CA Paris, 15e ch. B, 7 décembre 1989, n° 88-14456
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Robert and Partners (SA)
Défendeur :
Joker (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grimaldi
Conseillers :
M. Gourlet, Mme Favre
Avoués :
SCP Fisselier Chiloux Boulay, Me Bettinger
Avocats :
Mes Volnay, Percerou.
Les faits et la procédure :
La société de conseils en publicité Robert and Partners a co-signé pour accord la lettre que la société Joker lui a adressée le 8 décembre 1983 et qui définit pour 1984 une collaboration entre les deux sociétés.
Il suffit ici de rappeler que l'accord prévoyait, " dans le cadre de cette collaboration " :
- un apport de la création publicitaire " tous droits compris ",
- une rémunération globale du publicitaire (360 000 F) et une commission de 8 % sur le supplément de budget " si le budget TV " pouvait être augmenté jusqu'à 6 000 000 F ",
- le paiement des factures à " 60 jours fin de mois le 10 du mois " ;
- un renouvellement par tacite reconduction, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec un préavis de trois mois.
Le contrat a été reconduit pour les années 1985 et 1986 sans autre incident que des discussions serrées au sujet des honoraires de 1986.
Des divergences sur le même sujet ont amené Joker à écrire le 16 septembre 1986 : " Pour le moment, n'ayant pas d'accord définitif sur les perspectives 1987, nous dénonçons le contrat à fin décembre 1986 puisque la dénonciation du contrat demande trois mois de préavis ".
Les relations n'ont pas été rompues et l'année 1987 a été principalement consacrée à la production du film publicitaire " Le Fruit Nu ".
Le 24 septembre 1987, Joker a fait savoir à son partenaire qu'il ne reconduisait pas leur collaboration pour l'année 1988.
Néanmoins, les négociations se sont poursuivies par lettre et télex, Robert and Partners émettant dans un courrier du 21 mars 1988 l'avertissement suivant :
" ... afin d'éviter toute équivoque, nous croyons devoir vous rappeler que la cession de nos droits d'auteur permettant seule la représentation de l'œuvre est liée à la condition du maintien de nos relations contractuelles ".
Le publicitaire s'est finalement délié de tout engagement le 12 avril 1988 et a demandé le paiement de ses frais et honoraires jusqu'à fin mars 1988.
Il a dans le même temps informé la revue LSA et les régies publicitaires des chaînes de télévision TF1, Antenne 2 et FR3 qu'il annulait tous les engagements pris pour le compte de Joker et que cette société ne disposait pas du droit d'utiliser ses créations ; le 28 avril 1988, il a précisé aux chaînes qu'il ne pouvait plus être considéré comme ducroire de Joker.
Le Tribunal de commerce de Paris a été saisi du litige opposant les parties tant sur les droits de représentation du film que sur les comptes ; par jugement du 15 juin 1988 assorti de l'exécution provisoire, la juridiction consulaire a retenu que, " dans le cadre contractuel de la lettre du 8 décembre 1983, .... Joker a bien tous les droits sur les créations publicitaires élaborées dans le cadre de leur collaboration jusqu'au 31 décembre 1987 et qu'en conséquence Robert and Partners ne dispose d'aucun droit propre sur ces créations qui soit opposable à quiconque ".
Le tribunal a enjoint à la société Robert and Partners d'écrire à TF1, A2, Espace 3 et LSA pour les informer qu'elle n'est pas en droit de s'opposer à la diffusion du film " Le Fruit Nu " et l'a condamnée à payer 30 000 F à Joker au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; les parties ont été déboutées de leurs autres demandes et acte a été donné à Joker de son engagement de payer 150 000 F HT au titre des honoraires du premier trimestre de 1988.
La société Robert and Partners, qui a obéi à l'injonction, a relevé appel de cette décision et en poursuit l'infirmation.
Les prétentions et les moyens des parties :
A. La société Robert and Partners a soutenu, dans ses premières conclusions :
a) sur les droits d'auteur :
- que le contrat a été rompu par Joker le 31 décembre 1986 et que les relations contractuelles qui lui ont succédé en sont distinctes et indépendantes ; que ces relations, non concrétisées par un écrit, impliquent une novation ; que le tribunal a déduit à tort de la rupture de 1988 que celle de 1986 était sans effet ;
- que, faute d'un accord écrit, il y a lieu d'appliquer les règles d'ordre public posées par la loi du 11 mars 1957 selon lesquelles la cession des droits ne se présume pas ;
- que l'agence en reste titulaire conformément aux principes généraux et aux usages professionnels ;
- que Joker l'a d'ailleurs explicitement admis en exigeant, pour la poursuite des relations en 1988, la cession " automatique " des droits de l'agence.
Elle prie en conséquence la cour de constater que les droits patrimoniaux attachés au film produit par elle dans le cadre de la campagne publicitaire n'ont jamais été cédés à Joker et restent sa propriété.
b) sur ses autres demandes :
- que la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages-intérêts de Joker et lui a donné acte de son engagement de payer 150 000 F HT au titre des commissions du premier trimestre 1988 ;
- que Joker doit en outre lui payer :
1. des honoraires complémentaires pour l'année 1986 à raison de 8 % de la différence entre le montant net des achats d'espaces (6 670 000 F et le seuil contractuel (6 000 000) soit 553 600 F (chiffre ramené à 53 600 F dans ses écritures du 23 juin 1989),
2. une commission d'achat d'espaces de 1,5 % acquittée pour le compte et dans l'intérêt de Joker auprès de sa centrale d'achats Mediactif, soit 42 047,25 F,
3. des intérêts moratoires d'un montant de 14 073,16 F exigés le 10 juin 1988 par Antenne 2 au titre du recouvrement tardif de factures d'achat d'espaces, alors que le délai de paiement de 60 jours n'était pas retenu pour 1987, de sorte que le délai de 40 jours fixé par les chaînes aurait dû être respecté par Joker,
4. des frais techniques, soit :
- 2 048,22 et 9 606,60 F engagés en mars 1987,
- 11 267 F engagés en mars 1988 pour affichages et prises de vue,
- 42 047,25 F, pour une réservation d'espace facturée à prix coûtant le 12 avril 1988.
La société appelante sollicite également la condamnation de Joker à lui verser :
- 1 000 000 de F à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon, les créations de l'agence ayant été diffusées sans autorisation ni rémunération et continuant de l'être, étant en outre ordonnée sous astreinte définitive de 50 000 F par infraction la cessation de l'utilisation des films et/ou création dérivées (affiches, placards, autres reproductions) de la campagne ;
- 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
B. - La société Joker a répondu :
a) sur les droits d'exploitation : que la décision entreprise doit être confirmée ; qu'en effet :
- la novation ne se présume pas et n'est pas démontrée ;
- la décision de rupture prise en 1986 n'a pas été appliquée et a été rendue caduque par l'accord intervenu sur les honoraires de 1987, les parties n'ayant jamais explicitement ou implicitement exprimé l'idée que cet accord emportait la suppression des autres dispositions du contrat d'origine et ayant de surcroît démontré le contraire par leur comportement et leurs écrits jusqu'à la rupture ;
- à supposer une absence de convention écrite, il conviendrait de se référer aux usages constatés dans le contrat-type entre annonceurs et agents de publicité du 19 septembre 1961, dont l'article 4 prévoit la cession automatique à l'annonceur des droits sur les créations de l'agence ; une jurisprudence récente vient de confirmer que cette clause du contrat-type n'est pas assimilable à une cession globale des droits et doit recevoir application ;
b) sur les autres demandes de l'appelante :
1. que la commission supplémentaire de 8 % n'était prévue que pour la première année de collaboration et que la nouvelle rémunération a été stipulée le 3 septembre 1986 " à titre forfaitaire et définitif " ;
2. que la commission d'achat d'espaces de 1,5 % n'est pas due dès lors qu'elle n'a jamais été acceptée et que les relations contractuelles ont été rompues précisément parce que le publicitaire voulait l'imposer ;
3. que les intérêts moratoires prétendument payés à Antenne 2 ne relèvent pas de l'application du contrat d'origine, lequel prévoit des délais de paiement de 60 jours qui ont toujours été respectés ;
4. qu'au titre des frais techniques :
- Joker reconnaît la dette portant sur les sommes 2 048,22 et de 9 606,60 F et l'a réglée le 5 avril 1989 ;
- mais conteste les autres factures : le publicitaire n'apporte pas la preuve que les devis ont été acceptés et les prestations accomplies, étant observé que la facture de 42 047,25 F correspond exactement à la commission d'achat de 1,5 % déjà réclamée ;
- qu'enfin, puisqu'il n'y a pas eu contrefaçon, la demande présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée ;
c) sur ses propres demandes :
- qu'elle présente une demande reconventionnelle en paiement de 46 950 F, montant de ristournes dites " primes annonceurs " que TF1 a accordées aux annonceurs pour l'année 1987 et que l'agence a été vainement mise en demeure de rembourser par télex du 6 mai 1988 ;
- qu'elle sollicite la condamnation de l'agence à lui payer 100 000 F en réparation du préjudice né de la perte de son crédit auprès des chaînes de télévision et des multiples démarches occasionnées par sa conduite intempestive, ainsi que 50 000 F en dégrèvement de ses frais irrépétibles.
Elle précise enfin que la somme de 150 000 F, montant des honoraires de 1988, a été réglée.
C. - La société appelante a notamment répliqué :
- que la qualification de novation importe peu dès lors qu'il y a eu succession de contrats ; qu'elle n'a jamais entendu céder ses droits d'auteur sur le film " Le Fruit Nu ", aucune des précisions exigées par l'article 31 alinéa 3 de la loi du 11 mars 1957 n'ayant figuré sur un écrit ; que, si l'ont peut admettre que la jouissance des droits a été temporairement concédée, rien ne permet de retenir que la cession a été définitive ;
- que le contrat-type de 1961 n'a valeur d'usage qu'en ce qui concerne la durée du préavis mais ne suffit pas à déterminer le contenu exact de l'accord des parties, la jurisprudence invoquée n'ayant pas la portée que lui prête Joker ; que d'ailleurs le contrat-type n'envisage la cession automatique que du seul droit de reproduction, non du droit de représentation.
Elle maintient ses prétentions en indiquant toutefois que sa facture du 12 avril 1988 correspond bien à la commission d'achat de 1,5 % qui n'est plus demandée qu'à ce titre.
Elle s'oppose aux demandes de Joker en faisant valoir que la preuve d'un prétendu préjudice n'est pas rapportée et que la prétention relative au remboursement de ristournes, mal qualifiée de reconventionnelle, est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.
La société intimée a donné son interprétation du contrat-type et, s'agissant du remboursement des ristournes, se prévaut de la révélation d'un fait après jugement, à savoir le paiement effectif par TF1 à l'agence d'une prime de 51 978 F, chiffre auquel elle élève sa demande ; elle fait également observer que cette demande à la même fin que sa demande originelle en réparation du préjudice causé par l'ensemble des fautes contractuelles du publicitaire.
Il est renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties pour une plus ample relation des données du litige.
Cela exposé, LA COUR,
I. - Sur les relations contractuelles :
Considérant que l'accord conclu le 8 décembre 1983 a été renouvelé en 1985 et en 1986 sans autre modification qu'une réévaluation des honoraires du publicitaire ;
Que certes, pour l'année 1986, celui-ci a protesté de l'insuffisance de la rémunération qu'il entendait voir fixée à 550 000 F mais qu'il s'est néanmoins incliné devant la décision de Joker de lui accorder 500 000 F " à titre forfaitaire et définitif " ;
Que les mêmes problèmes se sont posés pour l'année 1987 et que Joker a adressé à son partenaire un courrier le 16 septembre 1986 dont il convient de rappeler tous les termes ;
" Pour le moment, n'ayant pas d'accord définitif sur les perspectives 1987, nous dénonçons le contrat à fin décembre 1986 puisque la dénonciation du contrat demande trois mois de préavis,
Par contre, comme les discussions sont en cours pour une nouvelle création 1987, nous vous informons que nous n'engageons aucun pourparlers avec d'autres agences de publicité tant que nous n'aurons pas statué sur vos projets 87 " ;
Que Joker ajoutait le 6 novembre 1986 : " Comme nous en sommes convenus, si le contrat qui nous régit à l'heure actuelle n'était pas renouvelé pour 1987, nous vous considérons comme centrale d'achat d'espace ... " ;
Considérant que les formules employées par Joker " pour le moment ", " comme les discussions sont en cours pour une nouvelle création 1987 ", " si le contrat n'était pas renouvelé " - indiquent suffisamment que les négociations se poursuivaient sur la rémunération et qu'en se référant à la clause de préavis de trois mois, Joker entendait seulement se prémunir contre l'éventuel reproche de n'avoir pas respecté les modalités contractuelles concernant la rupture ;
Que l'envoi de cette lettre n'a, en effet, aucunement interrompu les relations, lesquelles se sont en 1987 poursuivies comme auparavant ainsi qu'il ressort des onze comptes-rendus des réunions mixtes qui se sont tenues dans le courant de l'année ;
Que rien ne permet donc à Robert and Partners d'avancer que les parties se sont trouvées en 1987 dans un autre rapport que le rapport initial ; qu'au contraire, Joker ayant informé son partenaire le 24 septembre 1987 qu'il ne reconduirait pas leur collaboration pour l'année suivante en se référant à " nos accords " et en donnant un préavis de trois mois, le compte-rendu de la réunion du 27 octobre 1987 indique : " il est convenu de poursuivre normalement la collaboration jusqu'à fin 87 " ;
Que ce n'est que le 11 janvier 1988 que l'agence a proposé pour l'année en cours de définir une nouvelle collaboration, d'étendre son domaine, de fixer la rémunération annuelle à 650 000 F, de répercuter sur l'annonceur les commissions versées aux centrales d'achat d'espaces (en l'occurrence Mediatif) et de renégocier pour les années suivantes ;
Que le refus de ces propositions a conduit l'agence à accepter la rupture à la date du 31 décembre 1987, à demander le règlement de ses prestations du début de 1988, à " rappeler " que la cession des droits d'auteur était liée au maintien des relations contractuelles et à annuler les engagements pris pour le compte de Joker auprès des régies publicitaires des chaînes de télévision (l'annulation adressée à la revue LSA étant rapportée quelques jours plus tard), ce comportement provoquant la naissance du litige ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que le contrat du 8 décembre 1983 a régi les relations contractuelles jusqu'au 31 décembre 1987, comme l'ont justement apprécié les premiers juges ;
II. - Sur la cession des droits d'exploitation :
Considérant que le conflit sur les droits patrimoniaux de l'auteur ne concerne que le film " Le Fruit Nu " qui a été élaboré dans le courant de l'année 1987 pour une diffusion télévisuelle à partir de juin 1988 ;
Considérant que l'accord du 8 décembre 1983 prévoit que l'agence, " dans ce cadre " de sa collaboration avec Joker, apporte en particulier son concours par la " création publicitaire tous droits compris ", étant précisé que " les droits d'auteur à payer à des tierces personnes seront mentionnés dans les devis de réalisation que remettra l'Agence " ;
Considérant que la réalité d'une convention de cession résulte des termes exprès de l'accord ;que leur laconisme impose seulement de rechercher quelle est la portée de cet accord ;
Que les prescription de l'article 31 de la loi du 11 mars 1957 intéressent la preuve et non la validité de la cession et que, s'agissant de relations entre commerçants, cette preuve est libre ;
Considérant que la cession " tous droits compris " d'une œuvre essentiellement destinée à la télévision comprend nécessairement le droit de représentation, toute interprétation contraire vidant la clause de sa substance et n'étant d'ailleurs pas proposée par la société appelante ;
Que l'expression " dans le cadre de cette collaboration " se rapporte à la création de l'œuvre et non à l'exercice des droits cédés ;que cette interprétation résulte non seulement du texte lui-même mais aussi de l'attitude des parties ; qu'en effet, lors de l'élaboration de l'accord, l'agence avait proposé la formule suivante dans un télex du 30 novembre 1983 : " les droits d'utilisation des films étant liés à l'existence d'un contrat " ; que cette formule a été écartée par Joker dans son offre du 8 décembre 1983 et n'a pas été réintroduite par le publicitaire qui a donné son acceptation sans réserve ;
Que la première et seule réserve n'est intervenue qu'au moment où la rupture lui est apparue inévitable ;
Alors que le devis présenté par l'agence le 25 février 1987 ne comporte aucune référence à des droits dont elle aurait pu prétendre bénéficier et que, si le devis porte la mention " hors royalties ", il suffit de se reporter à la facture du 18 juin 1987 pour constater que ces royalties n'intéressent que les droits dérivés ;
Et que ce n'est qu'en réponse à l'offre faite par Robert and Partners le 11 janvier 1988 de conclure un nouveau contrat que Joker a proposé : " l'agence devra nous céder les droits de propriété littéraire et artistique acquis lors de l'élaboration pour notre compte de travaux de création publicitaire ... ", sans que la société appelante puisse tirer avantage d'une telle demande faite dans la perspective de relations nouvelles et ne concernant ni le passé ni le présent ;
Considérant, en conséquence de ce qui précède, que la société Joker doit être regardée comme étant devenue la propriétaire des droits d'exploitation de l'œuvre de commande cédés sans restriction par Robert and Partners(œuvre dont on peut d'ailleurs se demander, certes à titre surabondant, s'il ne s'agit pas d'une œuvre de collaboration, le choix de l'actrice, de la musique, du metteur en scène, du scénario et du découpage ayant été effectué par Joker sur propositions de Robert and Partners et les partenaires ayant procédé ensemble à maints remaniements) ;
Que la société appelante sera déboutée de ses demandes en réparation et injonction fondées sur une prétendue contrefaçon, la décision des premiers juges relative aux points qui viennent d'être examinés étant confirmée ;
III. - Sur les autres demandes :
Considérant que les honoraires dus à Robert and Partners pour le premier trimestre de l'année 1988, soit 150 000 F hors taxes, ont été acceptés et payés par Joker le 27 juin 1988 toutes taxes comprises ; que la société appelante est sans intérêt à demander la confirmation d'un donné acte ;
Considérant, sur les demandes de Robert and Partners :
1) qu'une commission de 8 % sur la fraction du budget télévisuel dépassant 6 000 000 de F a été prévue par l'accord du 8 décembre 1983 ; qu'il vient d'être dit que cet accord avait poursuivi ses effets jusqu'au 31 décembre 1987 ; que Joker ne peut, pour refuser de payer cette commission au titre de l'année 1986, se retrancher derrière les termes de son courrier du 3 septembre 1986 par lequel il a accepté de porter la rémunération à 500 000 F en indiquant : " cette somme s'entend à titre forfaitaire et définitif " ; qu'en effet, seule la rémunération globale était alors en jeu sans que le sort de la commission complémentaire ait été abordé ; que Joker, qui ne conteste pas le montant de la réclamation, sera condamné à payer la somme de 53 600 F ;
2) que les dispositions contractuelles ne rendent pas Joker débitrice de la commission d'achat d'espaces versée par l'agence à sa centrale d'achats et que cette commission doit rester à la charge de l'agence ;
3) que l'exigence d'Antenne 2, dans ses relations avec l'agence, d'un paiement à 40 jours n'est pas opposable à Joker qui ne doit pas les intérêts moratoires versés à cette chaîne ;
4) qu'il est justifié par Joker du paiement des factures de 2 048,22 et 9 606,60 F ; qu'il est admis que la facture de 42 047,25 F correspond à la commission d'achat d'espaces qui n'est pas due par Joker ; qu'une dernière facture de 11 267 F est contestée et que la société appelante n'apporte pas la preuve que les prestations inscrites dans cette facture ont bien été accomplies pour le compte de Joker ; qu'elle sera déboutée de l'ensemble de ses demandes relatives à des frais techniques ;
Considérant que Joker a formée une demande en restitution d'une ristourne de fin d'année accordée aux annonceurs par TF1 et versée au publicitaire ; que, sans qu'il soit utile d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties sur la recevabilité de cette demande, il suffit de rappeler que les demandes reconventionnelles et additionnelles sont autorisées en appel pourvu qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, Joker a riposté par sa demande aux prétentions de l'appelant ayant pour objet d'apurer le contentieux financier existant entre les parties ; qu'une telle demande est recevable ; qu'elle est bien fondée, l'appelante ne contestant pas avoir perçu sous forme d'avoir la somme de 51 978 F hors taxes destinée à Joker ; que Robert and Partners sera condamnée à restituer cette somme ;
Considérant que la société Joker n'établit pas la preuve d'un préjudice résultant de la perte d'une partie de son crédit commercial ou moral auprès des sociétés de télévision ; que, toutefois, le comportement de Robert and Partners l'a obligée à entreprendre des démarches inattendues qui ont perturbé son activité professionnelle ; qu'elle a droit à une réparation que la cour fixe, à raison des éléments d'appréciation dont elle dispose, à la somme de 20 000 F ;
Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société Joker une somme de 10 000 F en complément de celle accordée par les premiers juges au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'allouer au même titre une quelconque somme à la société appelante qui succombe sur l'essentiel de ses demandes ; que les dépens seront mis à sa charge ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Joker avait acquis l'intégralité des droits d'exploitation liés aux créations publicitaires réalisées par la société Robert and Partners en application du contrat conclu entre ces sociétés ; Le confirme également en ce qu'il a débouté la société Robert and Partners du surplus de ses demandes reconventionnelles, sauf toutefois en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement d'une commission complémentaire ; L'infirme en ce qu'il a débouté la société Joker de sa demande de dommages-intérêts ; Statuant à nouveau sur ces deux points, condamne : - la société Joker à payer à la société Robert and Partners la somme de cinquante trois mille (53 000) francs au titre d'une commission complémentaire, - la société Robert and Partners à payer à la société Joker la somme de vingt mille (20 000) francs à titre de dommages-intérêts ; Y ajoutant : Reçoit la société Joker en sa demande de restitution d'une ristourne versée par TF1 à la société Robert and Partners, Condamne cette société à payer à la société Joker les sommes de : - cinquante et un mille neuf cent soixante dix-huit (51 978) francs au titre de cette restitution, - dix mille (10 000) francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, cette somme s'ajoutant à celle allouée au même titre par les premiers juges ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Met les dépens de l'instance d'appel à la charge de la société appelante ; admet maître Bettinger, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.