Cass. crim., 4 mars 2003, n° 02-82.208
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par Eric X, contre l'arrêt n° 165 de la Cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 31 janvier 2002, qui, pour publicité de nature à induire en erreur et tromperie, l'a comdamné à 15 000 euros d'amende, a ordonnée des mesures de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er, 3 et 6 de la loi " Hoguet " n° 70-9 du 2 janvier 1970, modifiée par la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994, L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, 1er à 5 de l'arrêté du 29 juin 1990 relative à la publicité des prix pratiqués par des professionnels intervenant dans les transactions immobilières, 121-1 et 121-3 du Code pénal, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X coupable de publicité de nature à induire en erreur et de tromperie ;
" aux motifs qu'il résulte du procès-verbal de la DGCCRF en date du 30 juin 1999 ainsi que des débats que Y, diffuse dans les journaux gratuits des annonces qui : -figurent à la rubrique immobilier et n'attirent pas l'attention sur la présence d'encarts signalant que les annonces ODL sont extraites d'un journal vendu par abonnement : - soit ne précisent pas le lieu d'implantation géographique alors qu'il s'agit du critère principal de sélection d'un lecteur à la recherche d'un logement, - soit concernent des logements qui ne sont pas situés dans la zone géographique de diffusion du journal (la quasi-totalité à compter du mois de novembre 1998 pour les offres proposées dans le " 82 ") ; - ne comportent pas toutes la mention Y mais pour certaines celle de Z et donc ne précisent pas l'identité de l'organisme de location ; - ne mentionnent pas une rémunération explicite car le prix lui-même n'y est pas indiqué clairement mais sous la forme " ABTF1000 " ou " ADDH1000 " ou bien F1000 alors qu'il suffirait d'inverser la lettre F ou de mentionner une rémunération plus explicite pour que le lecteur soit avisé et alors que les marchands de liste sont soumis aux dispositions de l'arrêté du 29 juin 1990; - concernent des logements pour lesquels l'Y ne dispose d'aucun mandat des propriétaires et sont parfois diffusées alors que les logements sont déjà loués ; - font état pour la plupart d'équipements ne correspondant pas au descriptif approuvé par le propriétaire (exemple : cuisine équipée alors qu'elle ne l'est pas, mention d'une surface habitable de 100 m² alors qu'elle n'est que de 80 m² ; cheminée dans séjour alors qu'elle était murée) ou mentionnant un loyer inférieur à la réalité ; qu'il résulte de ce qui précède que le lecteur de la publicité susvisée s'attendait à entrer en relation avec un agent immobilier susceptible de lui faire visiter le bien décrit dans l'annonce, alors qu'en réalité, il résulte de l'ensemble des dépositions des plaignants et des investigations des agents de la DGCCRF qu'après avoir téléphoné à Y à la suite de la parution de l'annonce, le lecteur était invité à se présenter à l'agence de Montauban où il lui était aussitôt demandé de signer un contrat afin d'obtenir les adresses des logements correspondant à leurs critères de recherche et de verser 1 000 F et que ni les annonces ni les fichiers ne correspondaient à ce qu'il recherchait;que ces éléments caractérisent le délit de publicité mensongère spécifié à la prévention ;qu'il résulte du procès-verbal d'enquête de la DGCCRF et des débats que les listes de logement remises aux clients ne comportaient pas ou très peu de logements correspondant aux critères qu'ils avaient demandés, notamment en ce qui concerne la localisation géographique, alors que l'arrêté du 16 avril 1996, qui fixe le modèle de registre sur lequel doivent être inscrites les conventions, précise que cette localisation doit y figurer;qu'un tel registre n'étant pas tenu par Y, aucun document ne permettait de trouver la zone géographique demandée par le client; que ces éléments caractérisent le délit de tromperie sur la nature et les qualités substantielles du service rendu ; que les faits sont ainsi établis par les éléments de l'enquête et qu'ils constituent les infractions visées à la prévention ; que les circonstances de la cause ont été exactement appréciées par le tribunal dont la décision, aux motifs adoptés, doit être confirmée tant sur la culpabilité d'Eric X et de Mireile A, que sur la relaxe de Fouzia B; qu'en effet, Eric X, qui est le gérant de droit de la société C,et dont la responsabilité n'est pas entamée par celle de Claude D, avait en charge la conception de la politique commerciale de son entreprise, en particulier en ce qui concerne la décision de diffuser des petites annonces dans les "gratuits" et la régularité des fichiers émis aux clients;qu'il devait donc s'assurer de la sincérité et de la clarté de la publicité diffusée et en particulier veiller à ce que cette publicité ne soit pas trompeuse quant à l'activité réelle de marchands de liste exercée, non titulaire de mandats de la part de propriétaires, quant à la nature de la prestation fournie et le prix réclamé en contrepartie;qu'il lui incombait de ne pas enfreindre les règles relatives à la tenue des conventions et des registres et de ne pas présenter de manière trompeuse les contrats remis aux clients, le prévenu titulaire d'une maîtrise en droit avait nécessairement conscience de ce que de tels manquements rendaient impossible le respect de ses engagements et causait un préjudice au client trompé sur la prestation espérée;que la relaxe du prévenu de ce chef de prévention à l'occasion de poursuites distinctes et pour des faits différents de ceux spécifiés dans la prévention est inopérante; que Mireile A, a également engagé sa responsabilité pénale en sa qualité de gérante de fait de la succursale de Montauban, gérance qu'elle reconnaît avoir assumée totalement et dans le cadre de laquelle elle devait vérifier la régularité des annonces passées et celle des fichiers remis aux clients sans pouvoir s'abriter derrière les consignes données par Éric X qui avaient trait au concept général de la publicité et de la tenue des fichiers mais non à leur élaboration personnalisée;qu'en enfreignant les règles relatives à la tenue des conventions et des registres et en présentant de manière trompeuse les contrats remis aux clients, Mireille A, avait nécessairement conscience de ce que de tels manquements rendaient impossible le respect de ses engagements et causaient un préjudice au client trompé sur la prestation espérée (arrêt, pages 16 à 18);
" 1°) alors que seul un moyen d'information destiné à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur les éléments du bien ou du service proposé ou les résultats qui peuvent en être attendus, est de nature à constituer une publicité de nature à induire en erreur ; que, dès lors, en déclarant le demandeur coupable de publicité de nature à induire en erreur, tout en énonçant que les annonces litigieuses ne précisent pas le lieu d'implantation géographique des logements proposés à la location, et ne précisent pas toutes l'identité de l'organisme de location, ce dont il résulte que les clients potentiels n'obtenaient aucune information sur ces deux points et, partant, n'avaient pu - dans cette limite - avoir été induits en erreur, eu égard au caractère lacunaire des annonces, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que, lorsqu'il effectue une publicité, l'agent immobilier doit, comme tout prestataire de services, afficher les prix; qu'il est, par ailleurs, tenu d'indiquer clairement son identité ou celle de son mandant, et la situation géographique des logements proposés; que, dès lors, en relevant que les annonces litigieuses ne précisent pas le lieu d'implantation géographique des logements proposés à la location, ne précisent pas toutes l'identité de l'organisme de location et ne mentionnent pas une rémunération explicite, pour en déduire qu'en cet état, le lecteur de la publicité susvisée s'attendait à entrer en relation avec un agent immobilier susceptible de lui faire visiter le bien décrit dans l'annonce, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait; qu'en l'espèce, pour déclarer Eric X coupable de publicité de nature à induire en erreur et de tromperie, la cour d'appel a énoncé que le demandeur, qui est le gérant de droit de la société C, avait en charge la conception de la politique commerciale de son entreprise, en particulier en ce qui concerne la décision de diffuser des petites annonces dans les "gratuits" et la régularité des fichiers remis aux clients et qu'il devait donc s'assurer de la sincérité et de la clarté de la publicité diffusée et, en particulier, de veiller à ce que cette publicité ne soit pas trompeuse quant à l'activité réelle de marchand de listes exercée, non titulaire de mandats de la part des propriétaires, quant à la nature de la prestation fournie et le prix réclamé en contrepartie, qu'il lui incombait de ne pas enfreindre les règles relatives à la tenue des conventions et des registres et de ne pas présenter de manière trompeuse les contrats remis aux clients; qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas la participation personnelle d'Eric X aux faits poursuivis, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
" 4°) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait; qu'en l'espèce, pour déclarer Eric X coupable de publicité de nature à induire en erreur et de tromperie, la cour d'appel a énoncé que le demandeur, qui est le gérant de droit de la société C, avait en charge la conception de la politique commerciale de son entreprise, en particulier en ce qui concerne la décision de diffuser des petites annonces dans les " gratuits " et la régularité des fichiers remis aux clients et qui devait donc s'assurer de la sincérité et de la clarté de la publicité diffusée et en particulier de veiller à ce que cette publicité ne soit pas trompeuse quant à l'activité réelle de marchand de listes exercée, non titulaire de mandats de la part des propriétaires, quant à la nature de la prestation fournie et le prix réclamé en contrepartie, qu'il lui incombait de ne pas enfreindre les règles relatives à la tenue des conventions et des registres et de ne pas présenter de manière trompeuse les contrats remis aux clients; qu'en statuant ainsi, tout en relevant, par ailleurs, que Mireille A, gérante de fait, doit être déclarée coupable des mêmes délits, dès lors qu'elle assumait totalement la gérance de la succursale de Montauban, seule concernée par les présentes poursuites, qu'elle devait vérifier la régularité des annonces passées et celle des fichiers remis aux clients et qu'elle était personnellement chargée, à cet égard, de l'élaboration personnalisée de la publicité et de la tenue des fichiers, ce dont il résulte que seule Mireille A participait personnellement, d'une part, à l'élaboration des annonces litigieuses parues dans la presse, d'autre part, à la constitution des fichiers remis aux clients, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
" 5°) alors que, dans ses conclusions d'appel, le demandeur a expressément fait valoir que Mireille A qui bénéficiait, à cette fin, d'une délégation de pouvoir, devait, en l'état des stipulations de son contrat de travail, respecter toutes les obligations professionnelles des vendeurs de liste, telles qu'elles résultent de la loi du 2 janvier 1970, modifiée par la loi du 21 juillet 1994 ; que Mireille A disposait d'une totale autonomie dans l'exercice de ses fonctions et, à cet égard, assumait personnellement la responsabilité de la rédaction et de la publication des annonces ainsi que la constitution des fichiers remis aux clients, de sorte que seule Mireile A a personnellement participé à la commission des infractions visées à la prévention; " que, dès lors, en déclarant Eric X coupable de ces mêmes infractions, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" 6°) alors que, dans ses conclusions d'appel Eric X a notamment fait valoir que Mireille A, qui bénéficiait d'une délégation de pouvoir pour assurer la responsabilité de la succursale de Montauban, d'une part, était tenue, en l'état des stipulations de son contrat de travail, de respecter toutes les obligations professionnelles des vendeurs de liste, d'autre part, avait reçu des consignes expresses en ce sens, de sorte qu'en constatant, au vu du procès-verbal du 20 juin 1999 établi par les agents de la DGCCRF, que ces consignes avaient été enfreintes, le demandeur, tenant ces manquements pour inadmissibles, a procédé au licenciement pour faute de l'intéressée dès le mois de novembre 1999; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance qu'Eric X avait en charge la conception de la politique commerciale de son entreprise, et qu'il devait, à ce titre, s'assurer de la sincérité et de la clarté de la publicité diffusée, et de ne pas enfreindre les règles relatives à la tenue des conventions et des registres et de ne pas présenter de manière trompeuse les contrats remis aux clients, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu, qui démontrait que loin d'encourager la méconnaissance des obligations professionnelles propres aux vendeurs de listes, Eric X avait enjoint à sa délégataire de s'y conformer strictement et sanctionné les manquements commis par cette dernière, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir défini, pour l'entreprise et ses succursales, une politique commerciale encourageant la fraude, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant;d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
Rejette le pourvoi.