CA Paris, 25e ch. B, 6 décembre 2002, n° 2001-01660
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Hervouet (Epoux), Groupe Hervouet International (SA), Spangberg, LSO International (SA)
Défendeur :
Hensley (Epoux), Allied Travel France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jacomet
Conseillers :
Mme Collot, Delmas-Goyon
Avoués :
SCP Bommart-Forster, Me Huyghe
Avocats :
Mes Gerber, Menard Dauvergne Desoutter.
LA COUR statue sur l'appel formé le 27 novembre 2000 à l'encontre du jugement rendu le 8 septembre 2000 par le Tribunal de commerce de Paris.
En février 1990 Monsieur Guy Abecassis a cédé la totalité du capital social de la société Allied Travel France à:
- un actionnaire majoritaire (51 %) la société Groupe Hervouet International, M. Gilles Hervouet et son épouse, ci-dessous dénommé Groupe Hervouet,
- un actionnaire minoritaire (34 %) : M. James Hensley,
- le solde (15 %) à la société LSO et M. Spangberg.
Mme Michèle Hensley a été engagée à compter du 15 juillet 1990 en qualité d'attachée de direction par la société Allied Travel France et M. Hensley est devenu en janvier 1991, le Président Directeur Général de cette société.
Les relations entre les parties s'inscrivent dans le climat suivant :
- aux termes d'une transaction en date du 15 mai 1992, la société Allied Travel France et Mme Michèle Hensley sont convenues de régler à l'amiable les conséquences financières du licenciement de cette dernière;
- le 21 août 1992, M. Gilles Hervouet a déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. James Hensley pour délits d'abus de biens sociaux, de recel d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance, à la suite du dépôt sur un compte étranger d'un chèque versé par la société Maritz à titre d'acompte dans un contrat signé avec la société Allied Travel France. Un jugement définitif rendu le 20 décembre 1994 par le Tribunal correctionnel de Paris a relaxé M. James Hensley des fins de la poursuite;
- un litige entre les parties pour concurrence déloyale a été tranché par un jugement du 26 janvier 1993 du Tribunal de commerce de Paris;
- le 30 mai 1994 le Groupe Hervouet a cédé ses actions dans le capital social de la société Allied Travel France à Mme Hensley.
- par arrêt du 26 juin 2001 la Cour d'appel de Paris a notamment condamné le Groupe Hervouet International à payer à Mme Hensley et à la société Allied Travel France diverses sommes en exécution de la clause de garantie de passif de la cession assortie d'une compensation avec le solde du prix des actions.
Dans le présent litige introduit par assignation du 22 janvier 1999, M. Gilles Hervouet, son épouse Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Lennart Spangberg reprochent un certain nombre de faits à M. et Mme Hensley lesquels auraient par leurs agissements nui aux intérêts de la société Allied Travel France à une époque où ils y occupaient des fonctions, ce qui leur aurait causé des préjudices distincts de ceux dont aurait été victime la société Allied Travel France. Le 9 novembre 1999 les demandeurs ont attrait à la cause la société Allied Travel France en garantie des condamnations qui pourraient intervenir à l'encontre des consorts Hensley.
Le tribunal a statué ainsi qu'il suit :
- joint les causes telles qu'appelées à l'audience,
- dit recevables mais non fondées les différentes actions de M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la SA Groupe Hervouet International, M. Lennart Spangberg, la SA LSO International,
- condamne solidairement M. Gilles Hervouet et Mme Marie-Simone Hervouet, M. Lennart Spangberg, les sociétés Groupe Hervouet International SA et LSO International SA à payer à M. James Hensley, la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,
- condamne solidairement M. Gilles Hervouet et Mme Simone Hervouet et la SA Groupe Hervouet International à payer à Mme Michèle Hensley les sommes de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, et la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et à la société Allied Travel France SA la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,
- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamne solidairement M. Gilles Hervouet et Mme Simone Hervouet et la société Groupe Hervouet International SA à payer les entiers dépens.
Appelants à titre principal et intimés incidemment M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, M. Lennart Spangberg, la SA LSO International demandent de:
- réformer totalement le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 8 septembre 2000 et statuant à nouveau,
- écarter des débats le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 26 janvier 1993, atteint de nullité, et tous documents produits faisant référence à ce jugement,
- rejeter toutes les exceptions et moyens de procédure soulevés,
- écarter les moyens tirés de l'autorité de la chose jugée,
- condamner solidairement les époux Hensley à verser à chacun des demandeurs la somme suivante :
M. Gilles Hervouet : 0,02 % = 150 F (22,87 euros)
Mme Marie-Simone Hervouet : 0,02 % = 150 F (22,87 euros)
Groupe Hervouet International : 50,93 % = 382 000 F (58 235,52 euros)
M. Lennart Spangberg : 0,02 % = 150 F (22,87 euros)
au titre de la compensation du préjudice subi, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- condamner M. et Mme Hensley, solidairement, au paiement d'une somme de 304 898,03 euros (2 000 000 F) à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- condamner la société Allied Travel France à garantir les condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de M. et Mme James Hensley à hauteur de 58 235,52 euros (382 000 F) et des intérêts de droit, capitalisés, à compter du 31 décembre 1992,
- condamner la société Allied Travel France de garantir les condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de M. James Hensley et de Mme Hensley à hauteur de 304 898,03 euros (2 000 000 F),
- condamner M. James Hensley et Mme Hensley à verser à chacun d'eux la somme de 4 600 euros au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'en tous les dépens,
- condamner la société Allied Travel France de garantir les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du NCPC,
- condamner M. James Hensley et Mme Hensley en tous les dépens de première instance et d'appel.
Intimés à titre principal et appelants incidemment M. James Hensley et Mme Michèle Hensley née Brian sollicitent de:
Préalablement : sur l'absence de tout fait nouveau en cause d'appel,
- dire et juger que leurs précédentes conclusions signifiées les 20 juin et 8 juillet 2002 devant la cour ne constituent pas un aveu judiciaire d'une prétendue faute pénale ou civile qu'aurait commise M. Hensley, ce dernier ayant d'ailleurs été relaxé par jugement définitif rendu le 20 décembre 1994 par le Tribunal correctionnel de Paris,
- constater que la société Fourth Dimension France est immatriculée au Registre du commerce de Paris depuis le 7 août 1992 et dire que le jugement rendu le 26 janvier 1993 par le Tribunal de commerce de Paris sur la demande des appelants, au titre de la concurrence déloyale, a autorité de la chose jugée,
- constater que le jugement rendu le 20 décembre 1994 par le Tribunal correctionnel de Paris a été communiqué aux appelants en première instance et le 20 mars 2000 et que le Tribunal de commerce de Paris a fait expressément référence, dans sa décision du 8 septembre 2000, au jugement correctionnel précité,
- dire et juger que les appelants ne justifient d'aucun fait nouveau susceptible de légitimer des prétentions nouvelles en cause d'appel tant contre Mme Hensley que contre M. Hensley;
A. Statuant sur les demandes des appelants au titre de la prétendue perte de dividendes en 1991 et 1992
Statuant sur ces demandes dirigées contre Madame Hensley :
Vu le principe de l'immutabilité du litige et en application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile,
- constater qu'en première instance, les appelants n'ont jamais impliqué Mme Hensley personnellement et n'ont formé à l'encontre de cette dernière aucune demande pour perte de dividendes,
- dire et juger qu'en l'absence de tout fait nouveau, les demandes des appelants en condamnation " in solidum " de Mme Hensley pour perte de dividendes, constituent des demandes nouvelles et les déclarer irrecevables,
- dire et juger que les appelants n'invoquent aucun fait personnel et a fortiori aucune faute personnelle de Mme Hensley à leur encontre et qui serait à l'origine de la perte de dividendes qu'ils invoquent,
- dire et juger tant irrecevable que mal fondée l'action en responsabilité délictuelle formée par les appelants contre Mme Hensley et la déclarer au surplus manifestement abusive.
Statuant sur les demandes dirigées contre M. Hensley en sa qualité de président de la société Allied Travel France et relatives à la perte de dividende:
Vu les dispositions de l'article L. 225-254 du Code de commerce (ancien article 247 de la loi du 24 juillet 1966),
- constater que les faits invoqués par les anciens actionnaires de la société Allied Travel France à l'encontre de M. Hensley pris en sa qualité de président de ladite société, datent de janvier/juin 1992 et sont connus de ceux-ci depuis juin 1992,
- déclarer prescrite depuis juin 1995 et irrecevable l'action engagée contre M. Hensley par exploit du 2 janvier 1999,
- dire et juger que M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg n'ont subi aucun préjudice distinct de celui éventuellement subi par la société Allied Travel France, le préjudice invoqué n'étant que le corollaire du prétendu dommage causé à la société et ne présente donc aucun caractère personnel distinct,
- en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg à l'encontre de M. Hensley pour défaut de préjudice personnel et distinct de celui de la société Allied Travel France,
Vu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement définitif de relaxe rendu le 20 décembre 1994 par le Tribunal correctionnel de Paris,
- débouter M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg sur les demandes dirigées contre M. Hensley à l'encontre duquel ils ne démontrent au surplus aucune faute de caractère civil,
A titre infiniment subsidiaire, dire et juger que M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg ne démontrent nullement le préjudice qu'ils allèguent au titre de la perte de dividende des années 1991 et 1992,
- confirmer en tant que de besoin le jugement rendu le 8 septembre 2000 par le Tribunal de commerce de Paris qui a débouté M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg de toutes leurs demandes contre M. et Mme Hensley,
B. Statuant sur les demandes dirigées contre M. et Mme Hensley au titre de la concurrence déloyale
Vu les dispositions de l'article 564 du NCPC,
- déclarer tant irrecevables que mal fondées les demandes de condamnation au titre de la concurrence déloyale, lesquelles sont nouvelles en cause d'appel,
Vu les dispositions de l'article 122 du NCPC, et le jugement définitif rendu le 26 janvier 1993 par le Tribunal de commerce de Paris,
- dire et juger que M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg n'ont aucun droit sur la clientèle de la société Allied Travel France ni aucune qualité à agir et aucun intérêt personnel au titre du détournement de clientèle qu'aurait subi ladite société,
- déclarer irrecevables les demandes de M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg pour défaut de qualité à agir et défaut d'intérêt,
- constater en outre que par jugement définitif rendu le 23 juin 1993 ayant autorité de la chose jugée, le Tribunal de commerce de Paris a déjà statué sur les actes de concurrence déloyale,
- en conséquence, et pour les motifs sus-développés, déclarer tant irrecevables que mal fondés l'ensemble des demandes de M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg tant à l'encontre de M, Hensley que de Mme Hensley,
- confirmer en tant que de besoin le jugement rendu le 8 septembre 2000 par le Tribunal de commerce de Paris qui a débouté M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg de toutes leurs demandes contre M. et Mme Hensley au titre de la concurrence déloyale,
C. Statuant sur l'appel incident de M. Hensley:
- dire et juger que la procédure diligentée contre M. Hensley présente un caractère abusif manifeste et qu'en développant à l'encontre de M. Hensley des propos fallacieux, vexatoires, insultants et contraires à la réalité des faits et des décisions judiciaires intervenues, M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg ont causé à M. Hensley un préjudice matériel et moral important dont ils doivent réparation,
- en conséquence condamner solidairement M. Gilles Hervouet, Mme Marie Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg à payer à M. Hensley une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis.
D. Statuant sur l'appel incident de Mme Hensley:
- confirmer la décision du tribunal en ce qu'elle a considéré à juste titre que la procédure initiée contre Mme Hensley présente un caractère éminemment abusif, tout comme l'appel interjeté,
- constater que la procédure abusive diligentée par les appelants à l'encontre de Mme Hensley n'a pour but que de porter atteinte à son honneur, à sa probité et à la discréditer auprès des tiers,
Vu les propos insultants, vexatoires, diffamatoires et contraires à la réalité des faits développés par les appelants et qui sont sans rapport avec le litige,
- dire que M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg ont causé à Mme Hensley un préjudice moral extrêmement important qu'il convient de réparer par l'allocation d'une somme de 100 000 euros,
- en conséquence condamner solidairement M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg à payer à Mme Hensley une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts,
E. Dire qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme Hensley le montant des frais irrépétibles de justice exposés en cause d'appel,
- en conséquence, condamner solidairement M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, la société LSO International et M. Spangberg à payer respectivement à M. Hensley et à Mme Hensley une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de justice exposés en cause d'appel,
Vu le caractère abusif de l'appel,
- faire application de l'article 559 du NCPC et condamner chacun des appelant à une amende civile de 1 500 euros,
- condamner solidairement les appelants aux entiers dépens.
Intimée à titre principal et intimée incidemment la société Allied Travel France conclut pour voir:
- confirmer le jugement,
- condamner solidairement les consorts Hervouet, la société Groupe Hervouet International et M. Lennart Spangberg à lui payer:
-- la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur appel abusif,
-- la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC,
- les condamner chacun à payer une amende de 1 500 euros pour appel abusif,
- condamner solidairement les mêmes aux dépens d'appel.
La cour, en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties se réfère au jugement et aux conclusions d'appel.
Cela étant exposé, LA COUR,
Considérant que pour critiquer le jugement qui les a déboutés de leur demande, appelants à titre principal, M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Hervouet International, M. Lennart Spangberg, la société LSO International, sur le terrain de l'article 1382 du Code civil font grief d'un certain nombre de faits à M. et Mme Hensley, anciens actionnaires de la société Allied Travel France à une époque où ils occupaient des fonctions dans la société, qu'ils soutiennent que les détournements de trésorerie de M. Hensley ont contribué à la sous-évaluation du prix de cession de leurs actions en date du 30 mai 1994, et que les faits de concurrence déloyale commis par M. et Mme Hensley au détriment de la société Allied Travel France ont causé un préjudice particulier à ses associés, que la présente action n'est pas une simple réponse à l'action en garantie de passif initiée par Mme Hensley; qu'ils justifient de faits nouveaux étayant leurs prétentions (à savoir des aveux judiciaires des époux Hensley, l'absence d'existence de personnalité morale de la société Fourth Dimension, la nullité du jugement du 26 janvier 1993, l'inopposabilité du jugement correctionnel); que la société Allied Travel France doit les garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre;
Considérant que sur appel incident M. et Mme Hensley soutiennent qu'ils ont subi un préjudice matériel et moral, qu'à l'instar de la société Allied Travel ils soulignent le caractère abusif de l'appel principal;
Sur l'appel principal :
Sur les demandes nouvelles à l'encontre de Mme Hensley :
Considérant qu'au regard de l'article 564 du NCPC les demandes de condamnation in solidum contre M. et Mme Hensley faites par les appelants pour la première fois en cause d'appel, constituent des demandes nouvelles contre Mme Hensley qu'ils n'avaient jamais impliquée personnellement au titre de pertes de dividende à la différence de M. Hensley;
Que par suite les demandes nouvelles à l'encontre de Mme Hensley sont irrecevables;
Sur les demandes dirigées contre M. Hensley :
Considérant que c'est en vain que les appelants agissant en qualité d'actionnaires de la société Allied Travel France pour M. Spangberg et d'anciens actionnaires pour les autres, persistent à reprocher à M. Hensley lorsqu'il était Président Directeur Général de la société Allied Travel France d'avoir détourné de janvier 1992 à juillet 1992 la trésorerie de cette société ayant entraîné un manque à gagner d'intérêts financiers et un surcoût de prestations de service dans les relations avec le client Maritz qui avait versé un acompte, ce qui aurait privé les actionnaires de dividendes sur l'exercice en cours;
Considérant qu'en effet sur la prescription de l'action des appelants soulevée par M. Hensley, l'article 247 de la loi du 24 juillet 1966 codifié dans l'article L. 225-254 du Code du commerce dispose : " l'action en responsabilité contre les administrateurs tant sociale qu'individuelle, se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ";
Que la faute incriminée qui aurait entraîné une perte de dividendes pour les actionnaires, invoquée par les appelants à l'appui de leur action en responsabilité contre M. James Hensley, a pour origine un détournement de trésorerie au préjudice de cette dernière;
Que ces faits ont été dénoncés par la société Allied Travel France qui a déposé plainte le 21 août 1992.
Que l'action initiée par les appelants n'étant pas sociale mais individuelle, la date de la découverte des faits dommageables n'est pas exactement déterminée ; que le point de départ du délai de prescription n'est donc pas établi;
Qu'en conséquence la présente action engagée le 2 janvier 1999 est recevable;
Considérant que sur le fond à l'appui d'un préjudice des associés distinct de celui de la société Allied Travel France, les appelants invoquent un prix de cession des actions obéré par une présentation erronée des comptes et la fraude au jugement organisée dans le cadre du contentieux ayant abouti à la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris du 26 janvier 1993;
Mais considérant que le préjudice invoqué par les appelants n'est que le corollaire du dommage éventuel causé à la société Allied Travel France sans caractère personnel, qu'il ne s'agit pas d'un préjudice propre à chaque associé mais de celui subi par la société elle-même;
Considérant que les prétentions des appelants quant à une perte de dividende proportionnelle à leurs droits détenus en 1992 dans le capital de la société Allied Travel France subi au titre des exercices 1991 et 1992 au motif que l'acompte de la société Maritz qui aurait dû être versé en février 1992, ne l'a été qu'en juillet 1992, sont inopérantes;
Considérant qu'en effet tout d'abord le 21 août 1992 la société Allied Travel France alors contrôlée par le Groupe Hervouet et dirigée par M. Gilles Hervouet a déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. Hensley pour délit d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance, en invoquant à l'encontre de ce dernier les mêmes faits de " détournement de trésorerie " que ceux articulés devant la cour;
Que par jugement définitif rendu le 20 décembre 1994 le Tribunal correctionnel de Paris a prononcé la relaxe de M. Hensley en retenant que sa mauvaise foi n'était pas suffisamment caractérisée;
Que les appelants soutiennent de façon erronée n'avoir eu connaissance qu'en juin 2002 du jugement rendu le 20 décembre 1994 par le Tribunal correctionnel de Paris, dès lors que ledit jugement leur a été communiqué en première instance le 20 mars 2000 et que le jugement entrepris y fait expressément référence;
Qu'en outre, le désistement de la partie civile n'a eu aucune incidence sur l'action publique, et que le tribunal correctionnel régulièrement saisi par une ordonnance du juge d'instruction a prononcé un jugement de relaxe au profit de M. Hensley, dont ce dernier peut se prévaloir;
Qu'au surplus, c'est en vain que les appelants croient pouvoir tirer des conclusions des intimés devant la cour des aveux judiciaires sur le détournement reproché à M. Hensley qui serait constitutif d'un fait nouveau en cause d'appel puisque la présentation de ceux-ci relatifs à l'encaissement en février 1992 de l'acompte de la société Maritz et son versement à la société Allied Travel France en juillet 1992, était connue depuis la constitution de partie civile de cette société;
Qu'en admettant que le jugement correctionnel du 20 décembre 1994 ne statue que sur la qualification pénale des faits incriminés contre M. Hensley mais non sur leur aspect financier, les appelants ne rapportent pas la preuve de la faute civile de ce dernier préjudiciable à la société Allied Travel France qui en février 1992 a déposé sur un compte bancaire étranger, la société European Travel Services, un chèque d'un montant de 218 532 dollars américains versé par la société Maritz à titre d'acompte en vertu d'un contrat signé le 3 décembre 2001 avec la société Allied Travel France, alors que la réglementation sur le contrôle des changes interdisait à la société française Allied Travel France de détenir un compte en devises étrangères;
Qu'en effet, la banque étrangère European Travel Services a spontanément restitué à la société Maritz la somme de 218 138 dollars américains majorée des intérêts et, selon chèque du 30 juillet 1992 versé aux débats, la société Maritz a remis ladite somme de 218 532 dollars américains à la société Allied Travel France, qu'en outre, le décalage d'encaissement de 6 mois de l'acompte de la société Maritz payé en juillet 1992 au lieu de février 1992, n'a pas affecté les résultats, ni de l'année 1992 ni de l'année 1991 de la société Allied Travel France et donc n'a pas été la source d'une prétendue perte de dividende au préjudice des actionnaires de la société Allied Travel France;
Qu'enfin, les appelants mettent vainement en relation les faits imputés à M. Hensley entre janvier et juin 1992 avec une prétendue sous valorisation de la valeur de leurs actions qu'ils ont revendues le 30 mai 1994 à Mme Hensley, dès lors que cette revente est intervenue en mai 1994 deux ans après les faits litigieux et qu'en professionnels avertis les appelants avaient nécessairement pris en compte leurs éventuels préjudices financiers dans les différentes transactions sur leurs actions;
Sur les demandes dirigées contre M. Hensley et Mme Hensley au titre de la concurrence déloyale :
Considérant que les appelants font à tort grief à M. James Hensley et à son épouse Mme Hensley d'avoir peu de temps après la cessation des fonctions de ce dernier de président de la société Allied Travel France en juin 1992 constitué la société Fourth Dimension France et directement ou indirectement par l'intermédiaire de cette société d'avoir commis des actes de détournement de clientèle au préjudice de la société Allied Travel France;
Considérant qu'en effet il ressort des productions des parties que par assignation du 27 octobre 1992 la société Allied Travel France a saisi le Tribunal de commerce de Paris, d'une action en concurrence déloyale contre M. et Mme Hensley et la société Fourth Dimension France constituée après la révocation de M. Hensley en juin 1992 de ses fonctions de Président Directeur Général de la société Allied Travel France;
Que par jugement du 26 janvier 1993 le Tribunal de grande instance de Paris a apprécié le préjudice subi par la société Allied Travel France à la somme de 250 000 F;
Qu'alors que sur sommation de communiquer des appelants du 5 septembre 2000 les intimés ont transmis l'extrait Kbis de la SARL Fourth Dimension ainsi que ses statuts à jour établissant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés au greffe du Tribunal de commerce de Paris depuis le 7 août 1992, les appelants persistent à tort à nier l'existence de la SARL Fourth Dimension et n'hésitent pas à soulever la nullité du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 26 janvier 1993 qui aurait statué sur le sort d'une société fictive;
Que par suite les appelants seront déboutés de leur demande de nullité du jugement du 26 janvier 1993 du Tribunal de commerce de Paris aujourd'hui définitif et ayant l'autorité de la chose jugée ainsi que des documents s'y référant;
Qu'au regard des dispositions de l'article 564 du NCPC les appelants sont recevables sur le terrain de l'article 1382 du Code civil à reprocher des agissements de concurrence déloyale et de détournement de clientèle, faits déjà incriminés devant les juges consulaires;
Que cependant sur le fond les appelants, actionnaires ou anciens actionnaires de la société Allied Travel France, n'ont aucun droit personnel sur la clientèle de cette société, celle-ci constituant un actif non des actionnaires mais de la société Allied Travel France, laquelle présidée à l'époque par M. Gilles Hervouet a précisément agi en concurrence déloyale à l'encontre de M. et Mme Hensley;
Qu'au surplus, les appelants n'établissent pas la nature et l'existence d'un préjudice distinct pour eux-mêmes de celui déterminé par le jugement de 1993 susmentionné;
Considérant qu'en définitive il convient de confirmer le débouté des demandes des appelants à l'encontre de M. et Mme Hensley;
Sur la demande de garantie à l'encontre de la société Allied Travel France:
Considérant qu'alors que M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, M. Spangberg et la société LSO International ont initié la procédure à l'encontre de M. et Mme Hensley, et qu'en application de l'article 334 du NCPC l'action en garantie appartient en principe aux défendeurs, celle dirigée par les appelants contre la société Allied Travel France ne repose sur aucun fondement juridique;
Considérant qu'au surplus, la société Allied Travel France n'a plus aucun lien financier ou juridique avec les époux Hensley, que la société Allied Travel France a été victime et non la complice des faits pour lesquels M. et Mme Hensley ont été condamnés pour concurrence déloyale par le jugement susvisé du 26 janvier 1993;
Considérant que par conséquence le rejet des demandes des appelants à l'encontre de la société Allied Travel France sera maintenu;
Sur l'appel incident :
Considérant que dans le cadre de l'actuel litige M. James Hensley et Mme Michèle Hensley ne démontrent pas l'existence d'un préjudice matériel et moral distinct qui n'ait pas été réparé par l'issue de la présente procédure, que par suite la demande de dommages-intérêts des intimés à ce titre sera écartée;
Considérant que ces derniers et la société Allied Travel France n'établissent pas que les consorts Hervouet, la société Groupe Hervouet International, M. Lennart Spangberg et la société LSO International aient abusé de leur droit d'ester en justice en faisant valoir leurs prétentions devant la cour, que la demande de dommages-intérêts de M. et Mme Hensley et de la société Allied Travel France de ce chef sera rejetée;
Considérant que l'équité commande de condamner solidairement les appelants à payer, d'une part, à M. et Mme Hensley la somme de 2 500 euros et, d'autre part, à la société Allied Travel France la somme de 1 500 euros pour frais irrépétibles d'appel;
Par ces motifs: Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne solidairement M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, M. Lennart Spangberg, et la société LSO International à payer, d'une part à M. et Mme Hensley la somme de 2 500 euros et, d'autre part, à la société Allied Travel France la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; Condamne solidairement M. Gilles Hervouet, Mme Marie-Simone Hervouet, la société Groupe Hervouet International, M. Lennart Spangberg et la société LSO International aux dépens d'appel ; Admet Maître Huyghe, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.