Livv
Décisions

Ministre de l’Économie, 9 septembre 2002, n° ECOC0300053Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil des sociétés Oralu SAS et Etablissements Briand

Ministre de l’Économie n° ECOC0300053Y

9 septembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 5 août 2002, vous avez notifié la prise de contrôle de la société Etablissements Briand SA par la société Oralu SAS (groupe Orfite/Sofipe).

I. - Les parties et l'opération envisagée

La société Oralu est une société holding constituée pour les besoins de l'opération notifiée. Elle est contrôlée par la société civile HCF, elle-même contrôlée par la société Orfite SA. Cette dernière est une société de gestion dont l'activité principale est d'acquérir et de gérer des participations dans des PME rentables, présentes sur diverses niches d'activité. Orfite SA est contrôlée par la société Sofipe SA, contrôlée à son tour par M. Daniel Janin. Depuis sa création en 1992, le groupe Sofipe/Orfite a pris le contrôle de vingt et une sociétés en France et a réalisé la cession de sept d'entre elles. Le chiffre d'affaires cumulé de l'ensemble des entreprises comprises dans le périmètre du groupe Sofipe/Orfite s'élève à 386,9 millions d'euros à la clôture du dernier exercice. L'essentiel de ce chiffre d'affaires a été réalisé en France.

La société Etablissements Briand est une société anonyme de droit français, dont le siège social est situé aux Herbiers, en Vendée. Cette société est actuellement détenue conjointement par M. et Mme Roger et Luce Briand, d'une part, et par M. et Mme André et Elianne Liébot, d'autre part. La société a pour principale activité la gestion de cinq filiales détenues à 100 %, dont quatre sont des filiales opérationnelles. L'activité du groupe est en effet essentiellement centrée sur la fabrication et la commercialisation de fenêtres en bois, aluminium et PVC. Le chiffre d'affaires réalisé par le groupe Briand en France s'est élevé en 2001 à 197,4 millions d'euros, dont l'essentiel a été réalisé en France.

L'opération notifiée fait suite à une précédente opération ayant consisté pour le groupe Briand à céder sa branche charpente au groupe Orfite/Sofipe, toujours par l'intermédiaire de la société civile HCF. La présente notification concerne à présent la cession de la branche fenêtre et, par conséquent, du reste du groupe Briand. Aux termes du protocole d'accord signé entre les parties, les actuels actionnaires de la société Etablissements Briand s'engagent à céder la totalité des actions détenues en contrepartie d'une somme de [...] et de l'attribution d'actions de la société Oralu leur conférant une participation minoritaire de [...] % du capital social d'Oralu. Dans la mesure où le contrôle de la société Etablissements Briand permettra in fine au groupe Orfite/Sofipe d'en prendre le contrôle exclusif, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, l'opération notifiée est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives au contrôle de la concentration économique.

II. - La définition des marchés en cause

Par le biais de ses différentes filiales, le groupe Briand fabrique des fenêtres en PVC, bois, aluminium et des fenêtres mixtes bois-aluminium. Cette dernière catégorie de fenêtre correspond à une fenêtre en bois recouverte d'une couche d'aluminium destinée à en améliorer les performances techniques.

Une partie de la production du groupe Briand est vendue à des négociants en matériaux de construction qui, en leur qualité de grossistes, les revendent aux professionnels du bâtiment. Une seconde partie est vendue à des entrepreneurs, constructeurs de maisons individuelles, qui les utiliseront dans le cadre de leur propre activité de construction. Une troisième partie est utilisée dans les chantiers pris en charge par les Etablissements Briand à la demande de promoteurs. Dans ce dernier cas de figure, la pose des fenêtres est généralement sous-traitée à un artisan présent à proximité du chantier, ce qui permet au groupe Briand d'intervenir sur des chantiers partout en France.

Le groupe Orfite/Sofipe détient par ailleurs des participations dans deux autres groupes dont l'activité est proche de celle des Etablissements Briand. Le groupe Bouvet, d'une part, fabrique des fenêtres en bois, bois-aluminium et en PVC. Le groupe Gayrard, d'autre part, fabrique uniquement des fenêtres PVC. La commercialisation des fenêtres Bouvet s'effectue également auprès de négociants, d'entrepreneurs ou à travers la prise en charge de chantiers, mais aussi auprès de réseaux de distribution à enseigne spécialisés dans la vente et la pose de fenêtres auprès de particuliers. Les fenêtres Gayrard sont quant à elles essentiellement vendues aux négociants en matériaux de construction. Les groupes Bouvet et Gayrard commercialisent également leurs produits partout en France.

Les parties à l'opération sont donc toutes deux présentes dans la fabrication et la vente à des professionnels de fenêtres en bois, bois-aluminium et en PVC. L'opération permet en outre au groupe d'enrichir son panel d'entreprises présentes dans le secteur de la fenêtre d'une entité également fortement spécialisée dans le secteur de la fenêtre aluminium.

Selon les parties, le marché concerné par l'opération serait celui de la fabrication de fenêtres en général. Cette affirmation se fonde sur le fait que l'offre en matière de fenêtres repose sur une large gamme de produits dans chacun des matériaux principaux que sont le bois, le PVC et l'aluminium et que cette gamme permet d'offrir des produits aux performances techniques similaires, quel que soit le matériau choisi. A l'appui cette affirmation, les parties relèvent que l'offre en matière de fenêtres est de plus en plus une offre globale de produits fabriqués à partir des trois matériaux. En témoignent précisément les fenêtres bois-aluminium qui constituent l'un des produits les plus élaborés de la gamme des fenêtres en bois.

Toutefois, il est permis de s'interroger sur une possible distinction entre plusieurs marchés, en fonction du matériau choisi. En effet, quand bien même les produits seraient en constante évolution, ce qui tendrait à rapprocher leurs performances spécifiques, il convient de constater que les trois matériaux principaux ne présentent pas les mêmes qualités d'origine. Le bois est apprécié pour ses qualités d'isolant et il convient plus naturellement aux constructions anciennes, le PVC est plébiscité pour ses performances thermo-accoustiques et sa facilité d'entretien, l'aluminium est généralement préféré pour sa solidité et son insensibilité aux variations de température. Il n'est donc pas nettement établi que ces matériaux soient totalement substituables aux yeux de la clientèle, d'autant que, pour un même niveau de performance, le prix peut connaître de fortes variations susceptibles d'orienter sensiblement le choix de l'acheteur.

Il serait dès lors possible de distinguer le marché des fenêtres en bois, celui des fenêtres en aluminium et celui des fenêtres en PVC. La question d'une segmentation supplémentaire relative à la catégorie des fenêtres bois-aluminium au sein du marché des fenêtres en bois peut également être posée.

Par ailleurs, une subdivision supplémentaire à l'intérieur de chacun de ces marchés peut être envisagée en fonction du canal de distribution choisi : négoce de matériaux de construction, réseaux à enseignes spécialisées, entrepreneur ou chantiers de construction. Il n'est cependant pas certain que les conditions de commercialisation entre ces canaux de distribution présentent des différences telles qu'elles justifient l'existence de marchés distincts, dans la mesure où les ventes s'adressent à différentes catégories de professionnels et ne donnent pas lieu à des ventes directes aux particuliers.

En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de définir aussi étroitement les marchés de produits dans la mesure où, au cas d'espèce, quelle que soit la dimension retenue, l'opération notifiée n'aura pas pour effet de porter atteinte à la concurrence.

Du point de vue géographique, on peut considérer que le marché est national, quelle que soit la dimension produit retenue. En effet, il convient de souligner que la réglementation technique, en particulier la normalisation applicable aux fenêtres ainsi que la récente réglementation thermique des logements, est nationale, ce qui limite les possibilités d'entrée sur le marché de fabricants de fenêtres étrangers. Il est à noter d'ailleurs que les principaux concurrents sont principalement des fabricants français, y compris les plus importants comme Lapeyre ou Tryba.

Par ailleurs, on peut constater que les coûts de transport sont relativement faibles et que les fabricants proposent généralement une offre identique sur tout le territoire français. Les principaux concurrents disposent de solides réseaux de distribution implantés sur tout le territoire ou sont dans la mesure de livrer leurs produits rapidement pour un coût relativement peu élevé partout en France. En conséquence, la question d'une segmentation plus étroite du marché géographique peut être exclue.

III. - L'analyse concurrentielle

L'offre globale de fenêtres en France est estimée à environ 8 millions d'unités produites par an. Si l'on considère que le marché concerné comprend l'offre globale de fenêtres sans distinction du matériau utilisé pour leur fabrication, la part de marché en volume du groupe Briand est approximativement de [0-10] %, tandis que la part réalisée par les groupes Bouvet et Gayrard est environ de [0-10] %. À l'issue de l'opération, la part totale du nouvel ensemble atteindra environ [0-10] % du marché global de la fenêtre. Le groupe Lapeyre représente à lui seul environ [10-20] % de ce marché, suivi par quelques opérateurs de référence comme Tryba ([0-10] %), SMPA ([0-10] %) et Franciaflex-Fermora ([0-10] %). Le reste du marché se partage entre 9 opérateurs produisant plus de 100 000 fenêtres par an et de nombreux autres opérateurs produisant en dessous de ce seuil.

Si l'opération permet au groupe Orfite/Sofipe de proposer désormais une gamme complète de fenêtres particulièrement attrayante aux yeux des professionnels, cet avantage concurrentiel n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le secteur.En effet, on notera que le marché connaît une forte expansion depuis 1997, et en particulier sur les dernières années. Il faut rappeler par ailleurs que les concurrents qui disposent également d'une gamme complète de fenêtres en bois, PVC ou aluminium sont nombreux. Compte tenu de ces éléments, force est de conclure que l'opération n'emporte aucun effet sensible sur le marché global de la fenêtre.

Si l'on retient que les marchés sont distincts en fonction du matériau utilisé, on constate que les parties à l'opération ne sont présentes simultanément que sur le marché de la fenêtre PVC et sur le marché de la fenêtre bois. En ce qui concerne le marché de la fenêtre aluminium, l'opération n'entraîne aucune addition de parts de marché dans la mesure où les groupes Bouvet et Gayrard ne sont pas présents sur ce marché.

Le marché de la fenêtre PVC représente 56 % du marché global de la fenêtre. Sur la base de ce chiffre, la part de marché du groupe Briand s'élève à [0-10] %, tandis que la part réunie des groupes Bouvet et Gayrard est d'environ [0-10] %. La part cumulée du groupe atteint donc [10-20] %, mais l'augmentation que représente l'apport du groupe Briand reste relativement marginale. Le groupe Lapeyre réalise pour sa part [10-20] % de la production de fenêtres PVC, tandis que Tryba, qui fabrique essentiellement des fenêtres PVC, en réalise [0-10] %.

Si l'on prend en considération, sur le marché de la fenêtre PVC, les segments correspondants aux différents types de clientèle, on constate que l'augmentation de la part de marché des parties reste faible sur les segments où elles sont présentes toutes les deux ([0-10] % dans la vente aux entrepreneurs et [0-10] % dans la vente aux négociants) et que, en tout état de cause, la part de marché cumulée reste toujours inférieure à 25 % ([10-20] % dans la vente aux entrepreneurs et [20-30] % dans la vente aux négociants).

En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la fenêtre PVC ni sur aucun des segments de ce marché.

Le marché de la fenêtre bois représente, quant à lui, 24 % du marché global de la fenêtre. La part du groupe Briand atteint environ [0-10] % et celle des groupes Bouvet et Gayrard approximativement [0-10] %. La part cumulée des parties à l'opération ne dépasse donc pas [0-10] %, alors que la part du groupe Lapeyre atteint à elle-seule [20-30] % et celle de SIMPA environ [10-20] % du marché de la fenêtre bois. Il en résulte que la position du nouvel ensemble restera très faible sur ce marché.

Cette conclusion reste inchangée si l'on considère les additions de parts de marché et la part de marché cumulée des parties sur les segments de marché de la fenêtre bois correspondant aux différents types de clientèle. En effet, l'augmentation des parts du nouvel ensemble ne représente que [0-10] % des ventes dans le cadre de chantiers, [0-10] % des ventes aux entrepreneurs et une augmentation inférieure à [0-10] % dans les ventes aux négociants. Les parts cumulées restent plafonnées autour de [10-20] % en ce qui concerne les chantiers, [0-10] % dans la vente aux entrepreneurs et [0-10] % dans la vente aux négociants.

En revanche, cette conclusion pourrait être nuancée dans la mesure où le groupe Bouvet et le groupe Briand sont tous deux présents sur le segment haut de gamme du marché, à savoir les fenêtres bois-aluminium. L'opération pourrait dès lors impliquer des synergies significatives sur ce segment de marché de nature à conférer au nouvel ensemble un avantage concurrentiel certain. Toutefois, il convient de constater que plusieurs autres concurrents proposent actuellement des produits similaires ou disposent à tout le moins de la capacité d'innovation nécessaire au développement de tels produits.

Ainsi, il convient de constater que l'opération n'entraîne pas d'effets significatifs sur le marché de la fenêtre bois, ni sur aucun des segments de ce marché.

En conséquence, il ressort de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et les parts de marché exactes remplacées par des fourchettes.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.