CA Paris, 14e ch. A, 2 juillet 1997, n° 97-12438
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Fitt Spa (Sté)
Défendeur :
Discap (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Tric
Conseillers :
Mmes Grzybek, Charoy
Avoués :
Me Thévenier, SCP Roblin, Avocats : Mes Azema, Lecomte.
La société Fitt fabrique et commercialise des tuyaux d'arrosage selon le procédé NTS, " No Torsion System " alors que la société Discap, dont elle a été pendant un certain temps le fournisseur, vend un tuyau " Antinoeud ".
La cour statue sur l'appel formé par la société Fitt contre une ordonnance de référé rendue le 14 mars 1997 par le Président du Tribunal de commerce de Paris qui a :
- interdit à la société Fitt d'utiliser le vocable " antinoeuds " (sic) dans sa publicité sans respecter les exigences des articles L. 121-8 et L. 121-12 du Code de la consommation,
- dit que cette interdiction prendra fin deux mois après la signification de l'ordonnance à défaut de la saisine du juge du fond sur ce litige par la société Discap,
- condamné la société Fitt à payer à la Société Discap la somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Autorisée à assigner à jour fixe, la société Fitt demande l'infirmation de cette ordonnance, le rejet des prétentions de la Société Discap et sa condamnation à lui payer la somme de 20 000 F pour ses frais non compris dans les dépens.
Elle déclare que les publications, objets du présent litige, étaient parfaitement licites. Elle précise que sont exclues du champ d'application de la loi du 18 janvier 1992 les publicités comportant des comparaisons d'ordre général, sans identification du concurrent, que la société Discap n'est jamais nommée et que les documents litigieux ne sont pas critiquables, deux seulement contenant le terme antinoeuds, l'orthographe étant différente, et le terme étant utilisé non pour désigner la marque du concurrent mais un procédé de fabrication.
Elle ajoute que l'on ne peut dire qu'il s'agit d'une publicité déloyale et dépourvue de véracité dès lors que les tuyaux litigieux sont différents en raison de leur technologie, le sien étant antivrille, celui de la société Discap - ne vrillant pas " d'un seul côté " - étant antinoeuds.
Elle soutient que l'on ne peut lui reprocher et la sanctionner d'avoir manqué à une obligation d'information, faute de communication préalable, à un concurrent qui n'était pas identifié. Elle conteste tout acte de concurrence déloyale connexe.
La société Discap, intimée, réplique qu'elle était parfaitement identifiable, que la publicité n'est pas véridique n'est pas loyale et est de nature à induire en erreur le consommateur. Elle fait valoir qu'en application de l'article L. 121-12 du Code de la consommation, la société Fitt devait lui communiquer les publicités et elle lui reproche d'avoir commis des actes de concurrence déloyales connexes en diffusant auprès des distributeurs des actes de procédure (assignations en contrefaçon et dissolution de la société Discap), ce qui constitue un comportement fautif.
Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance et demande à la cour de :
- dire que la publicité comparative réalisée par voie d'articles de presse par la Société Fitt n'est pas conforme aux exigences des articles L. 121-8 et L. 121-12 du Code de la consommation,
- dire que la société Fitt a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile à l'encontre de la société Discap,
- ordonner la cessation de ces agissements fautifs en interdisant à la société Fitt d'utiliser le vocable Antinoeuds dans sa publicité sans respecter les exigences de la publicité comparative,
- condamner la société Fitt à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Discussion :
L'article L. 121-8 du Code de la consommation dispose : " la publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou de la dénomination sociale du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou de la dénomination sociale du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui, n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur ".
L'article L. 121-2 précise : " avant toute diffusion, il (l'annonceur) communique l'annonce comparative aux professionnels visés, dans un délai au mois égal à celui exigé, selon le type de support retenu, pour l'annulation d'un ordre de publicité ".
La Société Discap a assigné la société Fitt devant le juge des référés en se prévalant de la violation de ces deux articles. Elles ne visait pas le fondement juridique de sa demande mais n'arguait ni d'un trouble manifestement illicite ni d'un dommage imminent, ni, par conséquent, des dispositions de l'article 873, alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile. Il en est de même devant la cour.
Il s'ensuit qu'il ne peut être fait droit à ses demandes, en référé, qu'en l'absence de contestation sérieuse.
Sur la publicité :
L'appelante fait valoir que pour être sanctionnée la publicité doit remplir deux conditions :
- que les biens ou services du concurrent fassent l'objet d'une comparaison ou qu'ils soient identifiables,
- que le concurrent dont s'agit démontre que la publicité qu'il critique n'est pas loyale, et qu'elle est mensongère et de nature à induire en erreur le consommateur.
Les pièces litigieuses sont constituées par :
- deux articles parus dans Bricomag, rubrique " espace jardin-brèves ", Irrigazette rubrique " products " qui annoncent la certification par l'institut TUV du tuyau No Torsion System supprimant " les effets de torsion et noeud " , et un encart publicitaire dans Irrigazette qui précise " il ne se tord pas, il ne fait pas de noeud ", parutions, qui n'utilisent pas le terme antinoeud ",
- un dossier de presse,
- un article paru dans la Quincaillerie Moderne rubrique " actualités ".
Ces derniers mentionnent l'ancestral Sprial Tricot américain appelé aussi Antivrille ou Antinoeuds.
Mais la société Fitt fait valoir que le terme antinoeuds, d'ailleurs utilisé au pluriel, vise non la marque Antinoeud mais un procédé de fabrication.
Nulle part la Société Discap n'est nommément citée.
Il n'est donc pas établi de manière évidente, comme le prétend l'intimée, que les articles constituent des publicités comparatives " entre les articles NTS de la Société Fitt et d'autres articles similaires existant sur le marché, et plus particulièrement les tuyaux Antinoeuds, faisant nécessairement référence à la Société Discap ".
L'application de l'article L. 121-8 du Code de la consommation suppose, de surcroît, l'appréciation du caractère loyal et véridique de la publicité en cause et du fait qu'elle n'est pas nature à induire en erreur le consommateur.
Cet examen ne saurait incomber au juge des référés, juge de l'évident, qui n'a pas à rechercher la valeur des tests comparatifs réalisés et si les qualités des tuyaux sont réellement celles annoncées.
La demande de la société Discap tendant à faire apprécier la conformité des parutions aux exigences de l'article L. 121-8 précité ne peut relever que des pouvoirs du juge du fond.
Sur le défaut de communication :
Il découle de ce qui précède que l'obligation de la société Fitt de communiquer à la société Discap ses projets de parution n'est pas établie de manière sérieusement contestable.
Seul le juge du fond, éventuellement saisi, pourra rechercher si la société Fitt y a commis une faute engagent sa responsabilité.
L'ordonnance sera infirmée en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes :
Les actes de concurrence déloyale connexes ne sont pas établis de manière évidente. Il n'y a pas lieu à référé non plus de ce chef de demande.
Il sera alloué à la société Fitt une somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la solution du litige emportant le rejet de la demande formée de ce chef par l'intimée.
Décision :
Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, Infirme l'ordonnance, Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à référé, Condamne la société Discap à payer à la société Fitt la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Discap aux dépens et autorise Maître Thévenier, avoué, à en poursuivre directement le recouvrement conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.