TPICE, 3e ch., 3 avril 2003, n° T-114/02
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
BaByliss (SA), De'Longhi (SpA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, SEB (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lenaerts
Juges :
MM. Azizi, Jaeger
Avocats :
Mes Gunther, Merola, Domenicucci, Schendel, Voillemot, Hautbourgs.
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES (troisième chambre),
Cadre juridique
1. Au terme de son article 1er, le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [JO L. 395, p. 1, tel que rectifié, JO 1990, L. 257, p. 13, et tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310-97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L. 180, p. 1), ci-après le "règlement n° 4064-89"] s'applique aux opérations de concentration de dimension communautaire définies aux paragraphes 2 et 3 dudit article.
2. Conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064-89, les opérations de concentration de dimension communautaire doivent être notifiées préalablement à la Commission.
3. Par ailleurs, l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 4064-89 prévoit qu'une concentration de dimension communautaire ne peut être réalisée ni avant d'être notifiée ni avant d'avoir été déclarée compatible avec le Marché commun. L'article 7, paragraphe 4, autorise toutefois la Commission, sur demande, à octroyer une dérogation à cette obligation de suspension de l'opération de concentration.
4. Au terme de l'article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064-89, si la Commission constate que l'opération de concentration notifiée, bien que relevant du règlement, ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun, elle décide de ne pas s'y opposer et la déclare compatible avec le Marché commun (ci-après la "phase I").
5. À l'inverse, au terme de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89, si la Commission constate que l'opération de concentration notifiée relève du règlement et soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun, elle décide d'engager la procédure (ci-après la "phase II").
6. Selon l'article 6, paragraphe 2, dudit règlement:
"Si la Commission constate que, après modifications apportées par les entreprises concernées, une opération de concentration notifiée ne soulève plus de doutes sérieux au sens du paragraphe 1, [sous] c), elle peut décider de déclarer ladite opération compatible avec le Marché commun, conformément au paragraphe 1, [sous] b).
La Commission peut assortir la décision qu'elle prend en vertu du paragraphe 1, [sous] b), de conditions et de charges destinées à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu'elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le Marché commun".
7. Conformément à l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 447-98 de la Commission, du 1er mars 1998, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévues par le règlement n° 4064-89 (JO L. 61, p. 1), "[l]es engagements que les entreprises concernées proposent à la Commission conformément à l'article 6, paragraphe 2, du règlement [...] n° 4064-89 et que les parties veulent faire prendre en considération dans une décision fondée sur l'article 6, paragraphe 1, [sous] b), dudit règlement doivent être communiqués à la Commission dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception de la notification".
8. Dans la communication concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement n° 4064-89 et au règlement n° 447-98 (JO 2001, C. 68, p. 3, ci-après la "communication concernant les mesures correctives"), la Commission expose les lignes directrices qu'elle entend suivre en matière d'engagements.
9. En vertu de l'article 21, paragraphe 1, du règlement n° 4064-89, la Commission a compétence exclusive pour arrêter les décisions prévues audit règlement. L'article 21, paragraphe 2, précise par ailleurs que les Etats membres n'appliquent pas leur législation nationale sur la concurrence aux opérations de concentration de dimension communautaire.
10. L'article 9, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 4064-89 permet toutefois à la Commission de renvoyer l'examen d'une opération de concentration de dimension communautaire aux Etats membres, lorsque cette opération de concentration menace de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de cet Etat membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct.
Faits à l'origine du litige
I - Les entreprises en cause
11. Le présent recours, introduit par BaByliss SA (ci-après également la "requérante"), vise à obtenir l'annulation de la décision par laquelle la Commission a approuvé, sous conditions, la concentration entre SEB et Moulinex.
12. La requérante est une entreprise française, contrôlée par le groupe américain Conair, qui est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation, sous la marque BaByliss, des produits du petit électroménager dits de beauté (par exemple, les sèche-cheveux, fers et brosses chauffantes, tondeuses, appareils d'épilation féminine et de soins du corps). Le groupe Conair est actif sur tous les segments du petit électroménager (cuisine, beauté, nettoyage) aux Etats-Unis et dans le monde, principalement sous les marques Conair, BaByliss, Interplak, Forfex, Cuisinart, Revlon et Vidal Sassoon.
13. SEB est une entreprise française active dans le secteur de la conception, de la fabrication et de la commercialisation d'appareils du petit électroménager au niveau mondial. SEB commercialise ses produits dans plus de 120 pays sous deux marques de dimension mondiale (Tefal et Rowenta) et quatre marques locales (Calor et SEB en France et en Belgique, Arno au Brésil et dans les pays du Mercosur, Samurai dans les pays du pacte Andin). Les familles de produits commercialisées par SEB sous ces différentes marques sont les appareils de cuisson (mini-fours, friteuses, grille-pain, repas informels), les appareils à boissons chaudes (cafetières électriques, machines à expressos, bouilloires), les préparateurs culinaires, les fers à repasser et les stations vapeur, les appareils de soins de la personne (épilation, coiffure, rasage, etc.), les aspirateurs, les appareils de ventilation et de chauffage domestique, et les ustensiles de cuisine.
14. Moulinex est également une entreprise française active dans le secteur de la conception, de la fabrication et de la commercialisation d'appareils du petit électroménager au niveau mondial. Moulinex commercialise les mêmes familles de produits que SEB sous deux marques internationales (Moulinex et Krups) et une marque locale (Swan au Royaume-Uni). Moulinex commercialise aussi des fours à micro-ondes.
II - Procédure nationale
15. Le 7 septembre 2001, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard du groupe Moulinex. Conformément à la loi française, des administrateurs judiciaires nommés par le Tribunal de commerce ont dû établir si l'entreprise en redressement judiciaire pouvait poursuivre son activité, devait être cédée à des tiers ou devait être liquidée. Dans le cas présent, la poursuite des activités de Moulinex s'étant révélée impossible, les administrateurs ont tenté de trouver un repreneur pour tout ou partie des activités de Moulinex.
16. Dans le cadre de cette procédure, le groupe SEB s'est portée candidate à la reprise de certains actifs de Moulinex relevant du petit électroménager, à savoir:
- tous les droits attachés à l'exploitation des marques Moulinex, Krups et Swan, quels que soient les produits concernés;
- une partie de l'outil de production (huit sites industriels sur un total de 18 et certains outillages présents dans les sites non-repris) permettant la production d'au moins certains modèles pour tous les produits fabriqués par Moulinex, à l'exception des aspirateurs et des fours à micro-ondes;
- certaines sociétés de commercialisation, à savoir, pour l'Europe, uniquement les sociétés allemande et espagnole.
17. Par lettre du 25 septembre 2001, BaByliss a envoyé aux administrateurs judiciaires de Moulinex, eu égard à la volonté de BaByliss d'accroître sa présence dans le domaine du petit électroménager en France et dans le monde, une offre portant sur l'acquisition de l'ensemble des activités de Krups dans le monde, en ce compris notamment le matériel, l'outillage, les stocks, les droits de propriété industrielle et les réseaux de distribution de Krups.
18. Par jugement du 22 octobre 2001, le Tribunal de commerce de Nanterre a accepté le plan de reprise proposé par SEB.
III - Procédure devant la Commission
19. À la demande de SEB, la Commission a accordé, le 27 septembre 2001, une dérogation à l'effet suspensif telle que prévue à l'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89. La décision de la Commission a été motivée principalement par le fait que les administrateurs judiciaires avaient exigé que toute offre de reprise soit inconditionnelle. La dérogation octroyée par la Commission était limitée à la gestion des actifs repris.
20. Le 13 novembre 2001, la Commission a reçu notification, au titre de l'article 4 du règlement n° 4064-89, du projet d'acquisition par SEB de certains actifs de Moulinex.
21. Le 21 novembre 2001, la Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes l'avis prévu par l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89. Aux termes du point 4 de cet avis, la Commission invitait "les tiers concernés à lui transmettre leurs observations éventuelles sur le projet de concentration".
22. À la suite de cette publication, BaByliss a, par lettres en date des 27 et 29 novembre 2001, fait part à la Commission de son inquiétude à l'égard du projet de concentration en cause, compte tenu des effets anticoncurrentiels considérables du rapprochement de SEB et de Moulinex dans le secteur que BaByliss envisageait de pénétrer à très court terme. BaByliss soulignait à cet égard qu'elle se positionnait comme un concurrent potentiel de SEB/Moulinex dans le domaine du petit électroménager, et plus particulièrement, dans le secteur du petit matériel de cuisine, dans lequel elle développe ses activités sous la marque commerciale Cuisinart. Par courrier du 29 novembre 2001 annexé à la lettre de la même date, BaByliss a adressé à la Commission une proposition de reprise globale incluant la totalité des effectifs et des actifs de Moulinex en France et a joint en annexe un business plan de Cuisinart ("Stratégie Cuisinart en France") daté de novembre 2001.
23. Par lettre du 30 novembre 2001, BaByliss a répondu au questionnaire adressé aux concurrents par la Commission, qui le lui avait envoyé le 27 novembre 2001.
24. Le 5 décembre 2001, les parties à la concentration ont proposé des engagements à la Commission.
25. Le même jour, les représentants de BaByliss ont rencontré la Commission au sujet du projet de concentration.
26. Par lettre en date du 6 décembre 2001, BaByliss a fait part à la Commission de ses réserves quant à la possibilité que celle-ci puisse, le cas échéant, renvoyer, en application de l'article 9 du règlement n° 4064-89, tout ou partie de l'affaire aux autorités nationales de la concurrence qui en feraient la demande.
27. Le 7 décembre 2001, les autorités françaises de la concurrence ont formé auprès de la Commission une demande de renvoi partiel, au titre de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064-89, pour ce qui concerne les effets de l'opération de concentration en cause sur la concurrence en France, sur certains marchés de la vente d'appareils du petit électroménager.
28. À la suite des critiques de la Commission, les parties à la concentration ont modifié leurs engagements initiaux le 18 décembre 2001.
29. Le 20 décembre 2001, BaByliss a fait part à la Commission de ses observations concernant les parts de marchés que SEB/Moulinex détiendrait dans les catégories de produits examinées par la Commission, à la suite de l'opération de concentration en cause.
30. Par lettre du 21 décembre 2001, BaByliss a répondu à un questionnaire concernant les engagements des parties à la concentration, que lui avait adressé la Commission le 20 décembre 2001.
31. À la suite des observations des tiers intéressés, les parties à la concentration ont une nouvelle fois modifié leurs engagements.
32. Le 28 décembre 2001, la requérante a formulé une offre de reprise partielle de Moulinex.
33. Le 3 janvier 2002, BaByliss a apporté un complément de réponses au questionnaire concernant les engagements des parties à la concentration, que lui avait adressé la Commission le 20 décembre 2001. La requérante a en outre renouvelé son intérêt pour l'acquisition de tout ou partie des actifs de Moulinex. Elle a réitéré également son inquiétude à l'égard de sa position et de la position dominante de SEB/Moulinex qui résulterait de l'opération de concentration en cause sur un certain nombre de catégories de produits du petit électroménager dans les principaux pays européens.
34. Le 8 janvier 2002, la Commission a approuvé sous conditions, en application de l'article 6, paragraphe 1, sous b), et de l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 4064-89 ainsi que de l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), la concentration entre SEB et Moulinex (ci-après la "décision attaquée").
35. La décision attaquée ne porte toutefois pas sur le marché français, la Commission ayant accédé le même jour à la demande de renvoi partiel des autorités françaises.
36. Le 8 juillet 2002, le Ministre de l'Economie français a approuvé la concentration sans imposer d'engagements sur la base de la doctrine dite de l'"entreprise défaillante".
La décision attaquée
I - Les marchés de produits en cause
37. La décision attaquée relève, au considérant 16, que le secteur économique concerné par l'opération de concentration en cause est celui de la vente d'appareils du petit électroménager qui se décompose en treize catégories de produits: friteuses, mini-fours, grille-pain, appareils à sandwichs et gaufriers, appareils pour repas informels ("pierrade", "wokparty", "raclette", "fondue", etc.), barbecues électriques et grills d'intérieur, cuiseurs de riz et cuiseurs à vapeur, cafetières électriques, bouilloires, machines à expressos, mélangeurs et préparateurs culinaires, fers à repasser et stations vapeur, et appareils de soins personnels (appareils de santé et de beauté). Les onze premières catégories de produits sont communément appelées les "produits de la gamme cuisine".
38. La Commission considère que chaque catégorie d'appareils du petit électroménager peut constituer un marché de produits distinct (considérant 25 de la décision attaquée). Les conclusions de la Commission se fondent essentiellement sur une analyse de la substituabilité du côté de la demande, chaque catégorie correspondant à une fonction spécifique et étant destinée à un usage final distinct. La Commission rejette par ailleurs la substituabilité du côté de l'offre. Elle souligne en effet que, à supposer même que tous les fabricants soient en mesure de fabriquer tous les appareils du petit électroménager, les coûts et temps nécessaires à l'entrée sur un nouveau marché de produits peuvent être importants.
II - Les marchés géographiques en cause
39. La Commission estime qu'une "définition nationale des marchés géographiques en cause doit être retenue comme la plus vraisemblable à l'issue de l'examen de première phase" (considérant 30 de la décision attaquée).
III - Importance de la marque
40. La Commission constate que les marques sont l'un des principaux facteurs de choix pour les consommateurs finaux et constituent donc l'un des éléments majeurs de la concurrence entre producteurs de petit électroménager (considérant 36 de la décision attaquée).
41. Elle relève à cet égard que SEB et Moulinex investissent des sommes conséquentes dans la préservation de la notoriété de leurs marques (considérant 38 de la décision attaquée). Elle constate aussi que les offres reçues lors de la vente de Moulinex portaient presque exclusivement sur les marques de ce groupe plutôt que sur les unités de production (considérant 39 de la décision attaquée).
IV - Analyse concurrentielle
42. S'agissant des effets de l'opération de concentration en cause sur la concurrence, la Commission rejette, tout d'abord, la thèse selon laquelle les effets de la concentration en cause ne diffèrent pas de la situation concurrentielle qui aurait résulté d'une mise en liquidation du groupe Moulinex. Elle constate à cet égard :
"Au terme de l'enquête de première phase, une telle argumentation ne peut être retenue car un certain nombre d'entreprises avaient fait part dès la mise en redressement judiciaire du groupe Moulinex de leur intérêt pour une reprise de marques possédées par le groupe. De plus, il ne peut être exclu que certains outillages ou propriétés industrielles auraient été repris par des tiers différents de SEB. Etant donné l'importance de la marque dans les marchés en cause, ces tiers repreneurs auraient probablement été en mesure de restaurer tout ou partie de la capacité concurrentielle de Moulinex" (considérant 41 de la décision attaquée).
43. Au terme de son analyse, la Commission conclut que l'opération notifiée soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun sur un certain nombre de marchés concernant la gamme cuisine (considérant 44 de la décision attaquée). Sur les marchés géographiques examinés dans la décision attaquée, elle observe en substance que:
- Au Portugal, en Grèce, en Belgique et aux Pays-Bas où SEB et Moulinex détenaient avant la concentration des positions parfois importantes dans le petit électroménager, la position de SEB serait renforcée par l'adjonction de Moulinex et la transaction mènerait à des combinaisons de parts de marché à des niveaux parfois élevés pour une grande partie des catégories de produits en cause. Selon la Commission, cette puissance de marché sera par ailleurs accentuée par un portefeuille unique de plusieurs marques, alors que des acteurs comme Philips, Braun ou Taurus ne disposent que d'une seule marque (considérants 43, 45 à 47 de la décision attaquée);
- En Allemagne, Autriche, Danemark, Suède et Norvège, la transaction changerait substantiellement les conditions de la concurrence sur un certain nombre de marchés de produits (considérant 43 de la décision attaquée);
- Enfin, dans les autres Etats membres, la transaction ne changerait que marginalement les conditions de la concurrence (considérant 43 de la décision attaquée).
44. Selon la Commission, la transaction notifiée soulève ainsi des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun sur les marchés suivants (considérant 128 de la décision attaquée):
- Allemagne: friteuses et barbecues-grills;
- Autriche: friteuses et repas informels;
- Belgique: préparateurs culinaires, machines à expressos, bouilloires, grille-pain, repas informels, barbecues-grills et fers à repasser et stations vapeur;
- Danemark: friteuses et fours posables;
- Grèce: friteuses, bouilloires, appareils à sandwichs-gaufriers, machines à expressos et préparateurs culinaires;
- Norvège: friteuses et fours posables;
- Pays-Bas: friteuses, machines à expressos, mini-fours, repas informels, barbecues-grills et fers à repasser et stations vapeur;
- Portugal: friteuses, toasters, cafetières électriques, machines à expressos, bouilloires, mini-fours, appareils à sandwichs et gaufriers, repas informels, barbecues-grills et préparateurs culinaires;
- Suède: friteuses.
45. En revanche, la Commission conclut que la concentration ne soulève pas de doutes sérieux pour ce qui concerne les marchés des soins personnels où, quels que soient les pays (à l'exception de la France) ou la définition des marchés de produits retenue, la part de marché combinée des parties est inférieure à 20 % (considérant 44 de la décision attaquée).
V - Engagements des parties à la concentration
46. À la suite des engagements proposés par les parties à la concentration, la Commission estime toutefois que les doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration peuvent être levés dans la mesure où ces engagements constituent une réponse directe et immédiate aux problèmes de concurrence identifiés dans la décision en dehors de la France.
47. Initialement, les engagements présentés par les parties à la concentration le 5 décembre 2001 prévoyaient un retrait pour l'ensemble de l'EEE et pour une durée de deux ans des produits sous marque Moulinex relevant des catégories des friteuses, fours posables, repas informels, barbecues-grills et fers à repasser et stations vapeur. Ces engagements initiaux n'auraient toutefois pas, selon la Commission, permis de substituer un acteur au groupe Moulinex et ne concernaient pas l'entièreté des marchés sur lesquels la transaction était susceptible de soulever des doutes sérieux (considérant 135 de la décision attaquée).
48. Les parties ont donc, le 18 décembre 2001, "amélioré leur proposition afin de la rendre praticable et effective" (considérant 135 de la décision attaquée). Cette proposition prévoyait une licence exclusive de la marque Moulinex pour une durée de trois ans (assortie d'un engagement de non-entrée sous la marque Moulinex pendant une année supplémentaire) pour l'ensemble des catégories de produits en Belgique, en Grèce, aux Pays-Bas et au Portugal et pour la catégorie des friteuses en Allemagne, Autriche, Danemark, Norvège et Suède. Les bénéficiaires d'une telle licence auraient été soumis à une obligation d'approvisionnement pour les grille-pain, cafetières électriques, bouilloires et préparateurs culinaires.
49. Les tiers interrogés ont cependant émis des critiques à l'égard de ces engagements, notamment en ce qui concerne la durée de la licence et de la période de non-entrée, l'obligation d'approvisionnement, l'absence de correction des effets de la transaction notifiée sur la concurrence sur certains marchés, l'absence d'une taille critique suffisante pour justifier économiquement l'entrée d'un nouvel acteur sur les marchés en cause ainsi que l'absence de contrôle effectif du licencié sur la marque Moulinex dans le cadre des remèdes visant spécifiquement les friteuses, SEB conservant la jouissance de cette marque sur les autres produits (considérant 136 de la décision attaquée).
50. SEB a alors, selon les termes de la décision attaquée, "perfectionné" ses engagements en étendant la licence de marque à l'ensemble des produits du petit électroménager pour l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Norvège et la Suède. SEB a ainsi aligné l'engagement pour ces cinq pays sur celui déjà offert pour la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal. SEB a également prolongé la durée de la licence à cinq ans (et à trois ans pour la non-entrée) et a supprimé l'obligation d'approvisionnement pesant sur le licencié (considérant 137 de la décision attaquée).
51. La décision attaquée résume les engagements acceptés par la Commission comme suit:
"129 Dans chacun de ces Etats, le groupe SEB s'engage à conclure avec un tiers une licence exclusive de la marque Moulinex, portant sur la vente de l'ensemble des treize catégories des appareils de petit électroménager.
130 Selon les engagements, ce contrat de licence sera signé avec une ou plusieurs tierces parties pour une durée de cinq ans. Pendant la durée du contrat de licence et pendant une durée de trois années après son expiration, SEB s'interdit toute commercialisation sous la marque Moulinex de tout appareil à usage domestique dans les Etats concernés. Le groupe SEB s'est par ailleurs engagé à ne pas commercialiser sous une autre marque les modèles de la gamme Moulinex dans les pays concernés pour autant que le licencié ait choisi de s'approvisionner auprès de SEB ou de bénéficier d'une licence de propriété industrielle.
131 Cette licence a pour objet d'autoriser l'usage de la marque Moulinex dans le but de permettre au licencié d'établir ou de renforcer sa propre marque sur les marchés géographiques en cause. À cette fin, pendant la durée de la licence, le licencié sera autorisé à utiliser la marque Moulinex seule ou en association avec sa marque propre, puis à passer du 'co-branding' à sa marque propre à tout moment. SEB aura le pouvoir de s'assurer du respect du logotype Moulinex par le ou les licenciés.
132 Le ou les licenciés seront libres du choix et des modalités de leurs approvisionnements pour l'ensemble des produits et l'ensemble des pays concernés. S'ils le souhaitent, ils pourront contraindre SEB à conclure un contrat d'approvisionnement pour tout ou partie de la durée du contrat de licence et pour tout ou partie des familles de produits visées. Une telle fourniture devrait correspondre alors à un volume de 65 % des ventes en 2000 sous la marque Moulinex. Il faut noter que SEB propose néanmoins d'imposer au bénéficiaire de la licence pour l'Allemagne une obligation de fourniture pour les préparateurs culinaires. SEB justifie cette exception par la nécessité de maintenir des emplois dans des unités de production reprises à la suite du jugement du Tribunal de commerce de Nanterre.
133 Le groupe SEB s'engage par ailleurs à fournir à tout licencié qui en ferait la demande une licence portant sur les droits de propriété industrielle (dessins et modèles, brevets et savoir-faire) couvrant un ou plusieurs modèles de la gamme Moulinex afin d'être à même de les fabriquer eux-mêmes ou de les faire fabriquer par un tiers de leur choix.
134 Le groupe SEB s'engage à nommer un mandataire qui aura dans un premier temps notamment pour mandat de s'assurer de l'exécution satisfaisante par le groupe SEB de ses engagements. SEB s'est engagé à conclure le ou les contrats de licence de marque prévu par les engagements dans un délai de [...] à compter de la date de réception de la décision d'autorisation de la Commission. Au-delà de ce délai, si SEB n'a pas conclu tout ou partie des accords prévus par les engagements, le mandataire sera chargé de rechercher un ou plusieurs licenciés et de conclure lesdits accords dans un délai de [...]. Le choix du ou des licenciés sera soumis à l'agrément de la Commission."
52. La Commission estime que ces engagements conduisent à réduire significativement les recouvrements de parts de marché causés par l'opération notifiée. Elle constate que seuls les recouvrements qui proviennent des ventes sous la marque Krups ne sont pas éliminés. Toutefois, selon la Commission, les ajouts en termes de parts de marché liés à la marque Krups ne sont susceptibles de poser des problèmes de concurrence que sur les marchés des machines à expressos et le marché des repas informels au Portugal (considérant 139 de la décision attaquée).
53. De l'avis de la Commission, les engagements proposés permettent de restaurer de façon durable les conditions d'une concurrence effective. En effet, la durée de cinq ans prévue pour la licence donnera la possibilité au licencié de faire migrer les produits de Moulinex vers sa marque propre avec des pertes limitées au détriment de SEB lorsque cette dernière sera en mesure de réintroduire la marque Moulinex sur les marchés en cause. La Commission note à cet égard que la durée de vie moyenne des produits du petit électroménager est de l'ordre de trois années. La migration vers sa propre marque est, selon la Commission, d'autant plus facilitée que le licencié sera le seul bénéficiaire de la marque Moulinex, tous produits du petit électroménager confondus, dans la zone géographique en cause (considérant 140 de la décision attaquée).
54. La Commission considère que l'extension des engagements de licence exclusive à l'ensemble des produits du petit électroménager et donc à des produits pour lesquels la Commission n'a pas soulevé de doutes sérieux est nécessaire pour assurer l'efficacité et la viabilité de ces remèdes. En effet, si les licences avaient porté sur un nombre limité de produits, le licencié aurait vu ses marges de manœuvres, pour effectuer un "rebranding", sévèrement réduites, car la marque Moulinex aurait été portée par deux entités concurrentes dans les pays en cause: SEB et le bénéficiaire de la licence circonscrite à certains produits (considérant 141 de la décision attaquée).
55. La Commission relève que, de plus, le licencié aura la possibilité de bénéficier d'une autonomie de production des produits Moulinex dès qu'il le désirera alors que SEB pourra être contraint de le faire bénéficier des nouveaux modèles qu'il développera pour la gamme des produits Moulinex dans les pays non visés par les engagements (considérant 142 de la décision attaquée).
56. Enfin, la Commission souligne que, selon les engagements, le ou les licenciés devront être actuellement présents sur le marché ou potentiellement capables d'y entrer, viables, indépendants, sans aucun lien avec le groupe SEB et possédant les compétences et la motivation nécessaires pour exercer une concurrence active et effective sur les marchés concernés. Les engagements prévoient également que ce ou ces licenciés devront disposer d'une marque propre pouvant être associée à la marque Moulinex (considérant 144 de la décision attaquée).
57. La Commission considère donc (au considérant 146 de la décision attaquée) que les engagements proposés par les parties sont suffisants pour lever les doutes quantà la compatibilité de l'opération avec le Marché commun dans ces neuf pays à condition que les parties respectent les engagements repris ci-après:
"a) l'engagement d'octroyer une licence exclusive de la marque Moulinex pour une durée de cinq années portant sur la vente d'appareils électroménagers pour les treize catégories de produits reprises dans cette décision tel que défini au point 1 [sous] a) des engagements figurant en annexe de la présente décision;
b) l'engagement de ne pas commercialiser dans les pays en cause des produits portant la marque Moulinex pendant la durée du contrat de licence et pendant une période de trois ans après son expiration tel que prévu au point 1 [sous] c);
c) l'engagement de ne pas commercialiser dans les pays en cause des produits sous une autre marque que Moulinex les modèles de la marque Moulinex dans les territoires pour lesquels le ou les licenciés auront conclu un contrat d'approvisionnement ou un contrat effectif de licence de propriété industrielle tel que prévu au point 1 [sous] e);
d) l'engagement de conclure avec tout licencié qui en ferait la demande un contrat d'approvisionnement (à un prix de cession correspondant au prix de revient industriel majoré des frais généraux liés à la production et à la livraison des produits au licencié) et/ou un contrat de licence de propriété industrielle pour l'ensemble des produits en cause à l'exception des préparateurs culinaires en Allemagne ainsi que cela est prévu au point 1 [sous] d) des engagements;
e) l'engagement de poursuivre la politique générale de développement de nouveaux modèles et de préserver la pleine valeur économique et concurrentielle de la marque Moulinex dans chacun des neuf Etats concernés jusqu'à la conclusion des contrats de licence tel que prévu au point 1 [sous] h) des engagements.
f) l'engagement de conclure le ou les accords de licence exclusive de marque pour les 9 pays concernés sous les délais prévus au point 1(h) et 2(e)(iv) des engagements;
g) l'engagement relatif à l'agrément du ou des licenciés par la Commission prévu au point 1(i) des engagements, et
h) le respect de toute suggestion utile à la réalisation des engagements ou à l'exécution de sa mission qui serait faite par le mandataire tel que prévu au point 2(e)(ii) des engagements."
58. Le détail des engagements souscrits par SEB figure à l'annexe de la décision attaquée.
59. Au point 2, sous g) de l'annexe, il est spécifié:
"Si l'approbation de la présente opération par une autre autorité de concurrence était soumise à des engagements qui soit entreraient en contradiction avec les présents engagements ou soit conduiraient à une situation allant au-delà de ce qui est nécessaire pour répondre au rétablissement d'une situation concurrentielle sur chacun des marchés concernés, le groupe SEB pourra alors demander à la Commission une révision des présents engagements dans le but d'éliminer ces contradictions ou de décharger le groupe SEB de tout ou partie des conditions et obligations contenues dans les présents engagements qui n'apparaîtraient plus nécessaires."
VI - Aides d'Etat
60. En réponse aux arguments de certaines parties tierces reprochant à SEB de bénéficier d'aides d'Etat de la part des autorités françaises dans le cadre de son plan de reprise, la Commission constate, au considérant 10 de la décision attaquée, qu'au vu d'un examen préliminaire du dispositif prévu par les autorités françaises, il n'apparaît pas que les interventions publiques envisagées dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire soient des mesures qui bénéficient à SEB. La Commission considère dès lors que leur effet ne doit pas être pris en compte dans l'examen de la transaction proposée effectué au titre du règlement n° 4064-89.
Procédure et conclusions des parties
61. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 avril 2002, la requérante a introduit le présent recours. Par acte séparé déposé le même jour, la requérante a introduit une requête tendant à ce que le Tribunal statue sur le recours dans le cadre d'une procédure accélérée conformément à l'article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.
62. Par lettre du 30 avril 2002, la Commission a informé le Tribunal qu'elle ne s'opposait pas à la demande de traitement accéléré. Par ailleurs, la Commission a souligné que la requérante n'avait pas démontré qu'elle était individuellement concernée par la décision attaquée.
63. Par lettre du 8 mai 2002, le greffier du Tribunal a informé la défenderesse qu'il était fait droit à sa demande de prorogation du délai pour le dépôt de son mémoire en défense jusqu'au 24 juin 2002. Il a également invité la défenderesse, pour ne pas retarder la procédure, à aborder d'éventuelles questions de recevabilité du recours ensemble avec sa défense au fond.
64. Dans le cadre d'une mesure d'organisation de la procédure, le greffier du Tribunal, par lettre du 17 juin 2002, a invité la requérante à répondre, pour le 28 juin 2002, à une série de questions écrites.
65. Le 24 juin 2002, la Commission a déposé son mémoire en défense contenant, à titre principal, ses objections quant à la recevabilité du recours et, à titre subsidiaire, sa défense au fond.
66. Le 28 juin 2002, la requérante a déposé ses réponses aux questions du Tribunal.
67. Par décision du 2 juillet 2002, le Tribunal (troisième chambre) a fait droit à la demande de traitement accéléré au titre de l'article 76 bis du règlement de procédure.
68. Le 18 juillet 2002, la requérante, conformément à l'invitation qui lui avait été faite par le greffier, a déposé ses observations sur la recevabilité en réponse au mémoire en défense de la Commission.
69. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juillet 2002, SEB a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2002, De'Longhi a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Ces demandes ont été acceptées par ordonnance du président de la troisième chambre du 16 septembre 2002. À leurs demandes respectives, SEB et De'Longhi ont été autorisées, pour la première, à déposer un mémoire en intervention et, pour la seconde, à produire certains documents cités dans sa demande en intervention.
70. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, a invité les parties à produire certaines pièces et à répondre à des questions écrites. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.
71. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales lors de l'audience publique du 9 octobre 2002.
72. La requérante, soutenue par De'Longhi, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler la décision attaquée;
- condamner la Commission aux dépens.
73. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé;
- condamner la requérante aux dépens.
74. SEB conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé;
- condamner la requérante aux dépens.
Sur la recevabilité
I - Arguments des parties
75. La requérante, soutenue par De'Longhi, soutient qu'elle est directement et individuellement concernée par l'acte attaqué au sens de l'article 230 CE. BaByliss serait en effet un nouvel entrant sur le marché du petit électroménager de cuisine et se positionnerait donc comme un concurrent direct de SEB et Moulinex. Par ailleurs, la requérante souligne qu'elle a participé activement à la procédure administrative précédant l'adoption de la décision attaquée.
76. La Commission soutient que la requérante n'est pas individuellement concernée par la décision attaquée.
77. La Commission fait valoir, en premier lieu, que la seule circonstance que BaByliss ait réagi spontanément à la publication au Journal officiel des Communautés européennes, prévue à l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, de l'avis relatif à l'opération de concentration projetée en prenant contact avec elle ne suffit pas à établir que BaByliss est individuellement concernée par la décision attaquée. BaByliss ne démontrerait en rien que la décision attaquée l'atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui l'individualise d'une manière analogue à celle dont le serait SEB.
78. La Commission souligne que de nombreuses entreprises, à l'image de la requérante, ont participé activement à la procédure. La circonstance qu'une entreprise ait émis des observations ne saurait à elle seule justifier que l'entreprise soit individuellement concernée. L'examen minutieux des opérations de concentration exigerait en effet un contact régulier avec de nombreux acteurs de la vie économique.
79. Elle relève, en deuxième lieu, que, aux termes de l'article 2 des statuts de BaByliss, "la société a pour objet: [t]outes opérations de production, de transformation, de représentation, d'importation et d'exportation, de commerce en gros, de demi-gros et détail de tous articles et marchandises se rapportant notamment à la coiffure et à la beauté, à la parfumerie et aux articles de cadeaux", tandis que l'opération de concentration autorisée par la décision attaquée porte sur le secteur du petit électroménager qui est sans rapport avec "la coiffure, la beauté, la parfumerie et autres articles de cadeaux".
80. En troisième lieu, la Commission fait observer que la requérante se présente comme un "nouvel entrant" sur le marché du petit électroménager de cuisine, mais que, de son propre aveu, ni à la date de la décision attaquée ni à la date de l'introduction de son recours, la requérante n'avait mis sur le marché le moindre appareil du petit électroménager. BaByliss se définirait d'ailleurs elle-même comme un "concurrent potentiel". Elle relève que si la requérante a annoncé qu'elle lancerait "officiellement" de tels produits sur le marché le 15 mai 2002, elle n'a cependant fourni aucune pièce probante à l'appui de cette affirmation.
81. En quatrième lieu, la Commission relève que rien ne permet de dire que les produits commercialisés par BaByliss, société établie en France, seraient en concurrence directe avec les appareils vendus par SEB sur les marchés géographiques pour lesquels elle a émis des doutes sérieux, dans la mesure où elle ne s'est pas prononcée sur la situation du marché français qui sera analysée par les autorités françaises de la concurrence.
82. En cinquième lieu, la Commission soutient que c'est à tort que la requérante croit pouvoir se fonder sur les "arrêts Air France". Sa situation serait tout à fait différente de celle d'Air France. En effet, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 19 mai 1994, Air France/Commission (T-2-93, Rec. p. II-323), le Tribunal aurait relevé d'abord que la situation concurrentielle sur les marchés concernés avait été appréciée par la Commission en tenant compte surtout de la situation d'Air France (point 45 de l'arrêt) qui était l'unique concurrente sérieuse des entreprises participant à la concentration, tandis que la requérante est totalement absente des marchés concernés par l'opération de concentration. La Commission relève également que le Tribunal avait noté qu'Air France avait été contrainte, selon un accord conclu entre elle, le gouvernement français et la Commission, de se désinvestir totalement de sa participation dans la compagnie TAT (point 46 de l'arrêt), tandis que, en l'espèce, BaByliss ne peut se prévaloir d'aucun accord ou de décision de portée équivalente lui permettant de démontrer que sa situation de fait l'individualise de manière analogue à celle de SEB. La Commission souligne que, dans l'arrêt du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission (T-3-93, Rec. p. II-121), Air France était la principale concurrente de British Airways, tandis que, en l'espèce, BaByliss n'est qu'une entreprise, parmi de nombreuses autres, qui se considère comme une concurrente (d'ailleurs potentielle) de SEB.
83. Enfin, la Commission souhaite attirer l'attention sur le fait que la nouvelle interprétation de l'article 230 du traité CE qu'a retenue le Tribunal dans l'arrêt du 3 mai 2002, Jégo-Quéré SA/Commission (T-177-01, Rec. p. II-2365, point 51) n'a pas pour effet de rendre la requête recevable, car, d'une part, la décision attaquée est une décision individuelle qui n'a aucune portée générale et, d'autre part, la décision attaquée ne restreint en rien les droits de la requérante (qui n'est d'ailleurs pas présente sur les marchés concernés par l'opération de concentration) et ne luiimpose aucune obligation. La situation juridique de la requérante ne serait pas affectée de manière certaine et actuelle.
84. SEB soutient que la requérante n'est pas individuellement concernée par la décision attaquée. SEB souligne, à cet égard, notamment, que la requérante pouvait tout autant qu'elle-même formuler une offre de reprise concrète et sérieuse dans le cadre de la procédure collective si elle avait été réellement intéressée par la reprise de tout ou partie des actifs de Moulinex. Or, rappelle SEB, la première offre remise par la requérante pour la reprise de Moulinex n'était pas sérieuse et a été jugée irrecevable par le Tribunal de commerce de Nanterre, tandis que les offres suivantes étaient postérieures à la concentration et n'avaient comme seul objectif que de tenter de remettre en cause le plan de cession proposé par SEB. Elle ajoute que la requérante n'a pas manifesté un quelconque intérêt pour obtenir la licence de la marque Moulinex alors même qu'une telle licence aurait pu lui permettre, dans la perspective de la stratégie de développement qu'elle mentionne, de pénétrer et de s'établir durablement et efficacement sur les marchés concernés.
85. SEB fait également observer qu'à ce jour les produits BaByliss ne sont toujours pas commercialisés sur aucun des marchés géographiques concernés par la décision attaquée, ni même d'ailleurs en France, où l'activité de la requérante s'est limitée à une présentation dans un restaurant lyonnais en mai 2002. SEB souligne que la requérante n'est d'ailleurs pas mentionnée par la Commission dans le cadre de son analyse concurrentielle, que ce soit en tant que concurrent actuel ou en tant que concurrent potentiel.
86. Enfin, SEB relève que la requérante n'a pas participé à la procédure d'enquête approfondie menée par les rapporteurs du Conseil de la concurrence en France et n'était même pas présente ni représentée lors de l'audience devant le Conseil de la concurrence.
II - Appréciation du Tribunal
87. Selon l'article 230, quatrième alinéa, CE, "toute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement".
88. La requérante n'est pas une des parties à la concentration et n'est pas destinataire de la décision attaquée. Il convient donc d'examiner si elle est directement et individuellement concernée.
89. Le caractère direct de l'affectation ne saurait être contesté. En effet, dès lors qu'elle permet la réalisation immédiate de l'opération de concentration projetée, la décision attaquée est de nature à induire une modification immédiate de la situation des marchés concernés, qui ne dépend alors que de la seule volonté des parties(voir arrêt du 24 mars 1994, Air France/Commission, précité, point 80).
90. Il convient dès lors d'examiner si la requérante est également individuellement concernée par ladite décision.
91. Selon une jurisprudence constante, "les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire" (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25-62, Rec. p. 197, 223).
92. À cet égard, le Tribunal constate, s'agissant en premier lieu de la participation à la procédure, qu'il est constant que la requérante, à la suite de la communication prévue par l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, a, par lettres des 27, 29 et 30 novembre 2001 et des 6, 20, 21 et 28 décembre 2001, fait part à la Commission de ses observations concernant les conséquences de l'opération de concentration en cause sur la situation concurrentielle des marchés concernés ainsi que sur sa propre situation. Par ailleurs, la Commission a entendu la requérante à l'occasion d'une réunion, le 5 décembre 2001, et d'une conférence téléphonique le 4 janvier 2002 avec les agents en charge de l'examen du projet de concentration.
93. En outre, BaByliss a fait valoir, à ces occasions, en substance, les mêmes critiques que celles qu'elle a présentées dans sa requête devant le Tribunal. Ces observations concernaient, principalement, l'appréciation des effets de la concentration sur les différents marchés géographiques et de produits concernés et, en particulier, sur la situation de BaByliss ainsi que l'appréciation de l'efficacité des engagements proposés par SEB pour pallier les problèmes de concurrence soulevés par la reprise de Moulinex.
94. Enfin, il échet d'observer que les courriers adressés par la requérante à la Commission ne constituent pas uniquement une démarche unilatérale et non sollicitée de sa part, mais que la Commission l'a, notamment, invitée à soumettre ses observations sur les engagements proposés par les parties à la concentration.
95. Il s'ensuit que la requérante a participé activement à la procédure. Si, ainsi que le souligne, à juste titre, la Commission, une simple participation à la procédure ne suffit certes pas, à elle seule, à établir que la requérante est individuellement concernée par la décision, en particulier dans le domaine des concentrations dont l'examen minutieux exige un contact régulier avec de nombreuses entreprises, il n'en reste pas moins que la participation active à la procédure administrative constitue un élément régulièrement pris en considération par la jurisprudence, en matière de concurrence, y compris dans le domaine plus spécifique du contrôle des concentrations, pour établir, en conjonction avec d'autres circonstances spécifiques, la recevabilité de leur recours (voir, notamment, arrêts de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169-84, Rec. p. 391, points 24 et 25, et du 31 mars 1998, France/Commission dit "Kali & Salz", C-68-94 et C-30-95, Rec. p. I-1375, point 54; arrêt du 19 mai 1994, Air France/Commission, précité, point 44).
96. S'agissant, en deuxième lieu, du statut de concurrent de la requérante, il convient de rappeler, tout d'abord, que BaByliss a affirmé, sans être contredite par la Commission ou par SEB, être l'un des principaux opérateurs actifs sur les marchés des produits de petit électroménagerdits de beauté ou de soins personnels (sèche-cheveux, fers et brosses chauffantes, tondeuses, appareils d'épilation féminine et de soins du corps, etc).
97. Selon le considérant 16 de la décision attaquée, le secteur économique concerné par l'opération de concentration est celui de la vente d'appareils du petit électroménager qui se décompose en treize catégories de produits, à savoir les onze catégories de produits de la gamme cuisine, les fers à repasser et stations vapeur et la catégorie des appareils de soins personnels. Il s'ensuit que le marché des appareils de soins personnels est, ainsi qu'il est d'ailleurs indiqué au considérant 16 de la décision attaquée, concerné par l'opération de concentration en cause. Or, il n'a pas été contesté par la Commission, ni par SEB, que la requérante est un des principaux concurrents-acteurs sur ce marché des produits dits de beauté ou de soins personnels.
98. En outre, il convient de relever que les engagements portent également sur l'ensemble des treize catégories d'appareils du petit électroménager, en ce compris donc les appareils dits de beauté ou de soins personnels.
99. Par ailleurs, si la requérante n'était, ni à la date de l'adoption de la décision attaquée ni au jour de l'introduction de son recours, directement présente sur aucun des douze autres marchés affectés par la concentration, elle a cependant soutenu qu'elle est un concurrent à tout le moins potentiel dans la mesure où elle pénètre actuellement le marché européen du petit électroménager de cuisine.
100. La Commission et SEB n'ont pas contesté la recevabilité d'un recours introduit par un concurrent potentiel lorsque, comme en l'espèce, il s'agit de marchés oligopolistiques caractérisés, notamment, par des barrières à l'entrée élevées résultant de la grande fidélité à la marque ainsi que par la difficulté d'accès au commerce de détail (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T-290-94, Rec. p. II-2137).
101. La Commission et SEB ont en revanche souligné que l'allégation selon laquelle la requérante est un concurrent potentiel n'était pas établie ni assortie d'éléments probants. Toutefois, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal ainsi que dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, la requérante fait valoir à cet égard, que, forte de son expérience sur le marché américain, elle a entamé, dès le début de l'année 2001, la mise en œuvre de sa stratégie d'entrée sur le marché européen du petit électroménager de cuisine, sous la marque Cuisinart, et plus précisément sur les segments des mini-fours, grille-pain, machines à expressos, mélangeurs et préparateurs culinaires, ainsi qu'en attesteraient les faits suivants : la première étude du marché européen du petit électroménager de cuisine (février 2001), l'étude technique sur l'adaptation du voltage des produits Cuisinart (février/août 2001), le contrat de partenariat triennal avec Paul Bocuse (octobre 2001) et les salons professionnels avec Paul Bocuse à Orlando et Chicago présentant les produits Cuisinart (septembre 2001 et mai 2002), la finalisation de la stratégie et du budget 2002 pour le lancement de Cuisinart en Europe (novembre 2001), la négociation avec les principaux clients français sur le référencement de la marque Cuisinart (décembre 2001/mai 2002), le lancement officiel dans la presse française (prévu en mars 2002 mais finalement reporté) et, enfin, le 16 mai 2002, la "date officielle de lancement de Cuisinart en France chez Paul Bocuse à Lyon, en présence d'une cinquantaine d'invités". BaByliss envisagerait, à terme, de pénétrer les segments des cafetières électriques et des machines à expressos ainsi que celui des friteuses.
102. La circonstance, soulignée par la Commission et SEB, que l'entrée effective de la requérante sur les marchés affectés par la concentration a été plusieurs fois reportée par rapport aux annonces faites par BaByliss ne saurait constituer un motif suffisant pour conclure que BaByliss ne peut être considérée comme un concurrent potentiel. Le simple fait que l'entrée sur le marché prenne plus de temps qu'envisagé ne signifie en effet pas que cette entrée n'aura pas lieu et ce d'autant moins, ainsi que la Commission le reconnaît au considérant 24 de la décision attaquée, que "les coûts et les temps nécessaires à l'entrée sur un nouveau marché de produits peuvent être importants compte tenu des caractéristiques du marché", que "pour entrer sur un nouveau marché de produits, un concurrent, qu'il soit ou non présent sur d'autres marchés voisins ou sur le marché de produits en cause dans une autre zone géographique, doit s'assurer qu'il aura suffisamment de débouchés et donc qu'il aura un volume de vente suffisant [et que pour] cela, il devra se faire référencer par les clients revendeurs et donc faire connaître sa marque auprès des consommateurs finaux, ce qui prend un certain temps et engendre des frais importants de marketing et de publicité".
103. Il s'ensuit également que, avant même que les produits de BaByliss ne soient effectivement mis en vente sur les marchés, cette dernière s'est trouvée en rapport de concurrence directe avec SEB/Moulinex pour le référencement de ses produits par les principaux clients distributeurs. La requérante a précisé à cet égard que des tests de démonstration sont prévus dans "un certain nombre de magasins" sélectionnés chez Auchan et Monoprix, à partir d'octobre 2002. Dans cette mesure, BaByliss apparaît comme un concurrent actuel des parties à l'opération de concentration pour l'ensemble des marchés du petit électroménager de cuisine qu'elle s'apprête à pénétrer à court terme sous la marque Cuisinart. De même, la requérante a fait observer, sans être contredite, que les produits de soins personnels ainsi que ceux de petit électroménager de cuisine appartiennent au même rayon chez tous les clients, que ce sont les mêmes acheteurs qui référencent les produits et que les politiques d'achat sont liées, amenant de ce fait à intégrer l'ensemble des chiffres d'affaires de ces catégories dans des objectifs communs de remises liées aux réalisations globales de chiffre.
104. Si, ainsi que le souligne la Commission, le business plan de la requérante, daté de novembre 2001, n'envisage apparemment, du moins à court terme, que la seule entrée sur le marché français qui n'est précisément pas visé par la décision attaquée, il y a lieu d'observer que la requérante a expliqué que la stratégie du groupe BaByliss était de lancer la marque Cuisinart sur le marché français, en premier lieu, afin de gagner de l'expérience sur le marketing des produits et de concentrer les investissements importants là où l'ensemble de l'organisation du groupe est forte et qu'elle comptait s'appuyer sur la réussite de la pénétration dudit marché français pour, par la suite, s'étendre également dans d'autres Etats membres.
105. Par ailleurs, il convient de rappeler que BaByliss est détenue à 100 % par Conair, société de droit américain, laquelle est active sur tous les segments du petit électroménager (cuisine, beauté, nettoyage) aux Etats-Unis et dans le monde, principalement sous les marques BaByliss, Conair et Revlon.
106. Bien que ne se situant pas sur un marché affecté au sens du règlement n° 4064-89, la position de BaByliss sur le marché des appareils de soins personnels ainsi que l'activité et l'expérience de sa société-mère Conair lui confèrent une assise de nature à justifier le qualificatif de concurrent "potentiel" et à faciliter son entrée sur le marché du petit électroménager de cuisine.
107. Enfin, s'agissant de l'argument de la Commission tiré de l'objet social de la société BaByliss, il suffit de constater que celle-ci n'est pas limitée dans son activité au seul secteur de la coiffure et de la beauté, ainsi qu'en atteste l'utilisation de l'adverbe "notamment" dans la définition de son objet.
108. En troisième lieu, il convient de relever que dans la perspective de son projet de pénétration du marché européen du petit électroménager, BaByliss s'est, à plusieurs reprises, portée candidate à la reprise de Moulinex ou, à tout le moins, de certains de ses actifs.
109. Ainsi, la requérante a déposé, le 25 septembre 2001, une première offre de reprise partielle portant sur l'intégralité des actifs de Krups (droits de propriété intellectuelle, matériel et outillage, usine de fabrication au Mexique, stocks, réseaux de distribution) pour un prix de 100 millions d'euros.
110. SEB soutient que cette offre ne saurait être de nature à individualiser la requérante dans la mesure où elle était irrecevable et n'a même pas été prise en considération par le Tribunal de commerce de Nanterre.
111. La requérante a fait valoir, à cet égard, qu'elle n'avait pas été mise à même de formuler une offre globale portant sur la totalité des actifs et du personnel de Moulinex, faute d'avoir pu avoir accès à une quelconque information financière sur la société en dépit de demandes écrites en ce sens. Seule la société SEB aurait été en mesure d'effectuer un audit complet des usines de Moulinex et d'adresser ainsi aux administrateurs judiciaires une offre plus globale de reprise de Moulinex.
112. De même, De'Longhi, dans une lettre adressée à la Commission le 3 décembre 2001, a dénoncé le manque de transparence ayant caractérisé la procédure de cession de Moulinex, relevant que:
"SEB a élaboré son offre comme une acquisition partielle, limitée à certaines usines de production de Moulinex et aux activités y afférentes mais a ensuite obtenu de reprendre également les moules et d'autres outils de production inhérents à des activités non transférées [...] sans que cela modifie par ailleurs le prix proposé. De même, SEB a obtenu en pratique de pouvoir utiliser la marque Moulinex pour l'ensemble de ses productions, et cela, sans que rien ne soit prévu en échange, malgré la valeur de cette marque, qui est leader en Europe dans le secteur en cause [...] Cela explique bien, dans ce cadre, l'incertitude qui entourait les modalités de la cession lors de la présentation des manifestations d'intérêt. Cette situation a eu pour résultat que la plupart des compétiteurs de SEB n'ait présenté aucune offre, ainsi que les raisons pour lesquelles les conditions et les modalités de l'opération n'ont pas été rendues publiques ou le sont devenues seulement très récemment, une fois le marché adjugé."
113. SEB a contesté ces allégations. Elle a rappelé à cet égard que, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une procédure de liquidation judiciaire, seules des offres visant à un redressement de l'entreprise pouvaient être présentées et que seules trois offres tendant à une reprise totale ou partielle des actifs de Moulinex ont été présentées aux administrateurs judiciaires dans les délais de la procédure collective, à savoir celles présentées par Euroland, par la société Participation industrielle et par le groupe SEB. Les deux premières offres ont été jugées irrecevables par le Tribunal de commerce de Nanterre, tandis que les autres manifestations d'intérêt reçues par les administrateurs judiciaires ne portaient, pour l'essentiel, que sur la marque Krups. Ces différentes manifestations d'intérêt, en particulier celle adressée par BaByliss qui ne portait pas sur les actions de Krups mais uniquement sur certains de ses actifs, étaient, selon SEB, très restrictives, ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'un plan de redressement, puisqu'elles ne comportaient aucune reprise des sites industriels de Moulinex ni aucun emploi et n'étaient dès lors pas recevables. C'est dans ces conditions que le Tribunal de commerce de Nanterre aurait décidé que l'offre "présentée par le groupe SEB reste donc en réalité la seule subsistant". SEB souligne que dans le cadre de l'appel formé contre ce jugement, la Cour d'appel de Versailles a rejeté tous les griefs formulés à l'encontre de la procédure suivie par les administrateurs judiciaires, alors que, notamment, BaByliss, qui était intervenue volontairement dans cette procédure, avait fait valoir que "la rapidité et la précipitation de la reprise n'ont pas permis aux sociétés intéressées, et notamment à la société Euroland et à la SA BaByliss, de prendre connaissance du dossier et d'élaborer, dans des conditions normales et avec des délais suffisants, un plan de continuation pour la première et un plan de cession pour la seconde".
114. Il convient de rappeler, à cet égard, que les qualifications nationales sont inopérantes pour apprécier la nature d'une activité au regard d'une disposition de droit communautaire (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris-Commission, T-128-98, Rec. p. II-3929, point 128). En outre, la circonstance que l'offre de BaByliss ait été jugée, en droit français, irrecevable, car ne s'inscrivant pas dans le cadre d'un plan de redressement par voie de cession, n'enlève rien au fait que par celle-ci la requérante a manifesté, dès le 25 septembre 2001, son intérêt pour la reprise d'une partie, au moins, de Moulinex.
115. Par la suite, la requérante a continué à manifester son intérêt pour la société Moulinex, en formulant trois offres supplémentaires de reprise, partielle ou totale, de celle-ci, à savoir:
- l'offre de reprise globale de Moulinex, en date du 29 novembre 2001, cette offre comprenant une reprise de la totalité des effectifs en France, soit environ 5 500 personnes, et des actifs de Moulinex, y compris du stock pour une valeur symbolique d'un euro; cette offre a été communiquée à la Commission dans le cadre de son examen de l'opération de concentration en cause, ainsi qu'à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et au représentant du Ministre de l'Economie en France;
- l'offre de reprise partielle de Moulinex, en date du 28 décembre 2001: cette nouvelle offre portait sur l'acquisition de l'ensemble des activités Krups dans le monde, de son outil industriel et du personnel y attaché, pour une somme à définir en fonction du périmètre des actifs concernés; cette offre a été communiquée à la Commission dans le cadre de son examen de l'opération de concentration en cause et transmise aux autorités françaises;
- l'offre de reprise de certains actifs de Moulinex, en date du 15 février 2002: BaByliss a adressé une nouvelle offre de reprise de Moulinex aux administrateurs judiciaires de celle-ci, incluant les actifs de Moulinex non repris par SEB et consistant en les sites d'Alençon, Bayeux et Falaise ainsi que tous les matériels destinés à la production de fours à micro-ondes; le prix d'acquisition proposé par BaByliss s'élevait à 150 000 euros.
116. Ces différentes offres, quand bien même elles ne respectaient pas les conditions fixées ou étaient adressées à des autorités incompétentes pour en traiter ou ont été formulées après la concentration, voire, pour celle du 15 février 2002, après la décision attaquée, témoignent cependant de l'intérêt soutenu et continu dès le 25 septembre 2001 de la requérante pour la reprise de Moulinex ou de certains actifs de celle-ci.
117. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la requérante est directement et individuellement affectée par la concentration entre SEB etMoulinex et que son recours visant à obtenir l'annulation de la décision attaquée est recevable.
Sur le fond
118. La requérante avance quatre moyens à l'appui de son recours en annulation. Le premier moyen est tiré d'une violation des formes substantielles en ce que la Commission a accepté la soumission d'engagements tardifs par SEB. Par le deuxième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en autorisant la concentration au terme de la phase I et sans ouvrir la phase II. Par son troisième moyen, la requérante soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que les engagements sont insuffisants pour pallier les problèmes de concurrence. Par le quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en n'examinant pas si le caractère dérisoire du prix payé par SEB pour la reprise de Moulinex et le concours financier apporté par l'Etat français n'étaient pas de nature à renforcer la position de SEB.
I - Sur le premier moyen tiré d'une violation des formes substantielles en ce que la Commission a accepté la soumission d'engagements tardifs par SEB
Arguments des parties
119. La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'un vice de forme en ce qu'elle a autorisé l'opération litigieuse sur la base d'engagements soumis par SEB après l'expiration du délai réglementaire de trois semaines courant à compter de la date de réception de la notification.
120. La requérante rappelle qu'aux termes de l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98, "les engagements [au cours de la phase I] doivent être communiqués à la Commission dans un délai de trois semaines à compter de la réception de la notification". Elle cite en outre le point 37 de sa communication concernant les mesures correctives:
"Etant donné que les remèdes de phase I sont construits de façon à fournir une réponse directe à des problèmes de concurrence aisément identifiables, seules des modifications limitées peuvent être acceptées. De telles modifications, présentées comme une réponse immédiate aux résultats de consultations, comportent des clarifications, des perfectionnements et/ou des améliorations qui permettent que les engagements soient praticables et effectifs".
121. La requérante fait valoir qu'en l'espèce, la Commission a violé l'article 18 du règlement n° 447-98 et le point 37 de la communication concernant les mesures correctives en acceptant de nouveaux engagements de la part de SEB plus de dix jours après le délai réglementaire de trois semaines.
122. En effet, le 5 décembre 2001, date limite du dépôt des engagements, SEB aurait proposé à la Commission un engagement consistant en un simple arrêt des ventes de certaines familles de produits sous marque Moulinex pendant une durée de deux ans et sur l'ensemble de l'EEE (considérant 135 de la décision attaquée). La Commission aurait elle-même considéré qu'un engagement de cette nature ne permettait pas de résoudre les problèmes de concurrence soulevés par l'opération. Il serait à cet égard symptomatique que la Commission n'ait d'ailleurs même pas jugé nécessaire de conduire un test de marché visant à apprécier leur efficacité.
123. La requérante relève que ce n'est que le 18 décembre 2001, soit cinq semaines après la notification de l'opération en cause, que SEB a soumis de nouveaux engagements, consistant en l'octroi à un tiers d'une licence exclusive sur la marque Moulinex portant sur la vente de l'ensemble des familles de produits concernés par l'opération, pour une durée de trois ans. Elle ajoute que cette seconde proposition d'engagements a elle-même fait l'objet d'une troisième proposition ayant apporté des modifications substantielles à la veille de l'adoption de la décision attaquée, pour aboutir à la solution finalement retenue par la Commission (considérants 129 à 134 de la décision attaquée).
124. Selon la requérante, il apparaît ainsi que les deuxième et troisième propositions d'engagements soumises par SEB s'écartaient fondamentalement, dans leur nature même comme dans leur portée et leur durée, de la proposition initialement soumise par SEB. Dès lors, elles ne pourraient aucunement être considérées comme une simple amélioration des engagements initiaux, au sens de la communication de la Commission, mais constitueraient des engagements nouveaux. La Commission aurait ainsi dû, à ce stade de la procédure, décider l'ouverture de la phase II.
125. La requérante souligne, à titre de comparaison, que dans l'affaire ayant donné lieu à la décision de la Commission du 14 mars 2000 déclarant une opération de concentration incompatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE (Affaire COMP/M.1672 - Volvo/Scania, JO 2001, L. 143, p. 74), aux paragraphes 359 et 362), Volvo avait soumis une première proposition d'engagements dans le délai prévu à cet effet (en phase II, en l'espèce), puis avait formulé une nouvelle proposition d'engagements quinze jours plus tard. La Commission aurait refusé de prendre en considération ces seconds engagements, au motif que "la nouvelle proposition ne contenait aucun élément que Volvo n'aurait pu inclure dans un engagement présenté dans le délai de trois mois".
126. La Commission soutient que l'affirmation selon laquelle elle aurait "commis une violation des formes substantielles en acceptant la soumission d'engagements tardifs par SEB" est dépourvue de tout fondement.
Appréciation du Tribunal
127. Il convient de rappeler que les parties à la concentration ont proposé des engagements à trois reprises à la Commission au cours de la phase I, à savoir le 5 décembre 2001, le 18 décembre 2001 et à une date ultérieure, non autrement spécifiée, avant l'adoption de la décision attaquée le 8 janvier 2002.
128. En substance, la teneur de chacun de ces engagements était la suivante:
- dans leur version initiale du 5 décembre 2001 (ci-après la "version initiale des engagements"), les engagements prévoyaient le retrait pour l'ensemble de l'EEE et pour une durée de deux ans de cinq catégories de produits concernés de la marque Moulinex;
- dans leur version modifiée du 18 décembre 2001 (ci-après la "version modifiée des engagements"), les engagements prévoyaient une licence exclusive de la marque Moulinex d'une durée de trois ans, assortie d'un engagement de non-entrée sous la marque Moulinex pendant une année supplémentaire après l'expiration de la licence, pour l'ensemble des catégories de produits en Belgique, en Grèce, aux Pays-Bas et au Portugal et pour la catégorie des friteuses en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Norvège et en Suède, ainsi qu'une obligation d'approvisionnement à la charge des licenciés pour quatre catégories de produits concernés;
- enfin, dans leur version finale acceptée dans la décision attaquée (ci-après la "version finale des engagements"), les engagements prévoient une licence exclusive de la marque Moulinex d'une durée de cinq ans, assortie d'un engagement de non-entrée sous la marque Moulinex pour trois années supplémentaires à l'expiration de la licence, pour l'ensemble des catégories de produits du petit électroménager en Autriche, en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Grèce, en Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suède, ainsi qu'une obligation d'approvisionnement d'une durée de deux ans à la charge du licencié en Allemagne pour une catégorie de produits concernés.
129. Il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98:
"Les engagements que les entreprises concernées proposent à la Commission conformément à l'article 6, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4064-89 et que les parties veulent faire prendre en considération dans une décision fondée sur l'article 6, paragraphe 1, [sous] b), dudit règlement doivent être communiqués à la Commission dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception de la notification."
130. En l'espèce, la notification de la concentration ayant été effectuée le 13 novembre 2001, le délai pour proposer des engagements à la Commission au cours de la phase I expirait, par application de la méthode de computation des délais définieaux articles 6 à 9 et 18, paragraphe 3, du règlement n° 447-98, le 5 décembre 2001. Il en résulte que la version initiale des engagements a été déposée à la Commission dans les délais requis par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98.
131. Il est toutefois constant que la version initiale des engagements n'est pas celle qui a finalement été acceptée par la Commission dans la décision attaquée. Aux termes du considérant 135 de la décision attaquée, la version initiale des engagements ne permettait en effet pas à la Commission de dissiper tous les doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration avec le Marché commun car elle n'aurait pas permis de substituer un acteur à Moulinex et ne concernait pas l'entièreté des marchés où la concentration était susceptible de soulever des doutes sérieux.
132. Or, il est constant que tant la version modifiée des engagements que la version finale de ceux-ci ont été déposées par les parties à la concentration en dehors du délai de trois semaines prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98. Dans ces circonstances, il convient d'examiner si la Commission était en droit d'accepter lesdits engagements sans enfreindre cette dernière disposition.
133. En vue d'effectuer cet examen, il y a d'abord lieu d'avoir égard aux termes des dispositions applicables des règlements n° 4064-89 et n° 447-98.
134. Il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98, les parties à la concentration doivent communiquer à la Commission dans un délai de trois semaines les engagements qu'elles "veulent faire prendre en considération" dans une décision adoptée au terme de la phase I.
135. De même, aux termes de l'article 10, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 4064-89, il est prévu que la phase I est portée à six semaines si, après notification d'une opération de concentration, les entreprises concernées présentent des engagements en application de l'article 6, paragraphe 2, du même règlement "dans le but, pour les parties, de les faire prendre en considération" dans une décision à l'issue de la phase I.
136. Il résulte des termes de ces dispositions que le délai de trois semaines prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98, est conçu comme un délai contraignant pour les parties à la concentration, en ce sens que, si celles-ci présentent des engagements en dehors dudit délai, la Commission n'est pas tenue de les prendre en considération au stade de la phase I. En revanche, il ne ressort pas des termes des dispositions précitées qu'il est interdit à la Commission de prendre en considération de tels engagements tardifs.
137. Afin de déterminer si l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98 doit être interprété en ce sens, il convient néanmoins d'examiner les termes de ladite disposition à la lumière des objectifs qu'elle poursuit.
138. À cet égard, il convient de relever que ladite disposition a été introduite par le règlement n° 447-98, lequel a abrogé le règlement (CE) n° 3384-94 de la Commission, du 21 décembre 1994, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064-89 (JO L. 377, p. 1) à la suite de l'adoption du règlement n° 1310-97. Ce dernier règlement a introduit dans le règlement n° 4064-89 un cadre réglementaire pour l'offre d'engagements au cours de la phase I. Aux termes du considérant 16 du règlement n° 447-98, la Commission indique que les délais pour la présentation des engagements prévus par ledit règlement sont nécessaires "pour permettre à la Commission d'évaluer valablement les engagements visant à rendre la concentration compatible avec le Marché commun et de procéder dûment à la consultation des autres parties intéressées, des tiers et des autorités des Etats membres".
139. Il résulte ainsi de ce considérant que, par l'introduction du délai prévu à l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98, la Commission a entendu s'assurer qu'elle disposera du temps nécessaire pour évaluer les engagements proposés et consulter les tiers. Or, si la poursuite de cet objectif requiert nécessairement que le délai prévu par ladite disposition soit contraignant pour les parties à la concentration, afin que celles-ci soient privées de la possibilité de présenter des engagements, avant l'expiration de la phase I, dans un délai ne permettant pas à la Commission de disposer du temps nécessaire pour les évaluer et consulter les tiers, elle ne requiert, en revanche, nullement que ce délai soit également contraignant à l'égard de la Commission, celle-ci pouvant parfaitement estimer, au vu des circonstances de l'espèce, qu'un délai plus bref est suffisant pour procéder auxdites évaluations et consultations.
140. Il s'ensuit que l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98, doit être compris en ce sens que, si les parties à une concentration ne peuvent obliger la Commission à tenir compte des engagements et de leurs modifications intervenus après le délai de trois semaines, la Commission, en revanche, si elle estime avoir le temps nécessaire pour les examiner, doit être en mesure d'autoriser la concentration au vu desdits engagements, même si des modifications sont intervenues après le délai de trois semaines.
141. Il résulte dès lors de ce qui précède que la Commission était en droit d'accepter la version modifiée des engagements ainsi que leur version finale en dehors du délai de trois semaines prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98, ledit délai n'étant pas contraignant à son égard.
142. En tout état de cause, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, en acceptant lesdits engagements, la Commission s'est conformée aux principes qu'elle a exposés en la matière dans la communication sur les mesures correctives.
143. À titre liminaire, il convient à cet égard de souligner que, contrairement à ce que suggère la Commission dans son mémoire en défense, ladite communication n'est pas dépourvue de toute obligation légale contraignante. En effet, la Commission est tenue par les communications qu'elle adopte en matière de contrôle des concentrations, dans la mesure où elles ne s'écartent pas des normes du traité et du règlement n° 4064-89 (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C-382-99, Rec. p. I-5163, point 24, et du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C-351-98, non encore publié au Recueil, point 53). Par ailleurs, la Commission ne saurait se départir des règles qu'elle s'est imposées à elle-même (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 53).
144. Or, aux termes de la communication sur les mesures correctives, la Commission a indiqué que :
"37 Lorsque l'appréciation des engagements proposés révèle qu'ils ne sont pas suffisants pour résoudre les problèmes de concurrence posés par l'opération, les parties en seront informées. Etant donné que les remèdes de phase I sont construits de façon à fournir une réponse directe à des problèmes de concurrence aisément identifiables, seules des modifications limitées peuvent être acceptées. De telles modifications, présentées comme une réponse immédiate aux résultats de consultations, comportent des clarifications, des perfectionnements et/ou des améliorations qui permettent que les engagements soient praticables et effectifs."
145. En l'espèce, s'agissant des changements apportés par la version finale des engagements à la version modifiée, il est manifeste, et ceci n'est pas contesté par la requérante, qu'ils constituent des modifications limitées au sens du point 37 de la communication sur les mesures correctives. Par rapport à la version antérieure, la version finale des engagements se borne en effet à prolonger la durée de la licence exclusive et de l'obligation de non-rentrée ultérieure, à étendre à cinq Etats membres supplémentaires le principe retenu pour les quatre premiers, selon lequel la licence portera sur l'ensemble des produits du petit électroménager et, enfin, à réduire la portée de l'obligation d'approvisionnement. Ces modifications concernant uniquement le champ d'application, dans le temps, en termes de produits et en termes de géographie, d'obligations prévues dans la version modifiée des engagements, elles peuvent être considérées comme des modifications limitées visant à améliorer ou à perfectionner la version initiale des engagements au sens du point 37 de la communication sur les mesures correctives.
146. S'agissant des changements apportés par la version modifiée à la version initiale des engagements, lesquels consistent à transformer une obligation de retrait de la marque Moulinex en une obligation d'octroi d'une licence exclusive de ladite marque, il convient de constater que, à l'instar du retrait de la marque, l'octroi d'une licence exclusive a pour effet de priver le titulaire de la marque Moulinex, en l'occurrence SEB, du droit d'utiliser ladite marque dans les territoires concernés. Dans cette mesure, la circonstance que l'octroi d'une licence exclusive permette,en outre, à un tiers d'utiliser la marque peut être considérée comme une "amélioration" par rapport au simple retrait.
147. Par ailleurs, en l'espèce, les engagements prévoient, au point 1, sous c), que SEB s'interdit d'utiliser la marque Moulinex pendant une durée de trois ans après l'expiration des contrats de licence. En outre, le point 1, sous a), second alinéa, permet aux licenciés de cesser d'utiliser la marque Moulinex à tout moment pendant la durée de la licence en vue de migrer définitivement vers leur marque propre. En application de ces deux dispositions, la marque Moulinex sera retirée du marché pendant une période d'au-moins trois ans et, du moins en théorie, de huit ans au plus. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la requérante, la version finale des engagements ne se borne pas à substituer au retrait de la marque Moulinex prévu par la version initiale l'octroi de licences sur ladite marque mais renforce cette non utilisation de la marque Moulinex par SEB en obligeant celle-ci à accorder une licence. Pour cette raison également, la version finale des engagements apparaît comme une "amélioration" par rapport à la version initiale de ceux-ci.
148. De surcroît, même si les tiers n'ont pas explicitement été consultés au sujet de la version initiale des engagements, cette amélioration peut être considérée comme "une réponse immédiate aux résultats de consultations" de tiers destinée à rendre les engagements "praticables et effectifs". En effet, en réponse à la question 25 du questionnaire adressé aux concurrents, la requérante elle-même a souligné qu'une position durable sur chaque marché national de produits concerné présuppose deux éléments très importants: la loyauté des consommateurs à la marque et l'accès aux différents réseaux de distribution. Eu égard à ces éléments de réponse, la Commission a pu logiquement déduire de la consultation des tiers qu'une licence exclusive de la marque Moulinex constituait une réponse immédiate aux problèmes identifiés par ceux-ci, puisque, contrairement au simple retrait de la marque, une telle licence permettait de substituer à Moulinex un opérateur disposant d'une marque notoire et ayant accès aux canaux de distribution.
149. Il ressort d'ailleurs du dossier devant le Tribunal que, dans une note datée du 17 décembre 2001 "sur les engagements éventuels de SEB", De'Longhi a explicitement indiqué à la Commission que "comme alternative à la cession, l'on pourrait prétendre de la part de SEB à un engagement d'octroyer des licences à des tiers acquéreurs pour la marque Moulinex dans tous les marchés nationaux où l'opération entraîne des effets anticoncurrentiels particulièrement importants". Même si, comme elle l'a fait valoir à l'audience, De'Longhi a nuancé cette prise de position dans sa réponse au questionnaire sur les engagements daté du 3 janvier 2002, il n'en demeure pas moins que celle-ci constitue un indice de nature à confirmer que la Commission a pu considérer raisonnablement et en tout cas sans commettre d'erreur manifeste qu'un engagement de licence constituait une réponse immédiate aux consultations des tiers, puisque De'Longhi avait elle-même prôné cette option avant qu'elle ne soit proposée par SEB.
150. Pour l'ensemble de ces raisons, la version modifiée des engagements ainsi que leur version finale peuvent être considérées comme des modifications limitées qui, aux termes du point 37 de la communication sur les mesures correctives, peuvent être acceptées par la Commission en dehors du délai prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447-98.
151. En conséquence, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.
II - Sur le deuxième moyen tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en autorisant l'opération de concentration sans ouvrir la phase II
Arguments des parties
152. La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en n'ouvrant pas, sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89, la phase II, alors que les conditions d'une autorisation au terme de la phase I n'étaient pas réunies étant donné que les engagements soumis par SEB ne permettaient pas d'exclure clairement tous doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération de concentration avec le Marché commun.
153. La requérante rappelle que la communication concernant les mesures correctives prévoit que "les engagements [qui lui sont soumis] lors de la phase I doivent être suffisants pour exclure clairement tous 'doutes sérieux'" quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun. Plus précisément, des engagements pris au cours de la phase I ne pourraient conduire à une autorisation sans ouverture de la phase II que lorsque:
- les problèmes de concurrence soulevés par l'opération sont aisément identifiables;
- lesdits engagements sont suffisants pour exclure clairement tous doutes sérieux et sont, par conséquent, construits de façon à fournir une réponse directe aux problèmes de concurrence identifiés;
- lesdits engagements apparaissent comme une "réponse immédiate" aux résultats des consultations menées par la Commission auprès des opérateurs présents sur le marché et des parties.
154. Ainsi, la Commission conclurait dans sa communication concernant les mesures correctives que:
"Ce n'est que dans certains types de situations que des engagements pourront être acceptés au cours de la phase I. Le problème de concurrence soulevé doit être tellement précis et les mesures correctives tellement claires qu'il n'est pas nécessaire d'engager une enquête approfondie".
155. La requérante relève également que, dans l'affaire Volvo/Scania, précitée, la Commission a rejeté une proposition d'engagements soumise par les parties à la concentration après avoir constaté que:
"Il n'est pas possible de conclure que la nouvelle proposition éliminerait de manière évidente et indiscutable tous les problèmes de concurrence qui ont été relevés. Etant donné la complexité des nouvelles propositions, il aurait été impossible à la Commission de les évaluer efficacement dans le peu de temps qui lui restait avant l'expiration du délai prévu à l'article 10, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations. Une enquête complémentaire aurait été nécessaire et il aurait aussi fallu recueillir les vues des tiers intéressés, conformément aux dispositions applicables en la matière du règlement sur les concentrations".
156. Au regard de ces éléments, la requérante estime que la Commission ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, autoriser l'opération de concentration à l'issue de la phase I. La requérante considère en effet que la Commission ne pouvait estimer avec un degré de certitude suffisant, à l'issue de cette seule phase, que les engagements retenus permettaient de lever l'ensemble des doutes quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun.
157. Trois éléments démontreraient que la Commission n'était pas à même, au terme de la phase I, de déterminer, avec le degré de certitude requis, que les engagements souscrits suffisaient à résoudre l'ensemble des problèmes de concurrence induits par l'opération de concentration.
158. Premièrement, la requérante souligne que, à sa connaissance, la Commission n'a jamais autorisé par le passé d'opération de concentration sur la base uniquement d'engagements de licence de marque, de tels engagements étant toujours utilisés par la Commission en accompagnement ou complément d'autres mesures correctives, telles que des cessions d'actifs. La requérante relève, à cet égard, que la Commission préconise elle-même, au point 16 de sa communication concernant les mesures correctives, que "lorsque le problème de concurrence est dû à un chevauchement horizontal, l'activité la plus appropriée doit être cédée". Selon la requérante, la Commission ne pouvait, par conséquent, disposer d'une expérience lui permettant de déterminer avec un degré de certitude suffisant si un simple engagement de licence de marque était de nature à clairement résoudre les problèmes de concurrence identifiés.
159. Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission ne pouvait disposer d'une visibilité suffisante quant à l'efficacité des engagements retenus. Selon la requérante, à la différence d'un engagement simple de cession, dont les effets sont aisément appréciables par la Commission, l'efficacité d'un engagement de licence de marque est, par nature, plus difficile à évaluer dans la mesure où il dépend de plusieurs paramètres tels que la durée de la licence, la durée de l'abandon subséquent de la marque, le périmètre exact de la licence. De surcroît, le fait que les licences de la marque Moulinex puissent être, dans le schéma d'engagements prévus par la Commission, octroyées à des entreprises différentes selon les produits et les pays concernés, serait de nature à compliquer davantage l'appréciation de l'effet de ces engagements. Dans cette mesure, la requérante est d'avis que la Commission ne pouvait être à même, sans avoir recours à une procédure d'examen approfondie, d'évaluer avec un degré de précision suffisant si le ou les tiers licenciés seraient effectivement en mesure d'exercer un contrepoids réel face à SEB/Moulinex au lendemain de l'opération, pour chacune des gammes de produits et pour chaque pays concerné.
160. Troisièmement, la requérante souligne que le questionnaire visant à apprécier l'efficacité de la version modifiée des engagements soumis par SEB a été adressé aux tiers intéressés le 20 décembre 2001, la réponse étant requise pour le 21 décembre 2001. Or, à son avis, l'extrême brièveté de ce délai de réponse ne pouvait en aucun cas permettre aux tiers interrogés de fournir une opinion précise et circonstanciée quant aux effets prévisibles des engagements proposés. La requérante admet qu'un délai de réponse très court peut, dans certain cas, être accepté s'agissant d'engagements dont les effets sont aisément appréciables, tels que des cessions d'actifs. En revanche, s'agissant d'engagements complexes et de surcroît peu fréquemment pratiqués, un délai d'une journée ne pourrait en aucun cas être considéré comme suffisant pour permettre aux tiers intéressés de présenter une opinion circonstanciée.
161. La Commission conteste avoir commis une erreur de droit en décidant d'autoriser l'opération de concentration à l'issue de la phase I et sans engager de procédure d'enquête approfondie.
Appréciation du Tribunal
162. Il convient de constater, à titre liminaire, que dans la mesure où la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en n'ouvrant pas la phase II alors que les engagements soumis par SEB n'étaient pas suffisants pour permettre d'exclure clairement tous doutes sérieux, elle met en cause l'appréciation d'ordre économique ayant conduit la Commission a accepté les engagements proposés par SEB. À ce titre, ce moyen se confond avec le troisième moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation concernant la capacité des engagements à résoudre les problèmes de concurrence soulevés. Dès lors, cet aspect du présent moyen sera examiné dans le cadre du troisième moyen.
163. Il y a lieu de relever que, aux termes du considérant 8 du règlement n° 1310-97, les engagements pris au cours de la phase I peuvent être acceptés "lorsque le problème de concurrence est aisément identifiable et qu'il peut être facilement résolu". De même, au point 37 de la communication sur les mesures correctives,il est répété que les remèdes de phase I "sont construits de façon à fournir une réponse directe à des problèmes de concurrence aisément identifiables".
164. En l'espèce, force est de constater, en ce qui concerne la nature des problèmes de concurrence en cause, que la requérante n'identifie pas d'autres problèmes de concurrence que ceux identifiés par la Commission dans la décision attaquée.
165. À cet égard, il convient d'ailleurs de relever, qu'en l'espèce, la Commission s'est fondée sur une analyse concurrentielle prudente. En effet, contrairement à ce que soutenaient les parties notifiantes au cours de la procédure administrative, qui considéraient que la dimension géographique des marchés était mondiale, la Commission a retenu, au terme du considérant 30 de la décision attaquée, une définition nationale des marchés géographiques "comme la plus vraisemblable à l'issue de l'examen de première phase". De même, pour apprécier la position concurrentielle de la nouvelle entité à l'issue de la concentration, la Commission a additionné les parts de marché de SEB et de Moulinex en supposant l'absence de pertes de vente de la part de Moulinex, alors même que le contexte de la reprise était susceptible d'entraîner de telles pertes et qu'il est constant que la commercialisation de certains modèles Moulinex avait cessé. Au considérant 42 de la décision attaquée, la Commission a ainsi considéré qu'il ne pouvait être exclu "à tout le moins à l'issue d'une première phase d'enquête, que l'entité combinée soit en mesure de restaurer la capacité concurrentielle de Moulinex à son niveau d'avant la mise en redressement judiciaire".
166. Il convient dès lors d'admettre que la Commission a identifié avec précision les problèmes de concurrence soulevés par l'opération de concentration en cause.
167. La requérante avance trois éléments en vue d'établir que la Commission ne pouvait estimer avec un degré de certitude suffisant que les engagements proposés permettaient de lever les doutes quant à la compatibilité de l'opération de concentration et qu'elle a dès lors commis une erreur de droit en autorisant l'opération à l'issue de la phase I. Ces éléments concernent, premièrement, la nature des engagements, deuxièmement, la visibilité insuffisante dont disposait la Commission pour apprécier l'efficacité des engagements et, troisièmement, le délai imparti aux tiers pour effectuer des commentaires sur les engagements.
168. En ce qui concerne, en premier lieu, la nature des engagements proposés, il convient de rappeler que, en l'espèce, ces engagements consistent en la conclusion d'accords exclusifs de licence de la marque Moulinex dans neuf Etats membres portant sur l'ensemble des treize produits concernés pendant une durée de cinq ans et en l'engagement du groupe SEB, pendant la durée du contrat de licence et pendant une durée de trois ans après son expiration, de s'interdire toute commercialisation sous la marque Moulinex.
169. Ni le règlement n° 4064-89 ni la communication sur les mesures correctives ne prévoient expressément quel type d'engagements peut ou doit être accepté à l'issuede la phase II ou dans le cadre de la phase I. Le règlement n° 4064-89 visant à empêcher la création ou le renforcement de structures de marché susceptibles d'entraver significativement la concurrence effective dans le Marché commun, les engagements proposés doivent toutefois être de nature à permettre à la Commission de conclure que l'opération de concentration en cause ne crée ou ne renforce pas une position dominante. Il n'y a, à cet égard, pas de différence de nature entre les engagements pris au cours de la phase I et ceux pris au cours de la phase II, même si les premiers, compte tenu du fait qu'une étude de marché approfondie n'est pas effectuée au cours de la phase I, ne doivent pas seulement permettre de conclure que l'opération ne crée ou ne renforce pas une position dominante, mais doivent en outre être suffisants pour exclure clairement tous doutes sérieux à cet égard.
170. Même si la cession d'actifs constitue souvent la mesure corrective la plus adéquate pour remédier facilement à un problème de concurrence, en particulier en cas de chevauchement horizontal, il ne saurait, a priori, être exclu qu'un accord de licence puisse constituer une mesure adéquate pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés. Ainsi, dans son arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission (T-102-96, Rec. p. II-753, point 319), le Tribunal a admis que l'"on ne saurait exclure a priori que des engagements à première vue de type comportemental, tels que la non-utilisation d'une marque pendant une certaine période ou la mise à la disposition des tiers concurrents d'une partie de la capacité de production de l'entreprise issue de la concentration, ou plus généralement l'accès à une infrastructure essentielle dans des conditions non discriminatoires, soient de nature eux aussi à empêcher l'émergence ou le renforcement d'une position dominante".
171. La circonstance, soulignée par la requérante, selon laquelle la Commission n'aurait jamais autorisé par le passé d'opération de concentration sur la base uniquement d'engagements de licence de marque, est dépourvue de pertinence. Il ne saurait en effet être reproché à la Commission d'avoir accepté les engagements proposés par SEB pour la seule raison qu'elle n'aurait jamais autorisé de concentration sur la base uniquement d'engagements de licence de marque auparavant si ceux-ci sont susceptibles de résoudre de manière efficace les problèmes de concurrence identifiés. Cette question, qui touche au contenu des engagements, sera examinée dans le cadre du moyen tiré du caractère insuffisant des engagements.
172. Il ressort en outre du dossier que, durant la procédure administrative, plusieurs tiers, dont De'Longhi, ont d'ailleurs indiqué à la Commission qu'un accord de licence pouvait, dans certaines conditions, être suffisant pour résoudre les problèmes de concurrence identifiés en l'espèce (voir point 149 ci-dessus).
173. Il n'est pas contesté que les marques revêtent une importance primordiale dans le secteur affecté par l'opération de concentration et constituent l'un des principaux facteurs de choix pour les consommateurs finaux. Les offres de reprise de Moulinex ont d'ailleurs porté presque exclusivement sur les marques de ce groupe plutôt que sur les unités de production, la requérante elle-même s'étant montrée intéressée surtout par l'acquisition de la marque Krups. Il n'est pas contesté que, en l'espèce, une cession d'actifs corporels n'aurait eu qu'une incidence marginale sur la structure de la concurrence. Quant à exiger la cession des actifs incorporels constitués par les droits de marque, cela revenait, en substance, à interdire partiellement la concentration, ce qui aurait été contraire au principe de proportionnalité si des engagements de licence de marque étaient de nature à éviter la création ou le renforcement d'une position dominante de SEB/Moulinex.
174. Force est de constater que la requérante n'établit pas que la Commission n'était pas à même de déterminer si le ou les tiers licencié(s) serai(en)t en mesure d'exercer un contrepoids réel face à SEB/Moulinex. Il y a lieu d'observer à cet égard que, au contraire, la Commission a inclus, dans la version finale des engagements, un considérant sur la qualité du licencié et a imposé que le ou les bénéficiaire(s) de la licence lui soi(en)t soumis pour agrément, qu'il(s) soi(en)t viable(s) et indépendant(s) et qu'il(s) possède(nt) les compétences pour exercer une concurrence effective sur le marché concerné.
175. Enfin, contrairement à ce qu'allègue la requérante, il ressort des engagements proposés par SEB qu'il ne pourra y avoir plusieurs licenciés dans un seul pays, les engagements prévoyant expressément au point 1, sous a) que la licence est exclusive dans chacun des Etats membres concernés et au point 1, sous c) que la licence portera sur tous les appareils du petit électroménager et que ni le licencié ni SEB ne pourront utiliser la marque Moulinex pour d'autres produits.
176. En ce qui concerne, en deuxième lieu, le grief selon lequel la Commission ne pouvait disposer d'une visibilité suffisante quant à l'efficacité des engagements retenus, il suffit de relever que, même si l'efficacité d'une licence de marque dépend de plusieurs facteurs plus difficiles à contrôler qu'une cession d'actifs, il ne saurait cependant être exclu, a priori, que la Commission soit à même d'en apprécier les paramètres pertinents dans le cadre de la phase I.
177. Force est d'ailleurs de constater que la Commission a précisément pris en considération tous les critères cités par la requérante et a pu les tester dans le marché. À la suite de son propre examen et des réponses fournies par les tiers consultés, la Commission a ainsi été à même de mieux identifier les insuffisances des engagements proposés initialement et d'y apporter les améliorations nécessaires en ce qui concerne la durée de la licence, la durée de l'abandon subséquent de la marque et le périmètre exact de la licence. La version finale des engagements prévoit ainsi, en particulier:
- la prolongation de deux ans de la durée de l'accord de licence et de la durée de l'obligation de non-concurrence ultérieure, initialement prévue pour, respectivement, une durée de trois ans et d'un an [point 1, sous c), premier alinéa, des engagements];
- l'extension des accords de licence à tous les produits concernés et l'interdiction pour SEB de commercialiser tous produits (même non concernés) sous la marque Moulinex dans les neuf Etats membres concernés [points 1, sous a) et 1, sous c), deuxième alinéa, des engagements];
- la suppression de l'obligation pour les licenciés de s'approvisionner pour certains produits concernés auprès de SEB (sous réserve du cas particulier de l'Allemagne) [point 1, sous d) des engagements];
- l'obligation pour les candidats licenciés d'être actuellement présents sur le marché ou potentiellement capables d'y entrer [point 1, sous g) des engagements].
178. Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que les engagements étaient d'une ampleur et d'une complexité telles que la Commission se trouvait dans l'impossibilité de déterminer avec le degré de certitude voulu qu'une concurrence effective serait rétablie sur le marché, puisque la version finale des engagements reflète, dans une large mesure, les critiques formulées par les tiers. Force est également de constater que, pour la même raison, les engagements acceptés par la Commission étaient suffisamment précis pour permettre à la Commission d'en apprécier tous les éléments.
179. En ce qui concerne, en troisième lieu, le temps imparti aux tiers pour effectuer leurs commentaires, il convient de rappeler que, au point 34 de sa communication sur les mesures correctives, la Commission prévoit:
"34 Pour pouvoir être pris en considération dans une décision fondée sur l'article 6, paragraphe 2, les engagements proposés doivent remplir les conditions suivantes:
a) ils doivent être présentés dans les délais, au plus tard le dernier jour du délai de trois semaines imparti;
[...]
Ces engagements doivent également être communiqués à la Commission dans une version non confidentielle pour lui permettre de consulter les acteurs du marché".
180. La requérante se plaint de ce qu'elle a dû rendre, pour le 21 décembre 2001, ses observations sur la version modifiée des engagements qui lui avait été soumise le 20 décembre 2001. Ainsi que le souligne la Commission, il ressort toutefois du dossier que ce grief manque en fait, la lettre de la Commission indiquant expressément que le délai imparti arrivait à expiration le 2 janvier 2002 et non le 21 décembre 2001. Il s'ensuit que les tiers, dont la requérante, ont disposé d'un délai de douze jours pour déposer leurs observations sur la version modifiée des engagements. Ce délai est manifestement plus que suffisant, en particulier, eu égard aux impératifs de célérité de la procédure de contrôle des concentrations. Ainsi, dans l'arrêt Kaysersberg/Commission, précité, le Tribunal a validé un délai de 24 heures accordé aux tiers pour prendre position sur la nouvelle version des engagements. Il convient également d'observer que si la requérante conteste le temps qui lui a été imparti pour commenter les dernières propositions d'engagements, elle ne conteste pas, en revanche, qu'elle a été en mesure, en dépit du temps bref qui lui était imparti, de déposer des commentaires écrits sur la version modifiée des engagements. Enfin, la requérante n'avance aucun élément de nature à démontrer en quoi un délai plus long lui aurait permis d'apporter des éléments de nature à modifier la décision attaquée. Il est à cet égard pertinent de relever que les critiques de la requérante devant le Tribunal sont substantiellement les mêmes que celles formulées au cours de la procédure administrative. Dans ces circonstances, force est de conclure que la Commission a adopté la décision attaquée en pleine connaissance de cause, après avoir consulté utilement les tiers sur l'efficacité des mesures proposées pour résoudre les problèmes de concurrence identifiés.
181. Il résulte de ce qui précède que ni les problèmes de concurrence en cause ni la nature des engagements proposés par SEB ou le délai imparti aux tiers n'étaient de nature à empêcher la Commission de considérer que les doutes sérieux pouvaient être dissipés au terme de la phase I.
182. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en n'ouvrant pas la phase II doit être rejeté.
III - Sur le troisième moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que les engagements étaient insuffisants pour pallier les problèmes de concurrence soulevés
183. La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que les engagements pris par SEB sont insuffisants pour pallier les problèmes de concurrence soulevés par l'opération de concentration.
184. Ce moyen se décompose en cinq branches. La requérante considère que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où:
- l'engagement de licence de marque n'est pas, par nature, susceptible de résoudre les problèmes de concurrence induits par l'opération de concentration;
- les engagements sont d'une durée insuffisante;
- l'engagement d'approvisionnement sur le marché allemand et les conditions attachées à la faculté d'approvisionnement pour tous les licenciés auront pour effet de renforcer la position de SEB/Moulinex;
- le fait que la Commission ait accepté que la même marque puisse être exploitée par des entreprises différentes au sein de l'Union européenne est de nature à susciter des comportements collusifs entre SEB/Moulinex et le ou les tiers licencié(s);
- aucun engagement n'est imposé sur des marchés présentant pourtant des problèmes sérieux de concurrence.
185. De'Longhi soutient par ailleurs que les engagements réalisent un partage de marché portant sur la marque Moulinex.
Sur la première branche tirée de ce qu'un engagement de licence de marque n'est pas, par nature, susceptible de résoudre les problèmes de concurrence induits par la concentration
A - Arguments des parties
186. La requérante considère que l'engagement de licence de marque n'est pas, par nature, susceptible de résoudre les problèmes de concurrence en l'espèce. Ainsi, un simple engagement de licence de marque ne permettrait pas de compenser les effets négatifs d'une part de marché de l'ordre de 40 % sur le marché du petit électroménager de cuisine pris dans son ensemble, en dehors de la France.
187. La requérante note que dans sa communication concernant les mesures correctives, la Commission elle-même souligne que:
- lorsque le problème de concurrence est dû à un chevauchement horizontal, l'activité la plus appropriée doit être cédée (point 16);
- dans certains cas exceptionnels, une cession ne comprenant que des marques et les actifs de production correspondants peut suffire à créer les conditions d'une concurrence effective. Dans de telles conditions, toutefois, il faut "convaincre la Commission que l'acquéreur est capable d'intégrer ces actifs de façon effective et immédiate" (point 18).
188. Elle observe que, en revanche, la Commission n'envisage pas, dans cette communication, qu'une licence de marque puisse être de nature à résoudre, à elle seule, des problèmes de chevauchements horizontaux. La Commission n'aurait d'ailleurs jamais auparavant imposé, en guise d'engagement, une mesure de licence de marque, non accompagnée d'autres mesures correctives, telles que la cession de marques et d'activités, la cession de capacités de production, le transfert d'une partie du personnel commercial, administratif et de la main d'œuvre attachée au site industriel cédé [voir, par exemple, la décision 96-435-CE de la Commission, du 16 janvier 1996, relative à une procédure d'application du règlement n° 4064-89 déclarant une concentration compatible avec le Marché commun et lefonctionnement de l'accord sur l'EEE (Affaire IV/M.623 - Kimberly-Clark/Scott), JO L. 183 p. 1].
189. À titre d'exemple, la requérante se réfère à la décision de la Commission du 27 juillet 2001 déclarant la compatibilité avec le Marché commun d'une concentration (Affaire n° IV/M.2337 - Nestlé/Ralston Purina, JO C. 239, p. 8), dans laquelle la Commission aurait requis des engagements de cession de marques de nature à éliminer les chevauchements horizontaux d'activités des parties et à replacer la nouvelle entité à un niveau de part de marché équivalent à celui que Ralston Purina détenait la veille de l'opération. En outre, la Commission aurait requis la cession de l'ensemble des produits de la gamme concernée par les engagements, de façon à permettre au repreneur de la marque de ne pas subir la concurrence indirecte de Nestlé/Ralston Purina. Des mesures similaires auraient été décidées par la Commission dans l'affaire Kimberly-Clark/Scott, précitée.
190. La Commission conteste qu'un engagement de licence de marque ne soit pas susceptible de résoudre les problèmes de concurrence induits par l'opération.
B - Appréciation du Tribunal
191. Il convient de rappeler, tout d'abord, que, ainsi qu'il a été relevé dans le cadre du moyen précédent, rien ne permet d'exclure a priori qu'un engagement de type comportemental tel qu'un engagement de licence de marque soit de nature à résoudre les problèmes de concurrence posés par une concentration et que la question pertinente n'est pas de savoir si la Commission a déjà accepté des opérations de concentration sur la base uniquement d'engagements de licence de marque mais si de tels engagements étaient, en l'espèce, de nature à empêcher la création ou le renforcement d'une position dominante.
192. Il est constant, à cet égard, que les marques constituent le facteur de concurrence primordial sur les marchés en cause. De nombreux fabricants ont d'ailleurs choisi d'externaliser tout ou partie de leur production et de ne conserver que les marques, les forces de vente et les équipes de marketing.
193. Par ailleurs, il est constant que la durée de vie moyenne des produits du petit électroménager étant de l'ordre de trois années, une licence de marque d'une durée de cinq ans assortie d'un délai supplémentaire de trois ans pendant lequel SEB interdit toute commercialisation sous la marque Moulinex d'appareils du petit électroménager est de nature à permettre aux licenciés de faire migrer les clients des produits de Moulinex vers leur propre marque. Il en est d'autant plus ainsi, que, aux termes des engagements, le ou les licenciés devront être viables, indépendants, posséder les compétences pour exercer une concurrence effective sur le marché concerné et, en tout état de cause, être approuvés par la Commission.
194. Il convient de rappeler, également, que l'octroi d'une licence de marque est un remède qui a été envisagé et demandé par des tiers à l'opération de concentration.Ce remède est donc apparu comme approprié pour résoudre les problèmes de concurrence posés en l'espèce.
195. Il s'ensuit que, sous réserve de la question de savoir si l'engagement est d'une durée suffisante, laquelle sera examinée ci-dessous, les engagements de licence de marque offerts par SEB sont susceptibles d'être de nature à résoudre les problèmes de concurrence induits par l'opération de concentration en cause.
196. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les exemples cités par la requérante. D'une part, plusieurs allégations de la requérante sont erronées en fait. Ainsi, les parts de marché moyennes de SEB/Moulinex dans le secteur du petit électroménager en Europe sont inférieures à 30 % et ne sont donc pas de 40 %. De même, dans l'affaire Nestlé/Ralston Purina, la Commission n'a pas exigé de cessions de marques pour les marchés espagnols, mais a accepté, comme l'une des deux options, des engagements par lesquels les parties acceptaient d'accorder des licences de marque pour une durée totale d'environ huit ans (comprenant deux phases), ce qui permettait d'établir la nouvelle marque sur le marché (considérant 68 de la décision Nestlé/Ralston Purina, précitée). D'autre part, en tout état de cause, la requérante n'a pas établi que les marchés et les problèmes posés par ces concentrations présentaient des caractéristiques fondamentalement analogues à celles en l'espèce. La circonstance, à la supposer établie, que la Commission ait estimé que des engagements ne portant que sur des licences de marque n'étaient pas de nature à résoudre les problèmes de concurrence posés par une certaine concentration ne signifie pas que de tels engagements ne sont pas suffisants pour éliminer les risques de création ou de renforcement d'une position dominante découlant d'une autre concentration opérée sur un autre marché présentant des caractéristiques différentes.
Sur la deuxième branche tirée de ce que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant des engagements d'une durée insuffisante
A - Arguments des parties
197. La requérante allègue que les engagements acceptés par la Commission sont d'une durée insuffisante. Selon la requérante, le retour à une concurrence effective implique en effet que l'éventuel repreneur de la marque Moulinex ait les moyens de développer les marques concernées et qu'il y soit incité. Dans la décision attaquée (considérant 36), la Commission reconnaîtrait d'ailleurs elle-même que "les marques sont l'un des principaux facteurs de choix pour les consommateurs finaux et constituent donc l'un des éléments majeurs de la concurrence entre producteurs de petit électroménager". Selon BaByliss, cette position est justifiée par le fait que, dans un secteur où les caractéristiques technologiques des produits ne constituent pas un facteur déterminant l'achat du produit par le consommateur, l'image de marque joue un rôle essentiel pour la fidélisation de la clientèle par les fabricants.
198. Dans ce contexte, la notoriété des marques serait l'un des éléments majeurs des marchés concernés et le maintien d'une telle notoriété à un niveau élevé supposerait des investissements publicitaires lourds, afin de venir à bout des habitudes des consommateurs et des barrières liées à la réputation des acteurs solidement établis. De l'avis de la requérante, de tels investissements ne peuvent être amortis économiquement que sur de très longues périodes et dans la mesure où tous les bénéfices des investissements reviennent à leurs auteurs. Dès lors, alors que les entreprises déjà actives sur le marché pourraient se contenter d'efforts publicitaires relativement mesurés, visant à entretenir une image déjà construite, il en irait différemment pour un nouvel entrant, notamment en présence d'un groupe puissant, comprenant des marques de grande notoriété.
199. La requérante fait valoir que les publications économiques démontrent de façon très précise qu'un industriel rationnel sous-investira systématiquement s'il ne peut espérer qu'une partie seulement de son investissement en retour. Par conséquent, un repreneur qui ne serait pas propriétaire des marques et qui serait donc placé en position d'investir pour accroître la notoriété de celles-ci tout en sachant qu'il devra ultérieurement les restituer à un concurrent, n'aurait aucune incitation à maintenir ou développer les marques. Il en résulterait un affaiblissement très fort des marques reprises. La durée de la licence et de la période de non-exploitation qui doit lui faire suite serait ainsi déterminante pour l'efficacité de l'engagement.
200. À titre d'exemple, la requérante note que, dans l'affaire Kimberly-Clark/Scott, précitée, où l'entité issue de l'opération aurait détenu une position de leader sur le marché du papier d'entretien au Royaume-Uni et en Irlande, avec une part de marché cumulée comprise entre 50 et 60 %, la Commission a requis la conclusion d'un accord de licence des marques concernées d'une durée totale de quinze ans.
201. La décision C (2001) 3014 final de la Commission, du 10 octobre 2001, déclarant une opération de concentration incompatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE (affaire COMP/M.2283 - Schneider/Legrand), consacrerait explicitement cette approche lorsqu'elle constate:
"L'enquête de la Commission a confirmé l'inconvénient de ne pas bénéficier dès le début de sa propre marque et a montré qu'un repreneur aurait besoin d'une période longue (de l'ordre de sept années) pour mener à bien la substitution de marque proposée. Parallèlement, l'enquête de la Commission montre qu'un repreneur aurait dû être protégé par des clauses de non-rentrée sur les marchés concernés sous la marque initiale pour une durée supérieure à 10 ans".
202. La requérante estime que les éléments relevés par la Commission pour caractériser l'insuffisance des engagements proposés dans l'affaire Schneider/Legrand sont directement transposables au cas d'espèce.
203. Dès lors, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant, en l'espèce, qu'un engagement de licence de marque d'une durée de cinq ans associé à un engagement de SEB de non-exploitation de la marque Moulinex pour une durée supplémentaire de trois ans "donnera la possibilité au licencié de faire migrer les produits de Moulinex vers sa propre marque avec des pertes limitées au profit de SEB lorsque ce dernier sera en mesure de réintroduire la marque Moulinex sur les marchés en cause".
204. La Commission, soutenue par SEB, conteste avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant des engagements d'une durée prétendument insuffisante.
B - Appréciation du Tribunal
205. En vue d'examiner les griefs de la requérante concernant la durée des engagements, il convient de rappeler que, aux termes du point 1, sous a), second alinéa, des engagements, ces derniers ont pour objectif d'autoriser l'usage de la marque Moulinex en association avec une marque propre du licencié, dans le but de permettre au licencié, pendant et après cette période de "co-branding", d'établir ou de renforcer sa propre marque sur le marché en cause. À cette fin, pendant la durée des licences de la marque Moulinex, le licencié sera autorisé soit à utiliser immédiatement la marque Moulinex en association avec sa marque propre, soit à l'utiliser seule, temporairement, afin de procéder à un "co-branding". Selon cette même disposition, le licencié sera également libre de passer du "co-branding" à sa propre marque à tout moment pendant la durée de la licence.
206. Il y a aussi lieu de rappeler que, afin d'assurer cet objectif, les engagements prévoient, aux termes du point 1, sous g), troisième alinéa, que les licenciés devront être des opérateurs disposant d'une marque propre pouvant être associée à la marque Moulinex, à l'exception des opérateurs ayant une activité principale de vente au détail.
207. Il résulte de ce qui précède que l'objectif des engagements est non pas de permettre l'exploitation de la marque Moulinex en tant que telle par chacun des licenciés, mais de permettre à ces derniers, au cours d'une période transitoire durant laquelle ils seront en droit d'utiliser leur propre marque en association avec la marque Moulinex, d'assurer la migration de la marque Moulinex vers les marques propres des licenciés afin que celles-ci soient en mesure d'exercer une concurrence effective sur la marque Moulinex au-delà de cette période transitoire, lorsque SEB sera à nouveau en droit d'utiliser la marque Moulinex dans les neuf Etats membres concernés.
208. En conséquence, contrairement à ce que soutient la requérante, les engagements ne visent pas à introduire dans les neuf Etats membres concernés une nouvelle marque, mais à permettre aux licenciés d'établir ou de renforcer leur marque propre en tant que marque concurrente effective de la marque Moulinex.
209. Par ailleurs, l'objectif des engagements étant de permettre aux licenciés d'établir ou de renforcer leur marque propre en tant que marque concurrente effective dela marque Moulinex, la circonstance alléguée par la requérante, selon laquelle, eu égard à sa forte part de marché actuelle, à son portefeuille de marques et à la notoriété de la marque Moulinex, SEB sera en mesure de réintroduire facilement la marque Moulinex dans les neuf Etats membres en cause, est sans pertinence. En effet, la question n'est pas de savoir si SEB sera en mesure de réintroduire la marque Moulinex dans les Etats membres concernés, ce qu'il convient au demeurant de supposer pour vérifier le caractère suffisant des engagements acceptés dans la décision attaquée, mais de savoir si les licenciés seront en mesure d'établir ou de renforcer leur propre position en tant que concurrents effectifs de SEB.
210. Il convient dès lors de vérifier si la durée de la période transitoire instituée par les engagements est suffisante pour atteindre cet objectif.
211. À cet égard, il convient, premièrement, de relever que, aux termes du point 1, sous c), premier alinéa, des engagements, chacun des contrats de licence de la marque Moulinex dans les neuf Etats membres concernés aura une durée de cinq ans. Par ailleurs, aux termes de la même disposition et du point 1, sous c), deuxième alinéa, SEB s'interdit, pendant la durée du contrat de licence et pendant une durée de trois ans après son expiration, la commercialisation sous la marque Moulinex, dans les neuf Etats membres concernés, des appareils du petit électroménager faisant partie de l'une ou de l'autre des treize catégories de produits en cause, ainsi que d'autres appareils à usage domestique non compris dans ces familles de produits, tels que les aspirateurs ou les fours à micro-ondes.
212. Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que suggère la requérante, la durée totale des engagements en vertu desquels SEB ne pourra commercialiser des produits sous la marque Moulinex est non pas de cinq ans, mais de huit ans, à savoir la durée de cinq ans d'une première période pendant laquelle le licencié aura le droit exclusif d'utiliser la marque Moulinex seule ou en association avec sa propre marque et la durée de trois ans d'une deuxième période pendant laquelle SEB s'interdira toute commercialisation sous la marque Moulinex dans les pays en cause. Il s'ensuit que, pendant huit ans, SEB sera privée du droit d'utiliser la marque Moulinex dans les Etats membres concernés.
213. Il résulte également desdites dispositions que toute utilisation de la marque Moulinex cessera, dans les neuf Etats membres concernés, pendant une période d'au moins trois ans et, du moins en théorie, de huit ans au plus. En effet, aux termes des engagements, chaque licencié demeure libre de choisir le moment où il décide de passer du "co-branding" à sa seule marque propre. Dans son mémoire en intervention, SEB a ainsi indiqué au Tribunal que les candidats actuels à l'octroi d'une licence envisageaient de migrer du "co-branding" vers leur marque propre après une période de trois à quatre ans, ce qui aura pour conséquence que, dans les Etats membres concernés, la marque Moulinex disparaîtra pendant une période d'environ cinq ans.
214. Une telle absence de la marque Moulinex des espaces de vente permettra aux licenciés d'asseoir durablement la notoriété de leur propre marque. En outre, une telle absence implique également que SEB ne sera pas en mesure de récupérer automatiquement les positions détenues par Moulinex lorsqu'elle pourra réintroduire la marque sur les marchés en cause à l'issue de la période d'abandon.
215. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a constaté, sans être contredite par la requérante sur ce point, que la durée de vie moyenne des produits du petit électroménager est de l'ordre de trois ans.
216. Il apparaît dès lors que la durée des engagements couvrira quasiment une période correspondant à trois cycles de produits, tandis que la période pendant laquelle toute utilisation de la marque Moulinex cessera correspond au moins à un cycle de produits.
217. À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a souligné à juste titre, sans être contredite par la requérante sur ce point, que sur un marché voisin de celui des produits concernés, à savoir le marché des produits du gros électroménager, Whirlpool a réussi la migration de la marque Philips à la marque Whirlpool en trois années, entre 1990 et 1993, ce qui correspond au cycle de vie du produit. Cette migration s'est effectuée alors que la marque Philips a continué à être présente et à être soutenue par Philips sur des marchés adjacents. La Commission a également relevé, à titre de comparaison, que dans des marchés de produits similaires, Dyson est devenu le leader du marché britannique des aspirateurs en moins de cinq ans, Colgate a atteint une part de marché significative sur le marché français de la brosse à dents électrique en l'espace d'un an et Moulinex, initialement absente du secteur des appareils de cuisson électrique (repas informels), a réussi en cinq ans à obtenir entre 5 et 15 % de part de marché dans les différents pays européens.
218. Il convient aussi d'observer que, dans la communication relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration (JO 2001, C. 188, p. 5, point 15), la Commission a indiqué que, en cas de cession d'entreprise, la durée acceptable de l'interdiction de concurrence imposée au vendeur afin de garantir le transfert à l'acquéreur de la valeur complète des actifs cédés est de trois ans maximum lorsque la cession de l'entreprise s'étend à l'achalandage et au savoir-faire et de deux ans lorsqu'elle s'étend uniquement à l'achalandage. Or, en l'espèce, la durée pendant laquelle SEB s'interdit d'utiliser la marque Moulinex dans les territoires des licenciés sera de huit ans.
219. Contrairement à ce que soutient la requérante, loin de sous-investir systématiquement du fait qu'il ne sera pas propriétaire de la marque, le licencié sera, au contraire, incité à investir fortement dans le développement de sa propre marque, dont il sera le propriétaire, après avoir bénéficié dans un premier temps du soutien de la marque Moulinex pour la lancer ou la renforcer. Le but desengagements n'étant pas d'exploiter la marque Moulinex pendant une durée de cinq ans, mais de permettre la migration de la marque Moulinex vers d'autres marques, le ou les licenciés auront dès lors tout intérêt à investir sur leur propre marque afin de prolonger dans le temps les bénéfices retirés de l'exploitation de la marque Moulinex durant les premières années. La période d'association entre les deux marques n'est donc qu'une étape nécessaire au passage vers la propre marque du licencié. Dans ces conditions, le retour sur investissement se poursuivra bien après le délai de huit ans prévu par les engagements et ne s'arrêtera pas à la date à laquelle il sera possible pour SEB de réutiliser la marque Moulinex.
220. Deuxièmement, il convient de relever que, aux termes du point 1, sous g), premier alinéa, les licenciés doivent être "des opérateurs actuellement présents sur le marché ou potentiellement capables d'y entrer, viables, indépendants sans aucun lien avec le groupe SEB, possédant les compétences et la motivation nécessaires pour exercer une concurrence active et effective sur les marchés concernés". De plus, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, aux termes du point 1, sous g), troisième alinéa, les licenciés devront disposer d'une marque propre pouvant être associée à la marque Moulinex, à l'exception des opérateurs ayant une activité principale de vente au détail.
221. Force est de constater que ces dispositions, en limitant l'octroi des licences à des opérateurs déjà présents sur le marché, ou susceptibles d'y pénétrer à court terme, et possédant une marque propre, sont de nature à contribuer de manière efficace à ce que les licenciés deviennent des concurrents effectifs dans le délai prévu par les engagements. Ceci est encore renforcé par le fait que, bien qu'ils disposent de marques propres, les opérateurs ayant une activité principale de vente au détail sont, aux termes du point 1, sous g), troisième alinéa, des engagements, néanmoins exclus du cercle des bénéficiaires potentiels d'une licence de la marque Moulinex. En effet, aux considérants 27, sous d) et 37, de la décision attaquée, la Commission a constaté, sans être contredite par la requérante sur ce point, que les marques propres de ces opérateurs, à savoir les "marques de distributeurs", ont une faible présence sur les marchés en cause.
222. Eu égard à ces circonstances, il convient de conclure que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la durée des engagements est suffisante pour permettre aux licenciés de la marque Moulinex d'établir ou de renforcer leur marque propre en tant que marque concurrente effective de la marque Moulinex dans les neuf Etats membres concernés.
223. Partant, les griefs de la requérante quant à la durée des engagements doivent être rejetés.
224. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les deux décisions citées par la requérante. En effet, les caractéristiques des deux marchés visés dans les affaires Kimberly-Clark/Scott et Schneider/Legrand ne sont pas comparables avec celles desmarchés en cause dans la présente affaire de sorte que, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la comparaison alléguée par la requérante est dépourvue de pertinence.
225. Ainsi, dans l'affaire Kimberly-Clark/Scott, la longue durée des engagements (licence d'une durée maximale de dix ans assortie d'une période de non-utilisation de cinq ans) était justifiée, selon l'affirmation de la Commission non contestée par Kimberly-Clark, car l'introduction d'une nouvelle marque sur le marché du papier toilette, essuie-tout et mouchoirs en papier était particulièrement difficile dans la mesure où il n'existait que deux marques importantes (Kleenex et Andrex), les autres marques ne bénéficiant que de peu de promotion et de peu de fidélité de la part de la clientèle. En revanche, dans la présente affaire, il existe des marques établies vers lesquelles les clients des marques Moulinex pourront migrer.
226. De même, dans l'affaire Schneider/Legrand, outre le fait que la décision de la Commission a été annulée par le Tribunal, la proposition des parties d'offrir une option pour utiliser plusieurs marques pendant trois ans avait été rejetée, car l'enquête de marché avait montré qu'un repreneur aurait besoin d'une période de l'ordre de sept années pour mener à bien la substitution de marque proposée, la durée de vie des produits électriques "basse tension" étant très longue alors que celle des appareils du petit électroménager est courte. En outre, Schneider proposait que la marque, sur le même marché national, soit scindée et utilisée par Schneider et par le licencié, tandis que, en l'espèce, il n'y aura pas de produits de la marque Moulinex issus de deux entreprises différentes sur un même marché dans la mesure où les engagements prévoient une licence exclusive et une interdiction subséquente d'utilisation de la marque Moulinex.
Sur la troisième branche tirée de ce que l'engagement d'approvisionnement sur le marché allemand et les conditions attachées à la faculté d'approvisionnement pour tous les licenciés auront pour effet de renforcer la position de SEB/Moulinex
A - Arguments des parties
227. La requérante soutient que, s'agissant des préparateurs culinaires en Allemagne, l'obligation du licencié de la marque Moulinex, pour une durée de deux ans, de s'approvisionner pour tous les appareils relevant de cette famille auprès de SEB, à hauteur de 65 % des ventes effectuées par Moulinex dans cette famille de produits en 2000, est de nature à renforcer davantage la position de SEB/Moulinex sur le marché allemand.
228. Premièrement, la requérante fait valoir qu'une telle obligation assure à SEB/Moulinex un débouché garanti pour sa production. Dans cette mesure, elle permettrait à SEB/Moulinex de bénéficier d'économies d'échelle supérieures et contribuerait ainsi à abaisser le niveau de ses coûts marginaux de production.
229. Deuxièmement, la requérante considère que le fait que SEB accepte d'approvisionner le licencié aux conditions économiques moyennes de cessioninterne pratiquées au sein du groupe SEB, entre les sociétés industrielles et les filiales commerciales, sur le(s) territoire(s) en question, empêchera le licencié d'avoir recours aux sources d'approvisionnement moins coûteuses qu'il serait susceptible d'identifier. Dès lors, le licencié ne pourrait exercer une concurrence par les prix à l'encontre de SEB qu'en jouant sur le niveau de sa marge.
230. Troisièmement, la requérante est d'avis que cette mesure est de nature à retirer au licencié toute incitation à proposer une offre technologiquement innovante, dans la mesure où elle permet à SEB, leader sur le marché, de définir les normes techniques des différents produits, supprimant ainsi toute concurrence quant aux caractéristiques des produits.
231. Enfin, quatrièmement, la requérante estime que cette mesure n'est pas indispensable à l'activité du licencié. En particulier, elle considère que le simple fait d'accorder au licencié la faculté de s'approvisionner auprès de SEB, ainsi que cela est prévu pour les autres pays, aurait suffi à lui permettre d'exercer son activité, quand bien même il ne disposerait pas des capacités de production nécessaires.
232. Dans ces conditions, la requérante conclut que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant un engagement de nature à induire un renforcement de la position de SEB/Moulinex sur le marché allemand.
233. À titre subsidiaire, la requérante souligne que les aspects de l'engagement relatif aux approvisionnements auprès de SEB/Moulinex pourraient être de nature à restreindre davantage la concurrence par les prix sur les segments de marché concernés.
234. D'une part, elle relève que l'engagement prévoit la faculté du licencié de s'approvisionner auprès de SEB/Moulinex pour un ou plusieurs des produits ou pays concernés. Toutefois, dans l'hypothèse où le licencié souhaiterait s'approvisionner auprès de SEB pour les produits Moulinex, "une telle fourniture devrait correspondre alors à un volume de 65 % des ventes en 2000 sous la marque Moulinex" (considérant 132 de la décision attaquée). De l'avis de BaByliss, une telle obligation assure à SEB un débouché garanti, alors qu'elle supprime toute liberté du licencié de choisir ses sources d'approvisionnement.
235. D'autre part, la requérante fait valoir que le fait de contraindre le licencié à s'approvisionner auprès de SEB/Moulinex à hauteur minimum de 65 % des ventes effectuées par Moulinex au cours de l'année 2000 est susceptible d'induire un effet d'homogénéisation des prix de vente de SEB/Moulinex et du licencié pour les produits concernés. Selon la requérante, le licencié partagera en effet avec SEB/Moulinex l'intégralité de ses coûts de production, et pour une proportion probablement très significative de ses besoins totaux pour le produit concerné. Un tel degré de similitude des structures de coûts serait susceptible de conduire à un alignement mécanique ou collusif des prix de vente des produits concernés dans la mesure où la concurrence par les prix ne pourra plus s'exercer que sur les coûts decommercialisation et sur le niveau de la marge du licencié. La requérante considère que plus les marchés situés en aval de celui de la vente des produits finis sont concentrés et plus les risques de comportement collusif sont forts. La Commission soulignerait explicitement l'existence de tels risques dans ses lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 81 du traité CE aux accords de coopération horizontale (JO 2001, C. 3, p. 2).
236. La Commission conteste que l'engagement d'approvisionnement sur le marché allemand aura pour effet de renforcer la position de SEB/Moulinex sur le marché allemand.
B - Appréciation du Tribunal
237. En substance, la requérante conteste, d'une part, l'obligation d'approvisionnement imposée au licencié allemand pour les préparateurs culinaires et, d'autre part, la faculté de tous les licenciés dans les neuf Etats membres de conclure un contrat d'approvisionnement pour l'un ou l'autre des produits visés par la décision.
238. S'agissant de l'obligation d'approvisionnement imposée au licencié en Allemagne, il convient de rappeler, tout d'abord, que, selon la décision, non contestée par la requérante sur ce point, elle a pour objectif de préserver l'activité industrielle des sites afin d'assurer le niveau d'emploi qui lui est associé.
239. Il convient d'observer, ensuite, que cette obligation ne concerne qu'un seul produit, les préparateurs culinaires, dans un seul pays, et pour une période limitée de deux ans. Il convient, en outre, de relever que la Commission n'a pas constaté de position dominante de SEB/Moulinex sur ce marché des préparateurs culinaires en Allemagne, la nouvelle entité ne détenant en effet que 20 à 30 % de ce marché. Il y a lieu de souligner, encore, que l'obligation d'approvisionnement ne porte que sur 65 % des ventes réalisées par Moulinex en 2000, de sorte que le licencié conserve la possibilité de s'approvisionner auprès d'un tiers ou de fabriquer lui-même le produit en cause pour le surplus de ses ventes. L'innovation technologique ne sera dès lors pas entravée dans la mesure où rien n'empêche le licencié de développer ses propres produits en accompagnement des produits acquis auprès de SEB et en vue du remplacement des appareils fournis par SEB, compte tenu de la faible durée de l'engagement d'approvisionnement.
240. Enfin, la clause des engagements prévoyant que SEB doit vendre au licencié à un prix de cession correspondant au prix de revient industriel majoré des frais, loin de porter atteinte à la capacité concurrentielle du licencié, est au contraire de nature à lui assurer un prix avantageux. En tout état de cause, contrairement à ce que présuppose l'argumentation de la requérante, SEB n'est pas un concurrent du licencié sur lequel pèse ladite obligation d'approvisionnement pour les produits Moulinex, puisque, du fait des engagements, SEB ne peut vendre aucun produit Moulinex sur le marché allemand pendant la durée de la licence et pendant la période de trois ans à l'échéance de celle-ci.
241. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, l'obligation d'approvisionnement limitée, telle que prévue dans l'engagement, n'a pas pour effet de renforcer la position de SEB/Moulinex ni de porter atteinte à l'efficacité de la licence.
242. S'agissant du grief relatif à l'approvisionnement auprès de SEB pour les marchés autres que celui des préparateurs culinaires en Allemagne, il suffit d'observer qu'il ne s'agit pas d'une obligation pour les licenciés mais d'une simple faculté que ceux-ci sont libres d'exercer selon leurs intérêts. Quant au fait qu'en cas d'usage de cette faculté, les licenciés ont l'obligation d'acquérir certaines quantités minimales, il n'apparaît pas de nature à remettre en cause le caractère non contestable de la clause.
243. Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.
Sur la quatrième branche tirée de ce que le fait que la Commission ait accepté que la marque Moulinex soit exploitée par des entreprises différentes selon les pays de l'Union européenne est de nature à susciter une coordination des comportements entre SEB/Moulinex et le(s) licencié(s)
A - Arguments des parties
244. Selon la requérante, le fait que la Commission ait accepté que la même marque puisse être exploitée par des entreprises différentes au sein de l'Union européenne est de nature à susciter des comportements collusifs entre SEB/Moulinex et le ou les licencié(s).
245. La requérante considère en effet qu'il n'est pas possible de scinder l'exploitation d'une marque unique à travers le territoire des Etats membres sans mettre en place un régime de coordination sur les plans commercial, marketing et publicitaire et sans que ne soit mise en danger la pérennité même de cette marque. Cette approche aurait notamment été consacrée en des termes très explicites par le Ministre de l'Economie français dans l'affaire Pernod-Ricard/Coca-Cola (arrêté du 24 novembre 1999 relatif au projet d'acquisition par la société Coca-Cola des actifs du groupe Pernod-Ricard relatifs aux boissons de marque Orangina) et validée par le Conseil d'Etat français (arrêt du Conseil d'Etat du 6 octobre 2000, société Pernod-Ricard). De même, la Commission soulignerait traditionnellement le fait qu'il est nécessaire de coordonner les approches commerciales et marketing sur des marchés extrêmement proches (décision Schneider/Legrand précitée, considérant 796).
246. Or, en l'espèce, la requérante fait observer que la Commission n'a pas envisagé, dans la décision attaquée, les possibilités de collusion résultant du fait que les licences de marques pourront être attribuées à des entreprises différentes selon les pays et les produits concernés.
247. La Commission soutient que le grief de la requérante n'est pas fondé.
B - Appréciation du Tribunal
248. Il convient de rappeler qu'il est constant que les marchés des appareils du petit électroménager sont de dimension nationale. En effet, ainsi qu'il est indiqué au considérant 27 de la décision attaquée, "les caractéristiques" des produits peuvent varier selon les Etats membres du fait des particularités et des préférences des consommateurs; les relations clients-fournisseurs se font principalement sur une base nationale; la majorité des fabricants de grande marque disposent de leurs propres organisations locales de vente par Etat membre; les structures de distribution sont nationales.
249. Dans ces conditions, c'est à juste titre que la Commission a estimé qu'une même marque peut être exploitée par des opérateurs différents selon les Etats membres, ayant chacun leurs propres organisation et stratégie en matière de marketing, de publicité et d'organisation des ventes, et que le licencié pourra gérer la marque Moulinex indépendamment de SEB et développer sa propre marque sans avoir besoin de se coordonner avec SEB ou les autres licenciés.
250. Par ailleurs, SEB ne pourra ni accorder une licence à un autre licencié pour le même territoire ni exploiter elle-même la marque Moulinex sur ce territoire. Il n'y aura dès lors pas matière à coordination des comportements concurrentiels relatifs à la marque Moulinex. En outre, le choix des licenciés devra recevoir l'agrément de la Commission. Enfin, en tout état de cause, la Commission sera en mesure de veiller à ce que les risques éventuels de coordination des comportements entre licenciés évoqués par la requérante soient écartés.
251. Il s'ensuit que le grief de la requérante n'est pas fondé.
252. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les affaires citées par la requérante, les caractéristiques des marchés concernés de part et d'autre étant tout à fait différentes. Ainsi, dans l'affaire Pernod-Ricard/Coca-Cola, l'indépendance du licencié n'était pas établie, alors qu'en l'espèce, le licencié devra être indépendant pour pouvoir être agréé par la Commission. En outre, selon le Conseil d'Etat, les deux marchés de boissons gazeuses sans alcool "hors foyers" et "alimentaires" en France n'étaient pas "cloisonnés" et il s'agissait de deux marchés de produits voisins et non de deux marchés géographiques distincts, comme en l'espèce, ayant des dimensions et caractéristiques nationales. Aussi, le risque de coordination entre le licencié et la société Coca-Cola était loin d'être exclu, d'autant que le propriétaire de la marque continuait à exercer le contrôle de qualité des produits et réalisait l'emballage et la publicité. Cette situation n'est dès lors pas comparable à l'opération de concentration en cause, puisque les différents marchés nationauxsont distincts et puisque les licenciés auront toute latitude pour exercer le contrôle de qualité des produits, réaliser l'emballage et la publicité et auront la possibilité dans leur intérêt de développer leur propre marque.
253. Il en découle que la quatrième branche de ce moyen n'est pas fondée.
Sur la cinquième branche tirée de ce que la Commission a autorisé l'opération en l'absence d'engagements sur des marchés présentant des problèmes sérieux de concurrence
A - Arguments des parties
254. La requérante fait grief à la Commission de n'avoir imposé aucun engagement sur des marchés présentant pourtant des problèmes sérieux de concurrence. Elle relève, par exemple, qu'aucun engagement n'a été requis s'agissant du marché italien, alors que SEB/Moulinex détenait, à l'issue de l'opération, une part de marché de 65 à 75 % sur le marché des bouilloires et de 40 à 50 % sur les marchés des repas informels et des préparateurs culinaires. De même, la requérante fait observer que, en Norvège, SEB/Moulinex détenait, à l'issue de l'opération, une part de marché de 55 à 65 % sur le marché des friteuses, machines à expressos et repas informels et de 70 à 80 % sur les marchés des mini-fours.
255. Selon la requérante, des situations également problématiques sont constatées sur les marchés britanniques, irlandais, espagnols, finlandais et norvégiens.
256. La requérante estime que les engagements requis par la Commission ne sont pas suffisants pour résoudre les problèmes de concurrence soulevés par l'opération.
257. À titre de comparaison, elle fait observer qu'une part de marché équivalente sur d'autres segments a donné lieu à l'imposition d'engagements par la Commission. Ainsi, par exemple, elle relève qu'au Portugal un engagement a été requis alors que SEB/Moulinex détenait, à l'issue de l'opération, une part de marché de 65 à 75 % sur le marché des mini-fours, des repas informels et des préparateurs culinaires et de 40 à 50 % sur le marché des cafetières électriques et des friteuses. De surcroît, elle fait observer que la Commission a retenu des engagements sur des segments de marché sur lesquels la nouvelle entité détenait une part de marché moindre.
258. En réponse à la question écrite posée par le Tribunal invitant la requérante à préciser la nature de ses griefs en ce qui concerne les marchés britanniques, irlandais, espagnols, finlandais et norvégiens, elle expose ce qui suit.
259. S'agissant de l'Espagne, la requérante relève que l'opération a conféré à SEB/Moulinex une position de marché excédant 35 %, voire 40 %, de part de marché sur quatre marchés du petit électroménager de cuisine. La Commission aurait néanmoins conclu, au terme de son analyse, à la compatibilité de l'opération sur le marché espagnol, en relevant que:
- l'entité ne serait pas à même de se comporter de manière anticoncurrentielle dans la mesure où elle ferait face à des concurrents significatifs;
- toute tentative de comportement anticoncurrentiel sur les marchés en cause serait punie par des achats moindres de produits de SEB/Moulinex sur les marchés autres que ceux des bouilloires et des fours posables, sur lesquels la nouvelle entité réaliserait entre 85 et 95 % de son chiffre d'affaires.
260. La requérante considère que la Commission n'a pas démontré l'absence de doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun, permettant d'exclure l'imposition d'engagements dans ce pays, dans la mesure où:
- dans chacun des Etats membres principalement analysés par la décision attaquée (Portugal, Belgique, Pays-Bas, Grèce), la Commission a conclu à l'existence de doutes sérieux rendant nécessaire l'imposition d'engagements en se fondant notamment sur la valeur que représentaient les marchés sur lesquels SEB/Moulinex détenait une part de marché cumulée supérieure à 40 % en proportion de la valeur totale de l'ensemble des marchés de la gamme cuisine (Portugal, Belgique, Pays-Bas, Grèce) - la Commission aurait ainsi pu déterminer qu'en Belgique, à titre d'exemple, les six marchés sur lesquels SEB/Moulinex détenait plus de 40 % de part de marché au lendemain de l'opération représentaient, en cumul, 44 % en valeur de l'ensemble des marchés concernés de la gamme cuisine;
- en particulier, s'agissant de la Grèce, la Commission a requis des engagements de SEB en dépit du fait, notamment, que les quatre marchés sur lesquels SEB/Moulinex détenait plus de 40 % de part de marché cumulée, représentaient, en valeur, 24 % de l'ensemble des marchés de la gamme cuisine.
261. Dès lors, selon la requérante, s'agissant de l'Espagne, la Commission ne pouvait conclure à l'absence de risque de comportements anticoncurrentiels de SEB/Moulinex sur les marchés concernés sans mesurer précisément la valeur que représentaient les marchés sur lesquels SEB/Moulinex détenait une part de marché supérieure à 40 % en Espagne par rapport à l'ensemble des marchés de la famille cuisine. Or, la Commission se serait contentée, dans son analyse, de mesurer la part que représentaient deux seulement des marchés, sur lesquels SEB/Moulinex détenait une position significative (les marchés des bouilloires et des fours posables), dans le chiffre d'affaires total réalisé par SEB/Moulinex sur l'ensemble des marchés de la gamme cuisine. L'appréciation de la Commission serait donc erronée, dans la mesure où cette dernière a omis de prendre en compte, dans son calcul, le chiffre d'affaires afférent aux marchés des préparateurs culinaires et des repas informels, alors que la position de SEB/Moulinex sur ces marchés était respectivement de 55 à 65 % et de 35 à 45 %.
262. Pour l'ensemble de ces raisons, la requérante considère que la Commission ne pouvait conclure, sur la base des seuls éléments exposés dans la décision attaquée, que la réalisation de l'opération SEB/Moulinex ne soulevait aucun doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun en Espagne et exclure ainsi l'imposition d'engagements dans ce pays.
263. Ces arguments développés par la requérante s'appliquent selon elle, mutatis mutandis, à la situation concurrentielle sur le marché finlandais. En effet, la Commission n'aurait pas mesuré la valeur que représentaient les marchés sur lesquels SEB/Moulinex détenait une part de marché cumulée supérieure à 40 % en proportion de la valeur totale de l'ensemble des marchés de la gamme cuisine. De surcroît, la Commission se serait contentée d'apprécier la situation concurrentielle sur le marché des grille-pain pour conclure à l'absence de risque sérieux pour la concurrence sur les marchés concernés en Finlande, sans prendre en compte l'existence de trois autres marchés de produits sur lesquels SEB/Moulinex détenait une part de marché supérieure à 40 % au lendemain de l'opération (celui des mini-fours: de 35 à 45 %, celui des machines à expressos: de 40 à 50 %, et celui des barbecues-grills: de 40 à 50 %). En outre, la Commission n'aurait pas relevé, alors qu'elle l'a fait dans son analyse relative au marché grec, le fait que la nouvelle entité détenait également une position de marché forte sur le marché des préparateurs culinaires en Finlande (de 30 à 40 %).
264. S'agissant de l'Italie, la requérante relève que des arguments identiques peuvent être opposés à l'analyse que la Commission a faite de la situation concurrentielle dans cet Etat membre. Ainsi, selon la requérante, si la Commission a bien fait référence à la valeur que représentaient les marchés des bouilloires et repas informels en Italie par rapport à la valeur de l'ensemble de la famille "cuisine", elle a omis de prendre en considération le marché des préparateurs culinaires sur lequel SEB/Moulinex détenait 40 à 50 % de part de marché. Selon la requérante, la Commission ne pouvait, dans ces conditions, valablement conclure que l'opération ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun en Italie.
265. S'agissant du Royaume-Uni et de l'Irlande, la requérante estime que la Commission n'a pas appliqué au marché britannique l'ensemble des critères de valeur et/ou chiffre d'affaires relatifs qu'elle a par ailleurs retenus dans son analyse de la situation concurrentielle dans les autres pays. La Commission aurait ainsi omis de mesurer la portée des risques que l'opération de concentration induisait sur les marchés britanniques et irlandais. En effet, en se bornant, pour écarter l'existence de risques concurrentiels, à appliquer le seuil d'examen de 40 % et à relever l'existence d'un concurrent détenant une part de marché de 15 à 25 % et d'un chevauchement d'activité limité, la Commission n'a en rien analysé l'impact sur la concurrence de la conjonction de positions de marché significatives de SEB/Moulinex sur les marchés des friteuses (de 30 à 40 %), des cuiseurs vapeur (de 30 à 40 %) et des fers à repasser (de 35 à 45 %), à l'issue de l'opération considérée.
266. La Commission conteste l'affirmation de la requérante selon laquelle aucun engagement n'aurait été pris sur des marchés présentant des problèmes sérieux de concurrence.
267. La Commission souligne, d'abord que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort du considérant 137 de la décision attaquée que "SEB a perfectionné ses engagements en étendant la licence de marque à l'ensemble des produits du petit électroménager pour [...] la Norvège".
268. Ensuite, s'agissant du marché italien, elle estime que la requérante ne saurait se fonder exclusivement sur les parts de marché de l'entité sur les marchés des préparateurs culinaires, des repas informels et des bouilloires pour en déduire que des engagements étaient nécessaires. Il conviendrait d'avoir égard à l'ensemble des éléments pertinents pour déterminer si l'opération de concentration crée ou renforce une position dominante sur le Marché commun. Ainsi, sur le marché des préparateurs culinaires, trois concurrents importants seraient en mesure de faire face à la nouvelle entité. De même, comme il ressort de la décision, la position des parties sur les marchés des repas informels et des bouilloires en Italie devrait être relativisée dans la mesure où certains concurrents des parties détiennent des positions importantes sur plusieurs autres marchés de produits tels que celui des fours posables, celui des friteuses ou celui des machines à expressos. La Commission est d'avis que toute tentative de comportement anticoncurrentiel sur les marchés des repas informels et des bouilloires serait punie par des achats moindres des produits de SEB et Moulinex sur les autres marchés.
269. Par ailleurs, la situation sur ces marchés, particulièrement mis en cause par la requérante, serait tout à fait différente de celle prévalant au Portugal dans la mesure où, sur le marché portugais, la nouvelle entité détient des parts de marché supérieures à 40 % sur dix des onze catégories de produits. La nouvelle entité aurait accumulé au Portugal une puissance inégalée sur pratiquement tous les marchés de produits pertinents qui n'aurait pas pu être contrée ni par d'autres producteurs ni par les distributeurs.
270. Enfin, l'argumentation de la requérante selon laquelle la Commission aurait ignoré des problèmes de concurrence sur les marchés britanniques, irlandais, espagnols, finlandais et norvégiens serait irrecevable conformément à l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, dans la mesure où elle est dépourvue de la moindre explication ou motivation.
271. En réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, la Commission rappelle tout d'abord le raisonnement qu'elle a suivi pour arriver à la conclusion selon laquelle l'existence de doutes sérieux au Portugal, en Grèce, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suède et en Norvège justifiait l'imposition des engagements couvrant tous les marchés de produits de ces neuf pays et selon laquelle il n'était pas nécessaire d'imposer des engagements couvrantl'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Irlande ainsi que la Finlande au regard de l'absence de tout doute sérieux constaté dans ces pays.
272. Avant de retracer son raisonnement en quatre étapes, la Commission fait observer qu'elle s'est fondée, pour mener son analyse, sur sa pratique décisionnelle et les informations sur le fonctionnement du marché apportées dans le cadre de son enquête.
273. Ainsi, la Commission aurait constaté que deux éléments sont essentiels pour le fonctionnement de la concurrence sur les marchés en cause: disposer d'une marque reconnue (considérant 36 de la décision attaquée) et avoir accès aux clients revendeurs (voir, par exemple, considérant 35 de la décision attaquée) qui sont les mêmes pour l'ensemble des catégories de produits.
274. En ce qui concerne le premier élément, la Commission se réfère à sa décision 98-602-CE, du 15 octobre 1997, déclarant une concentration compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE (Affaire IV/M.938 - Guinness/Grand Metropolitan, JO 1998, L. 288, p. 24), dans laquelle elle a souligné que "le détenteur d'un portefeuille de marques dominantes peut bénéficier d'un certain nombre d'avantages" et qu'en particulier, "il dispose d'une position plus forte vis-à-vis de ses clients, puisqu'il peut leur proposer une gamme de produits et qu'il représente une part plus élevée de son chiffre d'affaires" (considérant 38 et suivants de la décision). La même décision expliquerait au considérant 41 que "l'importance de ces avantages et leur incidence potentielle sur la structure concurrentielle du marché dépendent de plusieurs facteurs, à savoir: le fait pour le détenteur du portefeuille d'avoir la marque numéro un ou une ou plusieurs marques dominantes sur un marché déterminé; les parts de marchés détenues par les diverses marques, notamment par rapport à celles des produits concurrents; l'importance relative des marchés sur lesquels les parties détiennent des parts et des marques importantes sur tous les marchés de produits que couvre le portefeuille; le nombre de marchés sur lesquels le détenteur du portefeuille a une marque numéro un ou une marque dominante".
275. Le pouvoir de négociation des distributeurs serait le deuxième élément important pour le fonctionnement de la concurrence sur le marché en cause. À cet égard, SEB aurait indiqué que "toute tentative [de sa part] d'augmenter ses prix sur les différentes lignes de produits [...] pour lesquelles sa part de marché théorique excéderait 35 % est susceptible d'entraîner des représailles de la part des acheteurs professionnels sur les autres lignes de produits de petit électroménager, représailles d'autant plus fortes qu'elles porteraient alors sur les 2-3 des ventes d'appareils du petit électroménager".
276. Pour arriver à la conclusion selon laquelle il n'était pas nécessaire d'imposer des engagements couvrant l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Irlande et la Finlande, la Commission aurait pris en compte successivement quatre facteurs quidécouleraient de l'identification des conditions de concurrence propres à l'opération en cause.
277. Le premier facteur aurait concerné la détermination des marchés sur lesquels la nouvelle entité dispose de parts de marché supérieures à 40 %. Le deuxième aurait visé à déterminer l'existence d'un chevauchement significatif entre les parties sur le marché du produit concerné (voir considérants 86, 87, 88, 90, 91, 92, 95, 97, 98, 101, 102, 107, 110, 111, 113, 121 et 123 de la décision attaquée). Le troisième facteur aurait consisté à déterminer la position de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents (voir considérants 87, 92, 96, 97, 98, 101, 102, 105, 107, 110, 111, 113, 116, 119 et 123 de la décision attaquée). Enfin, le dernier facteur aurait concerné la détermination de l'importance du marché de produits en cause par rapport à l'ensemble des ventes de l'entité combinée et corrélativement la possibilité pour les distributeurs d'exercer des représailles (voir considérants 83, 97, 101, 102, 105, 110, 116, 119 et 123 de la décision attaquée). La Commission explique que la prise en compte de ce dernier facteur dit "d'effet de gamme" s'est avérée nécessaire dans l'analyse de la concurrence, dans la mesure où les mêmes marques et les mêmes clients intermédiaires sont présents sur l'ensemble des marchés de produits d'un même pays.
278. En prenant en considération les différents critères mentionnés ci-dessus, la Commission aurait estimé que l'opération de concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité sur le Marché commun au Portugal, aux Pays-Bas, en Belgique et en Grèce pour l'ensemble des produits. En ce qui concerne le premier facteur, la Commission aurait observé que la nouvelle entité avait des parts de marché supérieures à 40 % pour la majeure partie des produits de la gamme (considérants 48, 55, 63 et 72 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission aurait constaté (considérants 83 et suivants de la décision attaquée) que les marchés où l'entité détenait des parts supérieures à 40 % représentaient plus de 50 % du total des ventes de l'entité combinée. Quant aux effets de gamme, la Commission aurait considéré que, dans ces conditions, ils renforçaient encore le pouvoir de marché que pourraient détenir les parties sur les marchés en cause. C'est pourquoi la Commission aurait imposé des engagements couvrant tous les marchés de produits de ces pays.
279. Pour les autres pays, le premier critère n'étant pas rempli, la Commission aurait alors évalué si l'opération de concentration entraînait un chevauchement significatif entre les parties sur les marchés de produits concernés. La Commission aurait d'abord écarté l'existence de doutes sérieux pour les marchés de produits sur lesquels le chevauchement était minimal, la transaction n'apportant alors pas de changement sensible à la situation concurrentielle. Tel aurait été le cas de la Finlande pour les fours posables (considérant 87), de l'Allemagne pour les repas informels (considérant 88 de la décision), de la Finlande, la Norvège et la Suède pour le marché des machines à expressos (considérant 90 de la décision) etc. Sur le marché des repas informels et des préparateurs culinaires en Espagne, les chevauchements auraient été extrêmement faibles. La Commission aurait tenu compte dans ce cadre de la position combinée des parties face à leurs concurrents. Par exemple, sur le marché des préparateurs culinaires en Italie, l'entité combinée n'aurait éliminé que le quatrième acteur du marché. En l'absence de chevauchement significatif entre les parties et compte tenu de la position forte des concurrents (Braun: de 10 à 20 %, Philips: de 10 à 20 %, De'Longhi: de 0 à 10 %), la Commission aurait estimé que l'opération ne soulevait pas de doutes sérieux sur ce marché (considérant 121 de la décision attaquée).
280. Pour les mêmes pays, la Commission aurait ensuite cherché à déterminer quels sont les pays sur lesquels la transaction aurait un impact en termes d'effet de gamme qui changerait matériellement les rapports de force entre SEB/Moulinex et la demande. Pour ce faire, la Commission aurait évalué l'importance du ou des marchés de produits en cause affectés par la transaction par rapport à l'ensemble des ventes de l'entité combinée sur le même pays. Lorsque ces rapports étaient faibles, c'est-à-dire inférieurs à 10 %, la Commission aurait considéré que les capacités de représailles des clients revendeurs n'étaient pas modifiées par la transaction et étaient à un niveau suffisant pour faire jouer à leur profit l'effet de gamme. Dans ce cadre, la Commission aurait naturellement tenu compte du fait que les clients revendeurs avaient à leur disposition des offres alternatives sur le marché national (voir considérants 116, 119, 122 et 123 de la décision attaquée). En revanche, la Commission aurait émis des doutes sérieux pour tous les marchés pour lesquels la transaction entraînait un changement sensible de la position des parties vis-à-vis de la demande.
281. Plus particulièrement, en ce qui concerne les marchés des bouilloires et des repas informels en Italie, la Commission aurait estimé qu'eu égard à la faible part de chiffre d'affaires que représentaient ces marchés de produits pour l'entité fusionnée et à la possibilité pour les clients revendeurs de se tourner vers des marques alternatives et de forte renommée, l'opération ne pouvait soulever de doutes sérieux (considérants 115 à 117 et 121 à 124 de la décision attaquée).
282. À la question du Tribunal de savoir si la conclusion de la Commission concernant l'Italie aurait été modifiée si, pour déterminer la capacité des revendeurs à "punir" un éventuel comportement anticoncurrentiel de SEB/Moulinex, le marché des préparateurs culinaires avait été additionné à ceux des bouilloires et des repas informels, la Commission répond que l'opération consistant à additionner ces trois marchés n'est en rien justifiée et qu'en tout état de cause, même s'il avait fallu additionner les marchés précités, elle n'aurait pas modifié sa conclusion.
283. En effet, en ce qui concerne l'Italie, le marché des bouilloires et des repas informels aurait représenté chacun 0 à 10 % de la valeur de l'ensemble de la "famille cuisine" du petit électroménager. Le marché des repas informels aurait représenté 0 à 10 % de la valeur de l'ensemble de la "famille cuisine" du petit électroménager. Le marché des préparateurs culinaires aurait représenté 25 à 35 % de la valeur de l'ensemble de la "famille cuisine" du petit électroménager. L'ensemble de ces trois marchés de produits aurait donc représenté 30 à 40 % de la valeur de l'ensemble de la "famille cuisine" du petit électroménager en Italie.
284. En raison de la forte présence de concurrents sur le marché des préparateurs culinaires tels que Braun, Philips et De'Longhi, il était exclu, selon la Commission, que la concentration aboutisse à une création ou un renforcement de position dominante. En outre, en raison de l'absence de pouvoir de marché sur le marché des préparateurs culinaires, l'addition de la position SEB/Moulinex sur ce marché et des positions détenues sur les marchés des bouilloires et des repas informels n'aurait pas été justifiée.
285. En tout état de cause, la Commission ajoute que sa conclusion n'aurait pas été modifiée eu égard aux caractéristiques particulières que présente le marché italien. Celui-ci serait marqué par la présence de deux opérateurs historiques puissants (voir considérant 123 de la décision): Saeco, leader mondial des machines à expressos qui détiendrait 60 à 70 % du marché italien, d'une part, et De'Longhi qui serait le leader sur quatre marchés de produits, à savoir les fours posables, les friteuses, les toasters et les barbecues-grills, l'ensemble de ces quatre marchés représentant 30 à 40 % de la valeur de l'ensemble de la "famille cuisine" du petit électroménager en Italie, d'autre part.
286. Toutefois, la Commission précise que l'effet dissuasif éventuel que peuvent exercer les clients revendeurs dépend en grande partie de ce que représentent en valeur les marchés de produits où SEB/Moulinex dispose d'une part de marché d'au moins 40 % par rapport à l'ensemble des ventes de SEB/Moulinex. Il est ainsi indiqué au considérant 123 de la décision attaquée que "toute tentative de comportement anticoncurrentiel sur ces marchés serait donc punie par des achats moindres des produits de SEB et Moulinex sur les autres marchés où l'entité combinée réalise 90 à 100 % de son chiffre d'affaires, qui pourraient rendre non profitable toute augmentation des prix de la part des parties".
287. La Commission ajoute qu'il faut tenir compte non seulement de la pression concurrentielle exercée par les concurrents actuels sur le marché en cause mais également de la pression potentielle de la part des entreprises présentes sur des marchés voisins. Par exemple, sur le marché italien des préparateurs culinaires, la présence forte des concurrents actuels que sont Braun, Philips et De'Longhi limiterait la puissance de la nouvelle entité. En outre, Saeco pourrait entrer à tout moment sur ce marché de produits en raison de son poids déterminant sur les marchés voisins.
288. S'agissant de l'hypothèse, à première vue non envisagée par la Commission, d'une atteinte à la concurrence par le biais d'une diminution de prix, la Commission estime que cette question est à envisager sous l'angle de pratiques visant à exclure d'autres entreprises du marché, puisque les différents produits concernés par la concentration sont "des biens indépendants ou substituts" et que, partant, une baisse des prix temporaire pourrait conduire certains concurrents à quitter lemarché ou empêcher l'entrée de nouveaux concurrents, d'autant plus que les fabricants s'adressent à la même demande intermédiaire, les clients revendeurs, pour l'ensemble des produits en cause.
289. À la suite de la question du Tribunal sur ce point, la Commission a répondu qu'aucun élément porté à sa connaissance durant ses investigations ne permettait d'envisager que de telles pratiques résulteraient de l'opération considérée. En effet, une entreprise ne pourrait envisager de se lancer dans de telles pratiques que si elle était en mesure de soutenir financièrement de manière durable des prix inférieurs au coût marginal, en ayant la conviction que cela aboutira à l'élimination de concurrents.
290. Or, aucun élément n'indiquerait que SEB était plus solide financièrement que ses concurrents ou qu'elle disposait de coûts marginaux inférieurs. De plus, un concurrent évincé du marché pourrait y revenir dans le cas où les prix retrouveraient un niveau rendant l'activité viable à nouveau, puisqu'il disposerait toujours de sa marque, élément essentiel de la concurrence sur le marché du petit électroménager.
291. De plus, la Commission affirme qu'il n'est pas certain qu'une baisse de prix suffise à empêcher l'entrée de nouveaux concurrents tels que la requérante, qui estime, dans ses observations au Tribunal en date du 28 juin 2002 et du 25 juillet 2002, aux points 7 et 11, que ses parts de marché pourraient atteindre [...%] en [...] en lançant son activité en 2002.
292. Finalement, la Commission soutient que le fait pour un fournisseur de se lancer dans une politique de baisse des prix qui a pour effet d'évincer des concurrents est influencé par le comportement des distributeurs. En effet, l'incitation que pourrait avoir un fournisseur à se lancer dans ce genre de politique serait réduite dans la mesure où les prix en rayon du petit électroménager seraient déterminés par les distributeurs, qui pourraient en cas de baisse de prix par les fournisseurs, conserver la même pratique de prix au détail et obtenir ainsi un profit supplémentaire au détriment des fournisseurs.
293. En conséquence, la Commission affirme avoir limité son analyse aux effets immédiats et certains de l'opération de concentration et ne pas avoir pris en compte des effets postérieurs et plus incertains dans le cas d'espèce telles que les pratiques d'exclusion.
294. En ce qui concerne la possible détermination par les revendeurs du choix des consommateurs finaux pour les produits concernés, la Commission fait d'abord observer que l'enquête de marché a montré que les consommateurs avaient une nette préférence pour les produits de marque renommée, même si, d'une part, ces derniers sont plus chers que des produits de marque inconnue, et que, d'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit plus haut, l'accès à la distribution était un exercice indispensable pour être un concurrent sur les marchés en cause.
295. Au cours de ses investigations, la Commission aurait pu dégager les caractéristiques déterminantes des relations entre fabricants et revendeurs et par là-même la possibilité qu'ont les revendeurs de déterminer le choix des consommateurs finaux.
296. La Commission souligne l'importance des politiques de référencement des produits qui consistent pour les distributeurs à éviter de se concurrencer avec les mêmes modèles et à rechercher des références spécifiques pour éviter que le consommateur compare trop strictement les prix de vente entre magasins.
297. La Commission expose, en outre, que la requérante, dans sa réponse aux questions de la Commission en date du 30 novembre 2001, indique au point 11 que "un bon produit avec un bon rapport qualité prix n'a aucune chance d'être présent sur le marché si la distribution ne le référence pas".
298. Les revendeurs détermineraient ainsi le choix des consommateurs à la fois par leur capacité à influencer le référencement des produits et à décider des prix de vente et promotions appliqués aux produits vendus.
B - Appréciation du Tribunal
1. Sur la recevabilité
299. La requérante soutient que la Commission a autorisé l'opération en l'absence d'engagements sur des marchés présentant des problèmes sérieux de concurrence.
300. La Commission et SEB estiment que ce moyen, tel qu'il a été développé par la requérante à la suite des questions écrites du Tribunal et lors de l'audience, est irrecevable en application de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, selon lequel la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, selon lequel la requête introductive doit indiquer l'objet du litige et contenir l'exposé sommaire des moyens invoqués afin de respecter les droits de la défense.
301. Il convient, à cet égard, en premier lieu, de rappeler que la requête contient expressément le moyen pris de ce que la Commission a autorisé l'opération en l'absence d'engagements sur des marchés présentant des problèmes sérieux de concurrence. L'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure n'interdisant que la production de moyens nouveaux, il s'ensuit que l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée.
302. S'agissant des marchés italiens, la Commission a d'ailleurs répondu, dans son mémoire en défense, à ce moyen sur le fond, sans soulever d'objection quant à sa recevabilité.
303. Toutefois, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la Commission a ensuite fait valoir que, s'agissant de l'Italie et a fortiori des autres pays dans lesquels la Commission n'a pas imposé d'engagements, la requérante n'a pas critiqué le raisonnement tenu par la Commission suivant lequel les clients revendeurs auront la possibilité de punir toute tentative de comportement anticoncurrentiel.
304. S'il convient d'admettre que l'argumentation exposée dans la requête était laconique, en particulier pour les marchés britanniques, irlandais, espagnols, finlandais et norvégiens pour lesquels la requérante s'est bornée à indiquer que des situations problématiques y sont également constatées, il n'en reste pas moins que les développements consacrés par la requérante, tant dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal l'invitant à préciser la nature de ses griefs que lors de l'audience, ne sauraient être considérés comme constituant un moyen nouveau irrecevable, mais uniquement comme des éléments de nature à étayer le bien-fondé du moyen invoqué dans la requête. Cette constatation s'applique aussi aux développements relatifs aux marchés italiens.
305. En deuxième lieu, l'objection tirée de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure doit également être rejetée. En effet, conformément à cette disposition, le moyen est exposé de manière sommaire dans la requête. En outre, la finalité de cette disposition est de respecter les droits de la défense. Or, force est de constater que la Commission a été pleinement mise en état de répondre aux griefs avancés par la requérante sur ce point. En particulier, il y a lieu de noter que, dans son mémoire en défense, déjà, la Commission avait exposé sa thèse selon laquelle il n'y avait pas lieu d'imposer d'engagements sur les marchés italiens au motif que toute tentative de comportement anticoncurrentiel de SEB/Moulinex serait punie par des achats moindres de produits de SEB et Moulinex sur les autres marchés en Italie. La Commission a également été invitée par le Tribunal à répondre par écrit à une série de questions portant sur ces griefs. Enfin, lors de l'audience, la Commission a encore pu exposer en détail le bien-fondé de sa position sur le sujet.
306. En troisième lieu, dans la mesure où la Commission ferait grief au Tribunal d'avoir soulevé lui-même un moyen nouveau, car non soulevé par la requérante, il suffit de rappeler que le moyen tiré du défaut d'engagements dans des pays présentant des problèmes de concurrence a effectivement été formulé par la requérante dans sa requête. Ce n'est qu'à la suite de l'argumentation avancée par la Commission dans son mémoire en défense que le Tribunal a estimé nécessaire de poser, au titre des mesures d'organisation de la procédure prévues par l'article 64 du règlement de procédure, une série de questions écrites afin de clarifier l'argumentation respective de chacune des parties. En outre, il convient de rappeler, à cet égard, que la Cour a déjà jugé (arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Parlement/Gutiérrez de Quijano y Lloréns, C-252-96 P, Rec. p. I-7421, point 30) qu'il ressort à l'évidence de la simple lecture de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, dans le contexte du titre II, chapitre I, de ce règlement, intitulé "De la procédure écrite", qu'il s'agit d'une disposition qui s'impose aux parties et non au Tribunal.
307. Il résulte de ce qui précède que le moyen pris du défaut d'engagement sur des marchés présentant des problèmes sérieux de concurrence est recevable, y compris en tant qu'il vise les marchés espagnols, britanniques, irlandais, finlandais et norvégiens.
2. Sur le fond
308. Il convient de rappeler, tout d'abord, que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté que la concentration soulevait des doutes sérieux sur certains marchés de produits au Portugal, en Grèce, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suède et en Norvège (considérant 128 de la décision attaquée). En conséquence, elle a imposé des engagements dans ces pays.
309. Il y a lieu de rappeler, ensuite, que, selon la décision attaquée, la Commission a retenu une définition nationale des marchés géographiques en cause (considérant 30) et a estimé que chacune des 13 catégories de produits constitue un marché distinct (considérants 17 à 25 de la décision attaquée). Il s'ensuit que l'analyse de la situation concurrentielle doit, du moins dans un premier temps, être effectuée séparément, marché par marché, et ce tant en termes de géographie que de produits. Toutefois, les licences exclusives de la marque Moulinex prévues par les engagements dans chacun de ces neuf Etats portent toujours sur l'ensemble des treize marchés de produits, et ce même si les doutes sérieux n'ont été constatés que sur l'un ou l'autre marché de produits. La Commission a en effet considéré, à juste titre, au considérant 141 de la décision attaquée, que l'extension des engagements de licence exclusive à l'ensemble des produits du petit électroménager, et donc à des produits pour lesquels la Commission n'a pas soulevé de doutes sérieux, est nécessaire pour assurer l'efficacité et la viabilité des remèdes prévus par les engagements, la même marque ne pouvant simultanément être détenue sur un même marché géographique par deux opérateurs différents.
310. Il s'ensuit que la constatation que la concentration soulevait des doutes sérieux sur un seul marché de produits d'un pays suffisait pour imposer un engagement pour l'ensemble des marchés de produits dudit pays. Ainsi, il ressort des considérants 113, 114 et 128 de la décision attaquée, que des engagements ont été imposés en Suède alors que la Commission a estimé que la concentration ne soulevait des doutes sérieux que sur le seul marché des friteuses en Suède.
311. S'agissant des marchés en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, en Irlande ainsi qu'en Finlande, la Commission a, en revanche, estimé que la concentration ne modifiait que marginalement les conditions de la concurrence et n'a, dès lors, pas imposé d'engagements couvrant ces pays.
312. La requérante soutient, en substance, que des problèmes sérieux de concurrence se posaient sur certains marchés en Norvège, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, en Irlande ainsi qu'en Finlande et que, conformément à l'analyse de la situation concurrentielle qu'elle avait effectuée dans les Etats membres concernéspar les engagements, la Commission aurait également dû imposer des engagements concernant ces marchés.
313. En réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission a expliqué avoir effectué son analyse en prenant en compte successivement quatre facteurs qui découlent de l'identification des conditions de concurrence propres à l'opération en cause, à savoir :
- Sur quels marchés la nouvelle entité dispose-t-elle de parts de marché supérieures à 40 % ?
- Existe-t-il un chevauchement significatif entre les parties sur le marché de produits concerné ?
- Quelle est la position de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents ?
- Quelle est l'importance du marché de produits en cause par rapport à l'ensemble des ventes de l'entité combinée et, corrélativement, dans quelle mesure les distributeurs sont-ils en mesure d'exercer un contre-pouvoir (ci-après l'"effet de gamme") ?
314. Avant d'examiner si cette analyse en quatre étapes conduit, comme le soutient la Commission, à écarter l'existence de doutes sérieux sur chacun des marchés géographiques pour lesquels elle n'a pas imposé d'engagements, il convient de vérifier, d'abord, si la Commission a effectivement appliqué une telle analyse dans la décision pour apprécier les effets de la concentration sur les différents marchés.
a) Sur les quatre étapes de l'analyse
1) Sur le seuil de dominance de 40 %
315. Il ressort de la décision attaquée, et notamment des considérants 44, 48, 55, 56, 63, 72 et 83, que conformément à la première étape mentionnée par la Commission dans ses réponses aux questions du Tribunal, toute l'analyse de la situation concurrentielle de la décision est basée sur la considération selon laquelle une part de marché de 40 % était un signe de dominance. Dès lors que l'entité combinée SEB/Moulinex atteignait ou dépassait le seuil de 40 % de part de marché sur un marché de produits, il y avait lieu de considérer que, sous réserve de l'examen des trois autres facteurs, elle détenait une position dominante et que des engagements devaient être imposés. La Commission, ainsi qu'elle l'a précisé dans ses réponses aux questions du Tribunal, a même constaté l'existence d'une position dominante sur le marché des préparateurs culinaires en Grèce, alors que l'entité SEB/Moulinex ne disposait que d'une part de marché de 39 %. Plus encore, il ressort des considérants 55, 58, 62 et 128 de la décision attaquée que la Commission a estimé que la concentration soulevait des doutes sérieux sur le marché des grille-pain en Belgique alors que les parties ne disposaient que d'une part de marché de20 à 30 % et devaient affronter la concurrence de Philips qui détenait une part de marché de 25 à 35 %.
2) Sur l'absence de chevauchement significatif
316. Selon l'explication fournie par la Commission dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission a ensuite analysé, pour les marchés sur lesquels la part de marché de la nouvelle entité était supérieure à 40 %, s'il existait un chevauchement significatif entre les parties sur les marchés de produits concernés. La Commission a fait valoir que lorsqu'elle a constaté qu'il n'y avait pas de chevauchement ou que celui-ci était minime, elle a écarté l'existence de doutes sérieux pour le marché de produits concerné, au motif que l'opération n'apportait pas de changement sensible à la situation concurrentielle.
317. Conformément à ce qu'elle a indiqué dans sa réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, l'absence de chevauchement significatif a effectivement conduit la Commission à écarter l'existence de doutes sérieux pour une série de marchés de produits sur lesquels le chevauchement était minime[(voir, notamment, le marché des fours posables en Finlande (considérant 87 de la décision attaquée), le marché des repas informels en Allemagne (considérant 88 de la décision attaquée), le marché des machines à expressos en Norvège et Suède (considérant 90 de la décision attaquée)].
318. L'absence de chevauchement significatif entre les parties est, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, de nature à écarter les doutes sérieux même pour les marchés de produits sur lesquels l'entité détient une part de marché supérieure à 40 % dès lors que, dans ce cas, ce n'est pas la concentration qui crée ou renforce la position dominante, mais que celle-ci était préexistante.
319. Deux tempéraments doivent toutefois être apportés.
320. D'une part, même lorsque le chevauchement est faible, la concentration entraîne un renforcement de la position dominante et il n'y a dès lors lieu de n'écarter les doutes sérieux que lorsque le chevauchement est réellement non significatif.
321. À cet égard, il y a lieu de relever que la décision se borne à indiquer les parts de marché avec une fourchette de 10 %. Or, si l'on peut effectivement considérer qu'il n'y a pas de chevauchement significatif lorsque la part de marché est proche de 0 %, il ne saurait en être de même lorsqu'elle est proche de 10 %, la création ou le renforcement de la position dominante devant en ce cas être constaté. La décision ne permet dès lors pas au Tribunal d'exercer valablement son contrôle de légalité. En outre, alors que, dans ses questions écrites, le Tribunal avait expressément invité la Commission à préciser la part de marché exacte détenue par SEB/Moulinex sur les marchés des bouilloires et des repas informels en Italie, laCommission s'est bornée, dans ses réponses, à reproduire les indications avec fourchette de 10 % contenues dans la décision.
322. L'impossibilité d'exercer un contrôle efficace de la décision du fait du caractère trop vague des données contenues dans la décision ressort, au demeurant, des constatations effectuées dans la décision elle-même. En effet, sur la base de la même considération selon laquelle l'une des parties à la concentration détenait une part de marché de 0 à 10 %, la Commission a tantôt écarté les doutes sérieux au motif de l'absence de chevauchement significatif, tantôt constaté l'existence de tels doutes.
323. Tel est le cas, notamment, du marché des préparateurs culinaires en Grèce. Sur ce marché, en effet, où la nouvelle entité ne disposait que d'une part de marché combinée très légèrement inférieure au seuil de dominance (39 %, voir considérant 72 de la décision attaquée et la réponse aux questions du Tribunal), la Commission n'a pas écarté l'existence de doutes sérieux en dépit d'un chevauchement variant entre 0 et 10 %, la part de marché pour les produits en question de Moulinex étant de 30 à 40 % et celle de SEB seulement de 0 à 10 % (voir tableau annexé à la décision attaquée).
324. De même, la Commission a constaté l'existence de doutes sérieux sur le marché des fers à repasser aux Pays-Bas où les parties à la concentration disposaient d'une part de marché combinée de l'ordre de 40 à 50 % avec un chevauchement limité de 0 à 10 % pour Moulinex.
325. Sur d'autres marchés de produits sur lesquels l'entité combinée disposait d'une part de marché de 40 à 50 %, la Commission a également considéré que la concentration soulevait des doutes sérieux en dépit du fait que l'une des parties ne détenait qu'une part de marché de 0 à 10 %. Il en est ainsi, notamment, pour le marché des barbecues en Allemagne (considérant 97) sur lequel les parties devront, en outre, faire face à des concurrents importants, avec notamment Severin disposant d'une part de marché de 25 à 35 %, des fers à repasser et stations vapeur en Belgique (voir considérants 55, 56 et 59 de la décision attaquée) et pour les marchés des friteuses, des toasteurs et des cafetières électriques au Portugal (voir considérants 48, 49 et 54 de la décision attaquée).
326. D'autre part, si l'absence de chevauchement significatif est une raison valable d'écarter les doutes sérieux lorsque la Commission examine, dans un premier temps, la situation concurrentielle au niveau d'un marché de produits individuel, il n'y a en revanche plus lieu de tenir compte de cet élément au niveau de l'examen plus global de la situation sur l'ensemble des marchés de produits d'un pays concerné.
327. Il y a d'ailleurs lieu d'observer, à cet égard, que, à plusieurs reprises, la Commission s'est appuyée sur la circonstance que l'une des parties à la concentration détenait des positions fortes sur des marchés où l'autre n'était que faiblement présente, et vice-versa, pour conclure que la concentration soulevait des doutes sérieux. Ainsi, s'agissant de la Grèce, la Commission a souligné, au considérant 73 de la décision attaquée:
"C'est uniquement sur les sandwich makers-gaufriers que les parties avaient simultanément des parts de marché très importantes (de 30 à 40 % et de 20 à 30 %). L'effet de la concentration est donc d'adjoindre à la position de Moulinex pour les expressos, des positions significatives de dominance sur les marchés des friteuses, bouilloires, sandwich makers et préparateurs culinaires".
3) Sur la position de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents
328. La Commission affirme avoir ensuite tenu compte de la position combinée des parties à la concentration face à leurs concurrents pour conclure que l'opération ne soulevait pas de doutes sérieux.
329. Il convient d'observer, à cet égard, d'abord, que le seuil de dominance retenu par la décision étant de 40 %, la simple constatation que l'entité combinée affrontera des concurrents sur un marché de produits n'implique pas que la concentration ne soulève pas de doutes sur ce marché. La présence de concurrents ne pourrait constituer un facteur de nature, le cas échéant, à tempérer, voir à éliminer, la position dominante détenue par l'entité combinée que dans l'hypothèse où ces concurrents détiendraient une position forte de nature à exercer un contrepoids réel.
330. Il y a lieu de rappeler, ensuite, que les marchés concernés sont des marchés caractérisés par une structure plutôt oligopolistique et que quelques entreprises disposent à la fois d'une large gamme de produits et d'une présence paneuropéenne. Ce sont, ainsi qu'il est indiqué au considérant 32 de la décision attaquée, essentiellement des acteurs comme SEB, Moulinex, Philips, Bosch, Braun ou De'Longhi. Dans ces conditions, la présence sur un marché donné de l'un ou l'autre de ces concurrents n'apparaît pas comme constituant une circonstance particulière de nature à justifier en tant que telle que la concentration ne soulève pas de doutes sur ce marché. Il en est de même pour les entreprises disposant soit d'une large gamme de produits mais présents seulement dans certains Etats (Taurus en Espagne ou Morphy au Royaume-Uni) soit d'un nombre limité de produits (Saeco pour les machines à expressos).
331. Il ressort d'ailleurs de la décision attaquée que, sur presque tous les marchés où la Commission a estimé que la concentration soulevait des doutes sérieux, elle a néanmoins relevé la présence d'un ou de plusieurs de ces concurrents.
332. Il s'ensuit que la présence de l'un ou l'autre de ces concurrents sur des marchés où l'entité combinée disposait d'une part de marché égale ou supérieure à 40 % n'était pas de nature, en tant que telle, à écarter l'existence de doutes sérieux et qu'elle n'aurait pu éventuellement avoir cet effet que si ceux-ci disposaient de parts demarchés suffisamment fortes pour être en mesure de constituer un contrepoids réel à la position détenue par SEB/Moulinex et ainsi éliminer les doutes sérieux.
333. Il y a lieu de relever, à cet égard, que la Commission a d'ailleurs conclu à l'existence de doutes sérieux sur une série de marchés où les concurrents des parties à la concentration disposaient de parts de marchés non négligeables.
334. Ainsi, sur le marché des friteuses en Grèce, la Commission n'a pas écarté l'existence de doutes sérieux sur la compatibilité de l'opération alors que le principal concurrent des parties à la concentration, De'Longhi, détenait une part de marché de 35 à 45 %, ce qui constituait non seulement une position très importante, mais même une position équivalente à celle détenue par SEB/Moulinex (voir considérant 72 de la décision attaquée).
335. De même, la Commission a conclu à l'existence de doutes sérieux sur le marché des fers à repasser et des stations vapeur aux Pays-Bas alors que SEB/Moulinex, qui détenait une part de marché de 40 à 50 % (voir considérant 63 de la décision attaquée), devait affronter la concurrence de Philips qui détenait une part de marché de 35 à 45 % (voir considérant 67 de la décision attaquée).
336. La Commission a encore refusé d'écarter l'existence de doutes sérieux en dépit de la présence de concurrents détenant des positions importantes sur les marchés des bouilloires et des fers à repasser en Belgique. Dans le premier marché, la nouvelle entité détenait une part de marché de 35 à 45 % (voir considérant 55 de la décision attaquée) et le principal concurrent, Braun, une part de marché de 20 à 30 % (voir considérant 58 de la décision attaquée). Sur le deuxième marché, la nouvelle entité détenait une part de marché de 40 à 50 % (voir considérant 55 de la décision attaquée) et le principal concurrent, Philips, une part de marché de 25 à 35 % (voir considérant 59 de la décision attaquée).
337. Enfin, sur le marché des grille-pain en Belgique, où le principal concurrent, Philips, détenait une part de marché de 25 à 35 % (voir considérant 58 de la décision attaquée), la Commission n'a pas écarté l'existence de doutes sérieux sur la compatibilité de l'opération, alors même que la nouvelle entité ne disposait que d'une part de marché de 20 à 30 % (voir considérant 55 de la décision attaquée), c'est-à-dire une part de marché non seulement inférieure sensiblement au seuil de dominance fixé par la Commission, mais également inférieure à celle du principal concurrent.
338. Il résulte de ce qui précède que, selon l'analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée, la présence de concurrents, même dans l'hypothèse où ils disposaient de parts de marché assez importantes, n'a pas été considérée en principe comme étant de nature à écarter la constatation que la concentration soulevait des doutes sérieux.
4) Sur l'effet de gamme
339. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que chaque marché de produits constitue un marché distinct. Il en résulte que les conditions de concurrence sur chaque marché de produits, dans chaque Etat membre, devaient, en principe, être appréciées de manière indépendante par rapport aux conditions prévalant sur les autres marchés ou l'ensemble de ceux-ci. S'agissant des neuf Etats membres couverts par les engagements, si la Commission a certes parfois enrichi son analyse de considérations relatives à la situation globale de l'ensemble des marchés de produits d'un marché géographique donné, elle a cependant toujours d'abord constaté l'existence de doutes sérieux sur certains marchés de produits en appréciant chaque marché de produits séparément.
340. Ainsi, pour le Portugal, la Grèce, les Pays-Bas et la Belgique, la Commission, après avoir constaté l'existence de doutes sérieux sur une série de marchés de produits, a, en outre, estimé que, compte tenu de la combinaison de positions significatives de dominance, les parties à la concentration seraient en mesure d'étendre leur pouvoir de marché à l'ensemble des autres marchés de produits (considérants 54, 62, 71 et 82 de la décision attaquée).
341. Selon le considérant 83 de la décision attaquée, le risque de création d'un pouvoir de marché sur l'ensemble de la gamme de produits peut être exclu lorsque les marchés de produits sur lesquels l'entité combinée dispose d'une part de marché supérieure à 40 % ne représentent pas plus de 35 % du chiffre d'affaires combinée des parties. Toutefois, cette distinction entre les pays sur lesquels l'entité combinée serait en mesure d'étendre son pouvoir de marché à l'ensemble des marchés de produits et ceux sur lesquels la concentration ne soulève de doutes sérieux que sur certains marchés de produits, voire sur un seul (comme c'est le cas en Suède), apparaît en réalité dépourvue de pertinence dès lors que, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, les mêmes engagements ont été imposés dans les deux hypothèses.
342. Le caractère distinct des différents marchés de produits ne saurait toutefois être considéré comme absolu et il peut s'avérer nécessaire de pondérer l'appréciation relative à un marché de produits particulier à la lumière de la situation concurrentielle existant sur l'ensemble des autres marchés de produits de l'Etat membre concerné.
343. Cette prise en compte de la situation concurrentielle plus globale se justifiait d'autant plus, en l'espèce, qu'il est constant que la marque constitue le facteur de concurrence le plus important sur les marchés en cause et que la notoriété de la marque profite à l'ensemble des produits qui en sont revêtus. De même, la Commission peut être amenée, en vue d'apprécier la position concurrentielle détenue par une entreprise, à tenir compte du portefeuille de marques détenu par celle-ci ou de la circonstance qu'elle détient des parts de marchés importantes sur de nombreux marchés de produits concernés (ci-après l'"effet de portefeuille").
344. Il y a lieu de relever, à cet égard, que la Commission a tenu compte, en l'espèce, de cet effet de portefeuille. Dans toute la décision attaquée, sauf dans l'analyse consacrée aux pays non couverts par les engagements, la Commission a, en effet, souligné la circonstance que la puissance de l'entité combinée serait accentuée par un portefeuille unique de marques alors que ses concurrents ne disposent que d'une seule marque, par une présence forte sur de nombreux marchés et par la juxtaposition des positions détenues par SEB et par Moulinex.
345. Ainsi, il est exposé, au considérant 52 de la décision attaquée, que "[c]ompte tenu de l'importance, discutée précédemment, des marques dans ce type de marché, du poids des parties sur la quasi-totalité des marchés en cause, de la gamme de produits et du portefeuille de marques de la nouvelle entité, il est peu vraisemblable que les concurrents soient en mesure de remettre en question les positions des parties et d'exercer une pression concurrentielle suffisante sur la nouvelle entité".
346. Il importe d'observer que cet effet de portefeuille joue non seulement vis-à-vis du consommateur et des concurrents mais également, voire surtout, vis-à-vis des clients revendeurs. La Commission explique ainsi, notamment au considérant 53 de la décision attaquée, que "[i]l en est de même pour les clients revendeurs qui malgré leur pouvoir théorique de négociation (par une menace de déréférencement par exemple), ne pourront pas discipliner le comportement des parties en réponse à une hausse de prix"; que, "[e]n effet, le portefeuille de marques et la présence uniformément forte de la nouvelle entité sur l'ensemble des marchés de produits concernés seront tels qu'elle sera en mesure de dissuader les clients revendeurs de s'opposer à une hausse de prix par exemple par une menace de déréférencement de marques de la nouvelle entité"; que "[l'] entité combinée pourrait par exemple offrir des rabais combinés ou à effet de seuil" et que "[de] même, la position prépondérante des marques SEB et Moulinex rendra difficile pour un revendeur de se passer de leur présence sur leurs linéaires". Ces observations, développées dans le cadre de l'analyse des marchés au Portugal, sont également reproduites en ce qui concerne les marchés en Belgique (considérants 60 et 61 de la décision attaquée), aux Pays-Bas (considérants 69 et 70 de la décision attaquée), en Grèce (considérants 80 et 81 de la décision attaquée). Il convient encore de relever à cet égard, que si, en raison de l'effet de portefeuille, la Commission a été conduite à estimer que la nouvelle entité SEB/Moulinex serait en mesure d'étendre son pouvoir de marché à l'ensemble des marchés de produits dans ces quatre pays, quand bien même elle n'y dispose que de parts de marché inférieures au seuil de 40 %, l'effet de portefeuille est a fortiori de nature à confirmer que la concentration soulève des doutes sérieux sur les marchés où la nouvelle entité détient des parts de marché supérieures à 40 %.
347. Dans sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission avait déjà souligné la nécessité de prendre en compte l'effet de portefeuille afin de déterminer le véritable pouvoir de marché d'une entreprise. Ainsi, dans sa décision Guinness/Grand Metropolitan, précitée, la Commission avait expliqué que le détenteur d'un portefeuille de marques dominantes peut bénéficier d'un certain nombre d'avantages et, en particulier, qu'il dispose d'une position plus forte vis-à-vis de ses clients, puisqu'il peut leur proposer une gamme de produits qui représente une part plus élevée de leur chiffre d'affaires.
348. Dans ses observations adressées à la Commission (annexe 2 de la lettre du 3 décembre 2001), De'Longhi avait d'ailleurs attiré l'attention de celle-ci sur les dangers résultant de la concentration au sein d'un même groupe industriel de toutes les marques principales et d'une gamme complète de produits. À cet égard, l'intervenante avait notamment exposé:
"[L']aspect qui suscite le plus d'inquiétude dans le chef de De'Longhi est la relation qui existera, après la concentration, entre SEB/Moulinex et les grands distributeurs compte tenu du pouvoir de négociation accru dont l'acquéreur disposera dans les marchés où il jouira d'une position dominante. Ce pouvoir sera d'autant plus important grâce à la gamme complète des produits et des marques dont il disposera à la suite de l'opération [...] Il ne fait aucun doute que SEB/Moulinex étendra considérablement son portefeuille de produits de telle manière qu'elle sera en mesure, dans certains cas, de fournir une gamme complète, ce qui engendrera des effets préjudiciables, en particulier en ce qui concerne les canaux de distribution".
349. Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la Commission a indiqué que la présence des mêmes marques et des mêmes clients intermédiaires sur l'ensemble des marchés de produits d'un même pays entraînait la nécessaire prise en compte d'effets de gamme dans l'analyse de la concurrence. Selon la Commission, si la concentration contribue à donner aux parties des positions fortes sur des marchés de produits qui représentent au total une part marginale de leur chiffre d'affaires, l'entité résultant de la concentration ne sera pas incitée à jouer de sa force sur ces marchés, puisque les représailles qu'elle doit attendre sur les autres marchés de produits, où elle n'est pas en position de force, représentent des pertes de profit nettement supérieures aux gains qu'elle pourrait attendre sur les marchés où elle se trouve en position de force. Lorsque les ventes de l'entité combinée sur les marchés dominés représentaient moins de 10 % de l'ensemble des ventes de l'entité combinée dans le même pays, la Commission a indiqué, dans ses écrits devant le Tribunal et au cours de l'audience, avoir considéré que les capacités de représailles des clients revendeurs n'étaient pas modifiées par la transaction et étaient à un niveau suffisant pour faire jouer à leur profit l'effet de gamme. Par l'expression "effet de gamme", la Commission entend que toute tentative de comportement anticoncurrentiel de SEB/Moulinex sur les marchés où l'entité combinée détient une position dominante serait punie par des achats moindres, de la part des clients revendeurs, de ses produits sur les autres marchés.
350. Selon la Commission, l'effet de gamme ne permet d'écarter les doutes sérieux que si le chiffre d'affaires réalisé par les parties à la concentration sur les marchés de produits dominés ne représente qu'une part marginale du chiffre d'affaires total qu'elles réalisent dans le même pays. La Commission a fixé à 10 % maximum cette part marginale de chiffre d'affaires réalisé sur les marchés dominés au-delà delaquelle l'effet de gamme ne peut plus s'exercer.Cette limite de 10 % n'est pas contestée. Ainsi, au considérant 123 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que toute tentative de comportement anti-concurrentiel sur les marchés des bouilloires et des repas informels en Italie, où le parties détiennent, respectivement, des parts de marchés combinées de 65 à 75 % et de 40 à 50 %, serait donc punie par des achats moindres des produits de SEB et de Moulinex sur les autres marchés en Italie où l'entité combinée réalise de 90 à 100 % de son chiffre d'affaires, ce qui signifie que les marchés dominés ne représentent que de 0 à 10 % de leur chiffre d'affaires. S'agissant de l'Espagne et de la Finlande, la Commission a constaté, respectivement aux considérants 116 et 119 de la décision attaquée, que l'entité réalisait de 85 à 95 % de son chiffre d'affaires sur les marchés non dominés, ce qui signifie que les marchés dominés représentent de 5 à 15 % de leur chiffre d'affaires, soit éventuellement légèrement plus de 10 %. Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la Commission a toutefois expressément confirmé que c'est lorsque les rapports entre les ventes sur les marchés dominés et l'ensemble des ventes sur le même pays étaient faibles, soit inférieurs à 10 %, qu'elle avait considéré que les capacités de représailles des revendeurs pouvaient s'exercer. À l'audience, la Commission a, à nouveau, confirmé cette limite maximale de 10 % jusqu'à laquelle l'effet de gamme pouvait, selon elle, jouer.
351. Il importe de souligner que cette part relative du chiffre d'affaires permettant à l'effet de gamme de jouer, fixée à 10 %, ne doit pas être confondue avec la part relative du chiffre d'affaires inférieure à 35 % mentionnée au considérant 83 de la décision attaquée. La limite de 35 % indiquée au considérant 83 de la décision attaquée concerne, en effet, la question différente de savoir à partir de quel niveau la part de chiffre d'affaires réalisée sur les marchés dominés est à ce point importante que les parties seraient en mesure d'étendre leur pouvoir de marché à l'ensemble des autres marchés du pays concerné. Au considérant 83, la Commission a constaté que lorsque les parts relatives du chiffre d'affaires combiné des parties réalisé sur les marchés dominés étaient inférieures à 35 %, on pouvait exclure des doutes sérieux de création d'un pouvoir de marché sur l'ensemble de la gamme de produits pour ces pays et qu'il n'y avait dès lors plus qu'à analyser les marchés de produits individuels. Outre que cette question, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus ne semble pas avoir de pertinence en l'espèce, puisque les mêmes engagements ont été imposés indépendamment que les parties disposent d'un pouvoir de marché sur un seul marché de produits ou sur l'ensemble des marchés de produits du pays concerné, elle ne doit en tout cas pas être confondue avec celle de savoir si les revendeurs sont en mesure de punir les parties à la concentration si elles tentent d'abuser de la position dominante qu'elles détiennent sur certains marchés. Tandis que la limite de 35 % est celle à partir de laquelle la Commission a estimé qu'il y avait un risque d'extension de la position dominante à l'ensemble des marchés de produits d'un pays, la limite de 10 % est celle en deçà de laquelle la dominance détenue par les parties sur un marché de produit est, selon la Commission, au contraire mise en péril par la possibilité de représailles des revendeurs.
352. L'effet de gamme tel qu'appliqué en l'espèce par la Commission appelle les observations suivantes.
353. À titre liminaire, il convient de rappeler, que la Commission ayant considéré que chaque marché de produits constitue un marché distinct, l'analyse de la situation concurrentielle doit, en principe, être effectuée marché par marché.Dès lors, si, ainsi qu'il est indiqué ci-dessus, il peut s'avérer nécessaire d'affiner l'analyse de la situation concurrentielle d'un marché de produits au moyen de données relatives à d'autres marchés de produits, voire à d'autres pays, il n'en demeure pas moins que le principe étant celui de l'appréciation autonome de chaque marché, toute dérogation ou tempérament à ce principe doit se fonder sur des indices précis et concordants de nature à établir l'existence de telles interactions.
354. En premier lieu, il convient de relever que, tandis que la notion d'effet de portefeuille vise à apprécier la position concurrentielle réelle d'une entité résultant de la concentration et, le cas échéant, à conclure qu'elle détient une position dominante en dépit d'une part de marché ne donnant pas lieu en soi à une position dominante, en prenant en considération non seulement l'addition des parts de marché respectives des parties mais également la puissance supplémentaire résultant de ce que la nouvelle entité dispose d'un nombre de marques important et est présente sur de nombreux marchés, l'effet de gamme tel qu'invoqué par la Commission pour justifier l'absence de doutes sérieux dans les pays non couverts par les engagements vise, au contraire, à relativiser la puissance de l'entité résultant de la concentration et ainsi à écarter la constatation de l'existence d'une position dominante à laquelle aboutit l'addition des parts de marché.
355. Il convient de rappeler, à cet égard, qu'il est constant que les deux parties à la concentration jouissaient chacune de positions fortes sur de nombreux marchés et disposaient de plusieurs marques renommées. Or, la concentration, outre l'addition des parts de marché à laquelle elle a conduit, a eu pour effet d'élargir le portefeuille de marques et le nombre de marchés sur lesquels SEB et Moulinex étaient présents, renforçant ainsi la puissance de marché dont elles disposaient, en particulier vis-à-vis des clients revendeurs. À de nombreuses reprises, la Commission a ainsi relevé dans la décision attaquée que les positions fortes déjà détenues par SEB et Moulinex avant l'opération sur de nombreux marchés de produits sont encore renforcées par un apport de parts de marché et de marques sur plusieurs autres marchés (voir, notamment, les considérants 46, 47, 50, 51, 52, 56, 60, 69, 73, etc).
356. En deuxième lieu, la Commission n'a pas établi à suffisance de droit le bien-fondé de l'allégation selon laquelle toute tentative de comportement anticoncurrentiel sur les marchés dominés serait punie par des achats moindres de produits de SEB/Moulinex sur les autres marchés.
357. En effet, ainsi que De'Longhi l'a fait valoir à l'audience, l'hypothèse envisagée par la Commission d'un conflit entre SEB/Moulinex et les revendeurs n'est pas plus plausible que celle d'une entente entre eux en vue de maximiser leurs intérêts respectifs.
358. La Commission n'a, au demeurant, même pas démontré en quoi l'hypothèse sur laquelle elle s'est fondée, à savoir une hausse des prix pratiquée par SEB/Moulinex, est nécessairement de nature à affecter les intérêts des revendeurs et, partant, à les inciter à punir SEB/Moulinex.
359. Interrogée par le Tribunal sur les fondements économiques sur lesquels repose le facteur d'"effet de gamme", la Commission a admis ne pas disposer d'étude économique à cet égard.Outre une référence à sa décision Guiness/Grand Metropolitan, laquelle, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, fait application de la notion très différente d'effet de portefeuille, la Commission s'est, en réalité, bornée à faire état de ce que cette thèse avait été avancée par les parties à la concentration dans leur notification.
360. En outre, la Commission n'a envisagé que la seule hypothèse d'une hausse des prix pratiquée par SEB/Moulinex. Or, cette dernière est susceptible d'adopter d'autres types de comportements anticoncurrentiels. Ainsi, la concentration permettra notamment à l'entité SEB/Moulinex de réaliser des économies d'échelle et diverses mesures de rationalisation, générant ainsi une diminution des coûts dont elle pourrait par exemple profiter pour effectuer des diminutions de prix, ou pour accorder une marge supérieure aux revendeurs, afin d'accroître sa position. De même, SEB/Moulinex pourrait inciter les revendeurs à déréférencer ses concurrents.
361. Enfin, l'affirmation selon laquelle les revendeurs sont en mesure de punir SEB/Moulinex en cas de hausse de prix repose sur le postulat non démontré que les revendeurs déterminent le choix des consommateurs finaux.Les revendeurs ayant pour fonction de revendre aux consommateurs finaux les produits que ceux-ci achètent, la possibilité qu'ils puissent punir SEB/Moulinex en réduisant leurs achats des produits de SEB/Moulinex sur les autres marchés doit être nuancée, et ce d'autant plus que la marque est le facteur de choix prépondérant de concurrence sur les marchés en cause.
362. En troisième lieu, il échet d'observer que l'effet de gamme tel que le conçoit la Commission, dans la mesure où il consiste à envisager que les revendeurs pourront punir tout comportement anticoncurrentiel de la nouvelle entité, revient davantage à constater que les revendeurs seront en mesure d'empêcher SEB/Moulinex de commettre un abus qu'à démontrer que l'entité combinée ne disposera pas d'une position dominante. Or, le règlement n° 4064-89 vise à interdire non l'abus de position dominante mais la création ou le renforcement d'une telle position.
363. Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas démontré à suffisance de droit le bien-fondé de sa théorie de l'effet de gamme telle qu'elle l'invoque pour justifier l'absence de doutes sérieux dans les pays non couverts par les engagements.
364. Par ailleurs, à supposer même que la Commission ait pu avoir recours à cette théorie pour ne pas constater l'existence de doutes sérieux sur certains marchés en dépit de la position forte détenue par l'entité sur ceux-ci, au motif que ces marchés ne représentaient qu'une proportion faible par rapport à l'ensemble des marchés concernés, il convenait, en tout état de cause, de prendre en compte tous les marchés sur lesquels les parties détenaient une position dominante et en particulier ceux sur lesquels SEB/Moulinex détenait une part de marché supérieure à 40 % mais pour lesquels la Commission a écarté l'existence de doutes sérieux en raison de l'absence de chevauchement significatif des parts de marché des parties.
365. En effet, même si la concentration ne crée pas ou ne renforce pas de manière sensible la position dominante détenue par l'une des parties avant la concentration, il n'en demeure pas moins que la nouvelle entité dispose d'une telle position dominante sur ces marchés. L'absence de chevauchement ne supprime pas la position dominante.Ainsi, il ne saurait être considéré qu'un revendeur soit en mesure de punir l'entité issue d'une concentration réalisée entre deux entreprises disposant chacune d'un monopole sur la moitié des marchés concernés.
b) Sur les pays non couverts par les engagements
366. Il convient maintenant d'examiner, à la lumière des observations développées ci-dessus, si les raisons avancées par la Commission sont de nature à justifier sa constatation selon laquelle la concentration ne soulevait pas de doutes sérieux en ce qui concerne les marchés de produits concernés en Italie, en Espagne, en Finlande, au Royaume-Uni et en Irlande ou si, ainsi que le soutient la requérante, la Commission ne pouvait approuver la concentration sans imposer d'engagements sur lesdits marchés géographiques.
367. Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus au point 315, que la présence, dans un marché géographique distinct, d'un seul marché de produits concerné sur lequel la concentration soulevait des doutes sérieux a été suffisante, aux termes de la décision attaquée, pour entraîner d'office l'imposition d'engagements pour l'ensemble des marchés de produits concernés sur ledit marché géographique.
1) Sur la Norvège
368. Force est de constater que le grief de la requérante repose sur une lecture erronée de la décision attaquée, puisque celle-ci conclut précisément à l'existence de doutes sérieux sur certains marchés de produits concernés en Norvège et prévoit dès lors que les engagements couvrent également la Norvège (considérant 137 de la décision attaquée).
369. Sur ce point, le moyen manque donc manifestement en fait et doit être rejeté.
2) Sur l'Espagne
370. Il convient de rappeler que, aux termes du considérant 115 de la décision attaquée, les parts de marché combinées des parties à la concentration en Espagne sont de 40 à 50 % (dont 5 à 15 % pour SEB) pour les bouilloires et de 75 à 85 % (dont 0 à 10 % pour SEB) pour les fours posables.
371. Toutefois, la Commission a conclu, au considérant 116 de la décision attaquée, que ces positions très fortes ne permettraient pas à la nouvelle entité de se comporter de manière anticoncurrentielle. Cette conclusion est fondée sur la seule considération selon laquelle "comme des concurrents tels que De'Longhi, Taurus, Bosch et Philips ont des positions significatives sur de nombreux marchés de produits, y compris sur les deux marchés de produits en cause [...] les clients revendeurs ont des marques alternatives de fortes renommées et présentes dans toute la gamme du petit électroménager en substitut de celles des parties", de sorte que "toute tentative de comportement anticoncurrentiel sur ces marchés serait donc punie par des achats moindres des produits de SEB et Moulinex sur les autres marchés où l'entité combinée réalise 85 à 95 % de son chiffre d'affaires".
372. Il s'ensuit que, sur ce marché géographique, la Commission a écarté l'existence de doutes sérieux sur la base de deux facteurs, à savoir, d'abord, la position de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents et, ensuite, l'effet de gamme.
373. En ce qui concerne, premièrement, la position de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents, il convient de relever, tout d'abord, que, contrairement à ce qu'indique la Commission, sur le marché des bouilloires, de nombreux concurrents, tels De'Longhi, Taurus, Bosch et Philips, ne sauraient avoir des positions significatives dès lors que SEB/Moulinex détient des parts de marché de 75 à 85 %. En effet, dans ces circonstances, la pression concurrentielle exercée sur SEB/Moulinex résulte soit d'un seul concurrent détenant tout au plus une part de marché de l'ordre de 20 %, laquelle est déjà près de quatre fois inférieure à celle des parties à la concentration, soit de plusieurs concurrents, mais dont les parts de marché sont alors nécessairement très faibles et, en tout état de cause, d'importance minime par rapport à celle des parties. Il y a d'ailleurs lieu de relever que sur aucun marché de produits, même dans les pays couverts par les engagements, la nouvelle entité ne dispose d'une position aussi forte que celle qu'elle détient sur le marché des fours posables en Espagne.
374. Force est dès lors de constater, qu'en l'espèce, la Commission n'a fait état d'aucun facteur particulier de nature à expliquer que, en dépit des parts de marché de 40 à 50 % (dont 5 à 15 % pour SEB) détenues par les parties pour les bouilloires et de 75 à 85 % (dont 0 à 10 % pour SEB) pour les fours posables, l'opération ne soulevait pas de doutes sérieux.
375. En ce qui concerne, deuxièmement, l'effet de gamme, il convient de rappeler que, pour les motifs exposés ci-dessus aux points 364 et 365, celui-ci ne permettait pas d'écarter l'existence de doutes sérieux.
376. En tout état de cause, même en admettant, ainsi que le soutient la Commission au considérant 116 de la décision attaquée et dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, que l'effet de gamme permettait d'écarter l'existence de doutes sérieux lorsque, sur un marché géographique donné, le chiffre d'affaires réalisé par SEB/Moulinex sur les marchés de produits concernés où l'entité combinée disposait d'une part de marché supérieure à 40 % demeurait inférieure à 10 % de son chiffre d'affaires total sur l'ensemble des marchés de produits concernés dans ce marché géographique, force est de constater que la Commission n'a pas établi, ni dans la décision attaquée ni devant le Tribunal, que tel était le cas en Espagne.
377. Certes, il ressort du considérant 116 de la décision attaquée que les marchés des bouilloires et des fours posables en Espagne représentaient tout au plus 5 à 15 % du chiffre d'affaires total réalisé par l'entité combinée sur l'ensemble des marchés des produits concernés en Espagne. Toutefois, il convient de relever que, aux termes des considérants 88 et 92 de la décision attaquée, la nouvelle entité disposait également d'une part de marché supérieure à 40 % sur les marchés des repas informels et des préparateurs culinaires. Le tableau n° 2 établi par la Commission en réponse aux questions du Tribunal mentionne ainsi que les marchés sur lesquels l'entité SEB/Moulinex disposait d'une part de marché supérieure à 40 %, en ce compris les marchés des repas informels et des préparateurs culinaires, représentaient 25 à 35 % de l'ensemble de leurs ventes en Espagne. Or, pour les raisons exposées ci-dessus aux points 364 et 365, la Commission aurait dû tenir compte de ces marchés pour apprécier la possibilité d'une punition par les revendeurs.
378. Il convient encore de relever que l'entité SEB/Moulinex détient une part de marché supérieure à 40 % sur pas moins de quatre marchés de produits concernés en Espagne. Il convient de rappeler à cet égard que, au considérant 43 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les effets sur la concurrence de la concentration pouvaient être déclinés en quatre catégories, à savoir la France, dont l'examen a été renvoyé aux autorités nationales, les pays où la concentration ne changerait que marginalement les conditions de concurrence, les pays où la concentration ne soulèverait de doutes sérieux que dans un certain nombre de marchés de produits, et, enfin, les quatre pays (Portugal, Grèce, Belgique et Pays-Bas) où la concentration menait à une combinaison de parts de marchés à des niveaux parfois élevés sur une grande partie des catégories de produits en cause, de sorte que les parties seraient en mesure d'étendre leur pouvoir de marché à l'ensemble des autres marchés concernés. Or, l'entité SEB/Moulinex détient en Espagne des parts de marché supérieures à 40 % sur pas moins de quatre marchés de produits, soit sur autant de marchés de produits qu'en Grèce, qui fait pourtant partie des pays pour lesquels la Commission a estimé que la concentration soulevait des doutes sérieux sur un grand nombre de marchés.
379. Enfin, ainsi que l'ont fait valoir à juste titre De'Longhi et la requérante à l'audience, la Commission s'est abstenue d'examiner l'effet de portefeuille induit par la concentration et, en particulier, de ce que celle-ci a permis d'adosser les positions fortes détenues par SEB sur les marchés des bouilloires, des repas informels et des fers à repasser à celles détenues par Moulinex sur les marchés des grille-pain, des cafetières, des fours posables et des préparateurs culinaires. De même, la décision attaquée n'explique pas pourquoi la circonstance que la nouvelle entité détiendra, du fait de la concentration, une panoplie de quatre marques n'est pas de nature à renforcer son pouvoir de marché alors que, à de nombreuses reprises, sur les marchés géographiques couverts par les engagements, la Commission a pris soin de souligner que SEB/Moulinex détient deux marques tandis que ses concurrents n'en ont qu'une.
380. Il résulte de ce qui précède que les facteurs retenus aux considérants 115 et 116 de la décision attaquée ne permettaient pas à la Commission d'écarter l'existence de doutes sérieux sur les marchés des bouilloires et des fours posables en Espagne.
3) Sur la Finlande
381. Il convient de rappeler qu'aux termes du considérant 118 de la décision attaquée, la part de marché combinée des parties à la concentration est de 45 à 55 % pour le marché finlandais des grille-pain. Bien que cette part de marché soit supérieure au seuil de 40 %, la Commission a estimé que l'opération de concentration ne soulevait pas de doutes sérieux dans ce pays, car, vu la présence de concurrents tels que Philips et Bosch, toute tentative de comportement anticoncurrentiel sur ce marché risquerait d'être punie par des achats moindres de produits de SEB/Moulinex sur les autres marchés où l'entité combinée réalise 85 à 95 % de son chiffre d'affaires.
382. Il s'ensuit que, sur ce marché géographique, c'est uniquement par application de l'effet de gamme que la Commission a estimé que l'opération ne soulevait pas de doutes sérieux sur les marché des grille-pain en Finlande. Or, pour les motifs exposés ci-dessus aux points 364 et 365, l'effet de gamme ne permettait pas d'écarter l'existence de doutes sérieux.
383. En tout état de cause, même en admettant, ainsi que le soutient la Commission au considérant 119 de la décision attaquée et dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, que l'effet de gamme permettait d'écarter l'existence de doutes sérieux lorsque, sur un marché géographique donné, le chiffre d'affaires réalisé par SEB/Moulinex sur les marchés de produits concernés où l'entité combinée disposait d'une part de marché supérieure à 40 % demeurait inférieur à 10 % de son chiffre d'affaires total sur l'ensemble des marchés de produits concernés dans ce marché géographique, force est de constater que la Commission n'a pas établi, ni dans la décision attaquée ni devant le Tribunal, que tel était le cas en Finlande.
384. En effet, si selon le considérant 119 de la décision attaquée, le marché des grille-pain ne représentait que 5 à 15 % du chiffre d'affaires réalisé par la nouvelle entité sur l'ensemble des marchés de produits concernés en Finlande, il convient de relever toutefois que la nouvelle entité disposait également d'une part de marché supérieure à 40 % sur les marchés finlandais des machines à expressos (de 40 à 50 %), des fours posables (de 35 à 45 %), et des barbecues (de 40 à 50 %) (considérants 87, 90 et 91 de la décision attaquée). Le tableau n° 2 établi par la Commission en réponse aux questions du Tribunal mentionne ainsi que les marchés où SEB/Moulinex disposait d'une part de marché supérieure à 40 %, en ce compris les marchés des machines à expressos, des fours posables et des barbecues, représentaient 10 à 20 % de l'ensemble de leurs ventes en Finlande. Or, pour les raisons exposées ci-dessus aux points 364 et 365, la Commission aurait dû tenir compte de ces marchés pour apprécier la possibilité d'une punition par les revendeurs.
385. Il convient encore de relever que l'entité SEB/Moulinex détient une part de marché supérieure à 40 % sur pas moins de quatre marchés de produits concernés en Finlande, soit sur autant de marchés de produits qu'en Grèce qui fait partie des pays pour lesquels la Commission a estimé que la concentration soulevait des doutes sérieux sur un grand nombre de marchés.
386. Enfin, ainsi que l'ont fait valoir à juste titre, De'Longhi et la requérante à l'audience, la Commission s'est abstenue d'examiner l'effet de portefeuille induit par la concentration et, en particulier, de ce que celle-ci a permis d'adosser les positions fortes détenues par SEB sur les marchés des barbecues et des grille-pain à celles détenues par Moulinex sur les marchés des fours posables, des cafetières, machines à expressos, des préparateurs culinaires et des grille-pain. De même, la décision n'explique pas pourquoi la circonstance que la nouvelle entité détiendra du fait de la concentration une panoplie de quatre marques n'est pas de nature à renforcer son pouvoir de marché alors que, à de nombreuses reprises, sur les marchés géographiques couverts par les engagements, la Commission a pris soin de souligner que SEB/Moulinex détient deux marques tandis que ses concurrents n'en n'ont qu'une.
387. Il résulte de ce qui précède que les facteurs retenus aux considérants 87, 90, 91 et 118 à 120 de la décision attaquée ne permettaient pas à la Commission d'écarter l'existence de doutes sérieux sur les marchés des fours posables, des expressos, des barbecues et des grille-pain en Finlande.
4) Sur l'Italie
388. Il convient de rappeler que, aux termes des considérants 121 à 124 de la décision attaquée, la nouvelle entité détiendra une part de marché supérieure à 40 % en Italie sur trois marchés de produits, à savoir celui des préparateurs culinaires, celui des repas informels et celui des bouilloires.
389. En ce qui concerne, premièrement, le marché des préparateurs culinaires, la Commission a ainsi constaté, au considérant 121 de la décision attaquée, que les parts de marché combinées des parties étaient de 40 à 50 %, dont 0 à 10 % pour SEB, que les parties seraient concurrencées notamment par Braun (de 10 à 20 %), Philips (de 0 à 10 %) et De'Longhi (de 0 à 10 %) et en a conclu que l'opération de concentration aurait un impact faible sur la concurrence en éliminant le quatrième acteur du marché.
390. Il s'ensuit qu'un seul des facteurs avancés par la Commission a conduit celle-ci à écarter l'existence de doutes sérieux en Italie, à savoir, la position de marché de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents.
391. Toutefois, pour les motifs exposés ci-dessus au point 329, sauf à démontrer que lesdits concurrents détenaient une position forte de nature à exercer un contrepoids réel face à SEB/Moulinex, la circonstance selon laquelle l'entité SEB/Moulinex devrait affronter trois concurrents était en soi dénuée de toute pertinence sur un marché dont le leader disposait d'une part de marché de 40 à 50 %.
392. Or, en l'espèce, deux des trois concurrents mentionnés sur le marché des préparateurs culinaires, à savoir Philips et De'Longhi, ne détenaient qu'une position marginale de 0 à 10 %. Quant au troisième, à savoir Braun, il disposait certes d'une part de marché plus représentative de 10 à 20 %, mais celle-ci demeurait néanmoins entre deux et quatre fois inférieure à celle détenue par la nouvelle entité. Par contraste, il convient de relever que la Commission a considéré comme révélateur de l'existence de doutes sérieux, notamment au considérant 51 de la décision attaquée, en ce qui concerne la position de la nouvelle entité au Portugal, la circonstance que les parties à la concentration étaient leaders du marché avec des parts de marché au moins deux fois plus importantes que celles de leur concurrent suivant.
393. De même, la circonstance que la concentration aurait un faible impact sur la concurrence en éliminant le quatrième acteur du marché n'apparaît pas convaincante. En effet, SEB ne disposait que d'une faible part de marché (de 0 à 10 %), au même titre que deux des autres concurrents de Moulinex, à savoir Philips et De'Longhi, seul Braun détenant une part de marché supérieure, bien que modeste. Force est de constater que, dans ces circonstances, l'élimination du quatrième concurrent ne produit pas des effets substantiellement différents de ceux qui auraient résulté de l'élimination du deuxième ou du troisième concurrent.
394. Partant, il résulte de ce qui précède que le facteur retenu au considérant 121 de la décision attaquée ne permettait pas à la Commission d'écarter l'existence de doutes sérieux sur le marché des préparateurs culinaires en Italie.
395. En ce qui concerne, deuxièmement, le marché des repas informels, la Commission a constaté, au considérant 122 de la décision attaquée, que la part combinée des parties à la concentration serait de 40 à 50 % (dont 0 à 10 % pour Moulinex), Philips avec 0 à 10 % de part de marché étant le seul concurrent identifié par les parties. En ce qui concerne le marché des bouilloires, la Commission a constaté, au même considérant 122 de la décision attaquée, que la part combinée des parties à la concentration serait de 65 à 75 % (dont 15 à 25 % pour Moulinex), devant De'Longhi, Philips et Braun tous trois avec 0 à 10 %. Toutefois, au considérant 123 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les marchés des bouilloires et des repas informels ne représentant chacun que de l'ordre de 0 à 5 % de la valeur de l'ensemble de la "famille cuisine" du petit électroménager, les clients revendeurs auraient la possibilité de punir toute tentative de comportement anticoncurrentiel sur ces marchés par des achats moindres des produits de SEB/Moulinex sur les autres marchés où l'entité combinée réalisait 90 à 100 % de son chiffre d'affaires. Selon la Commission, cette possibilité de punition rend non profitable toute augmentation des prix de la part des parties sur les deux marchés concernés. En conséquence, elle a estimé que l'opération de concentration ne soulevait pas de doutes sérieux sur ces marchés.
396. Il s'ensuit que, sur ce marché, la Commission a écarté l'existence de doutes sérieux uniquement sur la base de l'effet de gamme. Certes, la Commission a mentionné, au considérant 122 de la décision attaquée, la position de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents. Toutefois, ce facteur n'a pas conduit la Commission à écarter l'existence de doutes sérieux sur les marchés concernés. Force est d'ailleurs de constater que la Commission ne pouvait se fonder sur ce facteur. En effet, en ce qui concerne le marché des repas informels, il convient de relever que, par contraste avec le marché des préparateurs culinaires, la Commission n'a identifié qu'un seul concurrent et non trois. En outre, il ne peut être exclu, sur la base des données figurant dans la décision attaquée, que la concentration regroupe les deux premiers acteurs sur le marché, puisque Moulinex et Philips avaient tous deux une part de marché comprise entre 0 et 10 %. Quant au marché des bouilloires, les éléments mentionnés dans la décision attaquée ne semblent pas permettre de justifier l'absence de doutes sérieux dans la mesure où, si certes, il subsiste trois concurrents, la concentration regroupe les deux premiers opérateurs du marché, lesquels détiendront une part de marché de 65 à 75 %, soit près des trois quarts de celui-ci.
397. S'agissant de l'effet de gamme, il a été exposé ci-dessus aux points 364 et 365, les motifs pour lesquels celui-ci ne pouvait permettre à la Commission d'écarter l'existence de doutes sérieux. À cet égard, il convient de préciser que la circonstance, soulignée par la Commission, qu'en Italie, De'Longhi était leader sur quatre autres marchés de produits concernés et que Saeco disposait d'une part de marché de 60 à 70 % sur le marché des machines à expressos, est dénuée de pertinence. En effet, par définition, le fait que SEB/Moulinex ne disposait pas d'une part de marché supérieure à 40 % en dehors des marchés des préparateurs culinaires, des repas informels et des bouilloires signifie nécessairement que, sur ces autres marchés, d'autres opérateurs étaient susceptibles de disposer, le cas échéant, de fortes positions.
398. En tout état de cause, même en admettant, ainsi que le soutient la Commission au considérant 123 de la décision attaquée et dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, que l'effet de gamme permettait d'écarter l'existence de doutes sérieux lorsque, sur un marché géographique donné, le chiffre d'affaires réalisé par SEB/Moulinex sur les marchés de produits concernés où l'entité combinée disposait d'une part de marché supérieure à 40 % demeurait inférieure à 10 % de son chiffre d'affaires total sur l'ensemble des marchés de produits concernés dans ce marché géographique, force est de constater que la Commission n'a pas établi, ni dans la décision attaquée ni devant le Tribunal, que tel était le cas en Italie.
399. Certes, il ressort du considérant 123 de la décision attaquée que les marchés des repas informels et des bouilloires en Italie représentaient tout au plus 0 à 10 % du chiffre d'affaires total réalisé par l'entité combinée sur l'ensemble des marchés des produits concernés en Italie. Toutefois, il convient de relever que, aux termes du considérant 121 de la décision attaquée, la nouvelle entité disposait également d'une part de marché supérieure à 40 % sur les marchés des préparateurs culinaires. Le tableau n° 2 établi par la Commission en réponse aux questions du Tribunal mentionne ainsi que les marchés sur lesquels SEB/Moulinex disposait d'une part de marché supérieure à 40 %, en ce compris les marchés des préparateurs culinaires, représentaient 25 à 35 %, et même 30 à 40 % selon la réponse de la Commission à la question écrite du Tribunal, de l'ensemble de leurs ventes en Italie. Or, outre le fait que, pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission ne pouvait pas écarter l'existence de doutes sérieux sur ce marché de produits concerné sur la base du seul critère retenu au considérant 121 de la décision attaquée, elle devait, ainsi qu'il a été exposé plus haut, en tout état de cause, tenir compte de ce marché pour apprécier la possibilité d'une punition par les revendeurs, puisque la nouvelle entité y détenait une part de marché supérieure à 40 %.
400. Enfin, ainsi que l'ont fait valoir à juste titre De'Longhi et la requérante à l'audience, la Commission s'est abstenue d'examiner l'effet de portefeuille induit par la concentration et, en particulier, de ce que celle-ci a permis d'adosser les positions fortes détenues par SEB sur les marchés des bouilloires, des repas informels, des barbecues et des fers à repasser à celles détenues par Moulinex sur les marchés des cafetières, des bouilloires, des cuiseurs à vapeur et des préparateurs culinaires. De même, la décision n'explique pas pourquoi la circonstance que la nouvelle entité détiendra, du fait de la concentration, une panoplie de quatre marques n'est pas de nature à renforcer son pouvoir de marché alors que, à de nombreuses reprises, sur les marchés géographiques couverts par les engagements, la Commission a pris soin de souligner que SEB/Moulinex détient deux marques tandis que ses concurrents n'en ont qu'une.
401. Pour ces motifs, il convient de conclure que le facteur retenu au considérant 123 de la décision attaquée ne permettait pas à la Commission d'écarter l'existence de doutes sérieux sur les marchés des repas informels et des bouilloires en Italie.
402. Partant, le moyen est, en ce qui concerne l'Italie, fondé.
5) Sur le Royaume-Uni et l'Irlande
403. Il convient de rappeler que, aux termes des considérants 125 et 126 de la décision attaquée, la Commission indique que les parties à la concentration disposent d'une part de marché cumulée de 35 à 45 % sur le marché des fers à repasser et stations vapeur au Royaume-Uni et en Irlande. Ainsi qu'il ressort notamment du tableau n° 2 fourni par la Commission, cette part de marché est supérieure à 40 %. Dans la décision attaquée, la Commission a toutefois conclu que l'opération de concentration ne soulevait pas de doutes sérieux au Royaume-Uni et en Irlande au motif, d'une part, qu'elle ne changeait que "marginalement les conditions de concurrence avec une addition faible de parts de marché" (addition de 0 à 5 %) et, d'autre part, que "les parties à la concentration feront notamment face à Philips (part de marché de 15 à 25 %)".
404. Il s'ensuit que, sur ce marché géographique, la Commission a écarté l'existence de doutes sérieux sur la base de deux facteurs, à savoir, d'abord, l'absence de chevauchement significatif et, ensuite, la position de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents.
405. En ce qui concerne, premièrement, l'absence de chevauchement significatif, il convient de rappeler que, en raison du caractère vague des données, le Tribunal ne peut contrôler si ce facteur permettait d'écarter l'existence de doutes sérieux. Par ailleurs, force est de constater que, même si l'addition de parts de marché est faible, elle est cependant suffisante pour conférer une part de marché supérieure au seuil de dominance de 40 % retenu dans la décision.
406. En ce qui concerne, deuxièmement, la position de l'entité fusionnée par rapport à ses concurrents, Philips étant un des quatre opérateurs identifiés au considérant 32 de la décision attaquée comme disposant à la fois d'une large gamme de produits du secteur du petit électroménager et d'une présence paneuropéenne, la circonstance qu'il soit présent sur le marché en question ne constitue pas un élément particulier. De même, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, il n'est pas concevable qu'une entreprise disposant d'une part de marché de l'ordre de 40 % ne rencontre pas de concurrents.
407. Par ailleurs, il y a lieu d'observer que, si la Commission a souligné la faible addition des parts de marché pour les fers à repasser et stations vapeur, elle a, en revanche, ainsi que l'a fait valoir à juste titre la requérante, omis d'analyser l'impact sur la concurrence de la conjonction de positions significatives de SEB/Moulinex sur de nombreux marchés et en particulier sur le marché des friteuses (où SEB passe de 15 à 25 % à 30 à 40 %), sur le marché des cuiseurs vapeur (où SEB passe de 25 à 35 % à 35 à 40 %) sur le marché des repas informels (où SEB passe de 15 à 25 % à 25 à 35 %) et sur le marché des machines à expressos (où SEB passe de 0 à 10 % à 20 à 30 %). Si la nouvelle entité n'atteint le seuil de dominance sur aucun de ces marchés, lesquels ne soulèvent dès lors pas de doutes sérieux, cette puissance significative sur de nombreux marchés est toutefois de nature, eu égard à l'effet de portefeuille décrit plus haut, à renforcer la dominance dont elle jouit sur le marché des fers à repasser et stations vapeur.
408. Enfin, comme le souligne la requérante à juste titre, il convient de constater que la Commission n'a pas appliqué au marché géographique concerné le critère du chiffre d'affaires relatif qu'elle a par ailleurs retenu dans son analyse de la situation concurrentielle dans les autres marchés géographiques au stade de l'application de l'effet de gamme. En effet, alors qu'elle a écarté, à tort, l'existence de doutes sérieux sur les marchés de produits concernés en Italie, en Espagne et en Finlande, au motif que les marchés de produits concernés sur lesquels SEB/Moulinex détenait une position dominante représentaient moins de 10 % de leur chiffre d'affaires total sur l'ensemble des marchés de produits concernés dans ces marchés géographiques, la Commission n'a par contre tiré aucune conséquence de ce que le marché des fers à repasser et stations vapeur représentait 35 à 40 % du chiffre d'affaires total réalisé par SEB/Moulinex sur l'ensemble des marchés de produits concernés au Royaume-Uni et en Irlande.
409. Enfin, ainsi que l'ont fait valoir à juste titre, De'Longhi et la requérante à l'audience, la Commission s'est abstenue d'examiner l'effet de portefeuille induit par la concentration et, en particulier, de ce que celle-ci a permis d'adosser les positions fortes détenues par SEB sur les marchés des friteuses, fours posables, des repas informels, des cuiseurs à vapeur et des fers à repasser à celles détenues par Moulinex sur les marchés des friteuses, des machines à expressos et des préparateurs culinaires. De même, la décision attaquée n'explique pas pourquoi la circonstance que la nouvelle entité détiendra du fait de la concentration une panoplie de cinq marques n'est pas de nature à renforcer son pouvoir de marché alors que, à de nombreuses reprises, sur les marchés géographiques couverts par les engagements, la Commission a pris soin de souligner que SEB/Moulinex détient deux marques tandis que ses concurrents n'en ont qu'une.
410. Pour ces motifs, il convient de conclure que les facteurs retenus aux considérants 125 et 126 de la décision attaquée ne permettaient pas à la Commission d'écarter l'existence de doutes sérieux sur le marché des fers à repasser et des stations vapeur au Royaume-Uni et en Irlande.
c) Conclusion
411. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne les marchés en Italie, en Espagne, en Finlande et au Royaume-Uni et en Irlande.
Sur le grief tiré de ce que les engagements réalisent un partage de marché portant sur la marque Moulinex
A - Arguments des parties
412. À l'audience, De'Longhi a fait valoir, pour la première fois, que les engagements acceptés dans la décision attaquée aboutissent à un partage de marché en ce qui concerne la marque Moulinex. Elle souligne que ce partage de marché est renforcé par le point 1, sous c), dernier alinéa, des engagements, lequel interdit aux licenciés d'exporter les produits qu'ils commercialisent sous la marque Moulinex dans les territoires des autres licenciés et dans ceux de SEB.
413. Selon De'Longhi, un tel partage de marché n'est pas couvert par le règlement (CE) n° 240-96 de la Commission, du 31 janvier 1996, concernant l'application de l'article [81], paragraphe 3, du traité, à des catégories d'accords de transfert de technologie (JO L. 31, p. 2) et, en conséquence, il est interdit par l'article 81, paragraphe 1.
414. De'Longhi ayant attiré l'attention de la Commission sur cette problématique au cours de la procédure administrative, elle estime que la Commission aurait dû vérifier si les engagements ne soulevaient pas de doutes à cet égard.
415. La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation de De'Longhi.
B - Appréciation du Tribunal
416. Il y a lieu d'observer que, en soutenant que les engagements réalisent un partage du marché portant sur la marque Moulinex, De'Longhi invoque un moyen qui n'a pas été soulevé par la requérante.
417. Or, si les articles 37, troisième alinéa, du statut de la Cour et 116, paragraphe 3, du règlement de procédure ne s'opposent pas à ce qu'un intervenant présente des arguments nouveaux ou différents de ceux de la partie qu'il soutient, sous peine de voir son intervention limitée à répéter les arguments avancés dans la requête, il ne saurait être admis que ces dispositions lui permettent de modifier ou de déformer le cadre du litige défini par la requête en soulevant des moyens nouveaux (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30-59, Rec. p. 1, 37; du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313-90, Rec. p. I-1125, point 22, et du 8 juillet 1999, Chemie Linz/Commission, C-245-92 P, Rec. p. I-4643, point 32; arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459-93, Rec. p. II-1675, point 21; du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371-94 et T-394-94, Rec. p. II-2405, point 75; du 1er décembre 1999, Boehringer/Conseil et Commission, T-125-96 et T-152-96, Rec. p. II-3427, point 183, et du 28 février 2002, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-395-94, Rec. p. II-875, point 382).
418. Partant, il convient de considérer que, les intervenantes devant, en vertu de l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, accepter le litige dans l'état où il se trouve lors de leur intervention et les conclusions de leur requête en intervention ne pouvant avoir, en vertu de l'article 37, quatrième alinéa, du statut de la Cour, d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties principales, De'Longhi, en tant que partie intervenante, n'a pas qualité pour soulever le présent moyen tiré du partage de marché réalisé par les engagements. En conséquence, le présent moyen soulevé par De'Longhi doit être rejeté comme irrecevable.
419. En tout état de cause, même s'il était recevable - quod non - le moyen soulevé par De'Longhi ne serait pas fondé.
420. Il ressort de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 4064-89, que, lorsque, dans le cadre de son examen de la compatibilité d'une opération de concentration avec le Marché commun, la Commission apprécie si une opération de concentration crée ou renforce une position dominante au sens du paragraphe 2 de cette disposition, elle doit "[tenir compte] de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le Marché commun au vu notamment de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d'entreprises situées à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté".
421. Il est, par conséquent, exact, ainsi que le fait valoir De'Longhi, que la Commission ne saurait, dans le cadre de la procédure d'application du règlement n° 4064-89, accepter des engagements qui sont contraires aux règles de concurrence instituées par le traité dans la mesure où ils portent atteinte à la préservation ou au développement d'une concurrence effective dans le Marché commun. Dans ce contexte, la Commission doit apprécier la compatibilité de ces engagements notamment selon les critères de l'article 81, paragraphes 1 et 3, CE (qui, par référence à l'article 83 CE, constitue une des bases juridiques du règlement n° 4064-89, voir arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère/Commission, non encore publié au Recueil, point 85).
422. Toutefois, en l'espèce, il convient de relever, en premier lieu, que, aux termes du point 1, sous c), dernier alinéa, des engagements, il est prévu que "le ou les licenciés s'engageront à ne commercialiser les produits comportant la marque Moulinex que sur le ou les territoires qui leur auront été concédés et pour lesquels les produits sont destinés". Contrairement à ce que soutient De'Longhi, il ne résulte pas des termes de cette clause que les engagements imposent de façon explicite une interdiction d'exportation aux licenciés de la marque Moulinex vers les autres Etats membres. Ladite clause peut en effet être interprétée comme se bornant à obliger les licenciés à commercialiser les produits comportant la marque Moulinex dans le territoire qui leur a été concédé. Or, une clause qui contraint un licencié à concentrer la vente des produits couverts par la licence sur son territoire n'a pas, en principe, pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE.
423. En deuxième lieu, force est de constater que, même si la clause litigieuse devait s'interpréter, ainsi que le soutient De'Longhi, comme interdisant aux licenciés d'exporter les produits portant la marque Moulinex vers d'autres Etats membres, De'Longhi n'établit pas en quoi cette clause serait contraire, en l'espèce, à l'article 81, paragraphe 1, CE. En effet, De'Longhi n'explique pas comment, eu égard à la dimension géographique nationale des marchés de produits concernés et à l'absence d'importations parallèles significatives entre Etats membres, la clause litigieuse serait susceptible de restreindre de manière sensible la concurrence sur les marchés concernés dans la Communauté ou d'affecter de manière significative le commerce entre Etats membres au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE. Or, il est de jurisprudence constante que, même un accord contenant une protection territoriale absolue échappe à la prohibition de l'article 81, paragraphe 1, CE lorsqu'il n'affecte le marché que d'une manière insignifiante (arrêts de la Cour du 9 juillet 1969, Völk, 5-69, Rec. p. 295, point 7; du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 85, et du 28 avril 1998, Javico, C-306-96, Rec. p. I-1983, point 17).
424. En outre, De'Longhi n'établit pas qu'un licencié de la marque Moulinex qui ne serait pas protégé contre la concurrence au moins active de la part d'autres licenciés pour l'espace territorial qui lui a été concédé pourrait être amené à accepter le risque de la commercialisation des produits portant ladite marque en "co-branding" avec sa marque propre. Il convient, à cet égard, de rappeler que l'objectif des engagements est de permettre aux licenciés, au cours d'une période transitoire durant laquelle ils seront en droit d'utiliser leur marque propre en association avec la marque Moulinex, d'assurer la migration des clients des produits de la marque Moulinex vers leur marque propre, afin que les marques des licenciés soient en mesure d'exercer une concurrence effective sur la marque Moulinex au-delà de cette période transitoire, lorsque SEB sera à nouveau en droit d'utiliser la marque Moulinex dans les neuf Etats membres concernés. Or, force est d'admettre que, dans un tel contexte, l'absence de toute protection des licenciés contre la concurrence, à tout le moins active, des autres licenciés pourrait être nuisible au renforcement des marques concurrentes de la marque Moulinex et pourrait ainsi porter atteinte à la concurrence sur le marché concerné sur le territoire de la Communauté. En conséquence, les prévisions de la clause litigieuse ne sauraient être considérées, pour autant qu'elles interdisent les ventes actives, comme ayant nécessairement un caractère restrictif de concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juin 1982, Nungesser/Commission, 258-78, Rec. p. 2015, point 57, et du 6 octobre 1982, Coditel, 262-81, Rec. p. 3381, point 15).
425. Il résulte de ces considérations que le grief de De'Longhi tiré du partage de marché réalisé par les engagements est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.
IV - Sur le quatrième moyen tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en n'examinant pas si le caractère dérisoire du prix payé par SEB pour la reprise de Moulinex et le concours financier apporté par la République française n'étaient pas de nature à renforcer la position de SEB sur les marchés concernés au détriment de ses concurrents
Arguments des parties
426. La requérante estime que la Commission a commis une erreur de droit en n'examinant pas si le caractère dérisoire du prix payé par SEB pour la reprise de Moulinex et le concours financier apporté par l'Etat français n'étaient pas de nature à renforcer la position de SEB sur les marchés concernés au détriment de ses concurrents.
427. Elle constate que, dans la décision attaquée, la Commission s'est limitée à relever, sans apporter davantage de précision, qu'au vu d'un examen préliminaire du dispositif prévu par les autorités françaises, il n'apparaît pas que les interventions publiques envisagées dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire soient des mesures qui bénéficient à SEB. Or, de l'avis de la requérante, le caractère dérisoire du prix acquitté par SEB était manifestement de nature à permettre un renforcement de la position de la nouvelle entité, à l'issue de la transaction.
428. La requérante rappelle, à cet égard, que, dans son arrêt du 31 janvier 2001, RJB Mining/Commission (T-156-98, Rec. p. II-337), le Tribunal a annulé la décision de la Commission, dans la mesure où cette dernière n'avait pas examiné si, et dans quelle mesure, la puissance commerciale de la nouvelle entité pouvait se trouver renforcée par le caractère dérisoire du prix d'acquisition. La Commission aurait dès lors l'obligation de déterminer si le niveau du prix d'acquisition est de nature à renforcer la position de la nouvelle entité à l'issue de l'opération, que les modalités de financement soient ou non susceptibles de relever de la qualification d'aide au sens du traité.
429. En l'espèce, la requérante relève, en premier lieu, que la Commission était parfaitement informée des conditions financières du plan de reprise de SEB. En particulier, elle aurait eu connaissance de la disproportion évidente existant entre le prix d'acquisition de Moulinex (15 millions d'euros) et la valeur réelle des actifs acquis (estimée à plus de 850 millions d'euros). La Commission aurait également eu connaissance du fait que cette disproportion s'expliquait en particulier par le fait que la République française a accepté d'assumer la charge des indemnités de licenciement, allégeant ainsi les dettes de Moulinex et partant, permettant à SEB, d'une part, d'acquérir cette dernière à un prix ne reflétant aucunement la valeur réelle de la société et, d'autre part, de disposer de fonds supplémentaires pour encore renforcer sa position de marché.
430. À titre de comparaison, la requérante souligne:
- qu'elle avait initialement formulé une offre de reprise d'un montant de 100 millions d'euros pour les seuls actifs de Krups (soit un montant près de sept fois supérieur à celui offert par SEB pour l'ensemble des activités de Krups et Moulinex);
- qu'elle a formulé auprès de la Commission, par lettre en date du 29 novembre 2001, une offre intégrant la reprise de l'intégralité des salariés de Moulinex, en précisant que, dans l'hypothèse où l'objectif de rentabilité souhaité ne pourrait être atteint et pour les lignes de produits concernés après un délai de deux ans, elle pourrait procéder à des réductions d'effectifs, "financées [...] sur la base de négociations obtenues par les syndicats récemment". Or, il ressortait de ces négociations que le licenciement des 3 600 salariés non repris par SEB était de nature à entraîner une charge financière de l'ordre de 175 millions d'euros;
- qu'elle a soumis aux administrateurs judiciaires de Moulinex une offre de reprise portant sur les actifs de Moulinex non repris par SEB pour un prix de 150 000 euros.
431. La requérante est d'avis que les conditions financières particulièrement avantageuses de la reprise de Moulinex par SEB ont permis à cette dernière de bénéficier des synergies induites par une opération de croissance externe sans pour autant supporter les coûts associés à celle-ci. Les mesures prises par les autorités françaises auraient clairement bénéficié à SEB en ce qu'elles lui auraient permis d'employer, dans le cadre de son activité commerciale, les ressources financières qu'elle aurait normalement dû affecter à l'acquisition de Moulinex.
432. Par conséquent, la requérante est d'avis que, sans même avoir à déterminer si l'apport financier public était ou non constitutif d'une aide d'Etat au sens du traité, la Commission était dans l'obligation de déterminer si les conditions financières de la reprise de Moulinex étaient, en soi, directement ou indirectement de nature à renforcer la position de marché de la nouvelle entité SEB/Moulinex.
433. Il en résulterait que la Commission a commis une erreur de droit en se limitant à un "examen préliminaire" de l'impact des mesures de financement prises par les autorités publiques françaises et en concluant, sur le fondement d'une analyse superficielle, "que les interventions publiques envisagées dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire" n'avaient pas bénéficié à SEB.
434. La Commission soutient que le moyen est manifestement dépourvu de tout fondement.
Appréciation du Tribunal
435. En substance, la requérante soulève deux griefs. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir examiné si SEB n'a pas renforcé sa position, d'une part, en ne payantqu'un prix de reprise dérisoire et, d'autre part, du fait que la République française a accepté d'assumer la charge des indemnités de licenciement.
436. S'agissant du prix de reprise payé par SEB, il convient, d'abord, de souligner que celui-ci a été apprécié souverainement par le Tribunal de commerce de Nanterre dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire et que, sur la base des critères de la loi française, le Tribunal a estimé que SEB a présenté l'offre qui permettait le mieux de protéger l'intérêt des créanciers.
437. Force est de constater, ensuite, que la requérante n'a nullement établi que le prix payé par SEB était dérisoire. Tout au plus invoque-t-elle la valeur bilantaire des actifs de Moulinex en 2000 acquis par SEB et ses propres offres.
438. Or, d'une part, l'évaluation de la valeur réelle d'une entreprise est une opération complexe comportant notamment aussi des appréciations subjectives et la valeur renseignée dans le bilan n'est pas nécessairement équivalente ni à la valeur réelle ni à la valeur de reprise d'une entreprise. En particulier, la valeur de reprise de Moulinex à la fin de l'année 2001, alors qu'elle se situait dans une perspective de liquidation, ne saurait être considérée comme équivalente à celle résultant des comptes consolidés publiés par Moulinex près de deux ans plus tôt.
439. D'autre part, les offres de la requérante ne démontrent en rien le caractère dérisoire du prix offert par SEB. Il convient d'observer que la requérante a offert successivement les prix de 100 millions d'euros, 1 euro et 150 000 euros. S'agissant de la première offre, il convient d'observer qu'elle ne portait que sur les droits de la marque Krups et excluait expressément tout passif. Elle ne saurait donc être prise en considération pour apprécier l'offre de reprise de SEB. Force est de constater, ensuite, que les montants varient considérablement selon le périmètre de l'offre et que la requérante n'indique même pas laquelle des offres porte sur les mêmes actifs que ceux repris par SEB ni en quoi ses offres seraient de nature à déterminer la valeur des éléments de Moulinex repris par SEB. Dans ces conditions, aucune appréciation n'a pu être portée sur le prix de 15 millions d'euros payé par SEB pour l'acquisition de Moulinex.
440. S'agissant du grief tiré de ce que la prise en charge des indemnités de licenciement par la République française aurait permis à SEB d'acquérir Moulinex sans devoir supporter toutes ses dettes, il convient d'observer, tout d'abord, que, contrairement à la situation dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt RJB Mining/Commission, précité, invoquée par la requérante, la Commission a demandé aux autorités françaises, par courrier des 27 septembre et 9 novembre 2001, de lui transmettre des renseignements relatifs à une éventuelle intervention de la République française dans le cadre du dépôt de bilan et de la reprise du groupe Moulinex. Il convient de souligner, ensuite, que la République française a répondu, par une note du 16 novembre 2001, qu'aucune intervention publique de l'Etat n'était envisagée en faveur du groupe Moulinex et que seules des mesures de reclassement bénéficiant directement aux travailleurs étaient envisagées. Il ne ressort d'ailleurspas du dossier que des indemnités de licenciement auraient été prises en charge par la République française et la requérante n'apporte pas d'élément de nature à établir que la République française a pris en charge des dettes incombant à SEB. La Commission a d'ailleurs souligné, sans être contredite, qu'il aurait été absurde que la République française paye des indemnités de licenciement, puisqu'en France toutes les entreprises sont tenues par la loi de souscrire une assurance contre le risque de non-paiement en cas de procédure collective des sommes dues en exécution des contrats de travail, de sorte que, en cas d'insolvabilité, c'est l'assurance et non la République française qui aurait dû verser ces indemnités. En tout état de cause, selon les affirmations de la Commission et de la République française, non contestées par la requérante, les éventuelles interventions publiques ne concernent pas les actifs repris par SEB et n'ont donc aucune incidence sur la valeur des biens acquis par SEB.
441. Enfin, il ne saurait être considéré que la Commission soit tenue de mener à bien une procédure en matière d'aide d'Etat dans le cadre de chaque procédure de concentration, qu'elle doit conclure dans des délais stricts. Si le Tribunal a conclu à l'annulation de la décision de la Commission dans l'arrêt RJB Mining/Commission, précité, au motif que la Commission n'avait pas examiné si le niveau du prix d'acquisition était de nature à renforcer la position de la nouvelle entité, c'est en raison des circonstances très particulières de cette affaire dans laquelle le prix d'achat lui-même avait été notifié en tant qu'aide par les autorités allemandes. Cette situation ne saurait être comparée avec une concentration entre deux sociétés privées, telle que celle en cause en l'espèce.
442. Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé.
Sur les dépens
443. Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. En l'espèce, la requérante et la Commission ayant chacune succombé sur plusieurs chefs, il y a lieu de décider qu'elles supporteront chacune leurs propres dépens.
444. En application de l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, SEB et De'Longhi, parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
déclare et arrête:
1) La décision SG (2002) D-228078 de la Commission, du 8 janvier 2002, par laquelle la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération de concentration entre SEB et Moulinex et de la déclarer compatible avec le Marché commun et avec l'accord sur l'Espace économique européen, sous réserve du respect des engagements proposés (affaire COMP/M.2621 - SEB/Moulinex), est annulée en ce qui concerne les marchés en Italie, en Espagne, en Finlande, au Royaume-Uni et en Irlande.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La requérante et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens.
4) SEB SA et De'Longhi SpA supporteront leurs propres dépens.