CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 22 octobre 1998, n° 7241-96
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Génération Média (SA)
Défendeur :
Publicitas (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Assié
Conseillers :
Mme Laporte, M. Maron
Avoués :
SCP Lissarague-Dupuis & Associés, SCP Keime, Guttin
Avocats :
Mes Nahmias, Kalck.
Faits et procédure :
Le 23 novembre 1995, la société Génération Média a confirmé la commande à la société Publicitas, vendeur d'espace publicitaire, plusieurs ordres d'insertion dans le journal allemand Frankurter Allgemeine Zeitung (FAZ).
Après parution des insertions, la société Publicitas a adressé deux factures respectivement de 13 080,70 F et 13 035,44 F à la société Génération Média. Cette dernière a fait valoir une erreur de destination et s'est estimée non débitrice de ces factures car agissant en qualité de sous-mandataire de la société Semec, société d'économie mixte pour les événements Cunnois.
Dans ces circonstances, la société Publicitas a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre afin de voir condamner la société Génération Média à lui payer le montant des factures.
Par l'ordonnance déférée en date du 28 mai 1996, ce magistrat a condamné la société Génération Média à payer à la société Publicitas la somme provisionnelle de 26 116,14 F, outre les intérêts légaux et 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Génération Média a relevé appel de cette décision et fait grief au premier juge d'avoir statué ainsi alors qu'elle avait agi en qualité de sous-mandataire de la société Semec et mandataire de Vega, mandataire habituel auprès du support de presse de la société Semec. Elle invoque à ce titre les dispositions de la loi du 29 janvier 1993 et spécialement son article 20 qui impose au vendeur d'espace publicitaire de libeller sa facture au seul nom de l'annonceur et en aucun cas à celui de l'intermédiaire mandaté par l'annonceur.
Elle relève, en outre, que Vega, mandataire principal, a adressé à la société Publicitas des traites pour le paiement des montants dus et que cette dernière les a refusés.
Malgré l'exécution de l'ordonnance, elle continue d'ailleurs d'adresser à la société Génération Média des lettres de rappel. Il convient, en conséquence, d'infirmer la décision et d'ordonner le remboursement des sommes versées, sous astreinte de 500 F par jour à compter de la notification, outre l'allocation d'une somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Publicitas oppose qu'étant étrangère auxdits mandats, ceux-ci lui sont inopposables. Par ailleurs, elle relève que la société Génération Média ne saurait se soustraire à son obligation de payer en invoquant la loi du 29 janvier 1993 alors que celle-ci exclut son application pour les rapports entre intermédiaires publicitaires dès lors que le message publicitaire était destiné à un support étranger (article 27).
Il échet dès lors de confirmer et condamner l'appelante à payer 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
En réplique, l'appelante estime que la société Publicitas ne pouvait ignorer la chaîne de mandats qui apparaît clairement sur l'ordre de publicité précisant que l'annonceur est la société Semec.
Concernant les dispositions de la loi du 29 janvier 1993, l'appelante relève qu'elles ont vocation à éviter la délocalisation vers l'étranger des intermédiaires de publicité définis à l'article 20. L'article 27 n'a pas à être appliqué lorsque ces intermédiaires sont situés en France. Cette disposition impose deux conditions cumulatives pour voir appliquer la loi à l'intermédiaire localisé à l'étranger, à savoir que l'annonceur doit être français et que le message doit être principalement reçu sur le territoire français. La loi trouve donc application en l'espèce.
Subsidiairement, la concluante relève que les stipulations contractuelles entre la société Génération Média et la société Publicitas interdisaient que la facturation fût directement établie à l'attention de la société Génération Média.
Enfin, elle estime qu'il existe une contestation sérieuse et que la société Publicitas doit être renvoyée à mieux se pourvoir au fond.
Sur ce, LA COUR,
Attendu, en ce qui concerne l'applicabilité en la cause des dispositions de la loi du 29 janvier 1993, que ce texte prévoit en son article 27, que les dispositions du chapitre II de son titre II " s'appliquent quel que soit le lieu d'établissement de l'intermédiaire, dès lors que le message publicitaire est réalisé au bénéfice d'une entreprise française et qu'il est principalement reçu sur le territoire français " ;
Attendu qu'il résulte sans ambiguïté de cet article que lorsque le message publicitaire est, comme en l'espèce, diffusé sur un journal allemand, écrit en langue allemande, principalement reçu sur le territoire allemand, les dispositions invoquées par la société Génération Média, de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993, ne sont pas applicables ;
Attendu cependant, qu'en l'espèce l'ordre de publicité adressé par la société Génération Média à la société Publicitas précise que l'annonceur est la société Semec et mentionne : " règlement : effectué directement par Véga - Double de la facture à adresser à la société Génération Média " ;
Attendu que, nonobstant le fait que la commande ait été passée par la société Génération Média, l'existence de cette clause qui mentionne clairement que le paiement de la commande sera effectué par un tiers constitue une contestation sérieuse qui fait obstacle à la demande de provision de la société Publicitas ; que la décision du premier juge doit dès lors être infirmée ;
Attendu que l'équité conduit à la condamnation de la société Publicitas à payer à la société Génération Média la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Déboute la SA Publicitas de sa demande de provision, La condamne à payer à la SA Génération Média la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens, Admet la SCP Lissarague Dupuis & Associés au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.