CA Paris, 14e ch. B, 12 novembre 1999, n° 1999-14939
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
GT Interactive Software France (SARL)
Défendeur :
Micro Application (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cuinat
Conseillers :
MM. André, Valette
Avoués :
SCP Lagarge, SCP Roblin-Chaix de Lavarène
Avocats :
Mes Reinhart, Bloch.
La SARL GT Interactive Software France a relevé appel d'une ordonnance de référé du 1er juin 1999 rendue par le Orésident du Tribunal de commerce de Paris qui, faisant partiellement droit à la demande de la SA Micro Application :
- lui a ordonné de procéder au rétablissement immédiat de la vraie nature de l'offre " satisfait ou échangé ", par l'apposition de nouveaux autocollants ainsi rédigés :
" Offre découverte, satisfait ou échangé, valable jusqu'au 13 août 1999,
dans la gamme Clic & Go, selon stocks disponibles. Un seul remboursement par foyer, contre retour du produit et trente francs de participation aux frais. Autres conditions à l'intérieur. "
et ce, à compter de la huitaine de la signification de l'ordonnance, sous astreinte provisoire de 100 F par infraction constatée ;
- s'est réservé le droit de liquider ladite astreinte;
- a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande ;
- la condamnée à payer à la société Micro Application la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de son appel, la société GT Interactive Software France expose par conclusions du 27 juillet 1999 que, malgré son appel, elle a modifié la campagne de promotion de sa collection " Clic & Go " en substituant à l'opération " Satisfait ou échangé " une nouvelle offre dénommée " Offert, le cédérom Clic & Go Photos d'identité " et que, afin de se conformer aux prescriptions du juge des référés, elle a fait figurer l'ensemble des conditions de cette nouvelle offre à l'extérieur de l'emballage des produits. Pour autant, elle estime que l'offre " Satisfait ou échangé " ne constituait pas une publicité mensongère, fausse ou de nature à induire en erreur, ni ne causait à quiconque un trouble manifestement illicite et que, dès lors, la société Micro Application qui a abusé le premier juge dans le seul but de désorganiser le lancement de la collection " Clic & Go " de sa concurrente, devra l'indemniser de son préjudice résultant de la substitution de la nouvelle opération à l'ancienne, soit la somme de 150 000 F correspondant à la conception de l'opération, à l'impression des vignettes appropriées et au déplacement de ses employés dans les 500 magasins concernés afin d'y apposer ces nouvelles vignettes sur les anciennes. Elle conclut à l'infirmation de l'ordonnance en ce qui concerne l'injonction qui lui a été faite sous astreinte et la condamnation au titre de l'article 700, et à sa confirmation en ce qui concerne le " dit n'y avoir lieu à réfère " sur le surplus de la demande adverse. Elle prie également la cour de condamner la société Micro Application à lui payer :
- la somme de 150 000 F en remboursement des frais exposés par elle au titre de la mise en œuvre de l'opération " Offert, le cédérom Clic & Go Photos d'identité " ;
- la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
La SA Micro Application, intimée, fait valoir par conclusions du 30 septembre 1999 que les produits " Clic & Go " de son adversaire sont directement concurrents des siens et qu'elle est donc fondée à demander la suppression, sur le conditionnement des logiciels concernés, des éléments relevant manifestement de la publicité mensongère qui lui causent à la fois un dommage et un trouble manifestement illicite ; qu'ainsi, l'offre initiale " Satisfait ou échangé " renvoyait à l'intérieur de la boîte pour ses modalités et le client ne pouvait donc découvrir qu'après achat les diverses restrictions, coûteuses en frais d' expédition, qui assortissaient l'offre.
Elle ajoute que sa demande initiale, écartée par le premier juge, concernait également un logo situe au dos du conditionnement des logiciels concurrents et mentionnant : " Approuvé par un laboratoire de test" pour capter la confiance du client, alors qu'aucune précision n'est donnée sur le sérieux scientifique de cette affirmation, ni même sur l'identité du prétendu laboratoire, tandis que cette formule figure également sur le site Web de la société adverse, laquelle ne justifie pourtant que de simples tests de " débuggage " que tout éditeur de logiciel effectue nécessairement. Elle estime donc qu'il doit être mis fin à cette communication déloyale qui entraîne de graves conséquences commerciales.
Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné à la société GT Interactive de procéder au rétablissement de la véritable nature de son offre " Satisfait ou échangé " par l'apposition de la mention ordonnée par le juge, mais à son infirmation partielle, en ce qu'elle n'a pas fait droit à sa demande concernant la mention " Approuvé par un laboratoire de test " et prie à cet égard la cour de bien vouloir :
- ordonner à la société GT Interactive de faire disparaître immédiatement et sans délai la mention " Approuvé par un laboratoire de test " en ce qui concerne le site Web ;
- débouter la société GT Interactive de l'intégralité de ses demandes ;
- la condamner à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment des échantillons de leurs produits, que les deux sociétés sont en concurrence sur le marché des logiciels dits " de vie pratique " lesdits produits, tel un logiciel d'apprentissage et de perfectionnement à la dactylographie, se présentant dans des conditions similaires pour être vendus en grande distribution pour un prix à l'unité proche de 100 F ;
Considérant en premier lieu, qu'il est constant que la vignette apposée en haut à gauche au recto de l'emballage en plastique transparent des logiciels de la gamme " Clic & Go " de la société GT Interactive Software France indiquait:
Offre Découverte
SATISFAIT OU ÉCHANGÉ!
(Voir modalités à l'intérieur de la boîte)
et était accompagnée, à l'intérieur de la boite de l'indication desdites modalités, lesquelles comprenaient diverses restrictions, notamment que l'offre d'échange se réalisait exclusivement auprès du siège social et requérait un envoi postal impliquant des frais d'affranchissement ainsi que la condition de joindre un chèque de 30 F à l'ordre de GT Interactive " pour participation aux frais d'envoi et de gestion ", outre une double limitation, à la fois " aux stocks disponibles " et, dans le temps, jusqu'au 13 août 1999;
Qu'il apparaît ainsi, avec évidence, que par ces conditions restrictives figurant seulement à l'intérieur de la boîte du produit et dont le consommateur ne pouvait prendre connaissance avant d'avoir acheté celui-ci, l'offre était fallacieuse et susceptible d'attirer abusivement le consommateur, procurant ainsi à la société GT Interactive un avantage concurrentiel constitutif d'un trouble manifestement illicite dont la société Micro Application est bien fondée à demander la cessation ;
Que l'ordonnance entreprise sera donc confirmée sur ce point ;
Considérant, en second lieu, qu'il est également établi qu'une mention " Approuvé par un laboratoire de test ", est apposée au verso de la boîte d'emballage du logiciel,en lettres rouges entourées d'un trait rouge délimitant un ovale destiné à mettre en évidence cette indication, et que cette mention est encore reprise dans l'encadre figurant en dessous, en lettres plus foncées, et ainsi libellé:
Garantie de qualité. Approuvés par un laboratoire de test, les cédéroms Clic & Go sont garantis faciles d'installation... etc.
alors que les justificatifs apportés par la société GT Interactive montrent clairement que les tests effectués correspondent seulement à des essais ayant permis de déceler certains défauts de programmation et ont été réalisés par une entreprise, certes extérieure, mais ne présentant aucune certification ni habilitation particulières ;
Qu'il s'avère ainsi, avec la même évidence, que par cette indication trompeuse, inscrite à deux reprises au verso de l'emballage, la société GT Interactive fait croire à un consommateur d'attention moyenne que le produit concerné a été " approuvé " par un organisme agréé à cet effet et présentant des garanties de compétence et d'objectivité, de sorte que la société Micro Application est également fondée à demander en réfère la cessation du trouble manifestement illicite que lui cause la société adverse par l'avantage concurrentiel indu qu'elle en tire ;
[suivant arrêt rectificatif en date du 16 décembre 1999] :
Qu'il s'ensuit que l'appel formé par la société GT Interactive doit être rejeté, ainsi que ses demandes corrélatives, et qu'il convient de faire droit à l'appel incident de la société Micro Application en infirmant partiellement l'ordonnance entreprise pour faire injonction à la société GT Interactive, sous astreinte, de faire disparaître, en ce qui concerne sa gamme de produits " Clic & Go " et dans un délai de 20 jours à compter de la signification du présent arrêt, la mention " Approuvé par un laboratoire de test " :
- tant sur les produits à venir que sur ceux actuellement en stock chez la société GT Interactive France et dans les points de vente,
- ainsi que sur le site Web dont elle dispose, sur lequel il n'est pas contesté qu'elle a repris cette formule sans disposer de meilleures justifications " ;
Considérant que l'équité conduit à condamner la société GT Interactive à verser à la société Micro Application une indemnité compensant une partie de ses frais irrépétibles ;
Par ces motifs : Déclare la Société GT Interactive Software France mal fondée en son appel et l'en déboute ; Faisant droit à l'appel incident de la société Micro Application ; Infirme partiellement l'ordonnance entreprise, en sa seule disposition ayant dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande de la société Micro Application ; Statuant à nouveau de ce chef ; [selon arrêt rectificatif du 16 décembre 1999] : Ordonne à la société GT Interactive Software France de faire disparaître, en ce qui concerne sa gamme de produits " Clic & Go " et dans un délai de 20 jours à compter de la signification du présent arrêt, la mention " Approuvé par un laboratoire de test " : - tant sur les produits à venir que sur ceux actuellement en stocks chez la société GT Interactive France et dans les points de vente, - ainsi que sur le site Web dont elle dispose, - et ce, sous astreinte de 5 000 F par jour de retard, pendant un délai de 30 jours ; Confirme pour le surplus l'ordonnance entreprise; Condamne la société GT Interactive Software France à verser à la société Micro Application la somme supplémentaire de 8 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; La condamne également aux dépens d'appel ; admet la SCP Roblin-Chaix de Lavarene, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.