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Décisions

CA Angers, ch. corr., 15 mars 2001, n° 00-00491

ANGERS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Liberge (faisant fonction)

Conseillers :

Mmes André, Midy

Avocats :

Mes Léger, Véleanu.

TGI Le Mans, ch. corr., du 24 mars 2000

24 mars 2000

Le Ministère public a interjeté appel du jugement rendu le 24 mars 2000 par le Tribunal correctionnel du Mans qui, pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, a relaxé le GIE X représenté par Alain Y des fins de la poursuite.

Le Ministère Public dépose des conclusions tendant à l'infirmation de la décision entreprise. Il considère que cette décision est entachée de contradiction. En effet, le tribunal retient que les éléments d'information soumis au consommateur étaient pour le moins équivoques et faisaient appel à des références tout à fait connotées dans l'inconscient individuel et collectif, cependant il a prononcé la relaxe.

Il observe que la marque régulièrement déposée peut constituer une publicité de nature à induire en erreur. Il rappelle que la cour suprême a jugé que la marque "comme autrefois", par son évocation artisanale était de nature à tromper le public sur les qualités substantielles d'un produit fabriqué de manière industrielle.

Selon le magistrat du parquet, l'évocation du Mont-St-Michel ainsi que sa représentation picturale est de nature à instiller que ces oeufs proviennent de la région Montoise. Il observe que tous les éléments de l'étiquetage renforcent cette idée, spécialement l'adresse du service du consommateur située au Mont-St-Michel. Il rappelle que la Cour de cassation a condamné les domiciliations fantaisistes qui n'ont d'autres buts que de tromper le consommateur. Dans cette procédure aucune indication sur la provenance des oeufs ne figure sur l'étiquetage critiqué.

Les éléments soumis au consommateur positionnent le produit sur le label de la tradition, tradition soulignée par l'emploi des mots "comme autrefois", "alimentation végétale de qualité", le portrait de Z et une représentation graphique d'un épi de blé et de maïs. Leur réunion induit nécessairement pour le consommateur, dans le peu de temps que dure le choix d'un produit par rapport à un autre, l'idée de la tradition, mot employé quatre fois sur l'emballage dans une typographie qui le souligne, alors que ces oeufs proviennent d'élevages qui ne peuvent en aucune manière être comparée à l'image de l'élevage traditionnel.

Alain Y, représentant légal du GIE X, qui exploite la marque en cause, comparaît, son conseil dépose des conclusions tendant à la confirmation du jugement. Il indique que la marque "Z" est apposée dans le domaine agro-alimentaire pour toute une gamme de produits qui garantissent une qualité conforme à l'image de Z à son savoir-faire et celui du restaurant à cette enseigne sur le Mont St-Michel. Le prévenu estime pour sa part que le Mont St-Michel ne peut exprimer une région ou un site qui se distingue dans le domaine de l'élevage. Il rappelle que l'emploi de la marque "Z" est régulière. Dès lors que le Mont St-Michel n'évoque pas pour le consommateur une région connue pour l'élevage des poules, il ne peut être trompé. Pour ce qui est de la qualité des oeufs, il précise que ces oeufs répondent aux critères de qualité biologique ou de plein air, dans des structures qui justifient la qualification de traditionnelles au sens admis actuellement et qui se distingue des élevages dits industriels. Il reproche à l'administration pour l'image du blé et de maïs, de se référer au règlement communautaire 1538-91 lequel est relatif à la commercialisation de la viande de volaille, or il s'agit dans le dossier de poules pondeuses. Enfin il ajoute que l'élément intentionnel fait défaut.

Le GIE X représenté par Alain Y est poursuivi pour avoir, sur le territoire national, entre le 1er mai 1997 et le 31 mars 1998, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'origine et les qualités substantielles d'oeufs commercialisés sous la marque "Z".

MOTIFS :

Suite à la commercialisation d'oeufs sous la marque "Z", les services de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes ont procédé à une enquête sur l'originalité de cette production.

II est constant que l'utilisation de cette marque, propriété de la SNC W déposée à l'INPI le 16 février 1993, par la personne morale poursuivie est licite.

Les vérifications faites dans la Sarthe auprès de la société S, qui place les bandeaux à la marque Z, concernaient la vente d'oeufs produits par de nombreux éleveurs de ce département (47 éleveurs dont un de l'Orne), selon une charte remise par le GIE.

Cette charte est relative à des poules pondeuses élevées en plein air. Il existe également une charte pour les oeufs de qualité biologique.

L'enquête réalisée auprès de la SA T (22) qui utilise également les emballages "Z", permettait également de constater que ces oeufs provenaient d'une cinquantaine d'élevages implantés à près de 80 % dans le département des côtes d'Armor, selon le cahier des charges de la marque.

Pour la SA T, cette commercialisation concerne 5 à 6 % de ceux qu'elle commercialise et proviennent des mêmes élevages que ceux vendus sous d'autres marques.

Le représentant de la société a remis un document qui constitue sa propre charte appelé Référentiel de la SA T, dont les spécifications démontrent que la charte du GIE X n'ajoute rien par rapport à l'élevage de poules élevées en plein air.

Enfin, l'enquête faite à la société V à Romans démontre également que les oeufs commercialisés sous la marque "Z", ne présentent aucune particularité, la conduite des élevages est indifférenciée par rapport aux autres marques. Le GIE X n'a procédé à aucun contrôle.

Le service verbalisateur estime que la signature Z, la représentation graphique du Mont Saint-Michel, la mention portée sur les emballages "Courrier consommateurs les Oeufs Z", le mot tradition inclu dans la dénomination de vente, la représentation graphique de blé et de maïs constituaient une publicité trompeuse en ce qu'elle apparaissait liée à une personne et un site prestigieux alors que les oeufs commercialisés sous cette marque ne présentent aucune originalité, proviennent de lieux de production sans aucun rapport avec le Mont Saint-Michel.

Il apparaît que les termes employés pour la commercialisation de ces oeufs par exemple "Depuis 100 ans la fameuse omelette Z est préparée selon un rite immuable..." ... "Aujourd'hui Z transmet sa longue expérience à travers la nouvelle gamme d'oeufs frais" : Le journal Actualité revue du pâtissier (cote 6 du dossier annexe 9) indique une origine et une qualité particulière ont pour objectif de créer un lien direct à cette personne.

Le service de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes estime que les mentions décrites ci-dessus sont de nature à faire croire aux consommateurs que les oeufs ont été produits dans des conditions d'élevage traditionnel, dans lesquelles résiderait le savoir faire ancestral de Z et au moyen d'une alimentation essentiellement de blé et maïs, ce qui constitue une qualité substantielle pour le consommateur.

Le service verbalisateur constate que la charte Z ne comporte pas d'exigences plus contraignantes que ce que prévoit la réglementation pour ce type de produit (règlement CEE 1274-91 article 18 et annexe II § b).

L'alimentation des poules est faite au moyen d'aliments élaborés et produits industriellement avec des matières premières comportant, notamment, des tourteaux oléagineux et des additifs à but nutritionnel.

Le GIE X avait été avisé par lettre du 17 juillet 1996 du service de la consommation de l'interdiction d'utiliser l'image des épis de blé et de maïs.

La cour retient que la renommée de Z est incontestable tant au plan national qu'international, que cette tradition : l'omelette Z, fait nécessairement référence aux oeufs, élément essentiel dans la confection de ce mets. Cette référence est significative d'une rigueur certaine dans la qualité de l'oeuf. Le caractère unique du personnage, son implantation dans un site particulier conduit le consommateur à considérer qu'il s'agit d'une garantie d'origine et de qualité particulière, voire exceptionnelle. D'ailleurs la cour a pu constater à la lecture des courriers adressés au service consommateur de la société exploitant la marque, que le choix du produit a bien été déterminé par la marque Z, attachée pour ces consommateurs à une très grande qualité, au point qu'ils ont été très déçus de constater qu'ils avaient pu être trompés sur cette qualité (oeufs brisés, non frais, dégageant une odeur nauséabonde).

Ces oeufs produits dans les conditions générales des élevages de plein air, ne présentent aucune originalité. L'emploi de l'image de Z, son implantation régionale, l'emploi des mots "tradition", "comme autrefois", le symbole de l'épi de blé et de maïs, impliquent une origine et une production limitée. Les conditions de commercialisation des oeufs ne répondent pas à cette image et sont de nature à induire le consommateur en erreur sur la qualité exceptionnelle véhiculée par le personnage historique de Z. Le caractère intentionnel de l'infraction résulte de l'interdiction de l'emploi du dessin d'un épi de blé et de maïs qui avait été signifiée au prévenu et qu'il n'a pas respectée.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris, Déclare Alain Y coupable de l'infraction visée à la prévention, Le condamne à une amende de cent mille francs, Ordonne la publication de la présente décision dans les journaux "Le Monde" à Paris, et "Ouest France" dans chaque édition départementale, Fixe à 20 000 F le montant maximum de cette publication ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, conformément aux dispositions de l'article 1018-A du Code général des impôts ; Dit que la contrainte par corps s'exercera, s'il y a lieu, selon les dispositions légales ; Ainsi jugé et prononcé par application des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation.