Conseil Conc., 11 avril 2002, n° 02-A-04
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Avis
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Guillot, M. Müller, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, Mme Perrot, MM. Robin, Charrière-Bournazel, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III B),
Vu la lettre du 21 décembre 2001, enregistrée sous le numéro A 348, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, en application de l'article L. 430-1 du Code de commerce, a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis portant sur l'acquisition par la société Télédiffusion de France (TDF) des sites pylônes de la société Bouygues Telecom (Bouygtel) ; Vu le livre IV du Code de commerce, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-4, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés TDF et Bouygtel entendus, conformément aux dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce, lors de la séance du 3 avril 2002, Adopte l'avis fondé sur les constatations et les motifs ci-après exposés :
I. - PRÉSENTATION DE L'OPÉRATION
A. - Les entreprises parties à la concentration
1. La société Télédifusion de France
TDF est une société anonyme créée à la suite de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication. Elle a repris les activités d'un établissement public à caractère industriel et commercial, créé en 1975 à la suite de la disparition de l'ORTF.
Le capital de TDF s'élève à 166 956 512 euros ; il est détenu à hauteur de 50,98 % par France Télécom et à hauteur de 49,01 % par COGECOM, filiale à 100 % de France Télécom.
Les statuts de TDF, définis par le décret n° 87-433 du 4 juin 1987, précisent qu'elle a pour mission, conformément à la loi précitée :
"d'assurer la diffusion et la transmission, en France et vers l'étranger, par tous procédés de télécommunication, des programmes des sociétés nationales du secteur public de la communication audiovisuelle ;
"d'effectuer les missions de service public qui lui sont confiées par le cahier des charges prévu au quatrième alinéa de l'article 51 de la loi ci-dessus mentionnée pour lesquels elle est rémunérée conformément à l'article 53 de la même loi ;
"d'ouvrir tous services de télécommunication, notamment de diffusion, de transmission et de réception, en France et à l'étranger ;
"de procéder aux recherches et de collaborer à la fixation des normes concernant les matériels et les techniques de radiodiffusion sonore et de télévision ;
"d'offrir, dans tous les domaines de sa compétence, toutes prestations d'ingénierie d'assistance technique ou tout autre service ;
"de participer par tous les moyens à toutes entreprises ou sociétés se rapportant à l'objet social, notamment par voie de création de société nouvelle, d'apport, de fusion, de société de participation ;
"de participer, de manière générale, à toutes activités susceptibles de concourir à la réalisation de l'objet social."
TDF, qui emploie 3 650 personnes en France, a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires de 650 308 633 euros, ainsi réparti :
<emplacement tableau>
2. La société Bouygues Telecom
La société Bouygues Telecom est un opérateur de téléphonie mobile, titulaire d'une licence délivrée par arrêté du ministre chargé des postes et télécommunications du 8 décembre 1994, amendé par un arrêté du 17 novembre 1998.
Pour les besoins du développement de son réseau, Bouygues Telecom a déployé ses équipements sur [...] pylônes qu'elle a construits sur le territoire, en zone rurale et périurbaine. En zone urbaine, le déploiement de son réseau a essentiellement été assuré, à l'instar des autres opérateurs, par l'installation d'équipements sur des toits-terrasses et d'autres points hauts existants. La présente opération concerne la cession à TDF des [...] pylônes installés en zone rurale et périurbaine.
Le capital social de Bouygues Telecom s'élève à 560 679 600 euros. La société est contrôlée majoritairement par Bouygues SA Bouygues Telecom, emploie 6 470 personnes en France et a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires de 2 037 millions d'euros.
B. - Les caractéristiques de l'opération
A l'issue d'une procédure d'appel d'offres pour la reprise de l'ensemble des sites pylônes de son parc, Bouygtel a retenu la proposition de TDF.
Les parties ont conclu, le 31 juillet 2001, d'une part, un accord-cadre de cession portant sur un ensemble de sites pylônes destinés à recueillir des équipements de radiocommunication et, d'autre part, un accord-cadre de location, aux termes duquel Bouygtel louera des emplacements pour ses équipements de radiocommunications sur les sites pylônes cédés.
L'accord-cadre de cession :
L'accord-cadre de cession a pour objet d'organiser les conditions générales applicables à la cession de chaque site pylône. Il prévoit notamment la vente par Bouygtel des infrastructures, le transfert d'un droit d'occupation du sol résultant soit de la cession d'un bail, soit de la signature d'une nouvelle convention d'occupation du domaine public, soit la vente d'une propriété ainsi qu'un droit de préemption au bénéfice de Bouygtel.
L'accord prévoit que l'acquéreur devra effectuer les démarches nécessaires pour recueillir l'accord éventuel des autorités compétentes de concurrence, qui devra être obtenu au plus tard le 1er mars 2002.
Chaque site pylône fait l'objet d'un contrat de vente des infrastructures et d'un contrat portant sur le transfert du droit d'occupation du sol spécifique.
L'accord-cadre de location :
L'accord-cadre de location organise, pour chaque site pylône cédé, les conditions générales applicables à la location par TDF à Bouygtel des emplacements occupés ou à occuper.
La durée de l'accord est fixée à [...] ans, avec reconduction tacite par périodes successives de [...] ans chacune. Les contrats de location de chaque site obéissent à la même règle et prévoient le montant du loyer.
L'accord-cadre prévoit que Bouygtel bénéficie d'un droit de préférence jusqu'au 1er septembre 2006 pour la location d'un emplacement qui ferait l'objet d'une demande de cohabitation par un tiers. Dans cette hypothèse, la société Bouygues doit être informée d'une telle demande d'installation ainsi que des emplacements sur le pylône (tranche de hauteur) et au sol concernés par celle-ci.
Dès lors qu'elle emporte un transfert de propriété d'une partie des biens de la société Bouygtel au bénéfice de la société TDF, l'opération d'acquisition des sites pylônes visés dans le contrat de vente constitue une concentration au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce.
II. - LA DÉLIMITATION DES MARCHÉS AFFECTÉS PAR L'OPÉRATION
En tant qu'opérateur historique de diffusion audiovisuelle, TDF exploite un parc important d'infrastructures de type pylônes ou assimilés, qui supportent des équipements diffusion pour la télévision, la radio et les télécommunications. Les [...] pylônes cédés par Bouygues dans le cadre de l'opération n'hébergent pour le moment que des équipements de télécommunications GSM. Afin de délimiter le périmètre du ou des marchés susceptibles d'être affectés par l'opération, il convient cependant de déterminer si ces pylônes peuvent être utilisés pour d'autres usages que la téléphonie mobile, tels que télévision, radiomessagerie, boucle locale radio, radios, réseaux institutionnels. Il convient également d'apprécier la substituabilité de ce type de pylônes par rapport à d'autres types d'infrastructures susceptibles d'accueillir les mêmes équipements.
A. - Les caractéristiques techniques des pylônes concernés
Un site pylône est constitué de plusieurs éléments qui sont :
le terrain sur lequel est situé le pylône et pour lequel l'occupant bénéficie d'un droit d'occupation du sol. Ce terrain peut faire partie du domaine public ou privé d'une collectivité ou appartenir à un propriétaire privé. Dans tous les cas, ce droit d'occupation du sol se concrétise par une autorisation du propriétaire (contrat de bail, convention d'occupation du domaine public, etc.) ;
les infrastructures destinées à accueillir les antennes qui sont composées du pylône, de la dalle, de la clôture et du local technique ;
les équipements liés aux infrastructures : échelles d'accès, palier de travail, paratonnerre, descente de terre, fourreaux, regards, amenée d'énergie électrique, support d'antennes, système d'accès au site, etc. ;
le shelter (ou local) pour les sites "indoor" : ce local est destiné à accueillir les baies radio des opérateurs, le tableau de distribution d'énergie et, généralement, un système de climatisation/chauffage pour maintenir la température. Lorsqu'il n'y a pas de local, le site est qualifié "d'outdoor". Dans ce cas, les baies radio sont placées dans des armoires installées sur des dalles situées à l'extérieur.
Les stations de radiocommunications de Bouygtel installées sur ces sites pylônes comprennent les antennes dédiées à son réseau de radiotéléphonie mobile, les baies radio (équipements radioélectriques) et les câbles coaxiaux (également appelés "feeders") qui relient les antennes aux baies radio afin d'acheminer le signal. En fonction du choix stratégique de l'opérateur, celui-ci peut ou non garder la propriété des antennes et des câbles qui y sont associés. Bouygtel est propriétaire de ses antennes et des câbles les reliant aux baies radio. Les antennes ne sont jamais mutualisées.
Les sites pylônes de Bouygtel ont été à l'origine conçus pour l'accueil d'équipements de radiocommunication et correspondent aux besoins de l'opérateur tels qu'il les a déterminés dans le cadre de sa stratégie de déploiement et de planification radio. Néanmoins, ils sont considérés comme suffisamment résistants pour accueillir les antennes d'autres opérateurs et présentent, de plus, l'intérêt d'être relativement hauts, la hauteur moyenne de l'ensemble du parc étant de 40 mètres.
La capacité d'accueil des pylônes est fonction, d'une part, de paramètres techniques propres à la structure du pylône tels que l'emprise au sol et la prise au vent et, d'autre part, des caractéristiques des équipements radioélectriques à accueillir (nombre d'antennes, de faisceaux, etc.).
Il en résulte que les sites cédés sont par nature mutualisables, et ce d'autant plus qu'il est possible, le cas échéant, d'effectuer des travaux confortatifs afin de les rendre accessibles à davantage d'opérateurs. Actuellement, sur les [...] sites pylônes qui sont en cause, [...] accueillent un autre opérateur de téléphonie mobile.
B. - Les services susceptibles d'être accueillis sur un site de diffusion
1. La télévision
Compte tenu des spécificités techniques liées à la diffusion hertzienne des signaux audiovisuels, les émetteurs principaux doivent être placés sur des sites de grande altitude appelés "points hauts-hauts" (de 50 mètres en montagne à plus de 300 mètres en plaine) et éloignés des zones à desservir. En effet, les émetteurs utilisés pour la diffusion des ginaux audiovisuels permettent de couvrir de très larges zones à condition d'être placés dans la perspective optimale de réception pour les utilisateurs.
Les pylônes de Bouygtel dont la hauteur moyenne est de 40 mètres ne peuvent donc être utilisés pour la télévision analogique. Par ailleurs, le réseau de diffusion hertzien de la télévision analogique est déployé et n'a pas à être complété.
Pour la Télévision numérique terrestre (TNT), l'appel à candidatures lancé par le CSA, le 24 juillet 2001, prévoit que les sites d'émission seront implantés, dans un premier temps, dans 29 zones. Les sites pylônes de Bouygtel sont présents dans [...] de ces 29 zones. Cependant, ils ne sont, dans l'ensemble, pas adaptés aux exigences techniques requises pour cette première phase de déploiement de la TNT.
En effet, les sites pylônes de Bouygtel ont une hauteur moyenne de 40 mètres et ne sont donc généralement pas assez hauts pour installer des antennes de télévision. De plus, leur sommet est d'ores et déjà occupé par les équipements de télécommunication de Bouygues, que TDF ne peut déplacer, ce qui diminue encore la hauteur à laquelle les équipements de TNT pourraient être installés.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel indique dans son avis du 12 février 2002 rendu à la demande du Conseil "Quant aux sites eux-mêmes, il est possible d'affirmer que seule une minorité d'entre eux sont susceptibles d'accueillir des équipements de télévision numérique terrestre dès les premières phases de déploiement du réseau de diffusion".
En revanche, il ne peut être exclu que ces pylônes puissent être utilisés dans le cadre d'une phase ultérieure du développement de la TNT pour la densification de la couverture du territoire. Cet horizon est cependant relativement éloigné et de nombreuses incertitudes demeurent encore quant aux spécifications techniques de cette phase.
2. La radio
TDF considère que l'utilisation pour la radio des sites pylônes de Bouygtel devrait être "extrêmement marginale dans la mesure où les réseaux concernés sont aujourd'hui matures et ne présentent pas un marché en termes de déploiement sur de nouveaux sites. Par ailleurs, il y a peu de demandes de nouveaux sites de la part de clients radio du fait de la saturation du plan de fréquences en FM".
Dans son avis précité, le Conseil supérieur de l'audiovisuel observe en outre que "les caractéristiques techniques de pylônes concernés (...) limitent leur utilisation en tant que nouveaux points de diffusion du réseau pour les services de télévision et de radio au titre d'une autorisation d'usage des ressources radioélectriques par le CSA".
3. La radiomessagerie
La radiomessagerie permet la transmission de données et d'informations aux entreprises et aux particuliers, consistant essentiellement en des services d'alerte pour les personnes qui sont d'astreinte, des services de télé-secrétariat, etc. Ce type de service, qui utilise la téléphonie analogique cellulaire, connaît actuellement quelques difficultés en France, alors qu'il est parvenu à se développer en Allemagne et en Grande-Bretagne.
Les principaux opérateurs de radiomessagerie sont Infomobile (filiale du groupe Bouygues) et E*Message, qui a racheté à France Télécom sa filiale France Télécom Mobiles Radiomessagerie (FTMR). SFR a, pour sa part, fermé son réseau.
Fortement concurrencés par la téléphonie mobile, les services de radiomessagerie devraient rester des utilisateurs marginaux de services d'accueil sur sites. En tout état de cause, Infomobile, qui dispose de 369 sites d'émission de radiomessagerie sur le territoire métropolitain, n'est présent que sur l'un des sites Bouygtel, ce qui indique que les sites en question sont peu adaptés à ce type de service.
4. La boucle locale radio
La boucle locale est le segment du réseau de télécommunications compris entre la prise de l'abonné et le commutateur auquel il est relié. Elle permet l'accès direct à l'utilisateur final.
La boucle locale radio (BLR) consiste à remplacer le cuivre traditionnel qui relie l'abonné à son commutateur par une liaison hertzienne. Cela implique l'installation d'émetteurs et d'antennes. Une station de base radio est un émetteur-récepteur qui permet de relier les immeubles équipés d'une simple antenne dans un rayon pouvant aller jusqu'à 10 km selon la fréquence retenue. Les stations de base sont généralement situées sur un point haut. Les points de concentration des stations de base collectent le trafic des stations de base et doivent être situés sur des points encore plus hauts, soit plus de 40 mètres du sol. Actuellement, la boucle locale radio se déploie en fonction des besoins, essentiellement en milieu urbain et dans les zones industrielles. En milieu rural, le développement de la boucle locale radio est restreint même si elle est la technologie la moins chère au plan économique.
Sur le plan technique, les sites de Bouygtel ne sont pas adaptés à la boucle locale radio dans la mesure où les sites de BLR doivent être de même nature que ceux d'un réseau "backbone", c'est-à-dire qu'ils constituent les organes principaux du réseau permettant de gérer les bases de données clients et les échanges d'informations. Or, seulement [...] % des sites pylônes de Bouygtel sont des sites du réseau "backbone". Par ailleurs, les sites pylônes de Bouygtel sont situés en zones rurales et périurbaine, où la BLR n'est pas encore déployée et ne sera pas déployée avant une dizaine d'années. En effet, les obligations de déploiement de la boucle locale radio imposées aux opérateurs sont très limitées. La licence attribuée à la société Firstmark prévoit une obligation de couverture du territoire de 14,5 % en 2005.
5. Les services de téléphonie mobile utilisant la norme GSM/DCS
Les services de téléphonie mobile actuels utilisent des réseaux numériques qui offrent notamment une transmission de la voix de meilleure qualité, garantissant la confidentialité des conversations. Par ailleurs, ils permettent de recevoir des messages écrits et électroniques et offrent un service de "roaming" (itinérance permettant l'usage du téléphone mobile à l'étranger).
Ils comportent des systèmes basés sur une technique de mobilité :
Le réseau GSM (Global System for Mobile Communications), utilisé par Itinéris et SFR, fonctionne sur la bande hertzienne de 900 Mhz (Mégahertz). Le réseau est constitué par des cellules élémentaires de grande taille procurant une grande mobilité aux utilisateurs.
Le réseau DSC 1800 (Digital Communication System) est employé par Bouygtel. Il s'agit d'un réseau de télécommunication utilisant la norme GSM à une fréquence de 1 800 Mhz. La taille des cellules est plus réduite.
Le GPRS est une technologie qui permet d'échanger des données à de très hauts débits (18 fois supérieurs à celle des transmissions classiques dans les réseaux GSM) autorisant la réception d'images en haute résolution.
Le réseau d'un opérateur de téléphonie mobile s'appuie sur des stations de radiocommunication de base constituant le réseau capillaire et faisant le lien entre l'utilisateur final et le réseau "backbone", constitué des organes principaux du réseau.
La zone de couverture d'un réseau mobile est découpée en cellules de taille variable (de 100 mètres en ville et jusqu'à 30 kilomètres en campagne), qui se jouxtent et sont desservies par une station de base (antenne). Le réseau mobile est donc constitué d'un réseau maillé de stations de base, qui permet de localiser l'abonné et d'acheminer sa communication.
Actuellement, trois opérateurs sont titulaires d'une licence de téléphonie mobile GSM en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 du Code des PTT : Orange, filiale de France Télécom, SFR et Bouygtel.
Le déploiement des réseaux de ces opérateurs s'est appuyé, d'une part, sur un parc de pylônes qu'ils ont construit eux-mêmes (environ [...] pour Orange, [...] pour Bouygues et [...] pour SFR), d'autre part, sur l'installation de stations sur des constructions existantes, particulièrement en milieu urbain. Les opérateurs ont également été accueillis sur les pylônes des autres opérateurs, de TDF, d'un autre opérateur d'accueil, ou de France Télécom. Le réseau de Bouygues se partage ainsi entre ses propres pylônes ([...] %), d'autres pylônes ([...] %), des toits-terrasses ([...] %), des églises ([...] %), des châteaux d'eau ([...] %) et divers autres supports. Le nombre actuel de sites de chaque opérateur étant compris entre 10 000 et 11 000, on peut estimer à plus de 30 000 le nombre total de sites accueillant des stations de radiotéléphonie mobile.
6. Les services de téléphonie mobile utilisant la norme UMTS
Le réseau utilisant le norme UMTS (Universal Mobile Telecommunications System) sera capable de fournir des services multimédias à large bande de très haut débit à travers les réseaux mobiles (vidéo interactive, accès à l'Internet, transmission de données).
Selon la partie notifiante, le déploiement des futurs réseaux UMTS en France devrait avoir pour conséquence une augmentation significative du nombre de sites. En effet, la bande de fréquence utilisée pour l'UMTS (environ 2 GHz) implique la délimitation de cellules radio plus petites que celle du GSM et un maillage du réseau plus étroit. Le nombre de stations de base par opérateur devrait être d'environ 18 000, contre 10 000 pour GSM. Les pouvoirs publics ayant choisi d'attribuer quatre licences UMTS, le nombre de sites nécessaires pour déployer le réseau de téléphonie mobile utilisant la norme UMTS devrait donc être à terme de 72 000 stations environ. Tous ces sites auront besoin de liaisons hertziennes et donc d'être accueillis sur des "points hauts".
Actuellement, seules deux licences UMTS ont été délivrées par le secrétaire d'Etat à l'industrie à Orange France et SFR. Une seconde procédure d'attribution a été lancée par l'Autorité de régulation des télécommunications pour les deux autorisations non délivrées.
SFR déclare qu'elle va être amenée à densifier son parc de sites radio et à l'augmenter de près de 50 % pour obtenir le niveau de couverture exigé (engagement de couvrir 99 % de la population dans 8 ans figurant au point 1-3 du cahier des charges). SFR a prévu de déployer très vite ce nouveau réseau pour disposer à la fin de 2003 d'un parc de sites UMTS équivalent à plus du tiers de celui exploité pour le GSM.
Dans un premier temps, le déploiement du réseau UMTS devrait cependant se faire par une réutilisation des sites GSM existants. Toutefois, TDF considère, compte tenu des discussions commerciales avec ses clients, "que l'essentiel des sites TDF qui n'ont pas été utilisés à ce jour pour le GSM/DSC ne pourra pas non plus être utilisé pour le déploiement des réseaux UMTS".
Il résulte de ce qui précède que l'utilisation des sites pylônes qui sont l'objet de l'opération notifiée correspond essentiellement aux besoins du développement des réseaux de téléphonie mobile GSM/DCS/GSPR et UMTS.
C. - L'offre d'accueil sur sites (Tower companies et opérateurs)
Outre TDF et Bouygtel, l'offre d'accueil sur sites est faite par des compagnies de sites, les opérateurs de radiotéléphonie mobile, France Télécom, les sociétés d'autoroutes et, de façon marginale, par quelques entités telles que la SNCF, EDF ainsi que des opérateurs de réseaux
1. L'offre d'accueil sur sites pylônes par les opérateurs de téléphonie mobile
Pour déployer leur réseau de téléphonie mobile, les opérateurs, outre la location de sites sur des infrastructures existantes, ont construit leurs propres pylônes pour y installer leurs équipements de radiotéléphonie.
Ce parc est estimé à environ [...] sites pour SFR, [...] pour Bouygtel, [...] pour Orange et [...] pour France Télécom.
Les sites pylônes des opérateurs sont actuellement peu mutualisés, c'est-à-dire partagés par au moins deux opérateurs, dans la mesure où l'accueil d'un autre opérateur se fait sur la base d'un échange "un pour un". TDF estime que Bouygtel accueille au moins un des deux autres opérateurs sur [...] pylônes, ce qui, compte tenu de la politique d'échange "un pour un" suivie par les trois opérateurs, permet d'évaluer le nombre de sites mutualisés à [...] sites environ. Le parc de pylônes de France Télécom vient compléter cette offre, leur usage partagé étant actuellement essentiellement le fait d'institutionnels (gendarmerie, police...).
2. Les autres offres d'accueil sur sites
Les compagnies de sites :
Les compagnies de sites ont pour objet de proposer aux opérateurs des prestations groupées constituant un service complet allant de la recherche, la négociation et l'aménagement d'emplacements à la mise en service et la maintenance d'équipements.
Outre TDF, une seule autre compagnie de site est présente en France, la société Towercast, qui dispose de 5 005 sites, pour la plupart en milieu urbain.
Les autres offreurs :
Les sociétés d'autoroutes sont en mesure d'offrir des prestations d'accueil sur pylônes le long du réseau autoroutier.
D. - Les autres infrastructures susceptibles d'accueillir des équipements de diffusion de téléphonie mobile
Pour TDF, l'offre d'emplacements accueillant des équipements de télécommunications ne se limite pas aux seuls sites pylônes mais inclut les constructions préexistantes sur lesquels les opérateurs mobiles installent des stations de diffusion, comme les châteaux d'eau, les toits-terrasses, les clochers d'églises, les mâts d'éclairage des stades de sport ou les pylônes EDF.
Il est vrai que les opérateurs tiennent compte des constructions préexistantes dans le choix de points hauts pour le développement de leur réseau. En fonction des besoins "géo-marketing" exprimés en termes de couverture d'abonnés pour une zone concernée, l'opérateur détermine l'architecture de son réseau par l'intermédiaire de travaux de planification radio. Ces travaux permettent de localiser les sites géographiques où doivent être installés leurs équipements de radiocommunication. A priori, toutes les infrastructures situées à une hauteur suffisante, permettant d'assurer une couverture adéquate aux équipements installés, sont susceptibles d'accueillir des équipements radioélectriques. Toutefois, le choix ponctuel du site d'accueil obéit également à des contraintes particulières.
Les opérateurs précisent que la stratégie est différente, selon que l'on se trouve en milieu urbain ou en milieu rural. Dans les zones à forte densité de population, les opérateurs n'auront pas d'autre alternative que d'utiliser les infrastructures déjà existantes telles que les toits-terrasses. Dans les zones rurales et périurbaines, la probabilité pour qu'il y ait coïncidence entre le plan radio et une construction existante est plus faible. Si une telle construction existe, le choix de l'opérateur sera fonction des conditions d'accès à la construction concernée.
Le Conseil considère qu'entre la construction ou l'accueil sur pylône et une construction existante destinée à un autre usage, les conditions d'accès sont suffisamment différentes pour que, du point de vue des opérateurs, les deux modes de déploiement d'un réseau ne soient pas subtituables.
En premier lieu, un opérateur peut adapter précisément les pylônes qu'il construit à ses besoins (emplacement, hauteur, structure, etc.) alors qu'il lui faut composer avec l'existant dans le deuxième cas. Les opérateurs sont soucieux de la maîtrise technique intégrale du développement de leur réseau qui passe par la maîtrise des sites d'appui.
En deuxième lieu, la construction des pylônes de plus de 12 mètres correspondant aux activités de télécommunication autorisées en vertu de l'article L. 33-1 du Code des postes et télécommunications est exemptée de l'obligation de délivrance d'un permis de construire. En revanche, l'accueil sur des structures immobilières préexistantes suppose, d'une part, la possibilité matérielle d'installer les équipements de radiocommunication, l'absence d'incompatibilités techniques (compatibilité électromagnétique, champ d'émission suffisant, etc.) et nécessite, d'autre part, des négociations individuelles ainsi que la conclusion de contrats particuliers avec des propriétaires tant privés que publics et, enfin, des aménagements adaptés à la configuration particulière de chaque construction. De plus, l'installation sur des constructions existantes peut se heurter à des considérations d'ordre esthétique (églises) ou de santé publique.
En troisième lieu, l'importance du parc de sites pylônes construits concurremment par les opérateurs GSM/DSC confirme que les constructions existantes ne peuvent que très imparfaitement se substituer aux sites pylônes. En effet, [...] % des sites du parc global de sites SFR, incluant les sites situés en zone urbaine, sont constitués par des pylônes qui lui appartiennent en propre ou qui sont loués soit à TDF, soit à un autre opérateur de téléphonie mobile. Pour Bouygtel, le pourcentage est du même ordre.
E. - Les activités de maintenance
Les activités de maintenance des sites pylônes doivent être distinguées en fonction de leur objet et de la structure même de chaque site.
Maintenance de la structure du pylône et de son environnement (sol, clôture...).
Ce secteur, distinct par nature de l'activité de l'opérateur, est assuré soit par des sous-traitants lorsque le site est la propriété d'un opérateur, soit directement lorsque le propriétaire du site est une compagnie de sites ("tower company").
Maintenance curative et préventive des équipements.
Cette activité de maintenance s'exerce sur les antennes déployées sur les pylônes, sur les baies radio reliant les antennes au réseau de l'opérateur et sur les câbles coaxiaux reliant les antennes aériennes à la baie radio. Les baies radio demeurent toujours la propriété de l'opérateur dans la mesure où elles constituent un élément fondamental du réseau. En revanche, les antennes et les câbles coaxiaux ("feeders") peuvent être, selon le cas, la propriété de l'exploitant du site pylône.
Dans ces conditions, la responsabilité de la mise en œuvre de la maintenance suit le régime juridique des éléments auxquels elle s'applique : elle est effectuée par les opérateurs, directement ou en sous-traitance s'agissant d'aspects moins techniques ou dont le coût est trop élevé, à l'égard des éléments dont ils sont propriétaires (baies radio et/ou antennes et câbles coaxiaux), et par l'exploitant du site, en l'occurrence TDF, à l'égard des équipements dont il peut être propriétaire (antennes et câbles coaxiaux).
L'accès au site des personnels de maintenance est toutefois soumis à des conditions liées au fait qu'il est nécessaire d'utiliser des éléments dont l'exploitant du site a la responsabilité (accès à l'enclos du pylône, respect des règles de sécurité des équipements et des personnels d'intervention).
Maintenance liée au développement de la capacité du réseau de l'opérateur.
Cette maintenance, qui concerne les éléments constituant le réseau de l'opérateur (les baies radio dans tous les cas et les antennes et câbles dans certains cas), est assurée par les opérateurs qui ne la sous-traitent pas dès lors qu'elles touchent au coeur même de leur activité.
Au total, le Conseil est d'avis que les marchés de produits susceptibles d'être affectés par l'opération sont les suivants :
le marché de l'accueil sur sites pylônes des équipements de télécommunications mobiles de 2e et de 3e génération ;
le marché de la maintenance des sites pylônes.
F. - Le marché géographique
Il convient de retenir, pour les marchés considérés, une assiette nationale dans la mesure où la demande d'accueil d'équipements de radiocommunications est uniquement le fait d'opérateurs nationaux exploitant un réseau de radiotéléphonie mobile dans le cadre d'une licence accordée moyennant un objectif de couverture nationale.En effet, le cahier des charges annexé à l'autorisation délivrée par le ministre chargé des télécommunications pour chaque opérateur prévoit que les opérateurs établissent sur le territoire métropolitain un réseau radioélectrique ouvert au public et fixe également des obligations de couverture de ce territoire dont l'objectif est d'atteindre 99 % de la population. Cette obligation s'impose concurremment à tous les titulaires de licences de telle sorte qu'il n'existe aucun partage possible du territoire entre opérateurs. Les modalités de déploiement des réseaux de téléphonie mobile répondent, dans ce cadre, à une problématique locale liée au choix des sites sans toutefois que ce choix s'opère selon des critères suffisamment caractérisés pour pouvoir retenir, au sens du droit de la concurrence, l'existence de marchés locaux.
III. - CONTRÔLABILITÉ DE L'OPÉRATION
L'article L. 430-1 du Code de commerce confère au ministre chargé de l'Economie la faculté de saisir le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis relative à "tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante".
Ce texte précise, en outre, que "ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables, ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs".
Le seuil exprimé en chiffres d'affaires n'étant pas atteint par les entreprises parties à la concentration, il convient de rechercher si le seuil exprimé en parts de marché est atteint.
L'évaluation, par la partie notifiante, des parts de marché est la suivante :
<emplacement tableau>
La société TDF étant une filiale à 100 % du groupe France Télécom, il convient de prendre en compte la part de marché des "entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées", c'est-à-dire de TDF, de Bouygues, de France Télécom et d'Orange, autre filiale de France Télécom.
Avec [70-80] % de parts de marché, le seuil prévu par l'article 430-1 du Code de commerce est atteint.
IV. - BILAN CONCURRENTIEL
Le groupe France Télécom détenait avant l'opération [60-70] % du marché de l'accueil sur site pylônes des équipements de télécommunication mobile, entendus comme le nombre de pylônes sur lesquels un opérateur GSM au moins loue un emplacement. Les pylônes construits par les opérateurs mobiles pour leur propre usage et sur lesquels ils n'ont pas encore accueilli un autre opérateur ne sont pas pris en compte. En effet, compte tenu des pratiques d'échange "un pour un", un site ne peut être considéré comme une alternative par un opérateur que si l'opérateur d'accueil a, en échange, l'usage d'un site de son propre parc.
Dans un premier temps, l'opération aurait pour effet de mettre sur le marché ci-dessus défini les sites pylônes concernés par l'opération et sur lesquels Bouygues n'a pas d'accord d'échange avec un autre opérateur GSM. La part de marché du groupe France Télécom sur un marché ainsi élargi peut être évaluée à [80-90] %, soit un sensible accroissement par rapport à la situation qui prévalait avant l'opération.
Une analyse prospective du marché amène, par ailleurs, à remettre en cause l'exclusion du marché des sites construits par les opérateurs de téléphonie mobile et sur lesquels ils n'accueillent pas aujourd'hui d'autre opérateur. En effet, dans le cadre du déploiement de la téléphonie mobile de troisième génération, des obligations de mutualisation en faveur d'un opérateur qui ne disposerait pas d'un réseau GSM pèsent sur les trois opérateurs titulaires de licences GSM/DCS. Toutefois, même en prenant en compte ces perspectives de plus grande mutualisation dans l'évaluation de la taille du marché concerné, on constate un renforcement de la position dominante détenue par le groupe France Télécom.
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A. - Les barrières à l'entrée pour la construction de sites alternatifs ou de nouveaux réseaux
L'intérêt d'un site pour les opérateurs est toujours étroitement lié à leur stratégie de déploiement, sachant qu'ils ont l'entière maîtrise de leur réseau. En particulier, ils n'auront recours aux sites de TDF que si ces derniers correspondent au site théorique déterminé. Si le site proposé ne leur convient pas, les opérateurs peuvent toujours choisir de construire un site pylône.
Par exemple, SFR va déployer avec Orange près de mille sites (sous réserve des études de terrain approfondies) afin d'assurer la couverture en téléphonie mobile des 1 480 communes retenues par le Comité interministériel d'aménagement du territoire du 9 juillet 2001.
Le réseau des opérateurs de téléphonie mobile s'est déployé très rapidement sur l'ensemble du territoire, à l'exception de certaines zones géographiques pour des raisons qui tiennent plus à leur rentabilité économique qu'à des motifs techniques. Les opérateurs ont construit en zone rurale de très nombreux sites pylônes. Bouygtel, bien qu'ayant obtenu une licence postérieurement à Orange et SFR, est propriétaire d'un parc de sites pylônes identique à celui de SFR ([...] pour Bouygtel et [...] pour SFR). Bouygtel a d'ailleurs indiqué que, si cela s'avérait nécessaire, il reconstituerait son réseau.
Au plan économique, la construction d'un site pylône s'amortit en 8 ans. Or, la durée des autorisations pour le réseau de téléphonie mobile est de 15 ans, ce qui permet aux opérateurs une rentabilité de leurs investissements dès la 9e année. Sachant qu'il est acquis que les sites pylônes construits pour le GSM/DSC pourront être utilisés, moyennant quelques adaptations techniques, pour les réseaux UMTS, les opérateurs titulaires d'une licence GSM/DSC qui ont ou auront une licence UMTS pourront continuer à rentabiliser leurs investissements initiaux.
De plus, l'article 1511-6 du Code général des collectivités territoriales, résultant de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, permet aux collectivités territoriales de créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunication. Les collectivités territoriales vont donc pouvoir mettre des infrastructures à la disposition d'opérateurs, relativisant ainsi les risques liés à la position dominante du groupe France Télécom.
De même, si la société Towercast est actuellement très majoritairement présente en milieu urbain, il n'est pas exclu que cette société puisse développer son activité sur l'ensemble du territoire. Les perspectives de croissance offertes dans le cadre du développement de l'UMTS pourraient, à cet égard, entrer également en ligne de compte et amener des changements de stratégie chez tous les offreurs potentiels de points hauts.
Cependant, cette appréciation doit être relativisée en raison des enjeux, tant économiques que relatifs à l'environnement et à la santé, qui paraissent conduire au partage des infrastructures existantes.
L'utilisation par plusieurs opérateurs d'infrastructures communes pour l'installation de leurs équipements de radiocommunication est une préoccupation qui s'inscrit tout d'abord dans la perspective d'achèvement de la couverture du territoire national. Dans le relevé de décisions du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire tenu à Limoges le 9 juillet 2001, il a été ainsi convenu que l'Etat et les collectivités locales financeront les infrastructures passives nécessaires à la couverture des 1 480 communes actuellement en dehors de toute zone desservie par un opérateur. Chacun de ces sites devra permettre d'accueillir les équipements des trois opérateurs.
Le partage des infrastructures entre les opérateurs de téléphonie mobile s'avère un enjeu particulièrement crucial dans la perspective du déploiement de l'UMTS, qui nécessitera l'implantation en grand nombre de nouveaux sites. La Commission européenne, dans une communication du 20 mars 2001, a considéré que la mutualisation des sites était "un moyen concret de faciliter le déploiement des réseaux de troisième génération" et qu'une telle mesure pouvait être considérée comme "positive en principe du fait des gains économiques potentiels, à condition que les règles de concurrence soient respectées".
L'Autorité de régulation des télécommunications, dans une communication adoptée le 10 décembre 2001, relève que le partage des sites et des éléments passifs (partage du niveau 1 dans la typologie établie par la Commission consultative des radiocommunications) est permis par le Code des postes et télécommunications. Ses articles L. 47 et L. 48 prévoient, en effet, dans les conditions qu'ils déterminent, la possibilité, pour un opérateur relevant de l'article L. 33-1, d'utiliser les installations d'un tiers sous le contrôle de l'ART qui "peut inviter les deux parties à se rapprocher pour convenir des conditions techniques et financières d'une utilisation partagée des installations en cause".
Les impératifs liés à l'extension de la couverture du territoire et les justifications fondées sur des raisons économiques avancées pour prôner une politique générale de mutualisation des sites existants rejoignent les considérations environnementales et les préoccupations de santé publique tendant à une limitation de la prolifération des nouveaux sites pylônes.
A cet égard, le texte de base sur lequel s'appuient les réglementations européenne et nationale est la recommandation du Conseil des ministres de l'Union européenne en date du 12 juillet 1999, qui a défini des valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques.
Ces préconisations ont été transcrites dans une circulaire interministérielle du 16 octobre 2001 et intégrées aux cahiers des charges des opérateurs par arrêté du 14 novembre 2001 ; elles concernent la définition de périmètres de sécurité autour des antennes elles-mêmes et ont pour cible, compte tenu de la situation des antennes et de la mesure de ce périmètre, les personnels intervenant au titre de la maintenance.
La préparation d'un décret sur ce point a, par ailleurs, donné lieu à un rapport élaboré à la demande de la direction générale de la santé par un groupe d'experts qui, s'il constate que l'intensité actuelle des champs électromagnétiques dus aux activités de téléphonie mobile est considérablement inférieure au seuil retenu dans la recommandation du Conseil des ministres de l'Union européenne, a toutefois recommandé, en application du principe de précaution, de ne pas installer d'antennes-relais dans un périmètre inférieur à 100 mètres autour de zones sensibles, définies comme les lieux accueillant des populations fragiles (établissements scolaires et hospitaliers essentiellement).
Si les règles d'urbanisme sont peu contraignantes pour l'installation des sites pylônes, la législation et la réglementation relatives à l'environnement imposent de respecter les procédures particulières d'autorisation dès lors que l'installation est à proximité d'un monument historique, d'un site classé ou inscrit, d'une réserve naturelle, d'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain ou paysager ou encore d'une zone de protection de la navigation aérienne.
Enfin, une charte nationale de recommandations environnementales conclue entre l'Etat et les opérateurs de téléphonie mobile le 12 juillet 1999 engage ces derniers à orienter les choix d'implantation de leurs équipements dans le respect des contraintes environnementales liées à la qualité et à la fragilité des milieux naturels.
Ces différentes considérations conduisent à privilégier une mutualisation des infrasctructures et donc à ne pas multiplier les sites nouveaux. A cet égard, l'opération de cession des sites concernés à TDF peut contribuer positivement au partage des infrastructures en augmentant le nombre de sites ouverts aux opérateurs intéressés.Mais la valeur et l'utilité des sites existants se trouve donc renforcée.
B. - Les risques liés à la position dominante du groupe France Télécom sur le marché concerné
Le renforcement de la position dominante du groupe France Télécom sur le marché concerné fait craindre des risques d'atteinte à la concurrence.Ces risques sont renforcés par la durée des contrats d'accès sur sites pylônes qui sont des contrats longs [...] ([...] ans).
1. Les risques de forclusion sur les marchés de la téléphonie mobile, liés à l'intégration, au sein du groupe France Télécom, d'un opérateur de téléphonie mobile (Orange) et d'un opérateur d'accueil sur site (TDF)
Le groupe France Télécom comprenant à la fois un opérateur mobile et une compagnie de sites, il peut être envisagé que la stratégie du groupe soit de favoriser Orange par rapport aux autres opérateurs mobiles, fût-ce aux dépens des intérêts de TDF, qui, pour rentabiliser l'opération, doit commercialiser de la façon la plus générale ses sites pylônes en y accueillant le maximum d'opérateurs.
Ces risques apparaissent plus marqués dans le cadre de l'ouverture du marché de l'UMTS.
Certes, à ce jour, TDF ne commercialise que les sites pylônes de son propre parc qui sont adaptés à l'accueil d'équipements de radiocommunication. Seules les tours qui étaient auparavant utilisées par France Télécom pour son réseau de téléphonie fixe, dites tours DVRN (tours du réseau national des télécommunications gérées par les directions régionales), sont directement gérées par TDF en application d'un contrat de bail conclu pour une durée de [...] ans. France Télécom et Orange assurent la commercialisation de l'accueil sur leurs propres sites et TDF fait valoir que les politiques commerciales des trois entreprises sont strictement indépendantes. Cette situation est cependant susceptible d'évoluer en direction d'une plus grande coordination de la stratégie du groupe France Télécom sur les marchés concernés, sans que les autorités de la concurrence puissent alors porter, sur l'opérateur qui fait l'objet du présent avis, une nouvelle appréciation.
En effet, les opérateurs de téléphonie mobile titulaires d'une licence GSM/DSC couvrent totalement les zones urbaines. Leur programme d'extension commerciale porte donc essentiellement sur les zones rurales et périurbaines. Ainsi, SFR souhaite étendre sa couverture commerciale et a programmé le déploiement de quelques milliers de sites pour compléter la couverture du territoire. Orange va également déployer de nouveaux sites.
TDF indique que lors du déploiement du GSM, elle "a accueilli, dans un premier temps, SFR et Orange, puis Bouygtel en conservant une stricte position de neutralité" et que le volume de l'accueil sur site qu'elle assure est similaire pour les trois opérateurs.
Après l'opération de concentration, Bouygtel, bénéficiant d'un droit de préférence contenu dans l'accord-cadre de location annexé à l'accord-cadre de cession, ne devrait pas rencontrer de difficultés pour accéder aux sites pylônes cédés. Il pourrait en être de même pour Orange compte tenu de son appartenance au même groupe que TDF. En revanche, SFR pourrait encourir le risque d'être défavorisé.
Pour les futurs opérateurs de téléphonie mobile de 3e génération, l'aléa est accru compte tenu des besoins de densification du réseau et du fait que le 4e opérateur ne disposera pas d'un réseau GSM préexistant. L'accès aux sites sera donc un enjeu majeur pour l'ouverture de ce marché. Il est à noter que les contraintes de mutualisation prévues dans le cadre de l'attribution des licences UMTS ne pèseront que sur les opérateurs titulaires d'une telle licence et non sur TDF.
Cette situation pourrait conduire à la création de zones d'exclusion de certains opérateurs dans la mesure où, sur une zone géographique déterminée, le groupe France Télécom détiendrait, à l'issue de l'opération, l'ensemble des sites pylônes nécessaires au développement optimal du réseau.Dès lors, tout opérateur n'appartenant pas au groupe France Télécom, ou n'ayant pas de lien privilégié avec lui, aurait des difficultés à trouver un site d'accueil.
La restriction de l'accès au marché peut se faire sous couvert de raisons purement techniques telles que l'insuffisance de la structure du pylône, etc., mais aussi par des conditions d'accueil discriminatoires.
A ce jour, le Conseil a pu vérifier que les conditions d'accueil sur les sites pylônes de TDF offertes aux opérateurs de téléphonie mobile sont homogènes, compte tenu de la nature et du nombre des prestations techniques fournies (antennes, fourniture d'énergie, accueil d'équipement nécessaires aux liaisons hertziennes, etc.). Cette constatation ne permet cependant pas de préjuger de l'effet, dans le futur, du renforcement de la position du groupe France Télécom sur le marché défini. Seule, la publication par TDF d'un catalogue de prix répertoriant les prestations offertes afin de garantir l'accès aux sites dans des conditions tarifaires objectives, transparentes et non discriminatoires permettrait de limiter les risques exposés ci-dessus.
2. Les risques liés à un pouvoir de marché accru de TDF sur le marché de l'accueil sur sites des équipements de télécommunications mobiles
Le rachat des sites pylônes de Bouygues conforte la position largement dominante du groupe France Télécom sur le marché pertinent et pourrait conduire à une augmentation du prix des prestations d'accueil offertes par TDF.
A cet égard, il a été relevé que la négociation des contrats d'accueil sur sites de TDF est devenue progressivement plus difficile en raison du manque de cohérence des conditions tarifaires pratiquées par le passé et encore applicables aujourd'hui.
3. L'existence d'un droit de préférence de Bouygtel lors de la commercialisation par TDF des sites objets de l'opération
La société Bouygtel fait valoir que les risques de forclusion sur les marchés de la téléphonie mobile ou d'accroissement du pouvoir de marché de TDF sur le marché de l'accueil sur site ont été étudiés par elle, qui en serait l'une des premières victimes, et qu'elle les a jugés nuls. Toutefois, l'accord-cadre de location qu'elle a conclu avec TDF comporte une disposition accordant à Bouygtel, jusqu'au 1er décembre 2006, le bénéfice d'un droit de préférence dans l'hypothèse où un autre opérateur souhaiterait s'installer sur l'un des sites concernés par l'opération.Cette clause prévoit que Bouygtel doit être tenu informée par TDF de toute demande de location faite par un autre opérateur, Bouygtel disposant alors d'un délai de 20 jours pour faire savoir s'il souhaite exercer ce droit de préférence. Faute pour Bouygues de faire suivre l'expression de son droit de préférence de l'installation effective d'équipements de radiocommunications, des pénalités contractuelles sont prévues. Cependant, cette déchéance du droit de préférence n'est enserrée dans aucun délai et les pénalités stipulées apparaissent très faibles, au regard de la possibilité qui est ainsi laissée à Bouygtel de geler l'accès de ses concurrents aux pylônes cédés. Ce dispositif, s'il met en place des conditions d'accès discriminatoires au préjudice des opérateurs concurrents est, en revanche, de nature à protéger Bouygtel contre les risques d'abus de position dominante dénoncés ci-dessus, et notamment contre les risques de forclusion au profit d'un opérateur appartenant au groupe France Télécom.
4. L'effet sur le marché de la maintenance
Les opérateurs interrogés par les rapporteurs font valoir unanimement que la maintenance des équipements dont ils sont propriétaires (i.e. les antennes et câbles coaxiaux dans certains cas et les baies radio dans tous les cas) est constituée de prestations qui se rattachent très étroitement au coeur des activités de téléphonie mobile, raison pour laquelle ils les effectuent directement dans la plupart des cas, ou en sous-traitance s'agissant de prestations à faible valeur ajoutée ou pour l'exécution desquelles les coûts en personnels sont trop élevés. Les risques que le groupe France Télécom abuse, sur ce marché, de la position dominante qu'il occupe sur le marché connexe de l'accueil sur sites des équipements de téléphonie mobile, par exemple en liant les deux types de prestations, paraissent en conséquence limités.
C. - Contribution au progrès économique
TDF fait valoir que l'opération apporte au progrès économique une contribution importante dans la mesure où la cession des pylônes concernés à une compagnie de sites favorise leur mutualisation. Actuellement, plus de la moitié des sites pylônes de TDF accueille au moins deux opérateurs, contre [...] % seulement des sites Bouygtel. Le taux de mutualisation des pylônes du parc de TDF avant l'opération reste cependant relativement faible ([...] opérateur par site en moyenne), mais TDF assure que son principal objectif économique et commercial est de développer ce taux. Elle met également en avant le fait que l'accueil de plusieurs opérateurs sur les sites concernés nécessite très souvent des travaux de renforcement de l'infrastructure et d'aménagement de l'accueil qu'une compagnie de sites est plus à même de réaliser et de rentabiliser qu'un opérateur de téléphonie mobile dont ce n'est pas le coeur de métier.
Une mutualisation accrue des pylônes cédés contribue au développement des marchés de la téléphonie mobile, et notamment à l'ouverture du marché de l'UMTS, en réduisant les besoins en investissement de chacun des opérateurs concernés.A titre indicatif, les investissements nécessaires au déploiement d'un réseau de troisième génération se répartissent ainsi :
<emplacement tableau>
Un partage des sites et des éléments passifs permettrait de réaliser, en moyenne, une économie de 20 à 30 % sur les coûts d'investissements du réseau.
Au surplus, le partage des sites rejoint les préoccupations relatives à l'environnement et à la santé publique exposées plus haut.
La mutualisation peut donc être considérée comme un objectif d'intérêt général.Toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, dans la mesure où elle conduit à une réduction du déploiement des sites, elles ne peut être acceptée du point de vue du droit de la concurrence que si elle s'exerce de manière complète, transparente et non discriminatoire. Or, la clause de préférence incluse dans l'accord-cadre de location conclu entre TDF et Bouygtel paraît de nature à limiter les possibilités de partage des sites concernés.De plus, les dispositions des licences UMTS, visant à favoriser l'accueil d'un opérateur UMTS, qui n'aurait pas de licences GSM, sur les sites des opérateurs qui ont déployé un réseau GSM, ne s'appliquent pas à TDF.
Certes, postérieurement à la séance, la société Bouygues Telecom a fait parvenir au Conseil une note par laquelle elle déclarait être prête, si le Conseil l'estimait nécessaire, à accepter un aménagement de la clause de préférence sur les deux points suivants : d'une part, le délai de mise en œuvre de la clause de préférence pour une véritable occupation du site serait précisé et fixé à 10 semaines, si bien que, faute pour la société Bouygues Telecom d'avoir validé, dans ce délai, le cahier des charges d'installation de ces équipements, elle en perdrait le bénéfice et TDF redeviendrait libre de louer l'emplacement concerné ; d'autre part, la société Bouygues Telecom se déclarait prête, dans le cas où elle serait attributaire d'une licence UMTS, et, de ce fait, acteur sur le marché de la troisième génération, à ne pas faire jouer son droit de préférence en cas de demande d'emplacement par un opérateur 3G ne disposant pas d'une autorisation GSM.
Si ces nouvelles propositions de la société Bouygues Telecom sont de nature à atténuer les effets restrictifs de concurrence de la clause de préférence dont elle bénéficie, elles ne paraissent toutefois pas au Conseil suffisantes pour assurer que l'opération de concentration en cause permettra une mutualisation complète, transparente et non discriminatoire des sites.
En conséquence, le Conseil est d'avis :
Que le projet soumis à son examen ne peut apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'il comporte sur les marchés de la téléphonie mobile, et sur le marché de l'accueil sur sites des équipements de télécommunications mobiles, qu'aux conditions suivantes :
- suppression de la clause de préférence dont bénéficie Bouygtel dans le contrat-cadre de location ;
- publication par TDF d'un catalogue de prix répertoriant les prestations offertes afin de garantir l'accès aux sites dans des conditions tarifaires objectives, transparentes et non discriminatoires.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et les parts de marché exactes remplacées par des fourchettes.