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Décisions

CA Amiens, ch. com., 22 mars 2002, n° 01-00069

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

CMF Fitness (SARL)

Défendeur :

N-J Forme (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Chapuis de Montaunet

Conseillers :

Mme Rohart-Messager, M. Roche

Avoués :

SCP Million Plateau, Crépin, SCP Le Roy

Avocats :

Mes Abadie, Bonino, Duperray.

T. com. Senlis, du 15 déc. 2000

15 décembre 2000

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la CMF Fitness d'un jugement du Tribunal de commerce de Senlis rendu le 15 décembre 2000 qui :

- l'a déboutée de ses demandes,

- l'a condamnée à payer à la N-J Forme une somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts,

- a ordonné la publication du dispositif du jugement dans le journal Le Parisien, édition picarde,

- a ordonné l'exécution provisoire,

- l'a condamnée au paiement d'une somme de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les conclusions de l'appelante du 21 novembre 2001 par lesquelles elle prie la cour de :

- infirmer le jugement,

-statuant à nouveau,

Vu l'article 1382 du Code civil,

- constater l'existence d'agissements de la part de N-J Forme caractérisant une concurrence déloyale,

- ordonner en conséquence la suppression en tout acte de communication de publicité de la société commerciale N-J Forme de toute référence à la halte garderie Les petits musclés association Loi 1901 en entité bien distincte, en principe, de N-F Forme, et ce sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée,

- condamner N-J Forme à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 380 000 F sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- ordonner aux frais avancés de la société N-J Forme la parution de la décision à venir dans l'édition locale d'un quotidien national ainsi que d'un journal local,

- s'entendre condamner la SARL N-J Forme au paiement de la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner la SARL N-J Forme en tous les dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés par la SCP Million Plateau et Crépin, avoué, dans les formes prévues à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société N-J Forme du 23 novembre 2001 par lesquelles elle prie la cour de :

- juger irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par la société CMF Fitness,

- débouter la société CMF Fitness de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris, y ajoutant condamner la société CMF Fitness à payer une somme supplémentaire de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et en tous les dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Le Roy, avoué.

Sur ce, LA COUR,

Attendu que CMF Fitness créée en 1985 et installée au 8, Clos Barrois à Nogent-sur-Oise depuis 1996 où elle exerce sous l'enseigne Moving depuis janvier1999 ayant pour activité la remise en forme, le sport, les pratiques relaxantes, etc.

Qu'ainsi elle a l'exclusivité de l'usage de la marque Moving pour tout le département de l'Oise ; que le signe distinctif de cette marque est une vague stylisée dont le dessin et la couleur constituent un élément important ;

Que la société N-J Forme, dont l'activité est identique, est installée au 1024, av. du Tremblay à Creil ; qu'en conséquence, les deux sociétés, exploitant la même clientèle sur la même zone de chalandise, se retrouvent en concurrence ;

Que la société CMF Fitness invoquant le fait que la société N-J Forme ne respectait pas les dispositions légales, notamment en embauchant des professeurs de sports non diplômés, en obtenant selon elle par des voies détournées et illégales des fonds publics, commettrait des actes de concurrence déloyale l'assignait à titre principal en paiement de la somme de 390 000 F à titre de dommages-intérêts, à faire cesser sous astreinte les agissements déloyaux et ordonnait la parution du jugement dans un quotidien national ;

Qu'en outre, en novembre 2000 la société CMF Fitness s'apercevait que la société N-J Forme faisait figurer dans ses publicités contenues sur les sets de table d'un restaurant de Creil la vague bleue constituant un élément de la marque Moving ; que par acte du 2 novembre 2000, elle l'assignait en demandant à nouveau sa condamnation à des dommages-intérêts pour "plagiat et détournements de notoriété" ; que cette instance est pendante devant la cour ;

Que c'est dans ces conditions qu'était rendu le jugement déféré.

Sur la constitution de l'association Halte Garderie des Petits Musclés.

Attendu que M. Nachite, dirigeant de la société N-J Forme, a créé en 1998 une halte garderie appelée association Halte Garderie des Petits Musclés pour lequel il a reçu des subventions du Conseil Général et de la Caisse d'allocations familiales et que la société N-J Forme a alors informé sa clientèle qu'elle lui proposait une halte garderie ;

Que la société CMF Fitness, qui de son côté avait en 1996 créé un "espace enfants" pour que soient gardés les enfants de sa clientèle et expose des frais importants à cet effet, soutient que la création par la société N-J Forme d'un accueil identique pour les enfants, bénéficiant de subventions publiques a favorisé le jeu de la concurrence ; qu'elle sollicite sa condamnation à des dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;

Mais attendu que la société CMF Fitness ne rapporte pas la preuve que la création de l'association Halte Garderie Les Petits Musclés serait illégale d'autant que cette association n'accueille pas uniquement les enfants de la clientèle de la société N-J Forme même si elle est implantée dans ses locaux ; que dès lors elle ne démontre pas en quoi l'existence de cette halte garderie constituerait un acte de concurrence déloyale ; qu'elle en sera donc déboutée.

Sur la publicité trompeuse.

Attendu que la société CMF Fitness prétend que la publicité de N-J Forme serait trompeuse au motif :

1) qu'elle indique assurer plus de 80 heures de cours par semaine alors que l'addition des heures sur le planning des cours démontre qu'elle n'assure que 69 heures par semaine,

2) qu'elle annonce, disposer de trois courts de squash homologués alors qu'elle n'en posséderait que deux qui n'auraient pas faits l'objet d'une procédure d'homologation,

3) qu'elle indique offrir une halte garderie à sa clientèle et laisser entendre que celle-ci fait partie des prestations offertes ;

Et attendu que si les courts de squash ne sont pas, stricto sensu homologués, ceux-ci sont conformes aux normes en vigueur;que la société N-J Forme indique également que si elle ne possède que deux courts de squash le 3e est en projet ;

Que la société N-J Forme dans ses conclusions ne conteste pas que les heures de cours annoncées dans les publicités soient supérieures à celles figurant sur les planning ;

Qu'enfin les publicités versées aux débats suggèrent que la halte garderie constitue une prestation offerte par la société N-J Forme à sa clientèle alors qu'elle est assurée par une entité juridique différente et ouverte à tout public et non exclusivement à sa clientèle ;

Qu'il apparaît, en conséquence, que si la publicité relative aux courts de squash peut être considérée comme simplement emphatique, tel n'est pas le cas de celle relative aux heures de cours de sport et au service de halte garderie qui revêt un caractère trompeur;que toutefois si les destinataires de la publicité peuvent se faire abuser, il convient de constater que le nombre d'heures de cours offerts et le fait que la halte garderie soit simplement à proximité de la salle de sports et n'y soit pas intégrée ne constitue pas un élément déterminant dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne; qu'en conséquence, le préjudice apparaît minime ;qu'il y a lieu, dans ces circonstances, d'évaluer le préjudice en cause à la somme de 2 000 euros ;

Que par ailleurs, il sera fait interdiction à la société N-J Forme de toute publicité indiquant qu'elle offre à ses clients une prestation de halte garderie Les Petits Musclés.

Sur l'usage par la société N-J Forme de professeurs de sport non qualifiés.

Attendu que la société CMF Fitness soutient que la société N-J Forme aurait embauché des professeurs de sports non qualifiés, ce qui constituerait un agissement déloyal ;

Mais attendu qu'un contrôle effectué par la Direction départementale de la jeunesse et des sports démontre que l'établissement exploité par la société N-J Forme est conforme sur ce point aux dispositions légales et réglementaires applicables ;

Que dès lors la société CMF Fitness sera déboutée de sa demande présentée à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle de la société N-J Forme.

Attendu que les premiers juges ont condamné la société CMF Fitness au paiement de la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts au motif qu'elle aurait intenté une action à caractère abusif et vexatoire sans motiver en aucune façon le caractère abusif et vexatoire de celle-ci et sans rechercher la réalité sur l'effectivité du préjudice qui aurait été prétendument subi par la société N-J Forme ;

Que, par ailleurs, la demande de la société CMF Fitness est accueillie partiellement de sorte que l'action engagée ne saurait en tout état de cause revêtir un quelconque caractère abusif ;

Qu'en conséquence le jugement ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a condamné la société CMF Fitness au paiement de la somme sus-rappelée.

Sur la publication de l'arrêt.

Attendu qu'il n'apparaît pas utile d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir ; que la société CMF Fitness sera donc déboutée de sa demande.

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Attendu que la société N-J Forme, condamnée aux entiers dépens, versera à la société CMF Fitness la somme de 1 000 pour frais hors dépens, les dispositions retenues par les premiers juges au titre des dépens et frais hors dépens étant, par suite, infirmées.

Par ces motifs, LA COUR ; Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit l'appel jugé régulier en la forme ; Au fond, infirme le jugement ; Statuant à nouveau ; Condamne la société N-J Forme à payer à la société CMF Fitness la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ; Fait interdiction à la société N-J Forme sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passé le délai de quinzaine de la signification du présent arrêt d'effectuer des publicités indiquant qu'elle offrirait à sa clientèle une prestation de halte garderie Les Petits Musclés ; Déboute la société CMF Fitness de sa demande de publication de la présente décision ; La déboute du surplus de ses demandes ; Déboute la société N-J Forme de l'ensemble de ses prétentions ; Condamne la société N-J Forme aux dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP Million Plateau et Crépin, avoué ; La condamne à payer à la société CMF Fitness la somme de 1 000 euros pour frais hors dépens.