CCE, 23 décembre 1975, n° 76-248
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
United Reprocessors GmbH
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 6 et 8, vu la notification présentée le 11 octobre 1971 et complétée le 28 septembre 1973, conformément à l'article 4 paragraphe I du règlement n° 17, par la société Kernbrennstoff-Wiederaufarbeitungsgesellschaft mbH (Kewa) à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) concernant un accord entre la société British Nuclear Fuels Ltd (BNFL) à 'Warrington (Royaume-Uni), le Commissariat à l'énergie atomique français, et elle-même, visant à la fondation de la société United Rcprocessors GmbH (URG), conclu le 12 octobre 1971 et amendé le 31 juillet 1973, vu la publication de l'essentiel du contenu de la notification faite en application de l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 dans le Journal officiel des Communautés européennes n° C 83 du 16 juillet 1974, vu l'avis du Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli conformément à l'article 10 du règlement n° 17 le 27 février 1975,
I
1. Considérant que l'essentiel du contenu de l'accord est le suivant:
Les partenaires fondent à parts égales une filiale, dénommée United Reprocessors GmbH, ayant pour objets principaux la commercialisation des services de retraitement des combustibles nucléaires à oxyde et la recherche d'offres de services dans le domaine des transports qui leur sont liés (le retraitement des combustibles nucléaires a pour but de récupérer les matières fissiles, uranium 235 et plutonium, qui y sont encore contenues après leur irradiation dans les réacteurs nucléaires et qui peuvent être réutilisées pour la fabrication de combustibles nucléaires); elle pourra aussi offrir des services annexes tels que la transformation des produits récupérés (par exemple nitrate d'uranyl en hexafluorure d'uranium); moyennant accord unanime de son conseil elle peut se porter acheteur de l'uranium et du plutonium récupérés; son champ d'activité est mondial dès 1975. La filiale examinera vers 1980, en liaison avec les groupes qui envisageraient des investissements dans de nouvelles usines de retraitement en Europe, s'il serait souhaitable d'étendre son objet aux domaines de l'exploitation et de la propriété des usines de retraitement.
Les partenaires, s'engagent à n'opérer dans le domaine du retraitement des combustibles à oxyde que par l'intermédiaire de la filiale commune. Les actionnaires de la Kewa s'efforceront, après exécution des contrats en cours, de ne plus utiliser pour les combustibles à oxyde leur usine de retraitement de Karlsruhe.
La Kewa renonce à tout investissement dans une usine de retraitement d'éléments combustibles à oxyde devant entrer en service avant la date de saturation des installations anglaise et française (Windscale et la Hague); elle bénéficiera en contrepartie d'une option pour construire une usine d'une capacité d'environ 1 500 t/an susceptible d'entrer en service à cette date. La BNFL et le CEA renoncent chacun à porter leurs capacités de retraitement de combustibles à oxyde au-delà de 800 t/an sauf accord des autres partenaires. Les partenaires arrêteront une position commune quand le besoin d'investissements supplémentaires se fera sentir.
Jusqu'à la date de saturation des installations anglaise et française, celles-ci se répartissent les combustibles à retraiter à parts égales, sauf si elles en décident autrement, les combustibles provenant de certaines centrales nommément désignées étant préalablement attribués à la Hague. Les installations anglaise et française reçoivent l'assurance de travailler au moins à 80 % de leur capacité la première année suivant la mise en service de l'usine allemande, et à 90 % les années suivantes.
Un conseil composé de représentants des partenaires fixera les principes de la politique commerciale de la filiale et la répartition des charges de travail de retraitement entre les installations des partenaires. La filiale commune sera rémunérée par une commission fixée par le conseil et suffisante pour couvrir ses dépenses. Les partenaires concluront des arrangements pour l'échange de leur savoir-faire technique et l'octroi de licences dans le domaine du retraitement des combustibles à oxyde.
L'accord est ouvert à d'autres partenaires européens ayant des intérêts importants dans le retraitement, en principe dans la limite du quart du capital de la filiale commune. De plus la filiale commune tentera de rallier à elle tout organisme qui entreprendrait des investissements dans une usine de retraitement en Europe avant la Kewa.
Tout partenaire pourra se retirer de la filiale, au plus tôt cependant le 31 décembre 1986, moyennant préavis d'un an. La filiale est fondée pour une durée indéterminée.
2. Considérant que la situation et l'évolution du marché du retraitement des combustibles à oxyde se présentent comme suit:
a) Le marché pris en considération couvre l'ensemble des pays européens à économie de marché, compte tenu de l'état actuel de la technologie tant du retraitement que du transport et du stockage des combustibles irradiés et des déchets ; en effet, l'offre et la demande futures de retraitement des autres pays européens ne sont pas connues; de plus des obstacles politiques (le plutonium peut être utilisé à des fins militaires) s'opposeront selon toute probabilité à la libre circulation des combustibles irradiés entre pays de l'Est et de l'Ouest; les États-Unis par exemple interdisent actuellement le retraitement de leurs combustibles hors de leurs frontières ;
b) L'offre de retraitement des combustibles à oxyde en Europe provient d'installations entièrement ou en grande partie financées par les pouvoirs publics qui en outre ont supporté la totalité des coûts de recherche et de développement; de manière générale les États considèrent le retraitement comme un maillon critique de la chaîne du combustible nucléaire et désirent, seuls ou en association avec d'autres États, s'assurer la disposition d'une capacité suffisante de retraitement.
Ces installations, existantes ou en projet, sont les suivantes:
- une capacité d'environ 800 t/an à Windscale en Angleterre dont la mise en exploitation est prévue pour 1982,
- une capacité de 800 t/an disponible à la Hague en France, dont la mise en service progressive s'échelonnera de 1976 à 1978,
- une installation de 40 t/an à Karlsruhe exploitée par la GWK (Gesellschaft zur Wiederaufarbeitung von Kernbrennstoffen) dont les actionnaires sont les mêmes que ceux de la Kewa. L'accord prévoit que cette installation ne sera plus affectée au retraitement des combustibles à oxyde pour réacteurs à eau légère à partir de la mise en service de la Hague,
- une installation d'environ 70 t/an à Mol (Belgique) appartenant à la société Eurochemnic (société européenne pour le traitement chimique des combustibles irradiés) fondée par 13 pays européens; cependant les activités de cette installation ont été arrêtées fin juin 1974 sur décision de son conseil d'administration. Son remplacement par une unité de 300 t/an, dont la première tranche de 150 t/an pourrait être mise en service en 1981, est actuellement à l'étude,
- une installation-pilote de 25 t/an environ (Eurex I) en Italie; cependant jusqu'à 1977 au moins, cette installation a un programme consacré au développement de nouveaux procédés. Un projet, Eurex II, de taille industrielle est à l'étude, mais aucune date n'est avancée;
c) La demande de retraitement en combustibles à oxyde d'uranium en Europe est fonction de la capacité installée des centrales nucléaires à eau légère (bouillante ou pressurisée) et éventuellement des premières centrales surrégénératrices qui utilisent un mélange d'oxyde d'uranium et de plutonium. Il faut compter un délai de trois à quatre ans entre la mise en service d'une centrale et la date où les premiers combustibles sont à retraiter;
d) Pour l'élaboration du tableau suivant mettant en regard les prévisions d'offre et de demande de retraitement de combustibles à oxyde de la plupart des pays européens, il n'a pas été possible, étant donné la marge d'incertitude qui les affecte, de retenir une seule estimation; on a dès lors dans chaque cas indiqué une variante " haute " et une variante " basse ". Pour l'offre la variante basse résulte de l'hypothèse d'un abandon du projet Eurochemic, ainsi que d'un retard moyen de deux ans dans la mise en service des capacités de retraitement actuellement projetées, retard qui n'est nullement à exclure étant donné les nombreuses inconnues techniques du secteur. Pour la demande la variante haute est basée sur les programmes de construction de centrales nucléaires connus à fin 1974; la variante basse tient compte d'un retard moyen d'un an dans la réalisation de ce programme, retard qui pourrait résulter tant de facteurs économiques que de difficultés dans le choix des sites et la maîtrise des problèmes écologiques.
De l'examen du tableau il ressort que la demande de retraitement cornait une croissance rapide rendant souhaitable la mise en service vers 1984 de l'installation allemande de grande capacité prévue par l'accord URG.
Prévisions approximatives des capacités et besoins de retraitement de combustibles a oxyde en Europe
EMPLACEMENT TABLEAU
e) La situation et l'évolution quantitative du marché constatées ci-dessus doivent être complétées par une description des caractéristiques spécifiques du secteur.
- L'industrie du retraitement des combustibles à oxyde se trouve dans sa phase de démarrage la demande qui peut être prévue jusqu'aux environs de 1985 avec une précision égale à celle de la prévision des constructions futures de centrales nucléaires utilisant l'oxyde d'uranium passera en Europe de quelque 135 tonnes en 1975 à quelque 800 tonnes en 1980 et 3 300 tonnes vers 1985, la marge d'incertitude dépendant directement de la réalisation des programmes de construction de centrales nucléaires ; l'offre se caractérise par le passage de la phase expérimentale (installations de petite capacité; conversion d'anciennes installations) à la phase industrielle (construction d'unités de grande capacité conçues en fonction du retraitement des combustibles à oxyde).
- L'industrie du retraitement se caractérise de plus par l'importance des immobilisations nécessaires (le coût de construction d'une usine de 1 500 t/an est évalué à environ 400 millions d'unités de compte aux prix de 1975), par la forte dégressivité de son prix de revient en fonction de la dimension des unités (c'est-à-dire l'effet de taille : le prix de revient à pleine charge par kg de combustible retraité dans une usine de 1 500 t/an sera largement inférieur à la moitié de celui d'une usine de 300 t/an, principalement en raison du fait que la multiplication par cinq de la capacité n'entraîne même pas un doublement du coût des immobilisations), et par l'incidence prépondérante des frais fixes dans le prix de revient (on estime que le prix de revient total du retraitement se compose pour deux tiers d'amortissement et de frais financiers, le reste se partageant sensiblement pour moitié entre frais fixes d'exploitation et frais variables ; les frais fixes atteignent ainsi quelque 80 % du prix de revient à pleine charge). Ces deux derniers facteurs devraient engager les retraiteurs futurs à envisager seulement la construction d'unités d'une capacité d'environ 1 500 t/an (éventuellement divisées en deux chaînes indépendantes pour des raisons de sécurité d'exploitation) assurées dès leur mise en service d'un taux de charge d'au moins 50 %.
Le marché du retraitement qui peut être estimé pour les prochaines années dans les limites indiquées plus haut ne permettra dans ces conditions jusqu'en 1984 environ que la construction d'une seule unité de 1 500 t/an venant s'ajouter aux deux unités de 800 t/an existantes ou prévues. Ce n'est qu'à partir de cette date que le marché du retraitement continuant à se développer à une allure croissante laissera place à la construction d'une unité de 1 500 t/an tous les deux ans.
- Les gouvernements de la plupart des pays européens ont estimé, bien que la part de la phase retraitement dans le coût du cycle des combustibles nucléaires ne dépasse pas 7 % (ce qui restreint son incidence sur le prix du kWh à moins de 3 %), qu'il était nécessaire de maîtriser cette technologie tant pour des considérations écologiques - les combustibles irradiés et les déchets sont des produits hautement radioactifs dont le traitement et le stockage doivent se faire dans des conditions de sécurité absolue - que pour des motifs de politique énergétique: le recyclage des produits récupérés contribue à faire diminuer la demande en uranium naturel de manière sensible (10 % vers 1985 et davantage ultérieurement). Pour ces raisons ils ont consenti seuls ou à plusieurs d'importantes dépenses de recherche et de développement en ce domaine.
- Les pouvoirs publics centraux ou locaux contrôlent dans la grande majorité des cas les producteurs d'électricité qui sont les seuls clients des usines de retraitement, ce qui peut considérablement renforcer la tendance à la création d'installations destinées à répondre aux besoins nationaux et au cloisonnement des marchés.
Jusqu'à présent cependant, en raison de leur importance économique - elles desservent la totalité ou une part importante d'un territoire national - les sociétés productrices d'électricité ont pu conserver ou même accroître en fait leur degré d'autonomie de gestion à l'égard des pouvoirs publics; il est en tout cas certain que ces sociétés, disposant d'importants services d'études et commerciaux, détiennent une très forte position de négociation dont les retraiteurs auront à tenir compte.
II
Considérant que l'article 85 paragraphe 1 du traité dispose que sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun;
Considérant que l'accord conclu entre la BNFL, le CEA et la Kewa remplissent ces conditions, qu'en effet:
1. L'accord a pour objet essentiel de coordonner les investissements des partenaires dans le domaine du retraitement des combustibles à oxyde, chacun d'eux renonçant à tout investissement en dehors du programme prévu dans l'accord pour les premières années et arrêté ensuite en commun. L'accord prévoit en effet que, dans une première étape, la Kewa s'abstient de mettre en route une installation nouvelle avant saturation de Windscale et la Hague (1981 ou 1982) et que la BNFL et le CEA n'augmenteront pas leurs capacités de retraitement au-delà de 800 t/an sans l'accord des autres partenaires. Ensuite, après mise en route de l'installation de la Kewa, il soumet tout nouvel investissement à l'accord unanime des partenaires.
2. L'accord a aussi pour objet de fixer les prix de vente des services de retraitement des combustibles nucléaires à oxyde car il prévoit la centralisation au sein d'une filiale commune, l'URG, de l'offre de ces services et la détermination en commun par les partenaires de la politique commerciale qui devra être suivie par cette filiale.
3. L'accord a enfin pour objet de répartir les charges de travail de retraitement entre les installations des partenaires, tout d'abord à parts égales - sous certaines réserves - entre les partenaires français et anglais jusqu'à la date de saturation de leurs installations, ces deux partenaires recevant ensuite l'assurance de ne pas voir baisser leur taux de charge en dessous de 80 % puis 90 % par suite de la mise en service de l'usine allemande.
4. L'accord, en prévoyant que les partenaires concluront des arrangements pour l'échange de leur savoir-faire technique et l'octroi de licences, est susceptible de restreindre la concurrence dans la mesure où les obligations contraignantes qui pourraient résulter de ces arrangements seraient de nature à limiter la liberté d'action des partenaires pour leurs recherches et leurs développements dans un secteur où l'avance technologique confère un avantage décisif sur le marché et où la concurrence au niveau de la recherche joue dès lors un rôle primordial.
5. De manière plus générale, l'accord affecte la concurrence entre les partenaires, chacun de ceux-ci s'engageant à n'opérer dans le domaine du retraitement des combustibles à oxyde que par l'intermédiaire de la filiale commune.
6. L'accord, en prévoyant que la filiale commune tentera de rallier à elle tout organisme qui entreprendrait des investissements dans une usine de retraitement en Europe avant que la Kewa n'entame la construction de son usine de 1 500 t/an, tend à faire participer la totalité des retraiteurs potentiels du Marché commun à la coordination des investissements, à la vente en commun du service et à la répartition du travail de retraitement.
7. L'accord est conclu entre trois partenaires ayant ou allant avoir des usines établies dans trois États membres différents et prévoit entre autres une répartition des combustibles à retraiter entre ces usines; il affecte dès lors directement le commerce des services de retraitement entre les États membres.
III
Considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord qui contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte et sans:
a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;
b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éli- miner la concurrence;
Considérant que l'accord entre la BNFL, le CEA et la Kewa remplit ces conditions, qu'en effet:
1. L'accord contribue à améliorer la production et la distribution des services de retraitement et à promouvoir le progrès technique et économique:
a) L'accord, en organisant un développement coordonné des investissements, prévient la création de capacités qui seraient antiéconomiques et permet aux partenaires d'attendre le moment optimal au regard du marché pour la réalisation d'usines de retraitement de grande capacité, ce qui entraîne une forte diminution du prix de revient par suite de l'effet de taille particulièrement marqué dans ce secteur; de plus les projets bénéficieront ainsi des derniers progrès techniques acquis à cette date.
La coordination des investissements exerce également une influence déterminante sur le prix de revient du retraitement en assurant un meilleur taux de charge aux installations existantes et futures et en réduisant dans la même mesure l'incidence des coûts fixes qui constituent l'essentiel du prix de revient du retraitement;
b) La centralisation de l'offre des services de retraitement des trois partenaires dans le cadre de leur filiale et la souplesse que confère l'exploitation centralisée de trois installations contribuent d'autre part à améliorer le service offert aux utilisateurs par un renforcement de la sécurité et une garantie de régularité des services de retraitement des combustibles irradiés. Cette garantie est importante car il s'agit d'un produit " fatal " fortement radioactif dont le délai de retraitement est imposé par des facteurs technologiques;entre autres les installations de stockage (piscines) intégrées aux centrales n'ayant qu'une capacité limitée, il faudrait soit arrêter les centrales soit procéder à la construction de piscines supplémentaires très coûteuses en cas de défaillance des services de retraitement. En outre la gamme des services offerts par l'URG sera plus diversifiée et chaque client pourra bénéficier de la somme des expériences acquises par les trois partenaires dans le retraitement des différents types de combustibles à oxyde.
c) L'accord, en groupant les efforts de recherche, assurera un progrès aussi rapide que possible dans une branche de technologie nouvelle nécessitant encore de nombreuses mises au point (retraitement de nouveaux types de combustibles, transport, stockage des déchets), tout en contribuant à une diminution des coûts d'exploitation et à une amélioration du service offert;
d) L'optimalisation de la dimension des unités et de leurs taux de charge obtenue par la coordination des investissements et la centralisation de l'offre et de l'établissement des plans de charge permettra - au moins à moyen terme - de rentabiliser l'indus- trie du retraitement en Europe. Les conditions seront ainsi créées qui permettront aux partenaires de développer dorénavant leurs activités dans ce secteur sur des bases économiques saines.
2. L'accord réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte:
L'accord, en exerçant un effet favorable sur l'évolution du prix de revient et en garantissant la régularité des services de retraitement, ouvre la perspective d'une décroissance à terme des prix demandés aux utilisateurs, c'est-à-dire aux producteurs d'électricité. La Commission, par les conditions et charges appropriées qu elle impose aux partenaires et par le contrôle qu elle exercera, veillera à ce qu'aucun comportement de leur part ne compromette cette participation des utilisateurs au profit résultant de l'accord. Les producteurs d'électricité feront, par ailleurs, usage de leur poids économique, pour agir dans le même sens.
3. Aucune restriction de concurrence n'est imposée par l'accord qui ne soit indispensable pour atteindre les objectifs bénéfiques exposés ci-dessus:
a) La coordination des investissements est, compte tenu des caractéristiques spécifiques du secteur du retraitement et de l'évolution prévisible du marché, indispensable pour permettre la fixation du niveau des capacités à réaliser uniquement en fonction de considérations économiques et commerciales.
Sans accord de coordination des investissements il y a en effet tout lieu de redouter que certains États prennent sans plus tarder et en ordre dispersé des décisions de financer sur fonds budgétaires des installations soit de trop petite dimension soit prématurées au regard du marché, interdisant de ce fait à l'ensemble des installations du Marché commun d'atteindre rapidement des taux de charge suffisants. Ceci causerait à la Communauté un préjudice certain, le secteur du retraitement se structurant alors plutôt sur la base des besoins nationaux.
Les trois gouvernements intéressés à l'accord ont d'ailleurs appuyé la conclusion de celui-ci dans le souci d'éviter de se livrer une compétition anti-économique aux frais de la collectivité. Ce fut principalement le cas du Gouvernement allemand qui, désireux de faire aboutir industriellement les recherches qu'il a menées jusqu'à présent, encouragerait la construction d'une installation nationale de taille industrielle. L'accord répond précisément à son souci, sans lui imposer une nouvelle intervention financière, de ménager à ses entreprises privées l'accès à la technologie et ensuite leur entrée sur le marché du retraitement dans les meilleures conditions économiques et industrielles.
Il convient dès lors d'admettre le caractère indispensable de la coordination des investissements pour une durée qui assure à chacune des installations prévues par l'accord un taux de charge économiquement satisfaisant avant qu'une nouvelle installation ne soit mise en service.
La Commission se réserve de suivre l'évolution des taux de charge des usines des partenaires de l'accord après la mise en route de l'usine allemande pour empêcher que cet accord ne se prolonge au-delà du moment où ce but sera atteint, compte tenu des conditions alors existantes sur le marché du retraitement.
b) La fixation par une filiale commune des prix de vente du retraitement et la répartition par cette filiale des tonnages à retraiter constituent le complément indispensable de la coordination des investissements entre les trois partenaires dont chacun, pour l'exploitation de son installation, doit être assuré d'un taux de charge suffisant qui lui est garanti par les deux autres, il faut donc que l'offre soit centralisée pour que l'URG puisse établir le plan de charge en fonction des capacités disponibles. Ceci implique nécessairement vis-à-vis des utilisateurs l'unicité du prix quelle que soit l'usine de retraitement;
c) La communication entre les partenaires de leurs données scientifiques et techniques constitue également un complément indispensable de la coordination des investissements et de la répartition des tonnages étant donné que chaque unité doit être en mesure de retraiter les combustibles irradiés de toute provenance et que la Kewa doit être assurée de disposer, le moment venu, de la technologie nécessaire à la construction de son installation;
La clause imposant à chaque partenaire de n'opérer dans le domaine du retraitement des combustibles à oxyde que par l'intermédiaire de la filiale commune est, en raison des circonstances du cas d'espèce, une conséquence nécessaire de leur participation à la fondation de cette filiale et est indispensable pour en assurer le bon fonctionnement;
e) La clause imposant à l'URG de tenter de rallier à elle tout organisme qui entreprendrait des investissements dans une usine de retraitement en Europe avant la Kewa, est conforme à l'objectif de l'accord qui est précisément de permettre, par le moyen de la coordination des investissements, de fixer le calendrier de construction et de mise en service des capacités optimal au regard du marché.
4. L'accord ne donne pas aux partenaires la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle du marché en cause compte tenu des données spécifiques du cas d'espèce, et en particulier en raison des caractères spécifiques du marché en cause, de l'évolution prévisible de ce marché et de la limitation de la durée de l'autorisation accordée:
Il est vrai que, durant une période transitoire dont le, terme extrême est cependant fixé, l'URG ne rencontrera sur le Marché commun que trois unités de retraitement (Karlsruhe, Mol, Eurex I) de capacité minime (deux d'entre elles sont d'ailleurs soit arrêtées soit affectées au retraitement d'autres combustibles nucléaires que les combustibles à oxyde); éventuellement elle pourrait rencontrer à partir de 1978 la nouvelle unité d'Eurochemic, de taille modeste, et plus tard encore l'installation Eurex II.
Par ailleurs, étant donne les conditions de marché décrites précédemment, la concurrence d'usines européennes autres que celles groupées au sein de l'URG, ou d'usines non européennes, doit être considérée comme peu effective durant les prochaines années.
Cependant la création à terme d'une situation de concurrence effective est à la fois voulue par l'accord et imposée par la Commission dès le moment où des conditions objectives, à savoir des taux de charge suffisants, seront réalisées, une date limite étant au surplus fixée. Il en résulte la certitude pour les intéressés de devenir des concurrents à l'échéance prévue, ce qui leur impose dès à présent un comportement tenant compte de cette perspective, d'autant plus que les entreprises utilisatrices, c'est-à-dire les producteurs d'électricité, ont suffisamment de poids économique pour agir dans le même sens, conforme a leurs intérêts.
En conséquence, Record ne donne pas aux partenaires la possibilité d'éliminer la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 3.
IV
1. Considérant que, en vertu de l'article 6 paragraphe I du règlement n° 17, la décision peut prendre effet le 12 octobre 1971 date de la signature de l'accord, celui-ci ayant été notifié le 11 octobre 1971 ;
2. Considérant que, en vertu de l'article du règlement n° 17, la décision est accordée pour une durée déterminée et que la Commission peut révoquer ou modifier sa décision si la situation de fait se modifie à l'égard d'un élément essentiel de la décision ;
Considérant que l'autorisation de l'accord ne peut être accordée que pour la période transitoire strictement nécessaire au passage du secteur du retraitement à ces conditions de concurrence effective que cette période transitoire prendra fin au moment où un taux de charge économiquement suffisant sera assuré aux trois installations prévues à l'accord ; que la Commission estime qu'un taux de charge moyen de la capacité totale des trois usines de 75 %, sans égard à la répartition des charges que les trois partenaires jugeront opportune a ce moment, répond à cette condition; que dès lors, il convient de prévoir que l'autorisation prend automatiquement fin dès que ce taux de charge de 75 % a été atteint durant deux années consécutives; qu'il convient en outre, et quelle que soit l'évolution future du marché, de fixe une durée maximale à la validité de l'accord; qu'une durée de quinze ans a partir de la mise en vigueur de l'accord permet à suffisance aux parties de poursuivre leurs efforts en commun en vue d'atteindre les résultats favorables recherchés ;
3. Considérant que, en vertu de l'article 8 du règlement n° 17, la décision peut être assortie de conditions et de charges et que la Commission peut modifier ou révoquer sa décision ou interdire des actes déterminés aux intéressés si ceux-ci abusent de l'exemption des dispositions de l'article 85 paragraphe I du traité CEE qui leur a été accordée par la décision ;
Considérant que la décision de la Commission ne couvre que l'accord tel qu'il est effectivement pratiqué à l'heure actuelle; que l'autorisation ne couvre dès lors pas l'extension directe ou indirecte du champ actuel des activités de l'URG - c'est-à-dire la commercialisation des services de retraitement des combustibles nucléaires à oxyde - à d'autres activités, qu'elles soient prévues par l'accord (transport, autres opérations du cycle de combustibles, commerce des produits récupérés, exploitation ou propriété des usines), ou non prévues (par exemple retraitement d'autres combustibles que les combustibles à oxyde), ou la détermination d'une position commune en matière d'investissements au-delà des trois installations décrites à l'accord, ou l'extension de l'accord à d'autres partenaires;
Considérant par ailleurs que, compte tenu de la position que l'URG occupera pendant la durée d'autorisation de l'accord sur le marché européen du retraitement, la Commission estime devoir surveiller les prix et conditions pratiqués par l'URG ; qu'il faut dès lors, imposer aux partenaires la communication à la Commission des prix et conditions pratiqués des contrats conclus en matière de retraitement ou qui sont de nature à élargir le champ d'activité actuel de l'URG, des principes de la politique commerciale fixés par son Conseil, ainsi qu'annuellement des bilans et des comptes de profits et pertes de l'URG; que de cette façon, la Commission pourra notamment suivre l'évolution des taux de charge des installations, s'assurer que l'URC réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit résultant de l'accord et plus généralement respecte les dispositions des règles de concurrence du traité CEE ; qu'il est également rappelé ici que l'URG demeure soumise aux dispositions du chapitre VI du titre II du traité CEEA, et notamment de sou article 75 pour ce qui concerne les opérations de retraitement et de son article 52 pour ce qui a trait aux transactions portant sur les matières brutes et les matières fissiles spéciales ;
Considérant que la Commission doit être informée par les partenaires des arrangements conclus en matière d'échange de savoir-faire et d'octroi de licences car ceux-ci sont susceptibles d'entraîner des restrictions de concurrence;
4. Considérant que les observations adressées à la Commission par des tiers intéressés à la suite de la publication faite en application de l'article 19 paragraphe 3 du règlement 17 attiraient essentiellement son attention sur la nécessité de démontrer le caractère indispensable de toutes les restrictions de concurrence imposées aux entreprises intéressées, et d'imposer préventivement aux partenaires de l'accord des conditions et charges lui permettant de contrôler efficacement la politique commerciale de l'URG et d'assurer aux utilisateurs une partie équitable du profit résultant de l'accord; que ces observations ont été par elle dûment prises en considération,
A arrêté la présente décision
Article premier
Les dispositions de l'article 85 paragraphe I du traité instituant la Communauté économique européenne sont déclarées inapplicables, conformément à l'article 85 paragraphe 3, à l'accord entre la société British Nuclear Fuels Ltd, le Commissariat à l'énergie atomique français et la société Kernbrennstoff-Wieder- aufarbeitungsgesdllschaft mbH, visant à la fondation de la société United Reprocessors GmbH, conclu le 12 octobre 1971 et amendé le 31 juillet 1973.
Article 2
La présente décision est assortie des charges et conditions suivantes:
- la décision ne couvre que l'accord tel qu'il est effectivement pratiqué à l'heure actuelle; les partenaires communiqueront à la Commission, le cas échéant, leur intention de procéder à l'extension directe ou indirecte du domaine d'application actuel de l'accord - c'est-à-dire la commercialisation des services de retraitement des combustibles nucléaires à oxyde - à d'autres activités, qu'elles soient prévues ou non par celui-ci, ou de déterminer une position commune en matière d'investissements au-delà des trois installations décrites à l'accord, ou d'accroître le nombre de partenaires de l'accord;
- Les partenaires communiqueront à la Commission les conditions types des contrats et la politique de prix (y compris rabais de quantité et autres) suivie par l'URG, ainsi que toute révision substantielle de celles-ci, les principes de la politique commerciale fixés par son conseil et les bilans et les comptes de profits et pertes annuels de l'URG;
- les partenaires notifieront en outre à la Commission, dès sa signature, l'existence de tout contrat conclu en matière de retraitement ou de services connexes, ou qui est de nature à élargir le champ d'activité actuel de l'URG (en indiquant au moins le nom de l'autre partie contractante, l'étendue du contrat et les quantités en cause), et, à la demande de la Commission, lui en feront parvenir une copie ou des extraits; ils discuteront avec la Commission, aux intervalles qu'elle proposera, les termes et conditions des contrats conclus par l'URG;
- les partenaires communiqueront les arrangements conclus entre eux en matière d'échange des résultats de leurs recherches, de leurs informations et de leur expérience technologique, et d'octroi de licences, et feront tous les deux ans rapport à la Commission sur le fonctionnement de ces arrangements.
Article 3
La présente décision prend effet au 12 octobre 1971 elle est valable jusqu'au moment où les trois installations de retraitement décrites à l'accord, auront fonctionné durant deux années consécutives à un taux de charge moyen égal ou supérieur à 75 % de leur capacité totale, et au plus jusqu'au 31 décembre 1986.
Elle est destinée à la société British Nuclear Fuels Ltd à Warrington (Royaume-Uni), au Commissariat à l'énergie atomique à Paris (France) et à la société Kern-brennstoff-Wiederaufarbeitungsgesellschaft mbH à Francfort-sur-le-Main (Allemagne).
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.