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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 26 janvier 2001, n° 1998-23026

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

FA 1 (SA)

Défendeur :

Charmettes Immo Conseil (SARL), Gan (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouche

Conseillers :

MM. Savatier, Faucher

Avoués :

Mes Ribaut, Cordeau, SCP d'Auriac-Guizard

Avocats :

Mes Bensoussan, Aubourg, Baschet.

T. com. Paris, 1re ch., du 7 sept. 1998

7 septembre 1998

Par contrat du 22 septembre 1992, la société FA1, dont l'actionnaire principal était la société Gan, a concédé à la société Les Charmettes Immo Conseil, en cours de création, représentée par M. Hivernet, qui sera son gérant, une franchise " Agences n° 1 ", pour une durée de sept ans, avec exclusivité pour la commune de Torcy, ce qui la faisait bénéficier d'un concept spécifique d'exploitation de l'activité d'agent immobilier et de la marque.

La société Les Charmettes Immo Conseil et M. Hivernet ayant assigné le 9 juillet 1997 la société FA1 et la société Gan, le Tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 7 septembre 1998 :

- débouté M. Hivernet de ses demandes,

- mis hors de cause la société Gan,

- prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société FA1,

- condamné la société FA1 à payer à la société Les Charmettes Immo Conseil la somme de 200 000 F en réparation de son préjudice matériel, sous réserve que celle-ci retire au préalable toute référence à l'enseigne " Agences n° 1 " des locaux et de ses supports commerciaux,

- condamné la société FA1 à payer à la société Les Charmettes Immo Conseil la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné la société Les Charmettes Immo Conseil à payer à la société Gan la somme de 5 000 F au même titre,

- rejeté toutes autres demandes.

La société FA1, M. Hivernet et la société Les Charmettes Immo Conseil ayant formé appel, les instances ont été jointes.

M. Hivernet et la société Les Charmettes Immo Conseil, dans leurs dernières écritures déposées le 9 octobre 2000, auxquelles il est renvoyé, demandent :

- qu'il soit constaté que M. Hivernet renonce à son action personnelle,

- qu'il soit jugé que le consentement de celui-ci a été vicié du fait du défaut d'information précontractuelle, de sorte que le contrat est nul,

- que, subsidiairement, le contrat soit résilié à compter de septembre 1993, date à laquelle la société FA1 n'a plus assuré ses prestations,

- que la société FA1 soit condamnée à lui payer la somme de 688 519 F à titre de remboursement des frais exposés pour l'installation et de dommages intérêts, avec intérêts à compter de l'assignation,

- qu'il soit jugé que la société Gan a géré de fait la société FA1 en maintenant artificiellement son activité par son soutien et en portant atteinte à son objet social en cédant sa participation dans le capital à un réseau concurrent,

- qu'elle soit condamnée, en conséquence, à payer conjointement avec la société FA1 les indemnisations allouées à la société Les Charmettes Immo Conseil,

- que la société FA1 soit condamnée à lui payer la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société FA1, dans ses dernières écritures déposées le 22 novembre 2000, auxquelles il est renvoyé, demande :

- que la société Les Charmettes Immo Conseil soit déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts exclusifs de la société Les Charmettes Immo Conseil, à compter du mois de septembre 1993,

- que la société Les Charmettes Immo Conseil soit condamnée à lui payer la somme de 200 000 F à titre de dommages intérêts et celle de 44 765 F restant due au titre du solde des droits d'entrée et de l'enseigne,

- que soit ordonné sous astreinte le retrait des signes distinctifs du concept dont l'enseigne,

- que la société Les Charmettes Immo Conseil soit condamnée à lui payer la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Gan, dans ses dernières écritures déposées le 16 novembre 2000, auxquelles il est renvoyé, demande la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause et réclame à la société Les Charmettes Immo Conseil la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Sur la situation de M. Hivernet :

Considérant qu'il y a lieu de constater que M. Hivernet déclare renoncer à toute action personnelle ;

Sur la nullité du contrat :

Considérant qu'aux termes du préambule du contrat signé par M. Hivernet pour le compte de la société Les Charmettes Immo Conseil, qui était en cours de formation, celui-ci a reconnu " avoir eu communication de tous documents et informations relatifs à la Franchise Agences N°1 tels qu'ils sont notamment présentés dans " le Document d'informations pré contractuelles des Candidats à la Franchise Agences n°1 "tel que défini par la loi, dite loi Doubin, du 31/12/1989 et son décret d'application" ; qu'en son article 18, il était encore indiqué : "Le franchisé reconnaît avoir été parfaitement informé de l'ensemble des conditions d'exploitation de la Franchise Agence n°1 dans les formes et délais imposés par la loi n ° 89-1008 du 31 décembre 1989".

Considérant que M. Hivernet et la société Les Charmettes Immo Conseil ne sont donc pas fondés à prétendre que la société FA1 a reconnu n'avoir pas informé son cocontractant de façon préalable et loyale, alors qu'au contraire, celui-ci a lui-même reconnu dans le contrat que cette information lui avait été fournie ; que le fait qu'elle lui a, en mai 1993, communiqué de nouveaux " documents d'informations précontractuelles ", établis en avril 1993, est sans portée, puisqu'il s'agissait alors de proposer au franchisé la signature d'un nouveau contrat dont les conditions, notamment financières, différaient de celui déjà conclu, de sorte que la société FA1 entendait satisfaire à son obligation de fournir les informations préalables à ce nouveau contrat ;

Considérant qu'il apparaît aussi que, lorsqu'il a rempli la fiche de renseignement le concernant au moment où il a pris contact avec la société FA1, M. Hivernet avait indiqué à celle-ci " souhaiter passer quelques demi journées dans une ou plusieurs agences n° 1 et apprécier ainsi concrètement le plus apporté par la franchise ", ce qui démontre qu'il avait le souci d'obtenir les éléments d'informations qui lui paraissaient nécessaires ;

Considérant que M. Hivernet et la société Les Charmettes Immo Conseil se bornent à alléguer que, s'il avait connu les bilans de la société FA1 pour les années 1990 et 1991, M. Hivernet n'aurait pas contracté, mais ne rapportent la preuve ni de ce que ceux-ci ne lui ont pas été communiqués, ni qu'ils étaient tels qu'ils auraient changé sa décision ;

Qu'ils ne peuvent sérieusement soutenir que les renseignements sur la nature et le montant des dépenses et investissements ne lui ont pas été fournis, alors qu'ils sont des éléments du contrat et qu'en remplissant la fiche de renseignement précitée, M. Hivernet demandait déjà un modèle de ce contrat, ce qui démontre qu'il avait le souci d'obtenir ces informations et qu'il n'aurait pas accepté de s'engager sans les avoir au préalable reçus ;

Que les faits postérieurs à la signature du contrat sont insuffisants à établir le dol dont il est fait état ; qu'il ne suffit pas de reprocher à la société FA1 d'avoir abandonné le concept de la franchise, objet du contrat, en décembre 1993, encore faut-il démontrer qu'elle l'avait déjà décidé au moment de la signature du contrat, ce qui n'est pas établi, ni même allégué ;

Considérant qu'il ressort suffisamment des ces éléments que M. Hivernet a reçu les informations qui lui ont permis de donner un consentement éclairé, d'autant qu'il avait l'expérience de ce secteur d'activité ayant été pendant 15 ans cadre juridique et fondé de pouvoirs de la société UCB ; qu'aucun élément n'est produit permettant de retenir qu'il a été sciemment trompé ; que le dol n'est donc pas établi ;

Considérant qu'en conséquence, la demande en nullité du contrat sera rejetée ;

Sur la résiliation :

Considérant qu'il n'est pas discuté que la société Les Charmettes Immo Conseil ne s'est pas acquittée des engagements financiers qu'elle avait souscrit; que, notamment, elle ne conteste pas rester devoir la somme de 44 765 F représentant le solde du droit d'entrée et du coût de l'enseigne; que pourtant, la société FA1 justifie lui en avoir demandé paiement dès le 30 décembre 1992;

Qu'il n'est pas plus discuté qu'à partir du mois de septembre 1993, la société Les Charmettes Immo Conseil, qui y était tenue aux termes du contrat, n'a pas transmis à la société FA1 les déclarations de son chiffre d'affaires, ce qui n'a pas permis à celle-ci de calculer la redevance proportionnelle qui lui était due ; que par lettres des 25 août 1994, 11 octobre et 20 décembre 1995, il lui avait été demandé de communiquer ces renseignements ;

Considérant que la société Les Charmettes Immo Conseil a ainsi manqué à ses obligations contractuelles;

Considérant qu'elle se borne à alléguer de manière générale et sans avancer aucun fait précis que la société FA1 n'assurait plus de prestations ; qu'elle n'en rapporte pas la preuve; qu'au contraire, la société FA1 justifie des opérations d'assistance qu'elle a continué de proposer à ses franchisés, notamment après l'année 1993, dans le contexte de la crise de l'immobilier qui affectait le réseau; qued'ailleurs, la société Les Charmettes Immo Conseil ne produit aucune demande de prestations qui n'aurait pas été satisfaite ni aucune lettre de protestation ou de réclamation;

Considérant que les seules fautes contractuelles établies sont donc celles de la société Les Charmettes Immo Conseil ; qu'elles justifient la résiliation du contrat à ses torts ; que les parties s'accordent pour retenir que la résiliation est intervenue en septembre 1993 ; que la cour retiendra donc cette date ;

Sur les demandes en paiement formées par la société FA1 :

Considérant qu'il est établi que la société Les Charmettes Immo Conseil a continué d'exercer son activité sous l'enseigne " Agences N°1 " jusqu'au 1er décembre 1996, puisqu'elle produit une lettre du 4 décembre 1996 adressée à sa banque pour l'informer qu'elle renonce à cette enseigne à compter de cette date ; qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'elle a continué à utiliser cette marque depuis cette date ; qu'il ne sera donc pas fait droit à la demande tendant à la contraindre de retirer tous signes distinctifs du concept " Agences n°1 " ;

Considérant qu'il y a donc lieu de condamner la société Les Charmettes Immo Conseil à payer à la société FA1 une indemnité pour cette utilisation de la marque alors que le contrat était résilié, qu'au vu des circonstances de la cause, la cour fixera à la somme de 100 000 F ;

Considérant qu'elle sera aussi condamnée à lui payer la somme de 44 765 F, montant du solde restant dû sur le droit d'entrée et sur la facture de fourniture d'enseigne dont la réalité et le montant ne sont pas contestés ;

Sur la demande dirigée contre la société Gan :

Considérant que la société Les Charmettes Immo Conseil ne rapporte pas la preuve de ses simples allégations quant au rôle de la société Gan dans la gestion de la société FA1 ; qu'en l'absence d'imputations à la société Gan d'actes précis, sa prétendue gestion de fait ne saurait se déduire de ce que celle-ci était l'actionnaire principal de la société FA1, de ce qu'elle avait soutenu financièrement cette dernière, et de ce que ces sociétés avaient des dirigeants communs ; que la revente par la société Gan de sa participation ne révèle pas plus une gestion de fait de celle-ci, cette cession fût-elle intervenue en dessous du prix d'acquisition et consentie à un concurrent ;

Que la lettre du 3 avril 1997 dont se prévaut la société Les Charmettes Immo Conseil n'a aucun caractère probant sur la réalité de cette gestion de fait, puisqu'elle émane d'un dirigeant de la société FA1, qu'elle est adressée à la société Les Charmettes Immo Conseil, et que son contenu ne permet pas de déterminer les raisons pour lesquelles elle s'était adressée à la société Gan pour réclamer amiablement la réparation d'un préjudice invoqué par la société Les Charmettes Immo Conseil ;

Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Gan ;

Considérant que l'équité commande de condamner la société Les Charmettes Immo Conseil à payer à la société Gan la somme de 10 000 F, et à la société FA1 celle de 30 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Gan et a condamné la société Les Charmettes Immo Conseil à lui payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; L'infirmant pour le surplus, et statuant à nouveau ; Constate que M. Hivernet a renoncé à son action personnelle ; Rejette la demande de nullité du contrat du 22 septembre 1992 ; Dit qu'il est résilié à compter du mois de septembre 1993, aux torts de la société Les Charmettes Immo Conseil ; Condamne la société Les Charmettes Immo Conseil à payer à la société FA1 la somme de 44 765 F montant de sommes restant dues, ainsi que celle de 100 000 F à titre de dommages intérêts ; Rejette toutes autres demandes ; La condamne à payer à la société Gan la somme de 10 000 F et à la société FA1 celle de 30 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par les avoués concernés comme il est dit à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.