CA Paris, 13e ch. A, 17 janvier 2001, n° 00-04117
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Conseillers :
MM. Ancel, Nivose
Avocats :
Mes Roy, Cremer.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE:
LA PREVENTION:
B Serge est prévenu d'avoir sur le territoire national, du 1er au 24 décembre 1995, en tout cas depuis temps non prescrit, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature d'un bien, en l'espèce en présentant sur une page de catalogue intitulée champagne des bouteilles de "Y", alors que ces bouteilles étaient des vins mousseux.
LE JUGEMENT:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré B Serge coupable de publicité mensongère ou de nature a induire en erreur, faits commis du 1er décembre 1995 au 24 décembre 1995, sur le territoire national, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation
et, en application de ces articles,
l'a condamné à la peine de 30 000 F d'amende,
a ordonné la publication du jugement, par extrait, dans le Républicain de l'Essonne aux frais du condamné dans la limite de 5 000 F par insertion,
a reçu le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne en sa constitution de partie civile et a condamné Serge B à lui payer la somme de un franc.
DECISION:
Par voie de conclusions le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne sollicite la confirmation du jugement déféré outre la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 8 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour ses frais irrépétibles d'appel, avec intérêts légaux à compter du jour du jugement déféré. Il demande enfin d'allouer la somme sus indiquée, en cas de relaxe au titre de l'article 470-1 du Code de procédure pénale.
RAPPEL DES FAITS
Le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne a déposé plainte le 12 décembre 1995 auprès de la DGCCRF au motif qu'un prospectus publicitaire concernant la chaîne de magasins X présentait dans une page consacrée aux vins de champagne, des vins mousseux divers qui ne bénéficiaient pas de l'appellation d'origine contrôlée champagne.
Sur ce, LA COUR:
Sur l'action publique:
Considérant que le prévenu fait valoir qu'à l'examen du prospectus publicitaire incriminé, il ne s'agit pas d'une page consacrée aux vins de champagne mais d'un texte où le terme "champagne" est seulement mentionné, puisque sur les neuf bouteilles reproduites figurent quatre bouteilles de "champagne", deux boites métalliques de "champagne" ainsi que deux bouteilles de pétillant, une bouteille de "crémant" et deux bouteilles de "Y". Il expose encore qu'à côté de chaque bouteille figure son appellation et qu'en aucun cas celle de champagne ne figure à côté des bouteilles qui n'en contiennent pas. Il ajoute que les prix pratiqués (10,95 ou 25,90 F) interdisent au consommateur moyen de prendre les vins mousseux pour des champagnes. Il soutient enfin que le tribunal ne pouvait retenir comme une appellation générique que les mots écrits au pluriel ce qui n'était pas le cas en l'espèce du mot "champagne" écrit au singulier;
Considérant qu'il y a lieu de rappeler en droit que la publicité trompeuse incriminée est celle susceptible d'induire en erreur le consommateur d'attention moyenne;
Considérant en l'espèce, qu'à juste titre le tribunal, au vu du catalogue sur lequel est parue la publicité incriminée, a retenu que sur chaque page figurait un titre qui était une désignation générique de l'ensemble des produits présentés sur ladite page;
Considérant qu'il importe peu que les titres en question (entrées, boucherie volaille, légumes, condiment, fromages, crèmerie, desserts, délices, vins, saumon, foie gras, champagne) soient tantôt énoncés au singulier, tantôt au pluriel; que le caractère générique du terme champagne, écrit en l'espèce au singulier, ressort tant de sa présentation en tête de la page et de sa calligraphie que de sa notoriété et de sa compréhension comme telle par le public;
Considérant que la disposition du terme "champagne" sur la maquette de la publicité, induisait le consommateur moyen à penser que les bouteilles présentées dans la page incriminée et sous ce titre appartenait à l'espèce champagne, le risque de confusion étant d'autant plus grand que les bouteilles les plus proches du mot champagne n'en étaient pas; que les prix attractifs proposés ou les encarts inscrits plus spécifiquement sur ou à côté des bouteilles exposées n'étaient pas de nature à détromper ce consommateur dès lors que ce dernier n'était pas nécessairement au fait de toutes les marques de vins mousseux ni du prix plancher du champagne, s'agissant de produits proposés par la grande distribution à des prix "défiant toute concurrence"; qu'au surplus les deux bouteilles accolées au titre "champagne" et intitulées "Y" pouvaient laisser croire à ce même consommateur qu'il s'agissait effectivement de champagne compte tenu de la similitude de présentation (dorure du goulot, étiquette) et d'aspect (couleur);
Considérant que les faits sont donc constants et l'infraction caractérisée en tous ses éléments; qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité;
Considérant que le tribunal a fait une juste application de la loi pénale au prévenu qui sera confirmée à l'exception de la peine complémentaire de publication que la cour n'estime pas devoir prononcer à l'encontre de Serge B qui a maintenant quitté la chaîne des magasin X qui l'employait;
Sur l'action civile:
Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a fait une exacte appréciation du préjudice subi par la partie civile et découlant directement de l'infraction;
Considérant que l'équité commande d'allouer une indemnité complémentaire de 2 000 F au Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour ses frais irrépétibles d'appel;
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard du prévenu et de la partie civile; Sur l'action publique: Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur la peine à l'exception de la mesure de publication; Statuant à nouveau de ce seul chef, Dit n'y avoir lieu à mesure de publication; Sur l'action civile: Confirme le jugement déféré Y ajoutant; Condamne Serge B à payer au Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne la somme de deux mille francs (2 000 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.