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Décisions

CCE, 17 décembre 1986, n° 87-100

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Mitchell Cotts/Sofiltra

CCE n° 87-100

17 décembre 1986

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, vu la notification des accords mentionnés ci-après et la demande d'attestation négative, introduites le 20 septembre 1984 par Mitchell Cotts & Co. (Engineering) Ltd, Birmingham, Royaume-Uni (ci-après dénommée " MC Engineering ") et Sofiltra Poelman SA, France (ci-après dénommée " Sofiltra "), portant sur les accords relatifs à la création d'une entreprise commune, Mitchell Cotts Air Filtration Ltd (ci-après dénommée " l'entreprise commune "), accords ayant pris effet le 5 juillet 1984 et comprenant un accord d'entreprise commune, un accord de licence de savoir-faire et l'acte de constitution et les statuts de l'entreprise commune, vu l'essentiel de la notification, publié conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 (2), Après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

A. Objet de la décision

(1) La présente décision concerne des accords passés entre MC Engineering et Sofiltra en vue de créer au Royaume-Uni une entreprise commune, Mitchell Cotts Air Filtration Ltd, et de lui concéder une licence de savoir-faire portant sur la fabrication et la commercialisation de filtres à air de haute performance incorporant des fibres de verre ultrafines, pour les industries nucléaire, biologique, chimique et électronique.

B. Les entreprises

(2) MC Engineering est une filiale à part entière du groupe Mitchell Cotts Group plc (" le groupe Mitchell "), société anonyme de droit britannique dont le chiffre d'affaires pour l'exercice s'achevant le 30 juin 1985 avoisine les 377 millions de livres sterling et dont les activités intéressent essentiellement, sur le plan international, l'ingéniérie, les transports et le commerce.

(3) Sofiltra est une société anonyme de droit français. Elle s'inscrit dans la branche entreprises et services du groupe Saint-Gobain, qui détient environ 72 % des actions de Sofiltra. Le chiffre d'affaires de Saint-Gobain au 31 décembre 1983 dépassait 57 milliards de francs français. Ses principales activités manufacturières concernent le verre plat, l'isolation, les tuyaux en fonte pour adductions d'eau, les récipients en verre, les pâtes et papiers d'emballage, les panneaux en bois et en contre-plaqué, les matériaux de construction et de couverture, les fibres de renforcement plastiques et les produits réfractaires.

(4) À la date des accords (5 juillet 1984), Mitchell Cotts Air Filtration Ltd était une filiale à part entière du groupe Mitchell. Le 28 juin 1984, elle a repris à Mitchell Cotts Environmental Control Limited (autre filiale à part entière du groupe Mitchell), la fabrication et la vente de matériel de filtrage de l'air dont cette dernière société s'occupait précédemment.

C. Le produit

(5) Les accords visent la fabrication et la vente de filtres à air de haute performance incorporant des fibres de verre ultrafines pour les industries nucléaire, biologique, chimique et électronique. Sofiltra fabrique en France des filtres de haute performance destinés à la microfiltration de l'air, à base de papier plissé incorporant des fibres de verre submicroniques. Leur forme est celle de filtres du type " V " ou de panneaux de filtrage. Depuis 1976, MC Engineering se consacre à la fabrication et à la commercialisation de dispositifs de filtration de l'air à base de papier plissé incorporant des fibres de verre achetées auprès de Sofiltra. À la différence de la fabrication de papier plissé composé de fibres de verre, l'assemblage du produit fini n'implique aucune technologie avancée et se limite à la fourniture d'une enveloppe en métal ou plastique. Le papier plissé à base de fibres de verre constitue l'élément principal du coût et le composant technique essentiel du produit fini. MC Engineering ne dispose ni de la technologie adéquate ni des possibilités de recherche et de développement nécessaires pour fabriquer de manière indépendante ces filtres à air de haute performance. MC Engineering construit bien certains dispositifs de filtration, mais qui ne peuvent remplacer des filtres à air de grande efficacité. La licence de savoir-faire permet à l'entreprise commune de fabriquer le produit fini, ce qui lui évite de devoir importer le papier plissé incorporant des fibres de verre.

D. Les accords

(6) Mitchell Cotts Air Filtration Limited était auparavant une filiale à part entière du groupe Mitchell, au capital d'actions autorisé de 92 000 livres sterling, réparti en 69 000 actions ordinaires A de 1 livre sterling et 23 000 actions ordinaires B de 1 livre sterling. Sofiltra a racheté les actions ordinaires B, prenant ainsi une participation de 25 % dans l'entreprise commune.

(7) Les statuts de l'entreprise commune prévoient la mise en place d'un comité d'actionnaires auquel chacune des sociétés parentes désigne un nombre égal de membres. Chaque membre dispose d'une voix, le président n'a pas voix prépondérante. Le comité des actionnaires est appelé à autoriser au préalable les actes suivants de l'entreprise commune:

i) tout versement effectué :

a) à un administrateur de l'entreprise commune;

b) à un membre du personnel de l'entreprise commune dont la rémunération totale excède le traitement de l'administrateur dont la rémunération est la plus basse;

c) à un parent d'une des personnes visées aux point a) et b);

ii) l'approbation du budget d'équipement et d'exploitation de l'entreprise commune;

iii) l'achat, la vente, la location, la constitution de garanties sous forme de gage ou d'hypothèque, l'octroi de privilèges et tout autre acte d'acquisition ou de disposition des éléments d'actif;

iv) toute acte de prêt ou d'emprunt (à l'ecxception de ertaibs soldes débiteurs en banque) et toute constitution de garantie d'une dette ou obligation;

v) l'installation ou la fermeture d'une usine ou d'une unité de production;

vi) l'établissment d'une activité nouvelle ou le renonciation à une activité existante;

vii) la conclusion de tout contrat, accord ou autre engagement,

a) de caractère matériel, sortant du cadre normal des affaires de l'entreprise commune

ou

b) passé avec un administrateur, un membre du comité des actionnaires ou tout actionnaire de l'entreprise commune, à des conditions plus onéreuses pour celle-ci que s'il avait été passé avec d'autres personnes;

viii) le fait d'engager une procédure ou de défendre l'entreprise commune lors de tout litige, arbitrage ou toute action analogue à laquelle l'entreprise commune est partie demanderesse ou défenderesse;

ix) la conclusion par l'entreprise commune de tout accord relatif à l'acquisition ou à la disposition de droits de propriété industrielle;

x) la décllaration ou le versment de dividendes par l'entreprise commune;

xi) toute modisficatio à l'acte de constitution ou aix statuts;

xii) le début d'une procédure de mise en liquidation de l'entreprise commune;

xiii) toute augmentation ou réduction des actions autorisées ou émises ou des obligation souscrites par l'entreprise commune, ainsi que la création ou l'émission de tous coupons, tous droits d'option ou tous autres droits sur les actions ou obligations de l'entreprise commune;

xiv) la consolidation ou la concentration de l'entreprise commune par voie d'acsuisition ou de disposition de tous intérêts qu'elle possède dans une autre société, association, partnership ou autre entité juridique ou la création d'une filiale;

xv) la nomination et la destination de l'administrateur délégué;

xvi) tout changement de dénomonation;

xvii) toute modification du siège social.

(8) Le conseil d'administration de l'entreprise commune comprend deux administrateurs nommés par Sofiltra et trois nommés par MC Engineering, les décisions étant prises à la majorité simple des voix.

(9) L'entreprise commune s'engage à fabriquer des dispositifs de filtration de l'air en utilisant le savoir-faire et les connaissances technologiques de Sofiltra, dans le cadre d'une licence assortie de redevances. Le savoir-faire comprend les données techniques confidentielles et autres informations en rapport avec la conception et la fabrication de filtres de haute performance présentant une efficacité maximale grâce à l'utilisation de particules de papier plissé. Mitchel Cotts Environmental Controls Limited loue les locaux de production à l'entreprise commune et lui fournit le savoir-faire commercial. L'accord d'entreprise commune et l'accord de licence de savoir-faire prévoient l'octroi par Sofiltra à l'entreprise commune d'une licence exclusive de fabrication des filtres à air au Royaume-Uni. Il s'ensuit que Sofiltra n'accordera aucune autre licence de fabrication au Royaume-Uni.

(10) L'accord de licence interdit à l'entreprise commune de fabriquer ou de vendre des produits concurrents et lui impose l'obligation du secret à l'égard du savoir-faire, des renseignements ou de la technologie qui lui sont divulgués. Il est également interdit à l'entreprise commune d'accorder des sous-licences sans l'autorisation préalable de Sofiltra.

L'accord de licence prévoit en outre la divulgation et l'octroi réciproques de licences non-exclusives sur les améliorations et les inventions nouvelles. Cette clause peut se résumer comme suit:

Sofiltra divulgue à l'entreprise commune toute amélioration ou invention nouvelle, brevetée ou non, relative au matériel sous licence, qu'elle obtiendra par des moyens licites ou sur lesquelles elle a le droit d'accorder des licences, et l'entreprise commune pourra faire usage de ces améliorations ou inventions pendant la durée de l'accord. L'entreprise commune divulgue à Sofiltra toute information concernant les améliorations ou inventions développées ou obtenues par elles, brevetées ou non, relatives au matériel sous licence, et accorde à Sofiltra, sans redevance, licence d'utiliser pareilles améliorations ou inventions. Sofiltra peut divulguer ces améliorations et inventions à ses autres licenciés. À l'heure actuelle, Sofiltra n'a pas nommé d'autres licenciés dans le Marché commun.

(11) L'accord de licence concède également à l'entreprise commune un droit exclusif de vente pour un territoire s'étendant au Royaume-Uni, à l'Irlande et à sept pays extérieurs à la Communauté. Sofiltra et les autres licenciés conservent cependant le droit de vendre les produits sous licence et les pièces de rechange au Royaume-Uni, dans le cadre d'accords financiers à moyen terme conclus entre les gouvernements de l'acheteur et du vendeur et précisant le pays d'origine. Pareils accords ont toutes les chances d'être rares. L'entreprise commune reçoit une compensation en espèces à l'occasion de pareilles ventes directes. Simultanément, l'accord comporte une clause qui interdit aux licenciés d'utiliser, de produire, d'entreposer, de stocker le produit sous licence ou d'en faire la publicité en dehors du territoire exclusif. Il est également interdit au licencié d'établir toute succursale ou agence commerciale pour la vente du matériel sous licence en dehors de son territoire contractuel. Les ventes passives sont cependant admises. L'accord de licence, en vigueur depuis le 1er juillet 1984, est prévu pour une période de dix ans, renouvelable ensuite d'année en année, sauf résiliation anticipée par l'une des parties moyenannt un préavis de dix mois.

E. Le marché

(12) Le marché compétitif des produits est celui du matériel de filtration de haute performance de l'air et des gaz, également connu dans la branche sous le nom de filtres " absolus " ou " à très haute efficacité ". Le marché concerne un matériel qui atteint des niveaux de performance maximale sous l'angle de l'efficacité, des taux de rétention et de la durée de vie, compte tenu de ses conditions d'utilisation. On trouvera ci-dessous la liste des sociétés concurrentes dans le marché du filtre à très haute efficacité au Royaume-Uni, en Irlande et dans le reste de la Communauté. Ces sociétés, qui représentent 80 à 85 % du marché communautaire, fabriquent un matériel de filtration de haute performance.

EMPLACEMENT TABLEAU

(13) Les estimations de vente sur le marché communautaire du matériel de filtration à très haute efficacité sont estimées comme suit pour 1984:

EMPLACEMENT TABLEAU

(14) Pendant les trois ans qui ont précédé la conclusion de l'accord d'entreprise commune, les ventes de Sofiltra, ont atteint grosso modo les pourcentages suivants:

EMPLACEMENT TABLEAU

(15) Le matériel de filtration en question se vend par-delà les frontières intracommunautaires et plusieurs entreprises travaillent sur toute l'étendue de celui-ci. Les conditions de concurrence sont, dans leur grandes lignes, analogues à travers toute la Communauté.

La part de Sofiltra sur le marché communautaire a été d'environ 15 % pendant les trois années antérieures à la conclusion de l'accord. Au cours de la même période triennale, les ventes et les parts du marché de MC Engineering dans la Communauté économique européenne ont été négligeables dans le secteur du matériel de filtration à très haute efficacité, sauf au Royaume-Uni et en Irlande, où ses parts de marché ont atteint 10 % environ en 1984. Sur la base de ces chiffres, les parts de marché approximatives des sociétés parentes s'établissent comme suit:

EMPLACEMENT TABLEAU

Toutefois, MC Engineering et Sofiltra ne pouvaient être considérés comme concurrentes au niveau de la fabrication du produit. Comme il est dit au point 5 ci-avant, MC Engineering commercialisait un produit fini à base de papier plissé incorporant des fibres de verre achetées auprès de Sofiltra, tandis que Sofiltra et d'autres producteurs fabriquaient le produit fini sans recourir à une aide extérieure.

(16) L'accord d'entreprise commune permet aux deux parties d'accroître leur compétitivité au Roayume-Uni. MC Engineering n'eût pas été en mesure de fabriquer les filtres à air sans la licence de savoir-faire; d'autre part, Sofiltra n'aurait pu établir ses propres installations de production au Royaume-Uni sans " frais importants et non rentables ".

F. Observations de tiers

(17) La Commission n'a reçu aucune observation de tiers en réponse à la communication qu'elle a publiée conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

(18) Le consentement de Sofiltra est requis pour l'adoption de décisions importantes relatives à la gestion de l'entreprise commune; Sofiltra n'est donc pas un simple actionnaire minoritaire.

Les décisions intéressant la gestion journalière de l'entreprise commune sont du ressort du conseil d'administration, où MC Engineering est majoritaire (voir point 8). Sofiltra est cependant appelée à influencer la gestion de l'entreprise commune, à qui elle fournit une technologie clé, dont elle est un actionnaire important et qui participe sur un pied d'égalité avec MC Engineering au comité des actionnaires, dont l'autorisation préalable est requise pour certaines décisions importantes (voir point 7). Sofiltra doit dès lors être considérée comme un partenaire pleinement associé à l'entreprise commune, dont elle partage le contrôle avec MC Engineering. Il s'ensuit que l'accord d'entreprise commune doit être examiné à la lumière de l'article 85 paragraphe 1.

(19) Les conditions de concurrence imposées aux produits étant analogues, pour l'essentiel, dans l'ensemble du Marché commun, c'est celui-ci qu'il convient de considérer comme étant le marché géographique en cause, au sein duquel il convient d'évaluer les positions des parties. La question se pose de savoir si les entreprises paticipantes sont concurrentes sur le marché géographique en cause et sur le marché du produit visé. Le marché du produit à prendre en considération pour l'appréciation de relations de concurrence entre les entreprises parentes avant la conclusion des accords en question est celui de la fabrication et de la vente du produit final complet, en ce compris l'élément essentiel, à savoir le papier plissé composé de fibres de verre.

En ce qui concerne la fabrication, MC Engineering n'était ni effectivement, ni potentiellement, concurrent de Sofiltra puisque MC Engineering ne disposait ni du savoir-faire nécessaire, ni des possibilités de recherche et de développement requises, pour la production de papier plissé à base de fibres de verre, composant déterminant du produit fini et objet du transfert de technologie dans le cas d'espèce. La simple possibilité d'approvisionnement ou de licences provenant d'autres sources ne modifie pas cette analyse: MC Engineering avait un intérêt économique et commercial évident à développer sa propre technologie dans ce domaine mais n'a pas été en mesure de le faire, et a eu recours, d'abord à des achats auprès de Sofiltra, ensuite à la mise sur pied d'une entreprise commune assortie d'une licence de savoir-faire. C'est pourquoi MC Engineering et Sofiltra n'ont jamais été concurrents effectifs ou potentiels pour la fabrication du produit final complet, en ce compris son composant technique essentiel qui est aussi l'élément principal du coût.

En outre, compte tenu du nombre d'autres entreprises concurrentes sur ce marché et des parts de marché relativement minimes des participants à l'entreprise commune sur le marché géographique en cause, la création de l'entreprise commune ne risque pas d'enlever des possibilités analogues à d'autres concurrents. Les parties n'étant pas concurrentes et l'opération n'impliquant ni perte de concurrence ni risque de cloisonnement, ni création d'un réseau d'entreprises communes concurrentes, l'accord de fabrication en commun ne relève pas en soi des dispositions de l'article 85 paragraphe 1.

(20) D'autre part, quant à la vente et à la distribution du produit fini, Sofiltra et l'entreprise commune sont concurrentes et, en conséquence, des restrictions territoriales entre elles doivent être envisagées comme une question distincte sous l'angle de l'article 85 paragraphe 1, puisque, même si l'accord de licence entre non-concurrents visant à établir une fabrication en commun ne tombe pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1, les accords et leurs dispositions spécifiques doivent néanmoins être examinés pour établir si la concurrence n'est restreinte d'aucune autre manière.

(21) Les dispositions suivantes de l'accord de licence sont considérées comme n'étant pas des restrictions appréciables de concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1:

L'obligation pour l'entreprise commune:

- d'observer le secret à l'égard du savoir-faire, des informations ou de la technologie qui lui sont divulguées,

- de ne pas accorder de sous-licences,

- de divulguer à Sofiltra toute amélioration développée ou acquise par l'entreprise commune et accorder à Sofiltra des licences gratuites et non exclusives pour exploiter pareilles améliorations,

L'obligation pour Sofiltra de divulguer à l'entreprise commune, sans exclusivité, toute amélioration ou invention nouvelle relative au matériel sous licence dont elle fera l'acquisition licitement ou sur lesquelles elle peut accorder des licences. L'entreprise commune aura le droit d'exploiter pareilles améliorations ou inventions pendant toute la durée de l'accord de licence.

(22) Les dispositions suivantes de l'accord de licence dans les circonstances propres au cas d'espèce sont considérées comme n'étant pas des restrictions appréciables de concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1:

- L'obligation imposée à l'entreprise commune de s'abstenir de fabriquer ou d'intervenir dans le commerce de produits concurrents avec les produits sous licence est nécessaire dès lors que l'entreprise commune doit se consacrer au succès de la nouvelle unité de production.Dans cette affaire, les parties ont investi des sommes considérables pour créer une nouvelle capacité de production. Sofiltra étend ses activités à d'autres parties du Marché commun et MC Engineering est à même de développer ses activités de production. Le transfert de technologie s'opère dans des conditions de coopération industrielle intégrée qui assurent que la technologie est adéquatement protégée et entièrement exploitée, sans priver Sofiltra du contrôle indispensable de l'exploitation et de la dissémination de sa technologie. En conséquence, cette obligation ne peut être considérée, dans le cas d'espèce, comme constituant une restriction sensible de la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1.

(23) Toutefois, la licence exclusive accordée à l'entreprise commune en matière de fabrication de filtres à air au Royaume-Uni implique que Sofiltra ne fabriquera pas elle-même dans ce territoire et n'y désignera pas d'autres licenciés. Pareille situation ne peut être considérée comme étant strictement nécessaire à la création et au bon fonctionnement de l'entreprise commune, si elle n'est limitée dans sa durée. Il n'est pas inconcevable que Sofiltra décide, à l'expiration de pareille période et surtout lorsque l'entreprise commune aura atteint sa pleine capacité, d'établir sa propre unité de production plutôt que d'étendre celle de l'entreprise commune. Dans la situation visée, pareil comportement ne porterait pas atteinte à l'existence de l'entreprise commune. De même, si l'entreprise commune n'est pas en mesure d'exécuter une commande, Sofiltra doit normalement être libre d'exécuter celle-ci et en agissant de la sorte, elle ne porterait pas atteinte au fonctionnement de l'entreprise commune. Le droit exclusif accordé à l'entreprise commune de vendre les produits sous licence au Royaume-Uni, en Irlande et dans sept pays tiers empêche Sofiltra et les éventuels candidats à la concession de licences, sauf cas exceptionnels, de vendre activement des filtres à air dans ces territoires (3). De son côté, l'entreprise commune se voit interdire de vendre activement dans les territoires réservés au titulaire de licence. Cette interdiction mutuelle de procéder à des ventes actives, bien qu'elle admette la possibilité que le titulaire et le preneur de licences effectuent des ventes passives sur le territoire l'une de l'autre, doit être considérée comme tombant sous le coup de l'article 85 paragraphe 1, pareille restriction entraînant un partage des marchés entre Sofiltra et l'entreprise commune, qui sont devenues concurrentes et offrent des produits concurrents.Comme il est fort peu probable que le produit donne lieu à un commerce intermédiaire, l'interdiction de procéder à des ventes actives constitue une restriction particulièrement sensible en l'absence de toute autre source d'approvisionnement.

(24) Le commerce entre États membres sera affecté par l'accord d'entreprise commune, en ce sens que la production de celle-ci sera commercialisée non seulement au Royaume-Uni mais aussi en Irlande. Compte tenu de ce que les ventes du produit ont augmenté de 50 % en deux ans, c'est-à-dire du 1er juillet 1982 au 30 juin 1984 (voir point 5), et eu égard à la position relativement forte de Sofiltra dans la Communauté économique européenne, les effets sur le commerce entre États membres risquent d'être sensibles.

B. Article 85 paragraphe 3

(25) L'accord a été notifié à la Commission le 20 septembre 1984, accompagné d'une demande d'attestation négative. Compte tenu de ce que la durée de l'entreprise commune est fixée à dix ans, que la technologie et les connaissances techniques de Sofiltra, sont, pour la première fois, exploitées directement au Royaume-Uni et que la pénétration du marché est un objectif établi de l'entreprise commune, il est clair que pour permettre à celle-ci de s'établir et de se développer sur un marché compétitif, elle ne peut être soumise à la concurrence d'autres unités de production établies par Sofiltra ou de ventes actives effectuées par Sofiltra ou par d'autres licenciés. En outre, le territoire assigné à l'entreprise commune est suffisamment vaste pour occuper son attention pendant un laps de temps considérable et l'entreprise commune a avantage à ne pas se soustraire au développement du marché sur ce territoire étendu en s'efforçant de vendre en dehors de celui-ci. Pareille restriction devrait permettre à l'entreprise commune de concentrer ses efforts sur son territoire exclusif en s'appuyant sur l'expérience du réseau de ventes existant de MC Engineering. Le territoire devient ainsi facile à contrôler, ce qui a pour effet d'améliorer la connaissance du marché et de l'axer davantage sur le contrat avec les consommateurs. Dans ces conditions, les accords contribuent à améliorer la production et la distribution.

(26) Suite à ces accords, les produits en question sont fabriqués dans le cadre d'un système de production intégrée et les aménagements techniques sont mis plus largement et plus rapidement à la disposition des usagers et des consommateurs. La pression de la concurrence sur le marché garantira aux utilisateurs le profit de ces améliorations, tandis que la concurrence ne sera pas éliminée pour une partie substantielle des produits en cause. Il est important de noter à cet égard que l'entreprise commune est libre d'effectuer des ventes passives en dehors de son territoire contractuel. Les restrictions sont indispensables pour atteindre le profit qui résulte de l'entreprise commune, puisque, en leur absence, les parties ne seraient pas disposées à consentir les efforts et les engagements nécessaires. Dès lors les restrictions qui relèvent de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être exemptées au titre de l'article 85 paragraphe 3.

(27) Aux termes de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, la décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 par la Commission est accordée pour une durée déterminée. La durée initiale envisagée pour l'entreprise commune est de dix ans à dater du 5 juillet 1984. Il paraît donc approprié, conformément à l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, d'accorder une exemption courant à partir de la date de la notification jusqu'au 4 juillet 1994. Cette période devrait être suffisante pour permettre à l'entreprise commune de s'établir et de se développer en concentrant ses efforts sur ses propres territoires,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier :

Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables, pour la période courant du 20 septembre 1984 au 4 juillet 1994, aux accords passés le 5 juillet 1984 entre Mitchell Cotts & Co. (Engineering) Ltd, Birmingham et Sofiltra Poelman SA, La Garenne-Colombes, dans la mesure où ils donnent lieu à des restrictions dans la production et les ventes effectuées par Sofiltra et l'entreprise commune sur les territoires l'une de l'autre.

Article 2 :

1) Mitchell Cotts & Co. (Engineering) Limited, 42-46, Hagley Road, UK-Birmingham B16 8PE;

2) Sofiltra Poelman SA, 71, boulevard National, F-92250 La Garenne-Colombes;

3) Mitchell Cotts Air Filtration Limited, 42-46, Hagley Road, UK-Birmingham B16 8PE,

sont destinataires de la présente décision.

Notes :

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 245 du 1. 10. 1986, p. 2.

(3) C'est-à-dire de poursuivre activement une politique visant à introduire le produit sous licence sur le marché de ces territoires, et en particulier, de se livrer à une publicité axée spécifiquement sur ces territoires ou d'y établir une succursale et/ou d'y maintenir un dépôt de vente.