CCE, 7 décembre 1984, n° 85-76
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Milchförderungsfonds
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment son article 3, vu le règlement n°26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (2) , modifié par le règlement n° 49 (3), et notamment ses articles 1er et 2, vu la décision prise par la Commission, le 22 juin 1982, d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir entendu le Milchförderungsfonds conformément à l'article 19 du règlement n° 17, en liaison avec le règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (4), après avoir recueilli l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
(1) Le 1er janvier 1955 était créé, par décision des présidents de l'Association agricole allemande (Deutscher Bauernverband) et de l'Union allemande des coopératives agricoles Raiffeisen (Deutscher Raiffeisenverband), le Milchförderungsfonds (Fonds de promotion du lait) (ci-après dénommé "le Fonds"), en vue de promouvoir la qualité et la vente du lait et des produits laitiers. Ce Fonds a été constitué sous forme de société civile (Gesellschaft bürgerlichen Rechts) par les unions régionales (Landesverbände) affiliées à l'association agricole allemande et à l'Union allemande des coopératives agricoles Raiffeisen, par l'Association agricole allemande et par l'Union allemande des coopératives agricoles Raiffeisen, ainsi que par l'Union centrale des laiteries privées (Zentralverband der Privatmolkereien).
(2) En vertu des directives en matière de financement et d'utilisation du Fonds du 1er janvier 1955, dans leur version du 7 février 1973 (5), les ressources du Fonds peuvent être utilisées aux fins suivantes:
a) financement de mesures propres à améliorer la qualité des produits laitiers, à organiser la publicité, à améliorer la commercialisation du lait et des produits laitiers ou à promouvoir de toute autre manière la qualité et la vente du lait et des produits laitiers;
b) financement du stockage des produits laitiers, dans la mesure où une décision du conseil de gestion (Kuratorium) du Fonds, prise de concert avec le ministre fédéral de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Forêts, le juge indispensable à l'organisation du marché intérieur.
(3) Le Fonds est constitué par les contributions volontaires des producteurs allemands de lait. Les coopératives laitières et les laiteries privées retiennent, sur chaque litre de lait livré, le montant fixé par le conseil de gestion du Fonds, avec un maximum de 0,5 pfennig, moyennant l'accord du fournisseur. Le montant retenu à l'heure actuelle est de 0,05 pfennig. Les montants retenus par les coopératives laitières et les laiteries privées sont transférés, sans aucune déduction, d'un compte de dépôt de consignation ouvert par les unions régionales compétentes de l'Association agricole, de l'Union des coopératives Raiffeisen et de l'Union centrale des laiteries privées, à un compte ouvert auprès de la Caisse coopérative allemande (Deutsche Genossenschaftskasse) à Francfort sous la dénomination "fonds affecté à la promotion du secteur laitier". Les montants retenus cessent d'appartenir aux producteurs laitiers et passent entre les mains de l'organe du Fonds, à titre fiduciaire. Celui-ci est seul autorisé à en disposer, mais ne peut l'utiliser qu'à titre fiduciaire.
(4) L'administration du Fonds est assurée par le comité de gestion. Celui-ci se compose des présidents de l'Association agricole allemande, de l'Union allemande des coopératives d'achat et de vente Raiffeisen, des associations agricoles des Länder, des unions de coopératives agricoles Raiffeisen des Länder, de l'Union centrale des laiteries privées et de l'Union de l'industrie laitière.
Ce comité de gestion est l'organe de décision du Fonds. Il détermine l'emploi des ressources du Fonds chaque fois pour un semestre à l'avance au moyen de directives spécifiques. Ces directives indiquent les mesures de promotion, les montants globaux affectés à celles-ci, les périodes de promotion et les taux d'aide. Elles sont complétées par des décisions du comité de gestion. Il n'existe pas de droit automatique à l'octroi d'aides. Celles-ci sont versées à concurrence des ressources affectées à la période de promotion et sur la base des taux fixés. Le comité de gestion statue sur les demandes, qu'il apprécie conformément à sa mission.
(5) À l'heure actuelle, les ressources du Fonds sont affectées principalement à la promotion des exportations de lait et de produits laitiers, dans le but de désencombrer le marché allemand. Les aides accordées à la promotion des exportations ont oscillé, de 1978 à 1980, entre 4 651 558,24 et 14 915 577,58 marks allemands. Sur ce dernier montant, 6 083 083,43 marks allemands ont servi à promouvoir les exportations vers les Etats membres de la Communauté, 922 772,27 marks allemands les exportations vers lesdits Etats membres et les pays tiers, et le solde, les exportations vers les pays tiers.
En 1981, les aides destinées à promouvoir les exportations se sont chiffrées à 9 484 609,59 marks allemands, dont 3 621 137,90 marks allemands pour les exportations vers les Etats membres, 1 262 010,29 marks allemands pour les exportations vers les Etats membres et les pays tiers, et le solde, pour les exportations vers les pays tiers.
(6) Les aides à l'exportation visent les livraisons de beurre, de fromage et de poudre de lait entier et, dans une faible mesure, celles de lait concentré, d'aliments laitiers pour nourrissons, de boissons lactées de longue conservation, ainsi que le lait de consommation et la crème de longue conservation. Le montant des aides varie suivant les produits, les pays de destination et les périodes de promotion. En 1981, il a oscillé entre 5 et 20 marks allemands par 100 kilogrammes pour le beurre et le fromage et entre 3 et 5 marks allemands par 100 kilogrammes pour la poudre de lait entier.
(7) Les périodes d'octroi des aides ne correspondent pas toujours également à une année civile entière, mais elles peuvent être plus ou moins réduites selon les cas. D'autre part, les mesures de promotion à l'exportation sont axées sur certains pays de la Communauté, de sorte que les aides se concentrent autour de pôles. Pour 1980, les ressources du Fonds affectées à la promotion des exportations offrent l'image suivante:
(8) <EMPLACEMENT TABLEAU>
(9) Ce total de 14 915 577,58 marks allemands d'aides à l'exportation pour 1980 a été réparti entre cent cinquante laiteries allemandes.
(10) Pour 1981, le tableau est le suivant:
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(11) Le montant global des aides à l'exportation accordées en 1981, soit 9 484 609,59 marks allemands, a été réparti entre cent dix-sept laiteries allemandes.
(12) En ce qui concerne les mesures de promotion des livraisons de beurre au Royaume-Uni, les directives en matière d'emploi des ressources du Fonds du 23 novembre 1979 et du 4 décembre 1980 contiennent la disposition suivante:
"Pour mener une politique active de marchéage du beurre allemand au Royaume-Uni, il est prévu un montant global de 3 millions de marks allemands pour toute l'année 1980 et de 2 millions de marks allemands pour toute année 1981.
Les fournisseurs de beurre allemand à destination du marché britannique doivent être aidés à reprendre leurs livraisons sans interruption. Les livraisons doivent faire l'objet de mesures de marchéage tenant compte de la situation britannique."
(13) La disposition correspondante des directives d'emploi des ressources du 12 décembre 1978 contient la précision suivante:
"L'octroi de fonds vise à développer un marchéage adapté à la situation britannique afin de réagir contre la supplantation massive du beurre allemand au cours des années 1977 et 1978."
(14) Les mesures de promotion des exportations de fromage en tranches à pâte demi-dure vers l'Italie visaient à stimuler et à aider le secteur à intensifier démesurément la publicité des ventes. Dans ce but, les entreprises bénéficiaires ont entrepris en 1980, d'après les données du Milchförderungsfonds, un effort spécifique de promotion des ventes, des actions spéciales et la sollicitation de clients nouveaux. Cette promotion a été centrée sur la publicité de marques.
(15) Depuis quelques années, les ressources du Fonds affectées à des mesures sur le marché intérieur, mesures de stabilisation du marché et de promotion des ventes dans le pays, ne cessent de se réduire par rapport à celles affectées à la promotion des exportations. Leur montant est tombé de 5 597 733,63 marks allemands en 1971 à 356 181,38 marks allemands versés en faveur des fournitures centrales de beurre aux organismes d'intervention en 1981.
II. APPRECIATION JURIDIQUE
A. Article 2 du règlement n°26
(16) L'activité du Milchförderungsfonds consiste dans la promotion privée de la vente des produits énumérés à l'annexe II du traité CEE (6), qui relèvent de l'application des articles 1er et 2 du règlement n° 26. L'article 1er de ce règlement dispose que les articles 85 à 90 du traité CEE s'appliquent aux produits précités ; l'article 2 prévoit des dérogations à l'application de l'article 85 du traité CEE aux produits agricoles. En vertu du paragraphe 1 première phrase dudit article 2, l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE est inapplicable aux accords, décisions et pratiques relatifs au commerce des produits énumérés à l'annexe II du traité, qui font partie intégrante d'une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité CEE. Aux termes de la deuxième phrase, il ne s'applique pas, en particulier, aux accords, décisions et pratiques d'exploitants agricoles, d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul Etat membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles ou l'utilisation d'installations communes de stockage, de traitement ou de transformation de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 39 du traité CEE sont mis en péril.
(17) Les décisions du Milchförderungsfonds ne peuvent bénéficier des dérogations prévues à l'article 2 paragraphe 1 première phrase du règlement n° 26, pour les motifs suivants.
(18) Elles ne font pas partie intégrante d'une organisation nationale de marché, puisqu'une telle organisation n'existe pas en République fédérale d'Allemagne dans le secteur laitier. Dans ce secteur en effet, les organisations nationales de marché, dans la mesure où elles ont existé, ont été remplacées par l'organisation commune du marché, qui est régie par les dispositions du règlement (CEE) n° 804-68 du Conseil (7).
(19) Au demeurant, les décisions du Milchförderungsfonds ne sont pas nécessaires à la réalisation des objectifs de l'article 39 du traité CEE. D'une part, d'après le troisième Considérant du règlement n° 26, la dérogation ne peut être envisagée que dans la mesure où l'application de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE mettrait en péril la réalisation des objectifs de la politique agricole commune en ce qui concerne les produits concernés. D'autre part, les moyens à mettre en œuvre pour réaliser, dans le secteur laitier, les objectifs de la politique agricole commune tels qu'ils sont énoncés à l'article 39 du traité CEE sont prévus par le règlement (CEE) n° 804-68. Les aides par produits qui sont octroyées par les Etats membres pour promouvoir les exportations dans d'autres Etats membres de la Communauté sont en contradiction avec l'organisation commune du marché (voir affaire 177-78, Pigs and Bacon Commission contre McCarren, arrêt du 26 juin 1979, point 14 des motifs, Recueil de la jurisprudence de la Cour, 1979, p. 2161). Aussi l'article 24 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 804-68 interdit-il expressément les aides dont le montant est déterminé en fonction de la quantité des produits visés. Certes, cet article ne s'applique qu'aux aides d'Etat, alors que les aides du Milchförderungsfonds sont des aides de caractère privé. Ces dernières aides n'en compromettent pas moins, elles aussi, l'application correcte des mesures prévues au règlement (CEE) n° 804-68 en vue de la réalisation des objectifs de la politique agricole commune. En conséquence, les décisions du Milchförderungsfonds ne peuvent être considérées comme nécessaires pour la réalisation des objectifs de l'article 39 du traité CEE.
(20) Elles vont jusqu'à faire obstacle à cette réalisation. En effet, elles compromettent la stabilisation des marchés prévue à l'article 39 paragraphe 1 point c) du traité CEE. Cet objectif vise à adapter l'offre à la demande, afin de garantir la vente de la production communautaire à des prix rentables, sans fluctuations excessives. Pour atteindre ce but dans le secteur laitier, le règlement (CEE) n° 804-68 a introduit un mécanisme uniforme des prix et une réglementation uniforme du commerce aux frontières extérieures de la Communauté, en vue de stabiliser le marché communautaire à un certain niveau de prix. Cette stabilisation serait compromise par l'octroi d'aides aux exportations. C'est pourquoi l'article 24 du règlement (CEE) n° 804-68 interdit formellement les aides nationales dont le montant est déterminé, comme dans le cas d'espèce, en fonction de la quantité des produits concernés
(21) Etant donné l'absence des deux éléments d'exemption énoncés à l'article 2 paragraphe 1 première phrase du règlement n° 26, la dérogation prévue dans la deuxième phrase ne peut être prise en considération. Elle constitue en effet un cas particulier du principe énoncé dans la première phrase et suppose l'existence simultanée des conditions de l'une des deux dérogations admises par cette première phrase (8).
(22) Mais même si la dérogation particulière prévue dans la deuxième phrase relevait par nature d'une législation spéciale, cet élément de dérogation supplémentaire et indépendant ferait défaut en l'occurrence. En effet, la société civile créée par les unions régionales affiliées à l'Association agricole allemande et à l'Union allemande des coopératives agricoles Raiffeisen, par ladite association et ladite union et par l'Union centrale des laiteries privées, qui constitue l'organe du Fonds, est une association d'unions économiques qui veille aux intérêts économiques communs de ses membres. Elle ne constitue cependant pas une association d'associations d'exploitants agricoles au sens de l'article 2 paragraphe 1 deuxième phrase, qui se chargerait pour le compte de ses membres, comme c'est le cas des coopératives agricoles, par l'intermédiaire d'une entreprise commerciale commune, de l'exécution de tâches relatives à la production ou à la vente de produits agricoles ou à l'utilisation d'équipements communs de stockage, de traitement ou de transformation des produits agricoles.
(23) À cet égard, le Milchförderungsfonds fait valoir que le Fonds est un organisme d'entraide mutuelle créé par les producteurs de lait allemands et que le comité de gestion du Fonds n'administre leurs versements qu'à titre fiduciaire.
(24) Il est vrai que l'organe du Fonds ne détient les ressources de celui-ci qu'à titre fiduciaire et qu'il ne peut les utiliser que fiduciairement. En l'espèce, un lien de mandat a été créé en vertu duquel les unions susmentionnées, qui constituent l'organe du Milchförderungsfonds, ont reçu des producteurs laitiers le mandat d'administrer les ressources du fonds et de les utiliser à des fins déterminées. Ce lien de mandat n'affecte cependant pas la nature même des unions économiques et n'en fait pas des associations d'exploitants agricoles.
En conséquence, les unions précitées, compte tenu de leur nature, ne sauraient être considérées comme des associations au sens de l'article 2 paragraphe 1 deuxième phrase du règlement n° 26.
(25) En outre, l'application de la dérogation contenue dans cette disposition est exclue du fait que l'activité du Fonds, comme il a été dit précédemment, compromet l'objectif visé à l'article 39 paragraph 1 point c) du traité CEE, à savoir, la stabilisation des marchés.
(26) Dès lors, les dispositions dérogatoires de l'article 2 du règlement n° 26 ne s'apliquent pas et n'empêchent done pas l'application de l'article 85 du traité CEE.
B. Article 85 paragraphe 1
(27) Les mesures de promotion du Milchförderungsfonds sont arrêtées par des décisions du comité de gestion, qui est l'organe administratif du Fonds compétent à cet effet, et elles engagent le Fonds. Celui-ci étant juridiquement une société civile créée par les unions régionales affiliées à l'Association allemande des exploitants agricoles et à l'Union allemande des coopératives agricoles Raiffeisen, par ladite Association d'exploitants agricoles et ladite Union Raiffeisen ainsi que par l'Union centrale des laiteries privées, les décisions du Milchförderungsfonds sont les décisions d'une association d'associations d'entreprises. Certes, les décisions d'associations d'associations d'entreprises ne sont pas, d'après le libellé de l'article 85 paragraphe 1, expressément incluses dans le champ d'application de cette disposition. Elles n'en relèvent pas moins de l'application de cette disposition. En effet, l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 aux décisions suppose uniquement qu'une association prenne des décisions qui lient ses membres, ce qui est le cas en l'espèce.
(28) Au demeurant, l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 aux décisions d'une association d'associations d'entreprises est confirmée par l'article 2 paragraphe 1 deuxième phrase du règlement n° 26. En effet, cette disposition dérogatoire suppose l'applicabilité du principe de l'article 85 paragraphe 1 aux associations d'associations de producteurs agricoles, du moment qu'elle soustrait à l'application de cet article, sous certaines conditions, les décisions de ces associations.
(29) Les décisions du Milchförderungsfonds ont pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, dans la mesure où elles permettent de façon directe aux entreprises bénéficiaires de baisser leurs prix de vente. En effet, l'octroi d'aides aux exportations à l'intérieur de la Communauté renforce artificiellement la position économique des exportateurs allemands qui en bénéficient, par rapport à leurs concurrents d'autres Etats membres qui ne reçoivent pas d'aides similaires. Les entreprises bénéficiaires sont aidées à prendre des mesures visant à promouvoir la vente de leurs produits sur les marchés d'exportation, c'est-à-dire à créer des marchés d'exportation et à développer leur commerce sur ces marchés par le fait qu'elles sont en mesure d'offrir à leurs acheteurs sur ces marchés des conditions de vente plus favorables que celles qu'elles auraient pu leur offrir sans l'octroi des aides.
(30) Dans la mesure où les aides à l'exportation ont été utilisées pour la promotion de la publicité et des ventes de fromage en tranches à pâte mi-dure en Italie, elles ont également renforcé la position concurrentielle des exportateurs allemands bénéficiaires des aides. En effet, ces actions ont porté sur des marques de produits déterminées et elles ont pu être menées sans que les prix de vente ne soient grevés indirectement par les coûts correspondants.
(31) Dans la mesure où les décisions du Milchförderungsfonds prévoient des aides aux exportations vers d'autres pays de la Communauté, elles sont également susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres. Le fait que ces aides entraînent une intensification des échanges de marchandises entre les Etats membres ne saurait exclure, en l'espèce, la thèse selon laquelle le commerce entre Etats membres s'en trouve affecté. En effet, le traité CEE n'a pas en soi pour objectif d'augmenter les échanges, mais plutôt d'établir un système où la concurrence ne sera pas faussée.
(32) La distorsion de concurrence entraînée par l'octroi des aides à l'exportation est sensible à l'intérieur de Marché commun. Les exportateurs allemands bénéficiaires des aides reçoivent des montants non négligeables (6 076 181,43 marks allemands en 1980), qu'ils peuvent consacrer à des mesures susceptibles de promouvoir leurs ventes et d'améliorer leurs conditions de vente sur les marchés d'exportation à l'intérieur de la Communauté.
(33) Le fait que les sommes versées par le Milchförderungsfonds constituent en fait une aide financière sensible ressort notamment d'une lettre adressée par l'Union centrale des laiteries privées (Zentralverband der Privaten Milchwirtschaft eV), le 25 avril 1973, au Milchförderungsfonds, qui attire expressément l'attention sur le fait que les aides à la promotion des exportations ont contribué très largement à soutenir et à développer celles-ci, de sorte qu'un élargissement des parts de marché a pu être réalisé à l'étranger pour certains groupes de produits.
(34) Il en est de même des directives en matière d'emploi des ressources des 12 décembre 1978, 23 novembre 1979 et 4 décembre 1980, en vertu desquelles les aides à la promotion des exportations de beurre au Royaume-Uni, qui se sont chiffrées à 3 038 089,00 marks allemands en 1980, devront permettre un marchéage actif qui tienne compte de la situation britannique. Elles devront aider les fournisseurs de beurre allemand sur le marché britannique à reprendre leurs livraisons sans interruption et à réagir contre la supplantation massive du beurre allemand constatée au cours des années précédentes.
(35) À cet égard, il est révélateur de constater à quel point les aides aux exportations ont reforcé la position du beurre allemand sur le marché britannique.
En 1980, presque toutes les importations de beurre allemand au Royaume-Uni avaient bénéficié des mesures de promotion ; en 1981, elles en bénéficiaient toutes. En effet, les quantités promues, soit 10 685 tonnes en 1980 et 9 847 tonnes en 1981, correspondent à peu de chose près aux 11 164 tonnes importées au Royaume-Uni en 1980 (9) et aux 9 041 tonnes importées en 1981(10). Les fournisseurs allemands, qui n'ont plus reçu d'aides après l'épuisement des ressources du Fonds affectées à ces mesures, se sont trouvés, en l'absence d'aides, dans l'impossibilité d'écouler encore leur beurre sur le marché britannique. Cela signifie que la part du marché du beurre allement au Royaume-Uni, en l'absence d'une aide aux exportations, serait à peu près nulle. Les parts de marché des marques allemandes étaient de 4,1 % en 1980 et de 3,2 % en 1981 (11). L'octroi d'aides aux exportations a donc permis d'augmenter les parts de marché du beurre de marque allemande sur le marché britannique de 4,1 % et de 3,2 % respectivement, ce qui conforte la thèse selon laquelle le jeu de la concurrence a été sensiblement faussé.
(36) Si les mesures de promotion ont déjà entraîné, sur le seul marché britannique du beurre, une distorsion sensible de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, il faut noter que d'autres livraisons aux pays de la Communauté ont elles aussi bénéficié d'aides à l'exportation, qui ont encore renforcé l'effet anticoncurrentiel de l'activité du Milchförderungsfonds. Outre les mesures de promotion du beurre, qui ont atteint, nous l'avons vu, 3 038 089,00 marks allemands en 1980 et 1 388 761,85 marks allemands en 1981, les autres aides aux exportations se sont chiffrées à 3 034 092,43 marks allemands en 1980 et à 2 232 376,05 marks allemands en 1981 (pour les seules fournitures de fromage en Italie, elles ont atteint 1 086 236,18 marks allemands en 1980 et 826 797,00 marks allemands en 1981). En outre, les ressources du Fonds consacrées aux ventes destinées à la fois aux Etats membres et aux pays tiers se sont chiffrées à 428 856,26 marks allemands en 1980 et à 1 262 010,29 marks allemands en 1981, ce qui a entraîné une distorsion supplémentaire de la concurrence.
(37) Il est donc établi que les possibilités d'écoulement des entreprises concurrentes qui ne bénéficiaient pas d'aides ont été sensiblement réduites.
(38) L'appréciation serait différente si les mesures de promotion de la publicité et de la vente bénéficiant d'une aide à l'exportation avaient été d'ordre général et, en particulier, non axées sur des marques de produits.
Dans ce cas, les actions auraient profité à tous les concurrents et il n'y aurait pas de restriction sensible à la concurrence. En revanche, les mesures de publicité et de vente ne pourraient avoir pour objet de décourager la vente des produits laitiers ne provenant pas d'Allemagne, ni de discréditer ces produits aux yeux des consommateurs étrangers. Elles ne pourraient pas non plus recommander auxdits consommateurs d'acheter les produits laitiers allemands en raison de leur seule provenance nationale.
(39) La restriction sensible de la concurrence n'aurait pas non plus existé si la publicité avait porté sur des propriétés particulières des produits laitiers visés ou sur la vente de catégories déterminées de produits laitiers dont elle aurait relevé les caractéristiques propres, même si ces catégories avaient été typiques de la production allemande. En effet, une telle publicité est trop vague pour pouvoir exercer une influence concrète sur la concurrence.
(40) Le Fonds adapte généralement le montant de ses aides à l'évolution du marché. Il n'est donc pas exclu que le Fonds réduise, au cours de certaines années, les aides aux exportations vers d'autres Etats membres de la Communié au point d'atténuer, pendant cette période, les effets pratiques de son activité sur les échanges entre Etats membres.
(41) Toutefois, ces réductions n'affectent cependant pas le système d'octroi d'aides institué par le Milchförderungsfonds en substance. Indépendamment des variations des aides dans le temps, le système n'en est pas moins de nature, en substance, comme le prouvent les constatations de la Commission pour les années 1980 et 1981, à affecter sensiblement la concurrence et le commerce entre Etats. C'est pourquoi l'activité du fonds, dans la mesure où elle concerne le Marché commun, constitue dans son ensemble une infraction à l'interdiction enoncée à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE.
C. Article 85 paragraphe 3
(42) L'impossibilité de délivrer une attestation au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE résulte déjà du fait que l'activité du Milchförderungsfonds n'a pas été notifiée à la Commission conformément à l'article 4 paragraphe 1 du règlement n° 17. Puisque les décisions du Milchförderungsfonds concernent l'exportation entre Etats membres et que le nombre d'entreprises qui y participent est supérieur à deux, elles ne relèvent pas de la dérogation prévue au paragraphe 2 points 1 et 2, en vertu de laquelle une exemption est possible sous certaines conditions, même en l'absence de notification.
(43) Mais même si l'activité du fonds avait été notifiée, une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE ne pourrait être envisagée. En effet, il manque au moins l'une des conditions exigées pour que cette disposition soit applicable, parce que l'activité du fonds ne contribue ni à améliorer la production ou la distribution des produits, ni à promouvoir le progrès technique ou économique.
(44) Certes, les aides aux exportations vers d'autres pays de la Communauté contribuent à élargir et à augmenter l'offre dans les pays destinataires, puisqu'ils donnent aux exportateurs allemands bénéficiaires des aides la possibilité de vendre leurs produits sur les marchés d'exportation ou d'y développer leur commerce. Cette extension artificielle de l'offre au détriment des possibilités des concurrents sur le même marché ne peut cependant être considérée comme une amélioration réelle de la distribution des produits au sens de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE,
A arrêté la présente décision:
Article premier :
Les décisions du Milchförderungsfonds octroyant des aides à l'exportation constituent, dans la mesure où elles intéressent le Marché commun, une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE.
Article 2 :
Il est interdit au Milchförderungsfonds de prendre à l'avenir des décisions prévoyant l'octroi d'aides à l'exportation à l'intérieur du Marché commun dans la mesure où, en raison de l'absence des mesures correspondantes prises par le Milchförderungsfonds, la possibilité subsiste que ces aides seront employées par les entreprises bénéficiaires pour faire baisser les prix de vente ou pour des mesures de publicité et de promotion des ventes:
- axées sur des marques de produits,
- visant à décourager les ventes des produits laitiers ne provenant pas d'Allemagne ou à déprécier ces produits aux yeux des consommateurs étrangers,
ou
- recommandant aux consommateurs étrangers d'acheter les produits laitiers concernés uniquement en raison de leur origine nationale.
Article 3
La présente décision est destinée au Milchförderungsfonds, Andreas-Hermes-Haus, Godesberger Allee 142-148, D-5300 Bonn 2.
Notes :
(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
(2) JO n° 30 du 20.4.1962, p. 993/62.
(3) JO n° 53 du 1.7.1962, p. 1571/62.
(4) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.
(5) Ces directives explicitent la décision susmentionnée des présidents de l'Association agricole allemande et de l'Union allemande des coopératives agricoles Raiffeisen du 1er janvier 1955.
(6) Liste prévue à l'article 38 du traité CEE, chapitre 4.
(7) JO n° L 148 du 28.6.1968, p. 13.
(8) Deuxième rapport sur la politique de concurrence, point 75 ; voir aussi arrêt de la Cour de justice du 15 mai 1975, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1975, p. 563, 581 FRUBO, même s'il ne cite comme éléments d'exemption prévus dans le règlement n°26 que ceux visés dans la première phrase.
(9) Nimexe 1980.
(10) Nimexe 1981.
(11) Source : Butterdane.