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Décisions

CCE, 12 juillet 1984, n° 84-381

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Carlsberg

CCE n° 84-381

12 juillet 1984

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne ; vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1) , modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment ses articles 6 et 8 ; vu la demande d'attestation négative et la notification présentées le 12 juin 1980, conformément à l'article 4 du règlement n° 17, par les sociétés De forenede Bryggerier A/S, également dénommée "The United Breweries Limited", à Copenhague, Danemark, et Grand Metropolitan Limited à Londres, Royaume-Uni, concernant l'accord de coopération, dénommé Lager Agreement, conclu le 2 juin 1980 ; vu la publication de l'essentiel du contenu de la demande, conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 (2) ; après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes ; Considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

A. LES ENTREPRISES

(1) La société de droit danois, De forenede Bryggerier A/S, également dénommée The United Breweries Limited (UR) , a été constituée le 10 juin 1970 par la fusion des sociétés Carlsberg Bryggerierne, indehaver Carlsbergfondet, d'une part, et Aktieselskabet De forenede Bryggerier, d'autre part, respectivement détentrices des marques de bière Carlsberg et Tuborg. Cette société (ci-après dénommée "Carlsberg") fait produire et vendre sous ces marques, par ses nombreuses filiales, notamment en république fédérale d'Allemagne, en France, au Luxembourg et au Royaume-Uni, un type de bière à basse fermentation communément appelée pils ou lager. En 1982/1983, Carlsberg et ses filiales ont réalisé un chiffre d'affaires global de 7 177 millions de couronnes danoises. Elle estime le taux de sa participation au marché de la bière lager à 80% au Danemark, à 14% au Royaume-Uni (3) , et à moins de 0,5 % dans l'ensemble des autres Etats membres de la Communauté économique européenne. Au Royaume-Uni, où Carlsberg détenait déjà le capital de trois sociétés, The Agency Companies, établies à Londres, à Goole et à Edimbourg, chargées de la distribution de ses bières, elle a constitué, le 1er mai 1970, une nouvelle société dénommée Carlsberg Brewery Limited (CBL) (ci-après dénommée " Carlsberg Ltd ") , et elle a fait construire une grande brasserie à Northampton. Le chiffre d'affaires total réalisé en 1981/1982 par Carlsberg Ltd et ses agences s'est élevé à 123 575 000 livres sterling. Depuis 1981, la brasserie de Northampton produit également les bières Tuborg, dont la distribution est assurée par une autre filiale de Carlsberg, Tuborg Lager Limited. Le taux de participation de cette marque au marché britannique de la bière lager est d'environ 2 %.

(2) Le groupe britannique Grand Metropolitan (actuellement plc) (GM) est une société holding qui détient des participations dans le secteur hôtelier, l'alimentation, la brasserie, les vins et spiritueux, ainsi que dans les établissements de divertissement. Pour l'exercice 1981/1982, il a réalisé un chiffre d'affaires total de 3 848 500 000 livres sterling. En 1972/1973, il a absorbé successivement les brasseries Truman et Watney Mann, et les a fusionnées en une filiale unique : Watney Mann-Truman Brewers Limited (WMTB) . Pour l'exercice 1981/1982, WMTB a réalisé, pour ses ventes de bières de toutes catégories, un chiffre d'affaires total de 491 815 000 livres sterling, dont 214 859 000 livres sterling, soit 44% de son chiffre d'affaires total, se rapportent aux ventes de bières lager. Détenant 11,5% du marché de la bière, toutes catégories confondues, la société GM vient en deuxième position, ex-aequo avec la société Allied Breweries, dans la liste des entreprises produisant des bières lager au Royaume-Uni. Dans le secteur dit on licence, dans lequel la bière peut être consommée dans l'établissement où elle est vendue, GM approvisionne près de 24 000 débits, dont la moitié environ sont liés par des obligations d'achat de bière ; dans le secteur dit off licence, dans lequel la bière doit être consommée en dehors de l'établissement, elle compte environ 12 000 clients revendeurs, dont près d'un millier sont également liés par des engagements d'approvisionnement en bière.

B. ANTECEDENTS DE L'AFFAIRE

Il y a plus d'un siècle que les brasseries Carlsberg exportent leurs produits, notamment à destination du Royaume-Uni. Vers la fin des années 1960, un demi million d'hectolitres de bière du type lager ou pils était expédiée chaque année vers ce pays, où la bière était distribuée par les trois agences de Carlsberg. En raison de l'augmentation sensible des quantités exportées et des prévisions de croissance de la demande, Carlsberg engagea des négociations avec la brasserie Watney Mann Limited en vue de créer au Royaume-Uni une filiale commune destinée à produire certaines bières du type lager vendues sous les marques de Carlsberg. Un accord (Shareholders Agreement) fut conclu le 1er décembre 1970 entre Carlsberg et Watney, au titre duquel cette dernière intervenait à concurrence de 49 % dans le capital de la nouvelle société Carlsberg Brewery Ltd (CBL) , fondée le 1er mai 1970 par Carlsberg. Une brasserie d'une capacité initiale de 1 million d'hectolitres par an fut édifiée à Northampton, et la production débuta en août 1973. Par un accord commercial, également conclu le 1er décembre 1970 entre les mêmes parties, Watney fut autorisée à vendre les bières Carlsberg dans ses débits. En octobre 1975, Carlsberg procéda au rachat de la participation de Warney dans le capital de la filiale commune Carlsberg Ltd, mais le principe de la distribution des bières Carlsberg par le réseau des débits appartenant à Watney ou contrôlés par elle (tied houses) demeura d'application. Comme à cette époque déjà il était devenu évident que le doublement de la capacité de production de la brasserie de Northampton ne suffirait pas à satisfaire la demande croissante en bière lager, Carlsberg conclut en 1975 un accord de licence avec GM, en tant que société mère des filiales Watney Mann et Truman fusionnées, qui fut autorisée à fabriquer la bière Carlsberg 1030 og (4) dans les brasseries de son groupe et à la vendre au Royaume-Uni. Ce dernier accord a été remplacé par l'accord de coopération industrielle et commerciale que Carlsberg a conclu avec GM le 2 juin 1980, dénommé Lager Agreement, objet de la présente décision.

C. LE LAGER AGREEMENT

Le but de l'accord est d'assurer une utilisation optimale de l'ensemble des installations de production de bières Carlsberg de Carlsberg Ltd et de WMTB, et de développer la vente de ces produits au Royaume-Uni. Le contenu essentiel de cet accord dans sa version actuelle est le suivant.

(1) En reconnaissance des investissements effectués par Carlsberg au Royaume-Uni pour construire des installations de brassage en vue d'assurer l'approvisionnement de GM, celle-ci s'engage, pour toute la durée de l'accord, c'est-à-dire jusqu'au 30 septembre 1991, à acheter chaque année à Carlsberg Ltd une quantité déterminée et très importante de bière lager. Cette quantité est augmentée ou réduite en fonction de la quantité totale de bière lager d'une densité primitive inférieure à 1040 og vendue chaque année par GM au Royaume-Uni (articles 1, 1.1, 1.2 et 1.3) .

(1.1) Au cas où GM se trouve en défaut d'enlever la quantité convenue, Carlsberg Ltd à la faculté d'exiger le paiement d'une indemnité compensatoire, excepté en cas de force majeure (article 1.9) .

(2) Carlsberg peut autoriser une ou plusieurs autres sociétés que GM à fabriquer des bières Carlsberg au Royaume-Uni. Toutefois si les quantités fabriquées par ces sociétés en vue de la vente au Royaume-Uni devaient dépasser au cours d'une année un nombre déterminé de barils (barrels) (5) , la quantité que GM est obligée d'acheter à Carlsberg Ltd serait réduite pour cette année d'une quantité égale à ce dépassement (article 1.8.1) .

(2.1) Si Carlsberg, agissant sans le consentement de GM, permet que la quantité de bière Carlsberg fabriquée au Royaume-Uni au cours d'une année par une société tierce excède les quantités de ces produits vendues aux points de vente liés (tied outlets) de cette société, GM peut se délier de son obligation d'achat (article 1.8.2) .

(2.2) Afin de permettre à GM de vérifier le respect de cette clause, l'accord prévoit qu'elle reçoit chaque année un relevé comptable des quantités globales fabriquées et vendues à des points de vente liés par toutes les sociétés tierces autorisées par Carlsberg (article 1.8.3) .

(3) Carlsberg Ltd s'engage à fournir à GM les quantités de bière Carlsberg nécessaires pour couvrir ses besoins, dans la limite des prévisions établies chaque année par GM, majorée de 10% (article 4.1) .

(3.1) Si Carlsberg Ltd n'est pas en mesure de fournir ces quantités, les parties doivent se consulter pour examiner et arrêter d'un commun accord les mesures à prendre en vue de remédier à l'insuffisance des fournitures (article 4.6) .

(3.2) Carlsberg Ltd n'est pas autorisée, sans le consentement de GM, à fournir à GM des bières Carlsberg fabriquées par des tiers (article 4.8) .

(4) Les dispositions relatives au calcul du prix des fournitures de Carlsberg Ltd à GM, pour chaque catégorie de produits Carlsberg, prévoient notamment que le prix facturé est une moyenne pondérée de deux prix (standard price et marginal price) calculée sur la base des prévisions de vente de WMTB, telles que celles-ci ont préalablement été convenues avec Carlsberg Ltd pour l'année se terminant le 30 septembre pour laquelle le prix s'appliquera, lesdites prévisions devant être établies au cours du mois de juin précédant l'année en question (article 3.1.9) .

(5) Carlsberg concède à GM, pour la durée de l'accord, le droit de produire, de conditionner et d'emballer dans ses brasseries installées au Royaume-Uni les bières Carlsberg 1030 og, Carlsberg Carlsen Lite, ainsi que toute autre bière Carlsberg d'une densité primitive inférieure à 1040 og qui pourrait être introduite pendant la durée de l'accord, conformément aux informations, spécifications et directives données par Carlsberg, notamment en application des dispositions visées à l'annexe de l'accord (article 5.1) . Ces produits sont fabriqués par GM sur la base du savoir-faire de Carlsberg et à l'aide de la levure spéciale (Hanseniospora Valbyensis) qui lui est fournie par Carlsberg. A l'expiration de l'accord, Carlsberg ne sera plus tenue de fournir cette levure.

(5.1) Au cas où Carlsberg modifierait la spécification préalablement convenue de toute bière dont GM a entrepris la production ou pour laquelle GM a effectué des investissements dans ses installations de production, Carlsberg s'engage à coopérer pleinement avec GM, afin de résoudre les problèmes découlant d'une telle modification, et à fournir notamment l'assistance technique nécessaire. Chaque partie supporte les frais de la modification au sein de son organisation, mais Carlsberg s'engage à payer un dédommagement raisonnable à GM au cas où GM, en vue de maintenir le niveau de production nécessaire, devrait engager pour modifier ses installations des dépenses sensiblement supérieures à celles engagées par Carlsberg Ltd pour modifier ses propres installations (article 5.2) .

(5.2 Sous réserve de respecter son obligation d'achat envers Carlsberg Ltd, GM est libre de fabriquer et de vendre toutes quantités supplémentaires de bière Carlsberg (article 2) .

(5.3) Aucune disposition de l'accord n'interdit à GM de fabriquer et de commercialiser d'autres bières de fermentation basse (article 12) .

(6) L'accord institue un comité consultatif pour les bières Carlsberg, composé de deux représentants de Carlsberg Ltd et de deux représentants de WMTB, dont les principaux objectifs sont les suivants :

- promouvoir, développer et étendre les ventes de bières Carlsberg sur tout le territoire du Royaume-Uni, en veillant à protéger au mieux les intérêts mutuels de Carlsberg Ltd et de WMTB,

- discuter des plans de commercialisation et de publicité,

- surveiller la bonne exécution du contrat et les relations commerciales entre les parties,

- examiner et entériner les prévisions de vente et de fourniture de WMTB et de Carlsberg Ltd,

- prévoir en commun des systèmes rentables de conditionnement, de transport et de livraison des bières Carlsberg (article 11) .

(7) Afin de permettre à chacune des parties de planifier individuellement son programme de production, d'emballage et de distribution de la manière la plus efficace possible, WMTB doit fournir à Carlsberg Ltd, quatre fois par an, une prévision actualisée de ses ventes et de ses besoins d'approvisionnement au cours des quinze mois suivants, ventilés par produit et par mois, et Carlsberg Ltd doit fournir de la même manière à WMTB une prévision de ses ventes et besoins d'approvisionnement dans les opérations commerciales qu'elle réalise directement ou par l'intermédiaire de ses agences. Chaque prévision doit être étayée par une analyse détaillée des chiffres, et le comité consultatif examine les éléments servant de base à la détermination des obligations de fourniture et d'achat (article 4.2) .

(7.1) Après que WMTB aura fait connaître les prévisions de ses besoins, Carlsberg Ltd communique à GM, par l'entremise du comité consultatif, les dépenses exceptionnelles qu'entraînerait pour elle toute différence supérieure à plus ou moins 10 % entre les besoins réels et les prévisions. Le comité révisera, si nécessaire, les prévisions à la lumière de cette information. Si de telles dépenses ont été engagées, Carlsberg Ltd aura droit à un dédommagement de la part de GM (article 4.7) .

(8) Les parties reconnaissent qu'il importe au plus haut point de maintenir la qualité des produits Carlsberg et d'assurer qu'il n'y ait aucune différence de qualité entre les bières Carlsberg brassées par GM, d'une part, et celles brassées par Carlsberg Ltd au Royaume-Uni et par Carlsberg au Danemark, d'autre part (article 5.5) .

(8.1) Carlsberg statue souverainement sur toute question portant sur la nature, le type, la conception, la forme et la fermeture des conditionnements, dans le but de protéger l'image internationale de ses produits. GM doit être consultée avant toute modification des normes de conditionnement des bières qu'elle est autorisée à conditionner. Si la modification entraîne pour GM des frais sensiblement plus élevés que ceux à charge de Carlsberg Ltd, Carlsberg doit verser à GM une compensation adéquate (article 7.2) .

(8.2) Carlsberg doit consulter GM avant d'introduire sur le marché du Royaume-Uni un nouveau produit Carlsberg d'un degré inférieur à 1040 og ou avant de modifier un produit existant (article 9.6) .

(8.3) Si l'une ou l'autre partie découvre une amélioration susceptible d'être apportée à la production de l'une ou l'autre bière Carlsberg tout en maintenant les normes de qualité de ce produit, la partie qui a fait la découverte doit en informer immédiatement l'autre, et cette amélioration peut être utilisée dans un délai raisonnable. Lors de la fixation des normes et exigences techniques de fabrication d'un nouveau produit, Carlsberg doit tenir compte de la nécessité d'utiliser au mieux les équipements dont dispose déjà la brasserie GM où la fabrication de ce produit doit se faire (article 5.6) .

(8.4) Si Carlsberg permet à des sociétés tierces de fabriquer au Royaume-Uni des bières Carlsberg destinées à y être vendues, elle doit leur imposer les mêmes normes, spécifications et exigences techniques que celles imposées à GM en matière de fabrication, de conditionnement et de débit (article 13) .

(9) Carlsberg Ltd fournit à GM le support publicitaire des bières Carlsberg au Royaume-Uni, y compris la promotion et le matériel destiné aux points de vente. Ce support est réparti par marque et par région, grosso modo en fonction des quantités vendues ; la répartition du support entre les marques est décidée en accord avec GM (article 9.1) .

(9.1) À titre de contribution aux frais de commercialisation, GM doit payer chaque année à Carlsberg Ltd un montant déterminé pour chaque baril de bière Carlsberg produit au cours de l'exercice considéré, au-delà d'un nombre déterminé de barils indiqué dans l'accord. Le paiement est soumis à là condition que WMTB ait donné son accord sur le plan général de commercialisation, au Royaume-Uni, des bières Carlsberg d'un degré inférieur à 1040 og, accord qui ne peut être refusé indûment (article 9.3) .

(9.2) Carlsberg Ltd doit consulter WMTB chaque année à propos de la fixation de ses objectifs de publicité et de commercialisation pour les dix-huit mois à venir. Après examen approfondi et accord sur les objectifs, Carlsberg Ltd rédige un plan détaillé, non sans intéresser WMTB à tous les stades de son élaboration. Elle soumet à WMTB ses plans complets, avant de demander à Carlsberg (Danemark) d'y souscrire formellement (article 9.5) .

(10) GM n'est autorisée à utiliser le nom Carlsberg que pour la vente des bières Carlsberg pendant la durée du contrat (article 15) .

(11) Tout renseignement relatif aux affaires de l'une des parties porté à la connaissance de l'autre et non tombé dans le domaine public doit rester strictement confidentiel (article 16) .

(11.1) GM s'engage à traiter confidentiellement toutes les connaissances techniques qui lui sont révélées par Carlsberg (y compris toutes les spécifications et méthodes) . Elle peut utiliser ces connaissances même après expiration de l'accord, à condition de ne pas faire mention du nom ni de la marque Carlsberg (article 16.2) ,

(11.2) Le savoir-faire et les améliorations spécifiquement liés à la fabrication des bières Carlsberg ne seront utilisés par GM pour la fabrication de ces bières que conformément aux dispositions de l'accord. En dehors de ce cas, ainsi qu'après expiration de l'accord, ce savoir-faire pourra être utilisé librement par Carlsberg et GM (article 16.3) .

(12) Les parties s'efforceront de régler à l'amiable tout conflit, différend ou litige relatif à l'interprétation ou aux effets du contrat ou aux droits, devoirs ou obligations des parties (article 26.1) .

(12.1) A défaut de règlement à l'amiable, le conflit doit être soumis à un arbitre unique, désigné d'un commun accord par les parties ou, à défaut, par le président de là Law Society in England and Wales (article 26.2) .

(13) Le contrat est censé avoir pris cours le 1er octobre 1979 et prendra fin le 30 septembre 1991 ; après cette dernière date, il sera reconduit tacitement, sauf préavis de deux ans au moins, notifié par GM à UB ou inversement, après le 30 septembre 1989 (article 14) .

Dans sa version notifiée, le Lager Agreement comportait des dispositions que les parties ont modifiées ou supprimées. Parmi celles-ci figurait l'obligation de convenir ensemble chaque année des plans de production de bière lager de Watney Mann-Truman, que la Commission avait considérée comme susceptible de restreindre la concurrence et comme ne remplissant pas les conditions de l'exemption, et à laquelle les parties ont mis fin le 21 décembre 1983.

D. LE CONTEXTE ECONOMIQUE

I. Considérations générales sur le marché de la bière au Royaume-Uni

a) Importance du marché

Le marché de la bière revêt une grande importance économique au Royaume-Uni. En 1983, la valeur de ce marché calculée au niveau des prix de détail dépassait 7,8 milliards de livres sterling (6) . Plus de 80 % de ce chiffre est réalisé par sept groupes industriels, parmi lesquels GM (7) ,

Avec une production annuelle totale de 58 149 000 hectolitres en 1982 (8) , en nette régression toutefois par rapport aux années précédentes, les brasseries anglaises couvrent approximativement 95 % des besoins internes. Au cours de la même année, les importations totales au Royaume-Uni de bières de toutes catégories et de toutes provenances n'ont atteint que 2 732 000 hectolitres (8) , soit moins de 5% de la consommation totale. A l'exception de l'Irlande, dont les bières ont toujours joui d'une position privilégiée au Royaume-Uni (9) , seuls parmi les autres pays du Marché commun la république fédérale d'Allemagne et les Pays-Bas ont réussi à accroître sensiblement leurs exportations de bière à destination du Royaume-Uni, avec un taux de participation au volume global des importations qui est passé, de 1972 à 1982, de 3,5 % à 27,8 % pour la république fédérale d'Allemagne, et de 1,5 % à 6,5 % pour les Pays-Bas (10) . Au cours de la même période, les exportations de deux autres pays européens grands producteurs de bière, le Danemark et là Belgique, ont fortement régressé. La cause principale de cette évolution réside notamment dans la décision de chacune des deux principales brasseries exportatrices de ces pays de faire brasser leurs produits sous licence au Royaume-Uni.

b) Structure du marché britannique de la bière

Trois éléments caractérisent la structure de ce marché :

1) une forte tendance à la concentration industrielle ;

2) le système des tied houses ou débits liés à la brasserie ;

3) un petit nombre de grossistes indépendants

1. La tendance à la concentration

Alors qu'en 1900 on comptait encore 1 466 sociétés de brasseries (11) , leur nombre était tombé à 362 en 1950, et on n'en dénombrait plus que 78 en 1982 (12) , Ce chiffre recouvre toutefois des entreprises de tailles fort différentes. En fait, ainsi qu'il a été exposé ci-avant, plus de 80 % du chiffre d'affaires annuel total sont réalisés par les sept grandes brasseries nationales, à savoir Bass Charrington, Allied Breweries, Scottish and Newcastle, Whitbread, GM (Watney Mann-Truman) , Courage et Guinness. A cette liste, on peut ajouter la brasserie Carlsberg (CBL) , édifiée en 1972 à Northampton, avec une production de bières lager de 2 258 000 hectolitres en 1982, soit environ 4 % de la production totale annuelle des bières de toutes catégories.

2. Le système des tied houses

La deuxième caractéristique de ce marché est le système de la distribution des bières par un réseau de points de vente, débits, magasins spécialisés, clubs, etc., appartenant aux brasseries ou contrôlés par elles. Environ deux tiers des ventes se font dans ces débits ou établissements. En 1980, sur un total de 76 412 débits, titulaires d'une licence de vente et de consommation (full on licence) , 48 958 appartenaient aux brasseries, soit 64 % du total (13) , De plus, les brasseries ont réussi à s'adjoindre de très nombreux clubs et autres établissements qui ne disposent que d'une licence restreinte (restricted on licence) , dont le nombre n'a cesse de croître au cours des dernières années. Les brasseurs ont ainsi la possibilité de contrôler étroitement la distribution et la vente de leurs produits jusqu'au consommateur final, de se garantir un débouché certain et de mieux orienter la production en fonction des besoins de la clientèle. Etant donné que 80 % environ des bières à la pression sont vendues dans les pubs, ce qui représente plus de 79 % des ventes totales, et que chacun des grands groupes industriels déjà cités détient plusieurs milliers de débits liés (tied bouses) , il est nécessaire pour un brasseur étranger désireux de s'implanter sur le marché britannique de s'assurer le concours d'une grande brasserie nationale.

3. Le commerce de gros

Le commerce des bières en gros indépendant des brasseries est peu important au Royaume-Uni. En effet, ce sont généralement les brasseries elles mêmes qui se chargent de la vente et de la distribution de leurs produits. La quasi-totalité des bières sont ainsi vendues, importées ou exportées parles brasseries. Les plus importantes ont créé des filiales de distribution. Etant donné que les brasseries procèdent à l'embouteillage et à la mise en fûts, de nombreux grossistes embouteilleurs ont cessé leurs activités, tandis que d'autres ont été rachetés par les brasseries. La part de marché de la bière en bouteille encore détenue par des grossistes indépendants est devenue minime. Cette situation est à mettre en parallèle avec le faible pourcentage des importations de bière au Royaume Uni, étant donné que ce sont les grossistes indépendants qui traditionnellement sont les agents les plus actifs du commerce interétatique.

c) Le commerce de détail

Au niveau du commerce de détail, la bière est vendue à la pression, en bouteille ou en boîte. La lus grande part des ventes se fait à la pression et on constate une croissance régulière de cette part qui est passée de 73,5% en 1971 à 79,3 % en 1981 (13)

Au cours de cette période, la part des ventes de bières en bouteille consignée n'a cesse de diminuer, en faveur des bières en boîte ou en emballage perdu dont la part dans les ventes est passée de 4 % en 1971 à 11,2% en 1981 (14) .

On assiste depuis quelques années au développement des ventes de bières à consommer a domicile (take-home beer market) . En 1982, ce marché représentait quelque 12% du total de toutes les ventes de bière (15) , Selon certaines estimations, 44 % de ces ventes se font dans les supermarchés (48 % pour les bières lager) , contre 28 % (30 % pour les lager) dans les magasins spécialisés, et 15 % (11 % pour les lager) dans les pubs.

II. Le marché de la bière lager

a) Caractéristiques du produit

La présente décision concerne les bières de fermentation basse, désignées 'au Royaume-Uni par le terme allemand "lager".

La production de ce type de bière est plus coûteuse que celle des autres bières du fait notamment qu'il faut là laisser reposer pendant une durée qui varie de huit jours à plusieurs semaines, selon le type de bière et les procédés utilises, à une température de 6 a 12 °C, à un stade important de sa fabrication. Par contre, elle peut être emmagasinée plus longtemps que la plupart des bières, ce qui offre l'avantage de pouvoir mieux étaler sa production sur toute l'année, alors que sa consommation est très inégale d'une saison à l'autre. En fait, la bière lager connaît des pointes extrêmes de consommation au cours des mois d'été ; la différence des ventes entre les mois d'hiver et les mois d'été peut atteindre presque 100%, alors que cette différence n'est que de 50% environ pour les autres types de bières (16) .

b) Importance du marché de la bière lager

Ce n'est qu'au cours des années 1960 que ce type de bière a pris son essor au Royaume-Uni depuis son introduction dans les pubs. A cette époque, elle représentait moins de 1 % de la consommation totale des bières de toutes catégories. En 1971, cette part atteignait 9,9% et, en 1981, la bière lager détenait 31 % du marché. Cette progression s'est faite au détriment des bières anglaises traditionnelles, ales et stout, dont la part de marché a régressé de 90,1 % en 1971 à 68,9 % en 1981 (17) .

Part du marché de la bière lager détenue par les principales brasseries en 1982 (18)

EMPLACEMENT TABLEAU

La bière lager est conditionnée en fûts, en boîtes et en bouteilles ; la progression de la consommation est constante sous ces trois formes, mais c'est la part tenue par la bière conditionnée en fûts (débitée à la pression) qui a progressé le plus rapidement, passant de 7,1 % du total des ventes de lager en 1971 à 23,2% en 1981 (18) .

c) Producteurs et marques de bière lager

Un grand nombre de marques de lager sont présentes au Royaume-Uni, mais le marché est dominé par huit marques qui représentent ensemble environ 95 % de toutes les ventes de lager. Ces marques sont la propriété des grandes brasseries nationales ou sont exploitées par celles-ci sous licence. Le tableau reproduit ci-après indique la part de marché détenue en 1982 par chacune de ces brasseries et les merques principales qu'elles exploitent.

II - APPRECIATION JURIDIQUE

A. ARTICLE 85 PARAGRAPHE 1

Considérant ce qui suit :

(1) Aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

(2) L'accord dénommé Lager Agreement, conclu le 2 juin 1980 entre United Breweries (Carlsberg) , sa filiale britannique Carlsberg Brewery Limited (Carlsberg Ltd) et le groupe Grand Metropolitan (GM) , ce dernier agissant notamment pour le compte de sa filiale Watney Mann-Truman Brewers Limited (WMTB) , est un accord entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 du traité. Cet accord a pour but, ainsi que le rappelle son préambule, de renforcer entre les deux groupes de brasseries, la coopération instaurée entre elles depuis la fondation de Carlsberg Ltd, le 1er mai 1970, et de maintenir les accords qu'elles ont conclus à la suite de la dissolution de la filiale commune, en vue de développer et de promouvoir la vente des produits Carlsberg au Royaume-Uni. Cette coopération entre la plus importante brasserie danoise, Carlsberg, et deux des plus grandes brasseries anglaises, Watney Matin et Truman, ainsi que leurs filiales respectives, qui font toutes partie du groupe GM, entraîne une étroite concertation entre elles, tant sur le plan de la production que de la distribution et de la vente des produits Carlsberg au Royaume-Uni. La solidarité que cette coopération établit entre les parties et l'influence réciproque qu'elle exerce sur elles, modifient de manière sensible leur comportement sur le marché.

(3) Les dispositions de l'accord énoncées ci-après ont pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun ; un tel effet est particulièrement sensible dans un secteur industriel où existe déjà une forte concentration.

(3.1) L'obligation imposée à GM d'acheter chaque année à Carlsberg Ltd, pendant toute la durée de l'accord, c'est-à-dire jusqu'en 1991, une quantité très importante de bière lager qui représente actuellement plus de la moitié des quantités annuelles de bières lager achetées par GM, est restrictive de concurrence, parce qu'elle supprime pendant une longue durée la liberté pour GM de fabriquer elle-même cette quantité ou de l'acheter à d'autres producteurs, éventuellement à des conditions plus favorables. Cette restriction de concurrence se trouve renforcée par le droit pour Carlsberg Ltd d'exiger le paiement par GM d'une indemnité en réparation du dommage qu'elle pourrait éprouver au cas où GM resterait en défaut d'enlever la quantité convenue, excepté en cas de force majeure. Ces dispositions modifient de manière sensible la position concurrentielle de chacune de ces entreprises, tant à l'égard du partenaire à l'accord, que vis-à-vis des autres entreprises concurrentes sur le marché britannique de la bière lager.

(3.2) L'obligation pour Carlsberg Ltd de fournir à GM pendant toute la durée de l'accord les bières Carlsberg nécessaires pour couvrir ses besoins, dans la limite des prévisions établies chaque année par GM, majorées de 10 %, est également restrictive de concurrence, car elle soustrait à la libre disposition de Carlsberg Ltd plus de la moitié des quantités de bière qu'elle produit actuellement et qu'elle pourrait vendre à d'autres brasseries ou sur le marché libre par l'intermédiaire de ses agences (Agency Companies) . Etant donné que Carlsberg n'a conclu à ce jour aucun accord semblable avec une autre brasserie au Royaume-Uni et qu'elle n'a concédé une licence de fabrication et de vente de ses bières qu'à GM, celle-ci bénéficie d'une exclusivité de fait pour la vente des bières Carlsberg au Royaume-Uni. La disposition de l'accord qui prévoit que, si Carlsberg devait permettre à une société tierce de fabriquer au Royaume-Uni une quantité de bière Carlsberg qui excéderait celle écoulée dans les points de vente liés de cette société et qui serait, dès lors, disponible pour la vente sur le marché libre, GM serait déliée de son obligation d'achat, va également dans le sens d'une exclusivité en faveur de GM, parce qu'elle tend à dissuader Carlsberg de conclure des accords de licence avec des entreprises tierces dans la crainte de perdre ainsi un débouché assuré pour plus de la moitié de la production de Carlsberg Ltd.

(3.3) L'obligation pour chacune des parties de fournir à l'autre quatre fois par an une prévision actualisée de ses ventes et de ses besoins d'approvisionnement, et celle de se concerter sur les prévisions de vente sont restrictives de concurrence, dans la mesure où elles sont liées aux obligations d'achat et de fourniture. L'effet restrictif de ces obligations se trouve renforcé par le droit reconnu à Carlsberg Ltd de réclamer à GM un dédommagement au cas où le non-respect des prévisions annoncées aurait entraîné des dépenses exceptionnelles pour Carlsberg Ltd, ce qui oblige GM à conformer strictement ses ventes à ses prévisions.

(4) Les autres dispositions du Lager Agreement ne sont pas visées en l'espèce par l'article 85 paragraphe 1 parce qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre d'une manière sensible le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun. Il en est ainsi notamment de l'obligation pour Carlsberg d'imposer à d'éventuels autres licenciés les mêmes normes, spécifications et exigences techniques que celles imposées à GM en matière de fabrication, de conditionnement et de débit, étant donné que cette exigence répond à la nécessité de garantir que la qualité des produits Carlsberg - au maintien de laquelle se trouve indissolublement liée la renommée internationale de la marque, également concédée en licence à GM - demeure uniforme quel que soit le producteur. Il est justifié que la licenciée GM y attache le même intérêt que la partie concédante, compte tenu notamment de la part très importante que représentent les ventes de produits Carlsberg dans le chiffre d'affaires global réalisé par sa filiale WMTB.

(5) Bien que le Lager Agreement ne concerne que la production, la distribution et la vente des produits Carlsberg au Royaume-Uni, cet accord est susceptible d'affecter de manière sensible le commerce entre Etats membres.

(5.1) D'une part, l'obligation pour GM d'acheter chaque année à Carlsberg Ltd une quantité très importante de bière Carlsberg enlève à d'autres producteurs établis dans le Marché commun la possibilité de vendre à GM leur propre bière lager à concurrence des quantités que celle-ci doit acheter à Carlsberg Ltd, d'autre part, plus de la moitié de la production de cette dernière étant réservée à un seul acheteur au Royaume-Uni, à savoir GM, ces quantités ne sont plus disponibles pour l'exportation, à destination par exemple d'autres marchés européens comme là Belgique, le Luxembourg ou la France, où ces produits ont acquis une renommée certaine. Carlsberg Ltd exporte d'ailleurs occasionnellement des quantités de lager à destination de certains autres Etats membres. Le caractère tangible des effets exercés par l'accord sur le commerce entre Etats membres résulte notamment du fait que certains grands producteurs tiers établis sur le continent exportent chaque année des quantités très importantes de bière lager à destination du Royaume-Uni. Carlsberg même, qui exportait vers le Royaume-Uni des quantités considérables de bière avant la mise en service de la brasserie de Northampton, n'exporte plus que de faibles quantités de bières spéciales qu'il ne serait pas rentable de produire sur place. L'obligation pour les parties de se communiquer mutuellement leurs prévisions en matière de vente et d'approvisionnement et de se concerter sur leurs prévisions de ventes renforce et complète les effets que les obligations d'achat et de fourniture exercent sur le commerce entre Etats membres. Le courant d'échange des bières lager à destination ou en provenance du Royaume-Uni s'en trouve par conséquent modifié de manière sensible.

(6) Les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE sont réunies.

B. ARTICLE 85 PARAGRAPHE 3

(7) Aux termes de l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord entre entreprises qui contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

(8) Le Lager Agreement et les restrictions de concurrence qu'il comporte doivent être examinés en tenant compte de la structure particulière du marché britannique de la bière et de la position économique et commerciale occupée par Carlsberg sur ce marché. Cet accord de coopération a permis à Carlsberg de s'implanter plus rapidement et sur une aire plus étendue, en bénéficiant du large débouché des débits liés appartenant à GM. Sans cette coopération, Carlsberg ne serait actuellement pas en mesure de maintenir en exploitation sa brasserie de Northampton. Compte tenu des avantages économiques examinés ci-après, les restrictions de concurrence découlant de l'accord peuvent être acceptées jusqu'au 30 septembre 1991. Ce délai est en effet jugé nécessaire pour permettre à Carlsberg de développer son propre réseau de vente et se rendre progressivement indépendante de tout autre grand producteur de bière pour l'écoulement de ses produits.

(9) Les obligations d'achat, de fourniture et de prévisions contribuent à l'amélioration de la production et de la distribution. En effet, les obligations d'achat et de fourniture permettent aux parties d'utiliser au mieux leurs capacités de production et de rationaliser la distribution d'un produit qui doit être consommé dans un délai relativement court et dont la consommation est soumise à de très fortes variations saisonnières. L'obligation de prévisions en commun permet aux parties de prévoir la production et la vente de leurs produits avec une plus grande précision et plus longtemps à l'avance, de réduire les coûts de fabrication, de stockage et de commercialisation. En permettant une meilleure adaptation des programmes de fabrication et de vente, l'obligation de prévisions en commun contribue également à une utilisation optimale des capacités respectives de production et permet ainsi d'amortir dans un délai plus court les investissements importants que chacune des parties a consentis en vue de produire les bières Carlsberg au Royaume-Uni.

(10) Les utilisateurs retirent une partie équitable du profit qui résulte des effets d'amélioration de la production et de la distribution des produits décrits ci-avant, parce que la possibilité pour Carlsberg de fabriquer ses bières au Royaume-Uni permet que des quantités plus importantes de ces bières soient mises à la disposition des utilisateurs, dans un meilleur état de fraîcheur et à un meilleur coût, en raison notamment de l'économie des frais de transport de produits pondéreux sur une longue distance.

(11) L'accord ne comporte pas de restrictions qui ne sont pas indispensables. En effet, si ces restrictions n'avaient pas été convenues, les avantages économiques énumérés ci-avant n'auraient pas pu être obtenus dans une mesure aussi importante, compte tenu de la structure particulière du marché britannique de la bière et de la position économique et commerciale de Carlsberg Ltd. Ces obligations ne vont pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire, les parties ayant accepté de supprimer les restrictions non indispensables. Elles demeurent libres, par ailleurs, de fixer individuellement leurs prix et leurs conditions de vente.

(12) L'accord ne donne pas aux entreprises la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. En effet, les quantités de bière Carlsberg que GM est obligée d'acheter chaque année à Carlsberg Ltd représentent actuellement environ un tiers des quantités totales de bière lager que GM vend effectivement et qui comprennent non seulement celles qui lui sont fournies par Carlsberg et celles que GM produit elle-même sous licence Carlsberg, mais aussi les quantités de bière lager de marques concurrentes, telles que Foster's, Holsten et Top Brass, vendues par GM. Il existe un grand nombre de marques concurrentes pour ce type de bière sur le marché britannique. D'autres grandes brasseries ou groupes de brasseries opérant sur ce marché détiennent dans le secteur des bières lager une part de marché supérieure ou égale à celle de Carlsberg, ainsi que l'indique le tableau reproduit plus haut. Sa part du marché total de la bière au Royaume-Uni, toutes catégories réunies, atteint seulement 4 % environ. L'accord n'a donc pas pour effet d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

(13) Par conséquent, toutes les conditions d'application de l'article t~5 paragraphe 3 sont remplies.

C. ARTICLES 6 ET 8 DU REGLEMENT N° 17

(14) Aux termes de l'article 6 du règlement n° 17, lorsque la Commission rend une décision d'appli cation de l'article 85, paragraphe 3 du traité, elle indique la date à partir de laquelle sa décision prend effet. Cette date ne saurait être antérieure au jour de la notification.

(15) Aux termes de l'article 8 du même règlement, la décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 est accordée pour une durée déterminée et peut être assortie de conditions et de charges.

(16) L'accord en cause a été notifié à la Commission le 12 juin 1980. Il est entré en vigueur le 1er octobre 1979 et la période de validité prévue expire le 30 septembre 1991, sauf reconduction tacite.

(17) Carlsberg Ltd devrait pouvoir, pour le 30 septembre 1991, développer son propre réseau de distribution de manière à ne plus dépendre de GM pour l'écoulement de sa production au Royaume-Uni. Il convient donc d'accorder l'exemption à partir du 21 décembre 1983, date à laquelle les parties ont mis fin à l'obligation de convenir ensemble chaque année des plans de production de bière lager de Watney Mann-Truman - restriction jugée non indispensable au titre de l'article 85 paragraphe 3 - jusqu'au 30 septembre 1991.

(18) Pour permettre à la Commission de s'assurer que les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3 continuent à être remplies pendant la période d'exemption, il convient d'obliger les parties à communiquer sans délai à la Commission une copie des comptes rendus des réunions du comité consultatif visé à l'article 11 de l'accord,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION

Article premier

Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables, pour la période allant du 21 décembre 1983 au 30 septembre 1991, à l'accord de coopération dénommé Lager Agreement conclu le 2 juin 1980 entre De forenede Bryggerier A/S (The United Breweries Limited) et Grand Metropolitan.

Article 2

Les destinataires de la présente décision communiqueront sans délai à la Commission une copie des comptes rendus des réunions du comité consultatif visé à l'article 11 de l'accord.

Article 3

Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision :

- De forenede Bryggerier A/S (United Breweries Limited)

Versterfaelledvej 100

DK - 1799 Copenhague

Danemark

- Carlsberg Brewery Limited

29, Bedford Row

London WC 1

Royaume-Uni

- Grand Metropolitan plc

11/12 Hanover Square

London W 1

Royame-Uni

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 27 du 2.2.1984, p. 4.

(3) Y compris les ventes sous licence des produits Carlsberg réalisées par la société Watney Mann-Truman Brewers Limited, filiale de Grand Metropolitan.

(4) og (original gravity) indique la densité primitive ou spécifique du moût avant fermentation.

(5) 1 barrel = 163 litres

(6) Source : Monthly Digest of Statistics, No 461, May 1984, p. 9 - Central Statistical Office, London.

(7) Source : Retail Business, No 263, January 1980, Special Report No 1 Beer, p. 25.

(8) Source : The Brewers' Society, UK Statistical Handbook, 1982, p. 22.

(9) En 1982, les importations de bière en provenance d'Irlande ont représenté 58,6% du volume total importé. Source : Retail Business No 312, February 1984, Special Report No 2 Beer, p. 28.

(10) Source : Retail Business No 312, February 1984, Special Report No 2 Beer, p. 28.

(11) Y compris la république d'irlande.

(12) Source : The Brewers' Society, UK Statistical Handbook 1982, p. 90.

(13) Source : The Brewers' Society, UK Statistical Handbook 1982, p. 66, 67 et 21.

(14) Source : The Brewers' Society, Uk Statistical Handbook 1982, p. 21.

(15) Source : Retail Business No 312, February 1984, Special Report No 2 Beer, p. 41.

(16) Source : Retail Business No 263, January 1980, Special Report No 1 Beer, p. 30.

(17) Source : The Brewers' Society, UK Statistical Handbook 1982, p. 20 et 21.

(18) Source : The Brewers' Sociery, UK Statistical Handbook 1982, p. 20 et 21.