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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 29 juin 2001, n° 00-04681

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbarin

Conseillers :

Mme Marie, M. Nivose

Avocat :

Me Guetta.

TGI Paris, 31e ch., du 21 juin 2000

21 juin 2000

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LA PREVENTION:

Par ordonnance en date du 9 septembre 1999, l'un des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris a renvoyé M. André N et Mme Juliette G épouse N devant le tribunal correctionnel du même siège, sous la prévention d'avoir, à Paris et sur le territoire national, courant 1995, 1996, 1997 et jusqu'en juin 1998:

1°) effectué des publicités comportant des allégations ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur concernant l'existence, la nature, les qualités substantielles, les conditions de vente d'une prestation de service, les résultats qui peuvent être attendus de son utilisation et la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce en diffusant des documents publicitaires laissant penser faussement que l'Ecole de Z délivrait un diplôme, une licence ou un brevet officiels agréés par l'Etat, qu'elle exerçait son activité dans une structure fédérale officielle et enfin qu'elle formait de futurs praticiens du Z alors que cette profession telle qu'elle est décrite dans les différents documents publicitaires relève de la profession réglementée de masseur-kinésithérapeute ou de médecin.

Faits prévus et punis par les articles L. 121-1 à L. 121-7 du Code de la consommation,

2°) par l'emploi de manœuvres frauduleuses, trompé une personne physique et déterminé ainsi à son préjudice à remettre des fonds, en l'espèce lesdites manœuvres ayant consisté à diffuser les documents publicitaires trompeurs énoncés ci-dessus, afin de déterminer Paul Le Douarin à souscrire un contrat de formation professionnelle et à remettre des fonds pour devenir massothérapeute de Z,

Faits prévus et punis par l'article 313-1 du Code pénal,

3°) en tant qu'organisme de formation professionnelle, fait mention dans les documents publicitaires de l'Ecole de Z du numéro de la déclaration ou d'agrément prévu à l'article L. 920-4 du Code du travail,

Faits prévus et punis par les articles L. 920-6 et L. 993-2 du Code du travail,

4°) en tant qu'organisme de formation professionnelle, omis d'établir un bilan pédagogique et financier pour les années 1996 et 1997 et omis de l'avoir adressé à l'autorité administrative,

Faits prévus et punis par les articles L. 920-5 et L. 993-2 du Code du travail.

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a relaxé les prévenus du chef d'escroquerie,

les a déclarés coupables des autres infractions visées à la prévention,

et les a condamnés chacun à une amende sous forme de 100 jours amende d'un montant unitaire de 300 F (30 000),

et ordonné à titre de peine complémentaire, la publication dans "Santé Magazine" d'un extrait du jugement.

Sur l'action civile: le tribunal a reçu Le Douarin Paul en sa constitution de partie civile et a condamné solidairement M. et Mme N à lui payer la somme de 30.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

DÉCISION:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par les prévenus et le Ministère Public à l'encontre du jugement déféré

A l'audience du 1er juin 2001, les prévenus, assistés de leur conseil, demandent à la cour, par voie de conclusions:

- de relaxer purement et simplement M. N de tous les chefs de prévention, subsidiairement de le dispenser de peine,

- de relaxer purement et simplement Mme N du chef de publicité, subsidiairement de la dispenser de peine,

- de la dispenser aux titres de défaut de présentation du bilan pédagogique et financier et pour avoir fait mention dans les documents publicitaires du numéro de la déclaration.

Ils font valoir que les documents publicitaires litigieux ne font à aucun moment référence à un diplôme officiel et ou agréé par l'Etat, mais qu'il est précisé que la formation prépare à un brevet fédéral de "massothérapie Sthiatsu" conforme aux exigences d'homologation du diplôme par l'Etat. Que deux élèves entendus sur commission rogatoire du juge d'instruction ont confirmé qu'il n'y avait jamais eu confusion dans leur esprit sur la valeur de ce brevet fédéral, et que la formation prodiguée par M. N répond à tous les critères exigés pour être homologuée par l'Etat. Que la formation de nombreux stagiaires a d'ailleurs été payée en tout ou partie, au titre de la formation continue, par des organismes publics ou des organismes professionnels reconnus, et que beaucoup ont bénéficié de l'aide à la création d'entreprise.

Ils démontrent que la Fédération Française de Z professionnelle dont M. N est le président est adhérente en qualité de membre associé au Conseil Patronal des métiers de beauté parfumerie, qui est régi par la convention collective nationale de la parfumerie et de l'esthétique.

Ils soutiennent qu'il est faux de prétendre que la profession de massothérapeute Z, telle qu'elle est décrite dans les documents publicitaires, relève de la profession de masseur-kinésithérapeute ou de médecin, le terme massage n'étant pas juridiquement réservé à ces professions.

Mme N, chargée de la gestion administrative de l'école, reconnaît qu'elle a, par erreur, mentionné le numéro de déclaration d'existence d'un organisme de formation professionnelle sur certains documents publicitaires, et qu'elle a omis de présenter les bilans annuels pédagogiques et financiers pour les années 96 et 97 sur ces points, elle sollicite une dispense de peine.

Le conseil de M. Le Douarin, partie civile, a fait connaître à la cour que son client avait été dédommagé et se désistait de son action. Il lui en sera donné acte.

Sur ce, LA COUR,

I. Rappel des Faits

Le 24 octobre 1997, M. Paul Le Douarin déposait plainte avec constitution de partie civile contre X, devant le doyen des juges d'instruction de Paris, des chefs d'escroquerie et de publicité mensongère. Il exposait qu'il s'était inscrit pour une formation professionnelle, en juin 96, auprès de l'Ecole de Z, dont le siège est situé 41 rue de Paradis à Paris 10e, dirigée par M. N, pour la somme de 24 297, 80 F à laquelle s'ajoutait celle de 8 124, 40 F pour frais annexes (fournitures, livres ou cassettes vendues à l'école).

Il affirmait qu'au vu des documents publicitaires concernant la formation, il avait compris qu'elle était validée par un diplôme reconnu par l'Etat, puisque ces documents indiquent que le programme de formation qui prépare au brevet fédéral de massothérapeute Zki, était conforme aux exigences d'homologation du diplôme par l'Etat et aux normes de la Fédération française de Z professionnelle.

D'autre part il avait également compris que la formation menait à la profession de massothérapeute alors que les massages ne peuvent être pratiqués que par des kinésithérapeutes.

Il s'avérait que le Z, selon la définition qui en est donnée par le Code de déontologie de la Fédération française de Z professionnel, est un massage dans lequel on utilise les doigts pour exercer une pression sur des points bien particuliers du corps et le long de canaux appelés méridiens. Il s'agit donc d'une application particulière de l'acupuncture.

Or M. Le Douarin allait s'apercevoir d'une part que la Fédération française de Z professionnel, dont le siège était le même que celui de l'école, était dirigée par M. N, et que tous les documents édités par cet organisme (dont les statuts avaient été déposés à la Préfecture de Police de Paris) étaient rédigés par les époux N. D'autre part, que la formation ne menait à aucune profession reconnue.

Ainsi l'ordre des médecins lui indiquait-il que la pratique de l'acupuncture par des non médecins était un cas d'exercice illégal de la médecine.

La Fédération Française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs lui écrivait que le terme de massothérapeute pouvait être assimilé à une usurpation du titre de masseur-kinésithérapeute, profession réglementée, et qu'il était donc illicite.

Le Ministère du travail confirmait ces dires.

La Fédération nationale des groupements artisanaux de l'esthétique indiquait que la formation n'était reconnue par aucun Ministère, qu'elle même ne reconnaissait que les diplômes de l'Education Nationale et de l'artisanat (CAP, BEP, BTS) et avait toujours refusé le rattachement à la fédération de Z.

Enfin la Fédération Nationale des Associations d'hygiène et de médecine alternatives naturelles affirmait qu'il n'était pas possible d'exercer légalement la massothérapie et que le mot massage était libre lorsqu'il était suivi d'une appellation spécifique non médicale.

Pour leur défense, M. et Mme N ont toujours allégué qu'ils n'avaient pas présenté le Z dont la pratique est libre, comme une profession médicale ou paramédicale.

II. Sur la prévention de publicité fausse ou de nature à induire en erreur:

M. et Mme N, qui gèrent ensemble une école de Z, le mari étant plus particulièrement chargé de l'enseignement et son épouse de la gestion administrative et financière, ont conçu des documents que l'on peut qualifier de publicitaires sur la formation assurée, puisqu'ils étaient diffusés auprès des futurs stagiaires et dans différents salons sur la formation professionnelle.

Par ailleurs la Fédération de Z professionnelle que préside M. N a adhéré au Conseil Patronal des métiers de Beauté Parfumerie régie par la Convention Collective Nationale de la parfumerie et de l'esthétique, et l'activité Z a été répertoriée dans cette convention comme entreprise de relaxation et de massage.

Enfin, la formation de Z n'est en rien reconnue ou agréée par l'Etat.

Or certains documents publicitaires mentionnaient, à l'époque des faits, que la scolarité était sanctionnée par un diplôme, une licence ou un brevet "conforme aux exigences d'homologation du diplôme par l'Etat".

Or, d'une part, l'école ne pouvait délivrer qu'une attestation de formation, d'autre part, elle ne répondait pas aux exigences d'homologation du diplôme par l'Etat.

Par ailleurs, cette présentation ambiguë était de nature à faire penser que la formation menait à un diplôme reconnu par l'Etat.

Enfin, si la pratique des massages n'est pas réservée aux kinésithérapeutes, le terme de massothérapeute, associé à la liste des maux que le Z est censé traiter (fatigue, maux de tête, troubles menstruels, ménopause ...) tendait à faire accroire que la formation aboutit à une véritable profession de thérapeute, alors que le massage Z ne peut s'inscrire que dans les techniques de remise en forme, et que toute forme de thérapie est prohibée pour ses praticiens.

Dès lors, les publicités litigieuses étaient de nature à induire en erreur sur les résultats qui pouvaient être attendus de l'utilisation de la formation dispensée et la portée des engagements pris par l'annonceur. Cette infraction est imputable aux deux prévenus, concepteurs et diffuseurs de ces publicités.

III. Sur la prévention d'escroquerie

C'est à juste titre que le tribunal a relaxé M. et Mme N de ce chef en constatant l'inexistence de manœuvres frauduleuses.

IV. Sur la mention illégale du numéro de déclaration d'existence d'un organisme de formation professionnelle

Les prévenus ont reconnu cette infraction qui est parfaitement établie, puisque cette mention figure sur presque tous les documents édités par eux.

Si Mme N s'occupe plus particulièrement des tâches administratives, son époux est également responsable de cette infraction en tant que dirigeant de l'école.

V. Sur l'omission d'établir et d'adresser à l'autorité administrative des bilans pédagogiques et financiers

Cette infraction, limitée aux années 1996 et 1997, est également reconnue et elle est imputable aux deux prévenus.

IV. Sur les peines

Les époux N démontrent qu'ils ont dédommagé M. Le Douarin, seul plaignant, qu'ils ont rectifié les documents relatifs à la formation qu'ils dispensent de façon à faire disparaître les mentions ambiguë (insistant même sur le fait que la formation n'est pas reconnue par l'Etat), ne mentionnent plus le numéro de la déclaration dans les documents qu'ils éditent, et adressent désormais les bilans pédagogiques et financiers à l'autorité administrative.

Dès lors, les conditions prévues à l'article 132-59 du Code pénal étant en l'espèce réunies, il convient de les dispenser de peine.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard des prévenus, par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de M. Le Douarin; Donne acte à M. Le Douarin, partie civile, de son désistement d'action, Reçoit les appels des prévenus et du Ministère Public; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a relaxé les prévenus du chef d'escroquerie et les a déclarés coupables des autres infractions visées à la prévention; Le réformant en répression; Dispense André N et Juliette G épouse N de toute peine.