus, la concurrence entre les deux parties contractantes est restreinte dans le domaine de la production de pénicilline brute et de 6-AAP ;

Bayer et Gist-Brocades étaient et sont concurrentes pour la fabrication et la commercialisation de la pénicilline brute, du 6-AAP et des spécialités à base de pénicilline qui en sont dérives. Avant la conclusion des contrats, elles exerçaient toutes deux leur activité de façon indépendante à tous les niveaux de marché décrits ci-dessus. Compte tenu de leur taille respective et de leur expérience dans le domaine de la production, chacune d'elles aurait pu, indépendamment de l'autre, agrandir ses installations de production ou en construire de nouvelles en vue de couvrir ses besoins croissants. Bayer, parce qu'elle est la plus importante des deux parties contractantes, aurait pu, comme elle l'a concrètement envisagé, construire elle-même les installations de fabrication de pénicilline brute et réaliser les investissements assez considérables nécessaires à cet effet. Gist-Brocades aurait pu poursuivre dans ses propres installations la production du 6-AAP, suivant qu'elle a elle-même mis au point et fait breveter et, en cas de besoin, l'augmenter indépendamment de Bayer.

En abandonnant chacune une partie de sa propre production en faveur de l'autre partie, Bayer et Gist-Brocades ont procédé à une spécialisation et assure celle-ci par des contrats d'achat à long terme et un système d'investissements communs. Elles ont renonce en fait, pendant la durée de ces contrats réciproques de livraison à long terme, à se faire concurrence en produisant le produit intermédiaire, dont la production est confiée à l'autre partenaire, alors que Bayer aussi bien que Gist-Brocades auraient pu assurer eux-mêmes cette production.En ce qui concerne le 6-AAP, elles ont indique elles-mêmes que des entreprises de transformation qui n'ont jamais fabriqué ce produit pouvaient à tout moment entreprendre une telle fabrication et elles-mêmes devaient tenir compte de cette possibilité dans leurs ventes de 6-AAP à ces entreprises. Cela vaut d'autant plus pour Gist-Brocades qui est titulaire du brevet et ancien producteur.

Cette renonciation, si elle n'apparaît pas dans un engagement contractuel explicite, résulte cependant, aux yeux de la Commission, de l'ensemble des éléments de fait. L'abandon de la production de pénicilline brute par Bayer et celui de la fabrication de 6-AAP par Gist-Brocades ont été simultanés et étaient fonction l'un de l'autre. Aucune des deux parties ne voulait créer un rapport unilatéral de dépendance en abandonnant sa production, car toutes deux craignaient " qu'un tel rapport de dépendance ne soit un jour mis à profit lors de la conquête de nouvelles parts de marché ". Chacune a pris une participation financière dans la construction ou l'agrandissement des installations de l'autre et a accepté de majorer cette participation en cas d'augmentation des besoins. Toutes deux ont intérêt à exploiter ces installations de façon aussi rationnelle que possible, c'est-à-dire à couvrir le plus possible leurs besoins par cette production. Chacune s'est engagé s'il était mis fin aux contrats, à céder à l'autre la souche de champignon nécessaire pour recommencer à produire de la pénicilline brute et à lui transmettre le savoir-faire indispensable à la fabrication de 6-AAP. Gist-Brocades s'est engagé à concéder à Bayer des licences portant non seulement sur les perfectionnements apportés aux procédés actuels de fabrication de 6-AAP, mais aussi sur de nouveaux procédés, ce qui ne s'explique que si la spécialisation de la production doit être maintenue, même dans le cas ou l'autre partie découvrirait un nouveau procédé. Compte tenu de tous les éléments, ce serait contrevenir à l'esprit et à l'objet des contrats si, pendant la durée de ceux-ci, une des deux parties décidait librement et sans consulter l'autre d'empiéter sur le domaine de production de l'autre et de lui faire concurrence.

c) Cet accord de spécialisation est complété par la conclusion de contrats réciproques de livraison à long terme. Ces derniers n'obligent pas expressément les parties à couvrir leurs besoins exclusivement dans le cadre desdits contrats, mais l'engagement réciproque à long terme ainsi que le rapport de dépendance réciproque résultant de la spécialisation et de la participation dans les investissements du partenaire ont forcement pour résultat que chaque partie couvre en principe ses besoins en s'approvisionnant chez l'autre. Les prix de cession qu'elles se concèdent sur la base des éléments convenus sont si favorables que, abstraction faite de goulets d'étranglement ou de baisses de production imprévues chez l'autre, elles ne peuvent avoir intérêt à acheter à un tiers.

4. Ce sont des entreprises d'Etats membres différentes qui ont souscrit les accords. Ceux-ci portent sur des produits qui, soit en l'état soit transformes, peuvent faire et font l'objet d'un commerce entre Etats membres.

Les accords donnent à chacune des deux parties la possibilité de renforcer sa position sur son marché national, de se protéger contre l'influence de l'autre et de coordonner avec l'autre son comportement sur les marchés qu'elles approvisionnent en commun. Partant, ces accords sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et sont par conséquent visés par l'interdiction dictée à l'article 85 paragraphe 1 ;

III

Applicabilité de l'article 85 paragraphe 3

Considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarés inapplicables à tout accord qui contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans

a) imposer aux entreprises intéresses des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence ;

Considérant que ces conditions sont réunies en l'espèce pour les raisons suivantes :

1. Pour établir si les accords contribuent à améliorer la production ou la distribution ou à promouvoir le progrès technique ou économique, il convient de savoir si, objectivement, les restrictions permettent une amélioration par rapport à la situation qui existerait en leur absence. A cet égard, l'appréciation doit se fonder sur le principe adopté lors de la création du Marché commun, qu'une concurrence loyale et non faussée garantit le mieux un approvisionnement régulier du marché aux conditions les plus favorables du point de vue économique. On ne saurait des lors parler d'une contribution au progrès économique au sens de l'article 85 paragraphe 3 que dans le cas où, exceptionnellement, la concurrence ne permet pas d'aboutir au résultat économiquement le plus favorable.

Lorsqu'un accord de spécialisation de la production est conclu, comme dans le cas présent, entre deux entreprises importantes, connaissant bien le marché et financièrement puissantes, on ne peut admettre sans plus que chacune d'elle n'est pas en mesure d'assumer seule, sans le concours d'un concurrent important, les coûts et le risque économique que comporte l'agrandissement de ses unîtes de production en vue de rationaliser la fabrication.

En l'espèce, la Commission devait toutefois avoir égard au fait que les possibilités pour Bayer d'agrandir ses installations de production de pénicilline brute en vue de couvrir ses besoins croissants étaient limitées. La qualité et le rendement de la souche de pénicilline brute utilisée par Bayer étaient faibles. Il ne fallait pas s'attendre à une augmentation du rendement de cette souche. Pour améliorer sa production de pénicilline brute, Bayer devait donc recourir à l'aide d'une entreprise experte en technique de fermentation. Pour des raisons techniques, il était moins rationnel pour Bayer d'améliorer et d'agrandir ses propres installations de production de pénicilline brute avec l'aide de Gist-Brocades que de contribuer au financement de l'agrandissement des capacités de production de pénicilline brute de Gist-Brocades. Cette solution permettait d'autre part à Bayer de convertir ses installations de production de pénicilline brute à la fabrication de 6-AAP en quantité plus grande et dans des installations plus modernes. Les accords contribuent par conséquent à améliorer la production.

2. Par ces accords, les deux parties ont augmente leur production d'une façon qui permet d'espérer que les avantages s'en répercuteront sur les utilisateurs. Ceux-ci disposeront de produits dont la fabrication met en œuvre les connaissances techniques des deux parties. Les entreprises ne produisant pas elles-mêmes de pénicilline brute ou de 6-AAP sont désormais en mesure de s'approvisionner en quantités plus importantes auprès des parties à l'accord, en particulier auprès de Gist-Brocades qui, entre 1971 et 1974, à pratiquement triple ses ventes de pénicilline brute et de 6-AAP aux tiers. Les prix obtenus accusent une tendance à la baisse. Ces entreprises tierces peuvent donc développer leur production de spécialités à base de pénicilline et concurrencer Gist-Brocades et Bayer dans ce domaine. Cet accroissement de l'offre et l'évolution générale des prix au stade des produits finals indiquent qu'une partie équitable du profit résultant de ces accords est réservé aux utilisateurs. Il y a toutefois lieu de prévoir des charges appropriées qui permettent à la Commission de suivre l'évolution de la situation sur le marché.

3. Les accords ne comportent, dans leur forme modifie, aucune disposition qui ne soit pas indispensable pour atteindre leurs objectifs.

a) la décision de chacune des parties de s'abstenir, pendant la durée des accords, de toute activité de production dans le domaine dans lequel l'autre s'est spécialisée et sur lequel elle a concentré ses efforts, est aussi nécessaire que les dispositions relatives à la couverture à long terme des besoins auprès de l'autre partie. Aucune obligation d'approvisionnement exclusif n'a été stipulée. Les deux parties sont libres d'acheter à des tiers pour couvrir leurs besoins supplémentaires. D'une part, les dispositions des contrats donnent aux parties un minimum de certitude pour la planification de leur production et de leurs ventes. D'autre part, elles laissent les parties libres de décider en toute indépendance l'une de l'autre de l'utilisation effective et de l'agrandissement éventuel de leurs capacités de production dans le domaine visé par la spécialisation dans la mesure ou elles n'ont pas souscrit d'engagement ferme de livraison. Bayer peut augmenter comme elle l'entend sa production de 6-AAP pour en transformer des quantités plus grandes en spécialités à base de pénicillines semi-synthétiques. Gist-Brocades peut, de sa seule initiative, fixer le volume effectif de sa production de pénicilline brute et, de ce fait, les quantités qu'elle transforme en pénicillines G et V sels stériles, ainsi qu'en 7-ADCA, produit intermédiaire pour la préparation de la céphalosporine Ce n'est qu'au cas ou l'une des parties désire obtenir de l'autre des quantités qui dépassent la capacité de l'installation financée en commun qu'elle doit contribuer de façon proportionnelle au financement.

b) Les accords, dans leur économie antérieure, ne comportaient pas cette exigence d'un comportement de marché indépendant en dépit de la spécialisation. Les installations devaient être apportées à des filiales communes dans lesquelles les deux parties détenaient une égale participation sur le plan tant financier que personnel. La constitution des filiales communes entraînait une restriction de la concurrence entre les parties sous la forme du contrôle commun des investissements et de la production de pénicilline brute et de 6-AAP. Du fait de la participation paritaire dans les filiales communes et de la coordination au sein du comité consultatif prévu, chacune des parties aurait pu bloquer les mesures de gestion non conformes à ses vues commerciales, ce qui les aurait contraintes à fixer en commun les quantités produites ; aucune des parties n'aurait pu augmenter unilatéralement, sans l'accord de l'autre, les quantités dont elle disposait en vue de la revente ou de la transformation et, partant, développer son offre sur le marché au détriment de l'autre.

Une restriction aussi étendue de la concurrence entre les parties contractantes dans le domaine des investissements et de la production ne pouvait être considérée comme nécessaire à la mise en œuvre de la spécialisation.

c) La clause de non contestation convenue dans le contrat de licence à également été supprimée par les parties en tant que restriction non indispensable. Le fait pour Gist-Brocades et Bayer, deux des plus importantes entreprises dans le domaine du 6-AAP, de s'être engagés à ne pas contester leurs brevets respectifs, aurait pu aboutir à ce que des procédés qui, en soi, ne méritent pas d'être brevetés n'auraient pu être appliqués librement par des tiers au profit des utilisateurs.

d) En revanche, l'obligation de concéder des licences non seulement sur des perfectionnements apportés aux procédés mais aussi sur de nouveaux procédés distincts de fabrication du 6-AAP peut être considérée comme indispensable. Elle est nécessaire pour protéger la spécialisation et permettre l'utilisation optimale des installations suivant les procédés les plus modernes et les plus rentables. Aucune exclusivité n'étant prévue pour ces licences, rien ne s'oppose à ce qu'elles soient concédées à des tiers. L'imposition d'une charge adéquate aux parties contractantes doit permettre à la Commission d'exercer un contrôle permanent sur l'application de cette clause.

e) les accords ne comportent donc, en définitive, aucune restriction qui ne soit pas nécessaire du point de vue économique.L'élément déterminant à cet égard est que la libre circulation dans la Communauté du 6-AAP, qu'il soit fabriqué suivant le procédé de Gist-Brocades, ou celui de Bayer ou suivant d'autres procédés, n'est contractuellement ou de facto ni empêchée ni entravée.

4. Les accords ne donnent pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

a) Pour apprécier cette condition d'exemption, les circonstances prévalant sur le marché de la Communauté ne peuvent être considérées isolement car elles sont étroitement liées à celles du marché mondial. La pénicilline brute et le 6-AAP sont négociés sur le marché mondial indépendamment de leur provenance. Les frais de transport ne jouent qu'un rôle tout a fait accessoire. Les producteurs de pays tiers offrent leurs produits dans le Marché commun et les fabricants de la Communauté sont très actifs comme fournisseurs sur les marchés de pays tiers.

b) Si l'on retient comme marché de produits en cause celui de la pénicilline brute et du 6-AAP, les parties y détiennent incontestablement une part importante à en juger les données disponibles, qui reposent toutefois en partie sur des estimations. Grâce à l'accroissement de ses capacités de production de pénicilline brute, Gist-Brocades est en passe de devenir l'un des plus grands producteurs mondiaux (environ 16 % de la production mondiale). Elle n'a toutefois pas distance ses concurrents indépendants les plus directs au point qu'il faille lui attribuer un rôle déterminant. Pfitzner, qui offre aussi ses produits dans le Marché commun, représente 13 % de la production mondiale ; il est suivi par des entreprises importantes telles que Glaxo, Beecham, Rhône-Poulenc, Squibb et Hoechst, parmi lesquelles Beecham, grâce aux investissements qu'il vient de réaliser, doublera pratiquement sa production de pénicilline brute d'ici à 1977 et acquerra des lors une importance comparable à celle de Gist-Brocades.

En ce qui concerne le 6-AAP, les parties, grâce aux accords, occupent également une position appréciable. Les quantités que produit Bayer en sous-traitance et dont dispose Gist-Brocades représentent quelque 15 % de la production mondiale ; la production de Bayer pour ses besoins propres est également de l'ordre de 15 %. Le plus grand producteur du monde est Beecham avec une part du marché mondial évaluée à 20 %. Bristol est un autre producteur non moins important. Cette analyse du marché ne tient pas compte du fait que la production de 6-AAP suivant les procédés Astra, Snam-Progett et Ishimaru n'a été entreprise que récemment à l'échelle industrielle ; le nombre des grands producteurs de 6-AAP augmentera donc dans un proche avenir.

c) D'autre part, pour apprécier la position des contractants sur le marché, la Commission à également tenu compte du fait que la pénicilline brute constitue non seulement la substance de base indispensable à la fabrication du 6-AAP mais qu'elle sert ou peut servir de matière première pour la fabrication des pénicillines G et V sels stériles, ainsi que des produits intermédiaires 7-ADCA et 7-ACA, qui forment la base de la production de céphalosporine. D'autres fabricants, non producteur de pénicilline, produisent à partir de la céphalosporine C des spécialités à base de céphalosporine qui gagnent en importance sur les spécialités à base de pénicilline. Il est donc indéniable que ces producteurs influencent le marché des produits de base et des produits intermédiaires intervenant dans la fabrication de la pénicilline. Pour la vente de pénicilline brute et de 6-AAP, Gist-Brocades et Bayer ne peuvent agir sans tenir compte de ces producteurs.

d) La Commission à enfin eu égard au fait que la spécialisation de la production visée ici n'a pas pour conséquence que les parties, par une extension de la gamme de leurs produits, offrent les mêmes marchandises à des prix égaux ou comparables, ou qu'elles déploient leurs activités sur des marchés distincts. Bayer et surtout Gist-Brocades non seulement offrent des produits distincts sur le marché des produits dérivés du 6-AAP (en vrac ou en emballages destinés à la vente au détail), mais elles pratiquent également une politique de vente différente sur le marché du 6-AAP : Bayer transforme la majeure partie de sa production de 6-AAP en spécialités, tandis que Gist-Brocades livre l'essentiel des quantités dont elle dispose à une série d'entreprises de transformation qui n'ont aucun lien ni avec elle ni avec Bayer.

Pour ces motifs, les parties n'ont donc pas, en l'espèce, la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

5. Conformément à l'article 8 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission doit assurer que les conditions de l'article 85 paragraphe 3 continuent d'être remplies.

Afin de permettre à la Commission de mieux apprécier par la suite les effets réels de cette collaboration spécialisée notamment à l'égard de la position des tiers sur le marché, il convient, par l'imposition d'une charge, d'obliger les parties à fournir chaque année des renseignements relatifs à leurs investissements, à leur production, à leurs livraisons à l'autre partie et à des tiers, ainsi qu'aux prix moyens obtenus.

La Commission doit également être en mesure d'examiner si la concurrence sur le marché concerné est affectée dans une mesure qui déborde le cadre de la présente décision. Cela peut être notamment le cas en raison de participations financières ou de liens personnels - directs ou indirects, par exemple par des participations communes ou réciproques - qu'il s'agisse d'entreprises appartenant au même groupe que les parties contractantes ou d'entreprises appartenant au même groupe que l'une ou l'autre, d'une part, et de concurrents actuels ou potentiels, d'autre part. Cela en premier lieu pour les produits directement visés par la présente procédure, à savoir la pénicilline brute et le 6-AAP, mais aussi pour les produits qui sont comparables au produit intermédiaire 6-AAP en raison du fait qu'ils sont fabriqués à partir de pénicilline brute (7-ADCA) ou peuvent être fabriqués à partir de celle-ci (7-ACA).

Pour permettre à la Commission d'accomplir cette tâche, il convient de garantir, par l'imposition de charges, que les parties l'informeront en temps utile de l'existence de tels liens ;

IV

Durée de validité de la décision d'exemption

Considérant que, au vu des éléments exposes ci-dessus, une décision d'exemption assortie de charges déterminées peut être arrêtée pour les accords notifiés et modifiés ; que, conformément à l'article 6 paragraphe 1 du règlement n° 17, la date à laquelle la décision prend effet est celle à laquelle les parties ont modifié les accords de telle sorte qu'ils remplissent les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3, à savoir le 5 juin 1975 ; que, pour déterminer la durée de validité conformément à l'article 8 du règlement n° 17, il faut avoir égard, d'une part, à la nécessite d'accorder aux parties un délai suffisamment long, compte tenu des investissements importants indispensables à la mise en œuvre de la spécialisation, et, d'autre part, au fait que la situation des parties, la structure du marché et le progrès technique exigent que les contrats faisant l'objet de la présente procédure soient réexaminés dans un proche avenir ; qu'une durée de validité de huit ans parait donc appropriée,

À arrête la présente décision :

Article premier

Les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne sont déclarés inapplicables, conformément à l'article 85 paragraphe 3, aux accords relatifs à la fabrication et à la livraison de pénicilline brute et d'acide-6-amino-penicillanique conclus le 7 mai 1969 entre les entreprises Bayer AG, à Leverkusen, et Gist-Brocades NV, Delft, et modifiés le 14 mars 1973 et le 5 juin 1975.

Article 2

La décision d'exemption est assortie des charges suivantes :

1. Les deux parties sont tenues d'informer sans délai la Commission de toute modification ou de tout complément apporté - même par voie arbitrale - aux accords susvisés.

2. Les deux parties sont tenues, pour ce qui concerne le secteur de la pénicilline brute et du 6-AAP, de communiquer chaque année à la Commission, au plus tard le 30 juin :

a) les licences qu'elles se seront mutuellement concédées en vertu des accords, y compris les conditions desdites licences,

b) leurs investissements, leurs capacités de production et leur production effective,

c) les quantités qu'elles auront elles-mêmes transformées, celles qu'elles auront échangées entre elles et celles qu'elles auront livrées à des entreprises tierces,

d) la moyenne annuelle des prix pratiques entre elles et à l'égard de tiers,

e) les prix de cession aux grossistes des spécialités à base de pénicilline semi-synthétiques, en vue de la vente aux pharmacies, à savoir les prix des barèmes, y compris les remises appliquées.

3. Chaque partie est tenue de communiquer sans délai à la Commission les formes suivantes de liens existant entre elle et l'autre partie ou entre elle et une autre entreprise :

a) participation financière de 25 % ou plus,

b) administrateurs communs dans les organes de direction,

c) constitution ou acquisition commune d'entreprise (s).

La présente obligation vise les entreprises qui exercent une activité de production, de transformation ou de distribution dans le secteur de la pénicilline ou de la céphalosporine

Article 3

La présente décision, pour ce qui concerne son article 1er, prend effet le 5 juin 1975. Elle est valable jusqu'au 31 décembre 1983. Les entreprises Bayer AG, D-509, Leverkusen, Bayerwerk, et Gist-Brocades NV, Wateringseweg, Delft (Pays-Bas), sont destinataires de la présente décision.

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.