Ministre de l’Économie, 8 novembre 2002, n° ECOC0300067Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société RFA Nord
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 4 octobre 2002, vous avez notifié l'acquisition par la société RFA Nord, filiale de la société Renault France Automobiles (RFA), elle-même filiale de Renault SAS, du fonds de commerce de la société VRALE (Vente Réparation Lille Est), filiale du groupe GGBA.
I. - Les parties et l'opération
Renault SAS est la société mère du groupe Renault. Son capital n'est contrôlé par aucune personne morale ou physique. L'activité du groupe Renault s'articule autour de deux branches principales. La branche automobile représente l'essentiel des activités du groupe et a pour objet la conception, la fabrication et la commercialisation dans le monde entier de véhicules automobiles de toutes catégories, ainsi que de machines agricoles. La branche financière regroupe les activités de financement des ventes de véhicules et les autres services financiers offerts par le groupe.
En France, le groupe Renault distribue ses véhicules automobiles, soit directement, soit au travers d'un réseau de revendeurs constitué de filiales spécialisées (groupe RFA) et de distributeurs indépendants titulaires de " contrats de concession " et chargés d'animer eux-mêmes un réseau secondaire d'agents ou de revendeurs agréés (" VAR ").
RFA Nord est l'une de ces filiales spécialisées. Elle a pour activité la distribution au détail de véhicules automobiles neufs de la marque du groupe, la distribution de véhicules d'occasion de toutes marques ainsi que l'entretien et la réparation de ces véhicules à partir de 11 établissements situés dans le département du Nord.
Le groupe Renault a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires mondial de 36 351 millions d'euros, dont 14 237 millions d'euros en France.
VRALE est une société par actions simplifiée détenue par le groupe GGBA, actif dans les secteurs de la distribution automobile et la location de véhicules. VRALE exerce des activités de distribution au détail de véhicules automobiles (voitures de tourisme et véhicules utilitaires légers), neufs et d'occasion, de réparation et d'entretien de ces véhicules ainsi que de location de véhicules. VRALE exploite une concession Renault sur le secteur géographique de Villeneuve-d'Ascq (59) et anime sur le même secteur un réseau secondaire constitué d'un VAR et de 2 agents.
En 2001, le chiffre d'affaires de VRALE s'élève à 24,76 millions d'euros, dont 24,65 millions d'euros réalisés en France.
Aux termes du contrat de cession de fonds de commerce signé le 2 septembre 2002, le groupe Renault acquiert le contrôle des activités de la société VRALE. Cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Elle ne revêt pas une dimension communautaire au sens du règlement (CE) n° 4064-89 du 21 décembre 1989. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, elle est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.
II. - Analyse concurrentielle
La présente opération s'inscrit dans le mouvement de concentration progressif qui caractérise l'évolution générale du secteur de la distribution automobile en France, et en particulier celle des réseaux de marques nationales. Selon le Journal de l'Automobile, à la fin de l'année 2001, les différents réseaux de marques ont ainsi compté 89 concessionnaires en moins par rapport à l'année précédente. La Tribune du Concessionnaire recense, pour sa part, une trentaine de reprises notables de concessions sur la période 2001-2002, dont une dizaine est relative à la reprise de concessions Renault.
Il convient donc de tenir compte de ce mouvement général dans l'appréciation de l'impact d'opérations de réorganisation des réseaux de distribution automobile.A l'occasion de l'examen de deux opérations de concentration s'inscrivant dans le même contexte (cf. note 1), j'ai ainsi précisé les principaux éléments de définition des marchés concernés par de telles opérations. Ces éléments demeurent applicables au cas d'espèce, et sont donc repris ci-après.
La présente concentration illustre en outre la stratégie mise en place depuis quelques années par Renault afin de restructurer par plaques territoriales son réseau de distribution en France, lequel est caractérisé à la fois par sa densité élevée (en termes de nombre de points de ventes) et par sa dispersion (en termes de nombre de revendeurs agréés de la marque) (cf. note 2). L'analyse de l'impact de la présente opération sur la concurrence tient donc également compte de ce contexte particulier dans lequel elle s'inscrit.
A. - Les marchés de produits
Marchés de la vente au détail de véhicules automobiles
En matière de distribution automobile il convient d'opérer une première distinction entre le marché du neuf et le marché des véhicules d'occasion (VO) compte tenu notamment des différences existant dans la structure de l'offre, les prix des produits et les modes et circuits de commercialisation.
S'agissant de la vente au détail de véhicules neufs, une deuxième segmentation, couramment retenue par la Commission européenne lors de l'examen de concentrations dans le secteur de l'automobile, est fondée sur les catégories d'usage auxquelles sont destinés les véhicules. Ainsi, les véhicules de tourisme ou voitures particulières (VP) doivent en particulier être distingués des véhicules dits " commerciaux ", et notamment des véhicules utilitaires légers neufs (VUL).
En outre, à l'occasion de l'examen d'opérations de concentrations entre constructeurs automobiles (cf. note 3), la Commission européenne a observé qu'il était possible de subdiviser en plusieurs segments le marché de la vente au détail de VP neufs en fonction de critères objectifs tels que la puissance des moteurs ou les dimensions des modèles. Il n'apparaît toutefois pas nécessaire de définir plus précisément le marché de la vente au détail de VP neufs au cas d'espèce, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées quel que soit le segment considéré, compte tenu notamment du fait que les parties à la présente concentration distribuent toutes deux une gamme couvrant la plupart de ces segments.
Toujours concernant la vente au détail de VP neufs, il convient en troisième lieu de distinguer entre un marché des véhicules destinés à une clientèle constituée de particuliers (y compris les ventes de véhicules destinés, par exemple, à l'exercice d'une profession libérale), et un marché de la vente des VP destinés à une clientèle constituée de professionnels (renouvellement d'un parc automobile pour les besoins d'une entreprise, par exemple, ou achat de flotte). Ces deux marchés sont en effet caractérisés tout d'abord par la nature différente de la demande, relative dans un cas à l'achat individuel d'un véhicule faisant partie de la gamme standard du constructeur, et dans l'autre cas à l'achat en plus grande quantité de véhicules pouvant éventuellement recevoir un aménagement spécifique (" véhicules de société " biplaces ou couleur spécifique de la carrosserie par exemple). En outre, les modalités et les conditions de ventes diffèrent substantiellement selon les catégories d'acheteurs.
Concernant la vente au détail de VP neufs destinés à une clientèle professionnelle, il n'apparaît pas nécessaire au cas d'espèce d'examiner plus précisément la question de savoir s'il convient de distinguer plusieurs segments (tel que la vente de véhicules destinés aux sociétés de gestion de flotte par exemple), dans la mesure où les conclusions de l'analyse n'en seraient pas modifiées.
Le cas échéant, il y a lieu en revanche d'exclure des marchés de la vente au détail de VP neufs les ventes des concessionnaires aux distributeurs agréés d'un réseau secondaire (VAR Renault par exemple), dans la mesure où ces derniers les revendent à leurs propres conditions aux utilisateurs finaux, quelle que soit la catégorie de clientèle à laquelle ils appartiennent. Une telle exclusion ne saurait cependant préjuger de l'analyse des relations entre concessionnaires d'une marque et distributeurs agréés du réseau secondaire de cette même marque, dans l'appréciation des conditions de la concurrence intramarque.
Marchés de la vente de pièces de rechange et d'accessoires automobiles
Les entreprises du secteur automobile distribuent également des pièces de rechange et accessoires, soit au stade du gros soit à celui du détail. Les pièces de rechange destinées à remplacer les composants du véhicule, principalement fournies par les constructeurs ou les fabricants équipementiers de l'industrie automobile sous l'appellation " pièces d'origine " peuvent tout d'abord être distinguées des simples accessoires pour automobiles. Au stade du gros, les pièces de rechange sont distribuées par les concessionnaires des réseaux de constructeurs et les grossistes des réseaux de fabricants aux réparateurs agréés par les constructeurs, pour la plupart membres des réseaux de distribution, et aux réparateurs indépendants qui les montent dans le cadre de leurs services de réparation et d'entretien ou les revendent au détail. La Commission européenne distingue trois types de pièces en fonction de la catégorie à laquelle appartiennent leurs fournisseurs : " pièces d'origine " fournies par le constructeur, " pièces d'origine " identiques fournies par les fabricants de pièces détachées et " pièces de rechange de qualité équivalente " fournies par d'autres fabricants de pièces de rechange.
Les parties distribuent principalement des " pièces d'origine " aux réparateurs agréés situés dans le périmètre de leurs concessions et vendent " au comptoir " des pièces de rechange et des accessoires de toute nature.
Il n'apparaît cependant pas nécessaire au cas d'espèce de définir avec plus de précision les marchés de la vente de pièces détachées concernés par l'opération, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées, quelle que soit la définition du marché retenue.
Marchés des services d'entretien et de réparation de véhicules automobiles
S'agissant des services d'entretien et de réparation des véhicules automobiles, une première segmentation peut être envisagée entre les services après-vente rendus dans le cadre de la garantie contractuelle du constructeur et les autres prestations de services de réparation et d'entretien.
Par ailleurs, la brochure explicative et les documents publiés par la Commission européenne à l'occasion de l'entrée en vigueur du nouveau règlement d'exemption relatif au secteur de l'automobile (cf. note 4) montrent que le consommateur dispose d'un choix plus ou moins large de prestataires de services selon le type d'intervention recherchée. Le remplacement de pièces détachées d'origine ou les travaux effectués, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la garantie contractuelle, seront par exemple généralement réalisés par le concessionnaire auprès duquel le véhicule a été acquis ou par un revendeur agréé de son réseau secondaire. En revanche, le recours à une offre alternative en dehors de ce réseau est plus fréquent lorsque l'utilisateur décide de remplacer certaines pièces, dites d'usure, non spécifiques au modèle de véhicule, telles que batteries ou pots d'échappement par exemple, ou lorsqu'il souhaite faire effectuer des réparations ou des contrôles relativement peu sophistiqués, qualifiés de " services express " par la profession.
Il n'apparaît cependant pas non plus nécessaire, pour les besoins de la présente décision, de définir avec plus de précision les marchés en cause en matière de services d'entretien et de réparation automobile, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées, quelle que soit la définition du marché alternativement considérée.
Autres marchés de services (location de courte et longue durée, financement de crédit)
L'opération ne produit pas de chevauchement d'activités dans le secteur de location automobile de courte durée. En revanche, les parties à l'opération offrent toutes deux des services de crédit ainsi que des services de location longue durée (" LLD "), avec ou sans option d'achat, qui pourraient éventuellement être considérés, du point de vue de l'offre, comme une alternative de financement complémentaire de l'offre de crédit. Toutefois, les parties n'offrent ces services de crédit ou de LLD avec ou sans option d'achat qu'en qualité d'intermédiaires, essentiellement pour le compte des sociétés du groupe Diac, filiales de Renault spécialisées dans les domaines du crédit automobile et de la LLD, soit pour celui d'autres sociétés financières partenaires des concessionnaires. Il n'apparaît en tout état de cause pas nécessaire au cas d'espèce de définir plus précisément les marchés de services de financement ou de location de véhicules concernés, ni de trancher de manière définitive la question de savoir s'il convient d'inclure dans le marché de la vente au détail de VP neufs une partie des services de locations longue durée, notamment les LLD dont l'option d'achat est réalisée. En effet, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées, quelle que soit la définition des différents marchés retenue, compte tenu notamment soit de l'absence de chevauchement d'activités entre les parties, soit du nombre limité de contrats LLD qu'elles réalisent, soit du rôle marginal qu'elles jouent en matière de financement de crédit.
B. - Les marchés géographiques
Marchés de la vente au détail de véhicules automobiles
Concernant la dimension géographique des marchés, il convient de rappeler en premier lieu que les marchés de la distribution au détail de biens manufacturés destinés aux consommateurs revêtent en général une dimension locale, dont l'étendue recouvre une ou plusieurs zones d'attraction pouvant être parfois regroupées en ensembles plus larges en tenant compte de l'existence éventuelle de chaînes de substitution.
Toutefois, il peut être observé que les marchés de la vente au détail de VP neufs présentent plusieurs caractéristiques susceptibles de leur conférer une dimension plus large que d'autres marchés de produits manufacturés. En premier lieu, le caractère de bien relativement durable et onéreux que revêt un véhicule automobile est susceptible d'inciter les consommateurs à parcourir une distance plus élevée pour l'acquérir. Il convient cependant de ne pas surévaluer cette incitation compte tenu de la propension des acheteurs à faire exécuter les services d'entretien et de réparation, notamment dans le cadre de la garantie contractuelle, à proximité du lieu de garage principal du véhicule.
Il peut également être remarqué que le maillage territorial et l'organisation centralisée des réseaux de distribution automobile, la cohérence de l'image de marque des constructeurs, l'existence d'un service après-vente uniforme, la publication de prix conseillés au plan national et l'application par certains constructeurs de tarifs et de conditions générales de vente identiques pour tous les concessionnaires sur l'ensemble du territoire national confèrent un rôle déterminant aux orientations commerciales stratégiques décidées au plan national par chaque constructeur en fonction de la concurrence dite intermarque qui l'oppose aux autres constructeurs.
En outre, il peut être présumé que le marché de la vente de VP neufs aux professionnels possède une dimension géographique généralement plus large que le marché de la vente de VP neufs aux particuliers, notamment lorsque la demande s'exprime essentiellement par voie d'appels d'offres auprès des constructeurs.
Par ailleurs, les marchés de la vente au détail de VP neufs sont, d'une manière générale, susceptibles de connaître une ouverture progressive à la suite de l'entrée en vigueur des mesures de décloisonnement des marchés nationaux mises en place par le nouveau régime communautaire d'exemption applicable à la distribution automobile (cf. note 5) .
Cependant, l'appréciation des effets d'une opération sur le marché des VP neufs destinés aux particuliers doit accorder une attention particulière aux aspects locaux de marchés sur lesquels le système actuel de distribution sélective et exclusive tend à limiter la concurrence intramarque à l'intérieur des territoires attribués aux concessionnaires et revendeurs agréés. Toutefois, les recoupements entre les territoires attribués par les différents constructeurs à leurs concessionnaires et les regroupements entre territoires voisins d'une même marque permettent à la concurrence, intermarque et intramarque, de jouer sur des zones géographiques plus larges telles qu'un département ou une région.
En effet, si l'organisation de la distribution en réseaux de marques et les orientations stratégiques communes à tous les constructeurs tendent à renforcer l'homogénéité des conditions de concurrence d'une région à l'autre, chaque concessionnaire d'une même marque se voit octroyer par le constructeur un ensemble de remises dont certaines varient selon la situation du concessionnaire (prime sur la qualité de l'accueil des clients, par exemple). Le constructeur peut en outre accorder une remise exceptionnelle à un de ses concessionnaires afin de faciliter ponctuellement une vente.
Ce système permet aux revendeurs de moduler les remises (cf. note 6) et les conditions particulières qu'ils octroient eux-mêmes, notamment en vue de réagir à une concurrence par les prix au plan local. La concurrence au plan local peut donc jouer à la fois lors de la négociation entre l'acheteur et les revendeurs de modèles comparables mais de marques différentes, et lors de la négociation portant sur un même modèle offert par plusieurs revendeurs d'une même marque situés à distance raisonnable l'un de l'autre, notamment dans le même département.
L'opération ne provoquant des chevauchements d'activités entre les parties que sur les marchés de la vente au détail de VP dans le département du Nord, il n'apparaît cependant pas nécessaire, au cas d'espèce, de déterminer avec plus de précision la dimension géographique du marché pertinent. En effet, même dans l'hypothèse d'une dimension géographique limitée à ce département, l'opération ne serait pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché de la vente au détail de VP aux particuliers.
Marchés de la vente de pièces de rechange et d'accessoires
Les mêmes observations qu'en matière de vente de VP neufs peuvent être faites s'agissant au moins de la distribution de " pièces d'origines ", organisée également en réseaux animés par les concessionnaires et les grossistes en pièces détachées. La vente au détail des pièces de rechange et des accessoires revêt en particulier une dimension probablement locale. Il n'apparaît toutefois pas nécessaire, au cas d'espèce, de déterminer avec plus de précision la dimension géographique des marchés pertinents. En effet, même dans l'hypothèse de marchés géographiques de la vente de pièces automobiles limités au département du Nord, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.
Marchés des services d'entretien et de réparation
A la différence des marchés de la vente au détail de VP neufs, les marchés de l'entretien et de la réparation des véhicules présentent des aspects locaux plus marqués, en raison des contraintes de proximité manifestes, liées à la prestation de tels services de réparation ou de maintenance.
Il n'apparaît en tout état de cause pas nécessaire, au cas d'espèce, de définir plus précisément les marchés pertinents concernés, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées même sur la base la plus étroite envisageable de marchés de dimension locale.
Autres marchés de services (location automobile et financement de crédit)
Il n'apparaît en tout état de cause pas nécessaire, au cas d'espèce, de définir plus précisément les marchés pertinents concernés, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées même sur la base la plus étroite envisageable de marchés de dimension locale.
III. - Appréciation des effets de l'opération sur la concurrence
Compte tenu des activités exercées par les parties, l'impact de la concentration concerne essentiellement le marché de la vente au détail de VP neufs aux particuliers et, en second lieu, les marchés de la vente de pièces de rechange. En effet, tout risque d'atteinte à la concurrence peut être exclu sur les marchés de la vente au détail de véhicules d'occasion, de l'entretien et de la réparation automobile ainsi que sur les divers autres marchés de services (LLD et financement de crédit), compte tenu de la structure fragmentée de l'offre ainsi que du volume d'activité limité de la société acquise dans ces différents domaines.
Marchés de la vente au détail de VP neufs aux particuliers
En 2001, la part des ventes de VP neufs constituée par les ventes de véhicules de marque Renault peut être évaluée à 26,6 % sur l'ensemble du territoire national. Une majorité de ces véhicules est vendue par l'intermédiaire du réseau de revendeurs indépendants, concessionnaires et agents, les filiales du groupe RFA réalisant pour leur part environ [...] des ventes de véhicules neufs de la marque.
Toutefois, dans le département du Nord, dans lequel Renault détient une part des ventes de VP (25,7 %) légèrement inférieure à sa moyenne nationale, RFA Nord est le principal revendeur de véhicules Renault. A l'occasion de l'examen des concentrations précitées, le recensement départemental des immatriculations de voitures de tourisme a été retenu comme un indicateur suffisamment fiable des positions détenues par les parties sur un marché local de la vente au détail de VP neufs aux particuliers. Sur la base de ce recensement départemental, RFA Nord réalise au plus [10-20] % des ventes de VP neufs toutes marques confondues en 2001. Selon les informations plus détaillées fournies au cours de l'instruction du dossier, la part du marché des ventes de VP neufs aux particuliers détenue par RFA Nord est en réalité légèrement supérieure à cette première évaluation, mais n'excède cependant pas [20-30] %. En outre, l'addition de parts de marché résultant de l'opération demeure très faible car les ventes réalisées par VRALE au cours de l'année de référence correspondent à moins de [0-10] % des immatriculations de VP neufs dans le département du Nord.
J'ai observé dans les décisions précitées que, dans le système de distribution sélective et exclusive actuel, la concurrence intermarque constitue l'élément moteur du jeu de la concurrence, y compris au plan local. Or les parties ne distribuent toutes deux que des véhicules neufs de marque Renault. La présente opération, qui s'analyse comme l'intégration verticale par Renault d'une ancienne concession indépendante, n'aura donc aucun impact sensible sur la concurrence intermarque au plan local. En effet, la simple substitution d'une filiale à un concessionnaire sur le secteur de Villeneuve-d'Ascq ne saurait modifier de manière significative l'équilibre concurrentiel résultant principalement de la présence, dans cette agglomération, de nombreux revendeurs automobiles représentant la plupart des marques distribuées en France.Presque tous ces revendeurs, y compris VRALE, sont en outre situés à proximité du boulevard de l'Ouest, l'un des principaux axes routiers traversant l'agglomération. Cette proximité est de nature à favoriser la mise en concurrence des revendeurs par les clients résidant dans la zone d'attraction de Villeneuve-d'Ascq.
S'agissant des effets de l'opération sur la concurrence intramarque au plan local, il peut être remarqué que la position de premier revendeur Renault dont bénéficie RFA Nord résulte essentiellement de la présence de la filiale dans les principales agglomérations de la conurbation lilloise, à l'exception notable de Villeneuve-d'Ascq. Néanmoins, il peut être conclu de l'instruction du dossier que la concentration ne permettra pas à RFA d'augmenter unilatéralement ses prix de ventes de véhicules Renault dans le département du Nord. En effet, même après la disparition de VRALE, plusieurs concessionnaires Renault subsistent dans le département ou à une distance raisonnable de la conurbation lilloise. Parmi ces proches concurrents peuvent être notamment cités le groupe GGBA, qui se classe au troisième rang parmi les revendeurs du réseau national Renault, ainsi que le groupe Conraux. De plus, les informations recueillies au cours de l'instruction montrent qu'une part non négligeable des immatriculations de VP neufs de marque Renault dans ce département ne peut être rattachée aux ventes du réseau Renault. Compte tenu de la proximité du marché belge, il est probable que ces immatriculations résultent, au moins en partie, d'achats transfrontaliers.
Il peut être enfin remarqué que, selon les informations fournies, la moyenne des rabais consentis en 2001 par les concessionnaires Renault dans le département du Nord est quasiment identique à celle des rabais consentis par RFA Nord. [...] Ces derniers éléments constituent autant d'indices, d'une part, de la vivacité de la concurrence intermarque dans le département du Nord et, d'autre part, de la capacité des concessionnaires Renault à jouer un rôle actif dans le jeu de la concurrence sur ce marché local.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et notamment de la présence de concurrents réels et potentiels suffisamment nombreux et puissants, tout risque d'atteinte à la concurrence sur un marché local de la vente au détail de VP neufs aux particuliers dans le département du Nord peut donc être exclu.
Autres marchés concernés
Tout risque d'atteinte à la concurrence peut être exclu a fortiori sur les autres marchés du secteur de la distribution automobile, notamment sur les marchés de la vente de pièces de rechange ainsi que sur les marchés des services de réparation et d'entretien et sur les autres marchés de services précités car, soit les parties disposent de positions plus faibles encore que sur le marché de la vente de VP neufs, soit la concentration ne produit aucun ou quasiment aucun chevauchement d'activités.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que la concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
NOTE (S) :
(1) Cf. les opérations Gueudet/Degand et GGBA/SNAT, autorisées les 17 et 25 octobre 2002 (décisions en instance de publication au BOCCRF).
(2) Le réseau primaire Renault compte à ce jour plusieurs centaines de sites, organisés autour de 62 succursales et 342 concessions indépendantes, le réseau secondaire Renault comptant un peu plus de 5 500 agents, dont 124 revendeurs agréés (VAR).
(3) Cf. par exemple décision Ford/Volvo n° IV-M.1452 en date du 26 mars 1999.
(4) Règlement (CE) n° 1400-2002 du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.
(5) Règlement CE n° 1400-2002 précité.
(6) Dont la proportion s'élèverait à environ 8 % en moyenne en France selon une étude publiée par la Commission européenne.