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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. A, 19 mars 1998, n° 96-3575

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bouis

Défendeur :

Sovac (SA), Compagnie d'assurances Vie Plus

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

MM. De Monredon, Eynard

Avoués :

Me d'Everlange, SCP Fontaine-Macaluso-Jullien, SCP Guizard

Avocats :

SCP Penard-Geiger-Marin, SCP Reinhard-Delran-Berger-Gouaze, Me Brot.

TGI Carpentras, du 25 avr. 1994

25 avril 1994

Faits, procédure, prétentions des parties

Par convention sous seing privée du 25 juillet 1990 Francis Bouis a accepté une offre préalable de crédit " compte disponible " de la Sovac d'un montant maximum de découvert autorisé de 40 000 F remboursable par mensualités suivant un tableau de fonctionnement.

Par le même acte il a adhéré à une assurance groupe complémentaire auprès de la Compagnie Vie Plus, couvrant notamment l'arrêt total de travail de longue durée (ALD) par perte d'emploi salarié.

Par ordonnance du 31 mars 1994, il a été enjoint à Francis Bouis de payer à la SA Sovac, la somme de 86 607,82 F avec intérêts au taux légal.

Le 20 juin 1994 Francis Bouis a formé opposition à cette ordonnance.

Francis Bouis a régulièrement relevé appel d'un jugement du Tribunal d'instance de Carpentras du 25 avril 1996 qui a :

- réputé non écrite la clause du contrat d'assurance édictant une franchise de 18 mois en cas de chômage alors que celle-ci ne devrait pas dépasser 12 mois.

- rejeté la responsabilité de la Sovac.

- condamné Francis Bouis à payer à la SA Sovac la somme de 86 607,82 F avec intérêts au taux légal faute de taux contractuel fixe depuis le 22 mars 1994.

- rejeté les autres demandes.

- condamné Francis Bouis aux entiers dépens.

Francis Bouis estime que la clause du contrat d'assurance instaurant un délai de carence de 9 mois et celle stipulant une franchise de 18 mois doivent être purement et simplement annulées et la société d'assurances doit être condamnée à prendre en charge sa perte d'emploi à compter de son licenciement du 28 mars 1991 ou à défaut à compter de son second licenciement du 1er mars 1994.

Subsidiairement, il est bien fondé à soulever l'inopposabilité à son égard de la limitation de garantie et à demander l'application du contrat d'assurance dans toutes ses dispositions. En tout état de cause, il est manifeste que la Sovac a commis une faute en ne respectant pas son devoir d'information et de conseil à l'égard de Francis Bouis.

Francis Bouis demande en conséquence :

Accueillant l'appel de Monsieur Francis Bouis et y faisant droit,

Réformant le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Carpentras à l'audience du 25 avril 1996,

Statuant à nouveau, de :

- dire abusives et en tout cas inopposables à Monsieur Francis Bouis les clauses instaurant un délai de carence de 9 mois et une franchise de 18 mois pour permettre de bénéficier de la garantie perte d'emploi prévue à l'assurance de groupe souscrite par Monsieur Francis Bouis lors de la signature de l'offre préalable d'ouverture de crédit " compte disponible " du 25 juillet 1990 auprès de la société Sovac.

- dire les clauses litigieuses inopposables à Monsieur Francis Bouis.

- en conséquence, condamner la Compagnie Vie Plus à garantir auprès de la société Sovac Monsieur Francis Bouis de ses pertes d'emploi des 28 mars 1991 et 1er mars 1994 en prenant en charge les échéances du contrat de crédit pendant sa période d'inactivité, ou à défaut condamner la société Vie Plus à payer à la société Sovac en lieu et place de Monsieur Bouis la somme de 86 607,82 F en principal, majorée des intérêts depuis le 31 mars 1994 en lieu et place de Monsieur Bouis.

Subsidiairement,

- condamner la société Sovac à payer à Monsieur Francis Bouis, à titre de dommages et intérêts, une somme de 86 607,82 F, majorés des intérêts légaux courus depuis le 31 mars 1994 et dire que cette somme se compensera avec celle que Monsieur Bouis pourrait lui devoir au titre de son contrat de crédit.

- condamner la société Sovac solidairement avec la société Vie Plus à payer à Monsieur Francis Bouis une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- condamner conjointement et solidairement la SA Sovac et la Compagnie d'Assurances Vie Plus aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de son avoué.

La SA Sovac conclut à :

- statuer ce que de droit sur le caractère abusif ou non des clauses du contrat d'assurance instaurant un délai de carence et de franchise.

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la responsabilité de la SOVAC et condamné Monsieur Bouis à lui porter et payer la somme de 86 607,82 F outre les intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1994.

- débouter Monsieur Francis Bouis de l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la concluante.

- le condamner à porter et payer à la Sovac la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La créance réclamée n'est pas contestée par Francis Bouis. Le caractère abusif ou non de la clause alléguée ne concerne pas la SA Sovac sauf à dire que l'assurance souscrite était facultative.

La Sovac conteste tout manquement à son obligation d'information et de conseil. Les dispositions principales du contrat d'assurance sont reproduites de façon claire, précise et sans ambiguïté dans l'offre préalable de crédit, et une notice a été d'autre part adressée au souscripteur.

La compagnie d'Assurances Vie Plus conclut à :

- réformer partiellement le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Carpentras en date du 25 avril 1996.

En conséquence,

- dire et juger que le délai de franchise de 18 mois n'est pas abusif et ne peut être réputé non écrit.

- confirmer le jugement rendu dans toutes ses autres dispositions.

- condamner Monsieur Bouis à verser à la Compagnie Vie Plus une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- condamner Monsieur Bouis aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de son avoué.

Le délai de carence de 9 mois prévu contractuellement n'est pas abusif. Francis Bouis fait une interprétation erronée du Code des assurances en soutenant que les contrats d'assurances collectives ne peuvent avoir une durée supérieure à un an.

C'est à tort que le tribunal a estimé abusif le délai de franchise de 18 mois. Le but principal de la garantie n'est pas de régler des échéances de façon continue mais de solder la totalité du crédit à l'issue de la franchise.

Les clauses de limitation de garantie sont parfaitement opposables à Francis Bouis, la notice qui lui a été adressée reproduisant, les dispositions essentielles du contrat sans qu'il existe d'autres obligations d'information à la charge de l'assureur.

En tout état de cause l'assureur a versé à Francis Bouis conformément aux dispositions contractuelles une somme de 36 216,49 F le 12 octobre 1995.

Motifs

Aux termes des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans les contrats conclu entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, les clauses abusives sont réputées non écrites.

Aux termes de l'article L. 132-4 du même Code, la Commission des Clauses Abusives recommande la suppression ou la modification des clauses qui présentent un caractère abusif.

Par une délibération 90-01 concernant les contrats d'assurances complémentaires de crédit à la consommation ou immobilier ou à un contrat de location avec option d'achat, la Commission des Clauses Abusives recommande " que soient supprimées (dans ces contrats) les clauses ayant pour effet ou pour objet ... 6 e) de prévoir un délai de carence d'une durée telle qu'il dénature les garanties du contrat, en considération notamment de la durée du prêt auquel elles se rapportent ".

C'est à bon droit conformément à cette recommandation que le premier juge n'a pas considéré comme abusive la clause du contrat du 25 juillet 1990 prévoyant que la garantie ALD pour chômage n'était pas accordée " si l'arrêt de travail, quelle qu'en soit la durée survient dans les 9 mois qui suivent la date d'effet " du contrat dans la mesure où ce délai n'apparaît pas excessif au regard du risque de fraude et de la connaissance que peut avoir le souscripteur du risque de licenciement qui pourrait peser sur lui à la date de la souscription du contrat, et de ce fait n'est pas d'une durée telle qu'il dénature les garanties du contrat.

Il ne saurait être allégué d'une durée du prêt limitée à un an, s'agissant d'une ouverture de crédit dont le caractère renouvelable par tacite reconduction empêche de fixer une durée fixe et certaine, et le contrat en cause ayant lui-même atteint une durée effective de plus de 4 années à la date de l'ordonnance d'injonction de payer.

Il ne saurait mieux être allégué du caractère inopposable de cette clause à l'égard de Francis Bouis, celle-ci figurant clairement et de façon non ambiguë dans l'offre préalable de crédit et dans la notice descriptive qu'il a reconnu avoir reçue.

C'est aussi à bon droit que le premier juge, conformément à la même recommandation 90-1B-6e, a considéré au contraire comme abusive une autre clause du même contrat du 25 juillet 1990 prévoyant un délai de " franchise absolue " de 18 mois ininterrompu en cas de chômage en ce qui concerne la même garantie ALD, dans la mesure où ce délai était exagéré notamment du fait que les indemnités ASSEDIC en cas de chômage ne sont perçues généralement que pendant une durée maximum de 12 mois, ce qui diminue tellement l'intérêt du souscripteur qu'il dénature la garantie chômage du contrat.

Il importe peu à ce sujet comme il est prétendu par la Compagnie Vie Plus que le but principal de cette garantie soit de solder la totalité du crédit et non de régler les échéances de façon continue, le souscripteur étant en tout état de cause en droit d'attendre à l'issue d'un délai raisonnable de franchise, constitué comme en l'espèce par celui de l'indemnisation ASSEDIC, une prise en charge par l'assureur, en exécution du contrat souscrit, de tous ses engagements à l'égard du prêteur quelles qu'en soient les modalités de règlement.

C'est par contre à tort que le premier juge a déclaré la clause de franchise de 18 mois applicable dans la limite de 12 mois, après l'avoir justement déclarée abusive, la loi ne prévoyant pas une telle possibilité. Une clause abusive est réputée non écrite et de ce fait inapplicable au contrat en cause sans qu'il puisse lui être substituée d'office par le juge une autre clause.

Il ne saurait être allégué d'une faute commise par le prêteur dans son obligation d'information et de conseil à l'égard de Francis Bouis, les indications litigieuses figurant clairement dans le contrat souscrit et dans la notice jointe, et apparaissant parfaitement compréhensibles pour un souscripteur normal sans que le prêteur ait à justifier de diligences particulières complémentaires.

Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de clause abusive concernant le délai de carence d'effet de 9 mois et de confirmer le jugement déféré qui a déclaré abusive la clause du contrat du 25 juillet 1990 concernant le délai de franchise de 18 mois sauf à dire cette clause inopposable dans son entier à Francis Bouis.

De ce fait c'est à juste titre que l'assureur a refusé la prise en charge du licenciement déclaré par Francis Bouis le 28 mars 1991 comme étant survenu moins de 9 mois après la prise d'effet du contrat du 25 juillet 1990.

De ce fait ce même assureur doit prendre en charge le contrat de crédit à compter du 31 décembre 1993 à la suite du nouveau licenciement de Francis Bouis intervenu à compter de cette date, tout en tenant compte qu'il a déjà versé à ce titre à Francis Bouis le 12 octobre 1995 la somme de 36 216,49 F.

Le montant de la créance de la Sovac n'étant contesté ni dans son principe ni dans son montant et aucun manquement aux obligations du prêteur n'ayant été démontré, il a y lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Francis Bouis à payer à la SA Sovac la somme de 86 607,82 F avec intérêts de droit au taux légal dont le point de départ doit être fixé au 31 mars 1994, la déchéance du terme ayant été prononcé par le prêteur après l'échéance impayée de ce mois.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Succombant chacune en partie dans leurs prétentions, Francis Bouis et la Compagnie Vie Plus supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel partagés par moitié entre eux.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, En la forme : Déclare l'appel régulier et recevable. Au fond : Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : déclaré réputée non écrite la clause du contrat de crédit du 25 juillet 1990 mentionnant l'existence d'un délai de franchise absolue de 18 mois pour la garantie d'assurance complémentaire chômage ALD ; débouté Francis Bouis de se mise en cause de la SA Sovac en raison de son obligation d'information et de conseil ; condamné Francis Bouis à payer à la SA Sovac la somme de 86 607,82 F avec intérêts au taux légal sauf à fixer le point de départ de ces intérêts au 31 mars 1994 ; rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Réformant pour le surplus et y ajoutant, Déboute Francis Bouis de sa demande de déclaration d'abus et en tout cas d'inopposabilité de la clause du contrat de crédit du 25 juillet 1990 mentionnant un délai de carence d'effet de 9 mois de la garantie d'assurance complémentaire chômage ALD ; Condamne la Compagnie d'Assurances Vie Plus à garantir en totalité Francis Bouis de sa perte d'emploi à compter du 31 décembre 1993 à l'égard de sa SA Sovac sous déduction de la somme de 36 216,49 F versée par la Compagnie Vie Plus à Francis Bouis le 12 octobre 1995 ; Déboute les parties de leurs nouvelles demandes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Francis Bouis et la Compagnie d'Assurances Vie Plus à supporter chacun à concurrence de la moitié la charge des dépens de première instance et d'appel à recouvrer comme il est prescrit en matière d'aide juridictionnelle.